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Recherches Lacan

LII LE MOI DANS LA THÉORIE DE FREUD ET DANS LA TECHNIQUE DE LA PSYCHANALYSE 1954-1955 Leçon du 9 Février 1955

Leçon du 9 Février 1955

C’est une loi fondamentale : apposer à toute saine critique… pour critiquer une œuvre, donc la comprendre… lui appliquer les principes mêmes qu’elle donne elle–même explicitement à sa construction, sa facture.  Par exemple tâcher de comprendre SPINOZA en prenant dans SPINOZA les lignes mêmes de la pensée que lui-même applique comme les plus valables pour la conduite de la pensée, pour la réforme de l’entendement, une nouvelle appréhension du monde.  C’est fécond, quand on fait cela et on ne sort pas des principes mêmes posés par l’au­teur comme étant les principes valables, efficaces.  Je dis ceci pour faire com­prendre que c’est une loi tout à fait générale.  Un autre exemple, MAÏMONIDE, c’est un personnage qui nous donne aussi certaines clefs sur le monde, à l’inté­rieur de son œuvre, il y a des avertissements très exprès sur la façon dont on doit conduire sa recherche.  Si on les applique à l’œuvre de MAÏMONIDE même, ça nous mène quelque part, ça nous permet de comprendre ce qu’il a voulu dire. C’est donc une loi d’application tout à fait générale et qui nous pousse à lire FREUD en cherchant à comprendre, à lire avec soin sa pensée, à repérer sa pen­sée explicite, explicitée, à appliquer ses règles mêmes de la compréhension et de l’entendement, explicitées dans cette œuvre, à les appliquer à l’œuvre elle–même, c’est–à–dire à comprendre ce qui a conduit sa pensée. Je tiens à mettre cela, à le rappeler, en introduction, inauguration, reprise de notre discours aujourd’hui parce que, par exemple, quand vous avez vu passer il y a trois séminaires certaine indication que j’ai commencé de vous donner sur la compréhension qu’on peut avoir de l’Au–delà du principe du plaisir, de cet X que nous appelons selon les cas, automatisme de répétition, principe de nirvana ou instinct de mort pur et simple, vous m’avez entendu, par exemple, parler de l’entropie à certains moments de mon discours.  Ce n’est pas arbitraire.  FREUD lui–même indique que ça doit être quelque chose dans ce sens–là.  Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas de le prendre au pied de la lettre.  Ce serait parfaitement ridicule.  C’est un ridicule d’ailleurs dont les analystes, et les meilleurs, ne se sont point privés.  Comme il s’agissait de donner un sens à cet instinct de mort, on a vu un analyste de qualité, BERNFELD, qui a retrouvé le sou­venir d’enfance de FREUD sous le voile d’anonymat sous lequel il l’avait com­muniqué sous le titre d’un souvenir–écran… il nous a présenté tout cela d’une façon tout à fait camouflée, en l’attribuant à un patient…mais le texte même a permis à BERNFELD… non pas par recoupement biographique, car la vie de FREUD reste très voilée…par la structure de ce texte, de montrer que ça ne pouvait pas être un vrai dialogue avec un vrai patient, que le rapport même que FREUD en faisait indiquait qu’il s’agissait d’une transposition et que ça ne pou­vait venir que d’une chose empruntée à la vie de FREUD.  Il l’a rapproché de deux ou trois rêves de la Science des rêves.  Ceux qui ont assisté à mon commentaire sur L’homme aux rats connaissent ce passage, et d’ailleurs il est bien connu maintenant.  Son exactitude est incontestable. BERNFELD en 1931[1]…donc quelques dizaines d’années après la parution du texte essentiel que nous sommes en train de commenter…donne avec FEITELBERG le rapport de je ne sais quoi, qui n’a de nom en aucune langue et qui est une recherche… quand les psychanalystes se mettent à faire de l’expérience, c’est quelque chose qui n’est pas mal, je vous assure… ils ont été chercher là les paradoxes intra–organiques de cette entropie… je veux dire la pulsation paradoxale de l’entropie…à l’intérieur d’un être vivant, ou plus exac­tement au niveau du système nerveux de l’homme.   Comme dans l’entropie, il s’agit de dégradation de l’énergie, de chute de température, qualité potentielle thermique que donne le rapport d’expérience : en comparant la température cérébrale et la température rectale, il prétendait saisir là les témoignages des variations paradoxales, c’est–à–dire non conformes avec le principe de l’entro­pie tel qu’il doit fonctionner en physique, tel qu’on peut s’y attendre dans un système inanimé.  Pour qu’on puisse tenir compte de ce qu’un physicien peut apporter au point de vue isolation du système, et comparer gravement ce qui se passe dans le rapport entre la température du cerveau et la température soi–disant du corps… je passe toutes les réserves qu’on peut faire sur cette façon de la mesurer…dans les diverses phases tant de la vie que de la mort, c’est–à–dire ce qui se passe aussi, immédiatement après le passage de l’être vivant à l’état cadavérique. C’est quelque chose de très curieux à lire, ne serait–ce qu’à titre de démonstration des aberrations où peut nous mener la prise au pied de la lettre d’une métaphore théorique, d’une interrogation qui se porte bien plus sur des structures symboliques à proprement parler, des catégories en tant qu’elles ont été introduites nécessairement en physique, voire si nous trouvons nécessaire­ment une catégorie analogique dans le maniement de cet ordre de relations qu’on ne peut pas qualifier de psychologique purement et simplement, mais d’état psychologique  comme il l’a dit, c’est–à–dire l’appréhension du comporte­ment humain, non seulement dans sa signification, en introduisant la dimension de la [psyché ?] en tant que telle, mais dans sa signification en tant qu’elle se réa­lise dans un acte original de communication qui est la situation analytique. Il faut que toutes ces dimensions soient conservées pour que les propos que FREUD peut être amené à tenir dans la constatation qu’il fait par exemple de la reproduction, d’une certaine modulation temporelle, d’une certaine significa­tion dans le comportement du sujet : out, en dehors du traitement, et in, dans le traitement analytique.  Cet ordre de question est posé essentiellement à FREUD, vous l’avez vu par ce fait de la reproduction de la vie en tant qu’elle est quelque chose.  Si nous oublions un seul instant que cela suppose toutes les dimensions que je viens de dire, à savoir pas seulement l’être vivant objectivable sur le plan psychique, mais la dimension de la signification reconnue comme telle de son comportement, et en plus cette signification entrant en jeu, en action, dans une relation particulière qui est la relation analytique qui ne peut se supposer et se comprendre que comme une communication de quelque nature qu’elle soit. Donc, c’est à l’intérieur de cela qu’il faut comprendre la question que va se poser FREUD.  Il est amené à se servir comme d’une analogie, d’une comparaison de l’entropie à propos de son instinct de mort.  La prendre à la lettre et la tra­duire dans les termes qui sont tout à fait précis qu’ils ont dans son usage en phy­sique suppose quelque chose.  Par exemple essentiellement le rapport se traduit par une formule et un quotient entre : une quantité calorique déterminée par ce qui peut se déplacer à l’intérieur d’une certaine chute de potentiel calorique, dans des conditions déterminées, ceci étant divisé par la température elle–même,…rapport au niveau duquel se passe le phénomène qui, du seul fait du maniement de cette formule, montrera en effet que ce résultat, ce quotient,
ne peut…au cours de l’évolution irréversible d’un système, dans un certain sens…qu’aller lui-même en augmentant, par exemple, c’est ce qu’on dit, augmentation constante de l’en­tropie.  Ceci résulte de certaines définitions tout à fait précises et qu’il est impos­sible de sortir de leur formulation mathématique sans déjà complètement n’être même plus dans la métaphore mais dans l’absurdité. Par conséquent, toute espèce d’usage direct, de rapprochement…on ne peut même pas dire forcé …relève purement et simplement de l’ordre du contresens, aussi absurde que les opérations imaginaires et célèbres de la métaphore de BOREL des singes dactylographes.    C’est quelque chose…bien entendu le premier pas que nous ayons à faire ici…qui est de salubrité publique, de tout de même le dénoncer chaque fois que nous en rencontrons l’existence.  Cette opération de singes dac­tylographes, nous n’aurons que trop souvent à la repérer dans le contresens per­manent qui, à l’intérieur de l’analyse, existe sur tellement de notions, celle–là plus que toute autre. Ce que nous cherchons, c’est à savoir dans le progrès de la pensée de FREUD, dans ces quatre étapes que je vous ai dites : depuis le manuscrit inédit dont nous sommes en train d’achever le commentaire [ l’ Entwurf, l’ Esquisse ], et ensuite au niveau de la Science des rêves, et ensuite au moment de la constitution de la théorie du narcissisme, et enfin : Au–delà du principe du plaisir, …qu’est–ce que veut dire ce que nous trou­vons :…ce qui nous intéresse…la suite de difficultés, de contradictions, d’antino­mies, d’impasses où la pensée de FREUD est conduite, à chacune de ses étapes ? Qu’est–ce que ceci, par son existence même, et aussi son mouvement, son pro­grès, cette sorte de dialectique négative impliquée dans la persistance de certai­nes antinomies, leur maintien, leur durée, sous des formes transformées ? Car à travers ces quatre étapes vous voyez les difficultés, les impasses, les antinomies se reproduire dans une disposition à chaque fois transformée. C’est ce que nous allons suivre et qui par soi–même, peut nous donner une indication nouvelle, voir surgir l’autonomie, l’ordre propre de ce à quoi FREUD s’affronte de ce qu’il a à formaliser.  Cet effort de formalisation même…dans son progrès, dans son relatif échec…nous désigne, nous dénonce à la fois : l’ordre qui est visé, l’ordre qui est en quelque sorte isolé, et le progrès, les pas faits dans la définition de cet ordre à mesure du progrès de la théorie et de la technique ana­lytiques. Cet ordre…vous le savez déjà en gros, vous ne pouvez pas ne pas savoir de quoi je parle après un an et demi de séminaire ici…c’est l’ordre symbolique dans ses structures propres, dans son dynamisme autonome, dans le mode particulier sous lequel il intervient pour imposer sa cohérence, son dynamisme propre, son éco­nomie autonome à l’être humain dans son vécu.  C’est–à–dire quelque chose qui est justement ce par quoi je vous désigne l’originalité de la découverte freudienne, que tout ce qui détermine l’homme…disons ça en gros, encore que le langage ici va représenter une certaine chute de niveau, pour imager pour ceux qui ne compren­nent rien …que ce qu’il y a de plus haut dans l’homme est justement quelque chose qui n’est pas simplement dans l’homme, qui est ailleurs, qui est justement cet ordre symbolique.  Et que FREUD soit toujours…à mesure même du progrès de sa synthè­se…forcé de restaurer, restituer toujours ce point extérieur, excentrique, c’est ça la signification du progrès sur ces différences, et ces quatre schémas, dont nous allons essayer maintenant de retrouver dans le texte les étapes. Voici d’abord ce que je vous ai désigné l’autre jour…  bien entendu, si vous ne lisez pas le texte, vous ne verrez pas tout le schéma…l’autre jour je vous ai désigné le système ϕ en tant qu’il représente grossièrement l’arc réflexe, c’est–à–dire quelque chose uniquement fondé sur la notion de quantité et de décharge, avec le minimum de contenu.  Le fait que quelqu’un comme FREUD, à cette date…à la fois formé par les disciplines neurologiques, anatomo–physiologiques, cliniques…doive construire un schéma, et ne puisse se contenter de cela… Et puisse encore bien moins se contenter du schéma qui à ce moment–là est donné par la physiologie positiviste, à savoir une architecture de réflexes, réflexes supérieurs, réflexes de réflexes, etc. , jusqu’à ce réflexe d’unité placé au niveau des fonctions supérieures, avec un départ de stimulus archi–élaboré.  Et au niveau supérieur, il faudrait tout de même bien mettre quelque chose là, que notre ami LECLAIRE appellerait le sujet, dans ses bons jours.  J’espère qu’un jour de cela aussi il se débarrassera.  Il ne faut jamais le représenter nulle part.  Il faut que FREUD fasse autre chose.  Il faut bien qu’il nous fasse cette chose, en effet très élaborée, mais qui se trouve justement être, non une architecture, mais un « tampon ». Et il est déjà très en avance sur la théorie neuronique, deux ans avant FOSTER et SHERRINGTON. Ce texte est intéressant par toutes sortes de côtés.  Le côté génie de FREUD est en quelque sorte d’avoir vu… avec une finesse qui va jusque dans le détail …cer­taines propriétés de la conduction.  Il a deviné en gros à peu près ce que l’on connaît actuellement.  On n’a pas fait tellement de progrès de ce point de vue.  Bien sûr, on en a fait du point de vue de l’expérience, confirmation effective du fonctionnement de ces synapses en tant que barrières de contact, mais c’est déjà ainsi qu’il s’exprime.  Ceci mériterait qu’on médite : comment est–ce qu’on peut deviner ? Il faut que les résultats s’inscrivent au tableau de sortie.  Cela implique qu’à l’intérieur on doive trouver certaines conditions.  N’empêche qu’il aurait pu aussi faire des erreurs.  Mais il n’en a pas fait de très grosses.  Donc, il est purement dans l’hypothèse.  L’important est que dans le schéma il faut qu’il fasse quelque chose qu’il interpose si on peut dire, à l’intérieur de cet acte de décharge et qui soit ce qu’on peut appeler, c’est dans le texte, un système tampon.  Ce système y est avant tout un système tampon d’équilibre, de filtrage, d’amortissement.   D’ailleurs à quoi le compare–t–il ? À quelque chose qui se voit déjà sur ce schéma[2].  Vous voyez, à l’intérieur d’un arc spinal quelque chose qui fait une boule, c’est un ganglion.  Le schéma du psychisme est un ganglion.  L’idée qu’il se fait à ce niveau du cerveau est un ganglion différencié, du type ganglion sympathique ou d’une chaîne nerveuse chez les insectes. Seulement voilà, le frappant, et c’est là–dessus que j’ai insisté la dernière fois, est qu’on a vu s’établir une espèce de petit flottement dans notre dialogue.  [ S’adressant à J. P.  Valabrega ] J’ai voulu que vous n’alliez pas trop vite.  Vous avez dit des choses qui n’étaient pas fausses, à propos du système ω, qu’il faut absolument marquer ici, et qui montrent les premières difficultés de FREUD, c’est–à–dire de quelqu’un qui arrive à un schéma déjà particulièrement adapté, particulière­ment peu schématique.  Il ne peut pas s’en tirer sans l’intervention de ce systè­me ω, ou système de la conscience en tant que référence à une réalité dont, quoi qu’on fasse, on n’arrivera jamais à faire sortir le lapin du chapeau sans l’inter­vention de quelqu
e chose qui, il faut bien le dire, vient dans le schéma comme un rajout.  Car là on ne cherche pas à dénuder les choses et à faire croire qu’il suffira de mettre assez de choses en tas pour que ce qui est en haut soit telle­ment plus beau que ce qui était en dessous.  Là, il faut bien qu’il l’isole.  Il est amené à poser les conditions de fonctionnement de ce qui, dans la suite, se révè­le dans son développement comme mené par une autre voie à une saisie parti­culièrement frappante, apparente de la nécessité de refondre après l’expérience freudienne, et dans l’expérience freudienne la structure du sujet humain, d’une façon qui non seulement décentre par rapport au moi, mais rejette littéralement la conscience dans une espèce de position sans aucun doute très essentielle dans la dialectique de cette structure de l’être humain, elle–même absolument para­doxale, problématique.  Je dirai que l’approfondissement du caractère insaisis­sable, irréductible, par rapport au fonctionnement du vivant, de la conscience comme telle, c’est dans l’œuvre de FREUD quelque chose d’aussi important à sai­sir que ce qu’il nous a apporté sur la conscience  [ Sic ].  Vous avez là les embarras, les antinomies que révèle le maniement de cette référence à ce système de la conscience comme telle, qui reparaissent, réagissent, à chacun des niveaux de la théorisation freudienne d’une façon qui, à soi toute seule, pose un problème.  Ce n’est pas en référence à l’existence de l’inconscient, c’est dans la constitution si vous voulez d’un modèle, d’un pattern, d’une conception même cohérente de la conscience comme telle.  Il apparaît que dans le registre, dans l’ensemble De concepts où s’inscrit l’expérience freudienne…alors qu’il arrive à donner une conception cohérente, équilibrée de la plupart des autres parties de l’appareil psychique…il rencontre toujours quand il s’agit de la conscience, des conditions incompatibles. Je vais vous donner un exemple tout de suite.  Il arrivera dans un de ses textes qui s’appelle MétapsychologieCompléments métapsychologiques à la théorie des rêves, publié dans le recueil français Métapsychologie…qui peut expliquer à peu près tout ce qui se passe dans la démence précoce, la paranoïa, dans les rêves, en parlant d’investissement ou de désinvestissement, notions que nous aurons à rencontrer et dont nous allons voir la portée dans la théo­rie de FREUD.  Chose curieuse, il semblerait qu’il y a quelque chose d’arbitraire, qu’après tout quand on lit dans l’ordre la construction théorique, on doit pou­voir toujours s’arranger pour que ça marche, que ça colle… Mais non, il appa­raît, quand il faut faire intervenir l’appareil de la conscience comme telle, c’est–à–dire la conception du reflet clair, qu’il aurait des propriétés tout à fait spé­ciales par rapport aux autres.  La cohérence même de son système le fait buter devant une difficulté.  Il dit qu’il y a quelque chose qu’il ne comprend pas, c’est que cet appareil aurait pour propriété, contrairement aux autres, de fonction­ner, même quand il est désinvesti.  La nécessité de la déduction le mène à une proposition comme celle–là.  Vous n’avez qu’à lire le texte auquel je viens de vous référer, pour vous apercevoir de la chose.  Et, en effet, il reste très embar­rassé.  Il n’a pas pu théoriser les choses autrement.  Pour les autres ça va bien : quand ils sont désinvestis, ça ne marche plus, le jeu d’investissement et désinvestissement marche d’une façon correcte.  Mais quand on fait entrer le systè­me conscient, on entre dans le paradoxe.  Pourquoi ? Cela reflète certainement quelque chose.  Pas seulement parce que FREUD, qui construit des hypothèses, ne sait pas s’y prendre : il avait tout le temps.  S’il n’y est pas arrivé, c’est en rai­son de quelque chose. Nous voyons apparaître là, pour la première fois, le paradoxe du système ω, dans le système de la conscience en ce sens qu’il faut… comme nous disions l’autre jour…à la fois qu’il soit là et qu’il ne soit pas là.  Que si vous le faites entrer dans le système énergétique, tel qu’il est constitué au niveau de Ψ il n’en sera plus qu’une partie, et il ne pourra pas jouer son jeu de référence à la réali­té.  Et d’un autre côté, il faut bien imaginer d’une certaine façon que quelque énergie passe, si minimale soit–elle, que d’autre part ça ne peut absolument pas être quelque chose qui se lie directement à ce côté particulièrement massif de l’apport du monde extérieur, tel qu’il est déjà supposé dans le premier système, dit de la décharge, c’est–à–dire le réflexe élémentaire stimulus–réponse.  Bien au contraire, il faut qu’il en soit complètement séparé, qu’il ne puisse recevoir que de faibles investissements d’énergie qui puissent lui permettre de rentrer en vibration, de sorte que la circulation se fasse toujours de ϕ à Ψ.  Et c’est seule­ment de Ψ que viendra à ω cette énergie minimale, grâce à laquelle il peut, lui, entrer en vibration.  D’autre part, à partir de ce qui se passe au niveau d’ω, le système Ψ qui a besoin…comme disait VALABREGA l’autre jour, de façon que j’ai trouvée un peu précipitée, mais non fausse en elle–même…d’information.  Il ne peut la prendre qu’au niveau de ce qui se passe dans la décharge de ce système perceptif, en tant que tel. Cela veut dire que dans la conception qu’élabore FREUD, à ce moment là, pour opérer le test de réalité, ce qui se passe au niveau du psychisme procède ainsi.  Par exemple, prenons l’exemple de [ l’élément ? ] moteur, qui se charge, d’une décharge motrice proprement perceptuelle, les mouvements qui se font dans l’œil, sim­plement du fait de l’accommodation de la vision, de la fixation sur un objet.  C’est là théoriquement qu’un effet peut être conçu comme apportant au regard de quelque chose qui est en train de se former dans le psychisme, à savoir l’hal­lucination du désir, ce quelque chose qui, comme on dit met les choses au point : « En crois–je mes yeux ? Est–ce bien cela que je regarde ? » C’est ça que ça veut dire finalement. Mais c’est assez curieux de penser que justement ce moment de la décharge motrice, à savoir la partie qui dans le fonctionnement des organes perceptifs est proprement motrice, c’est justement celle qui est tout à fait inconsciente, à savoir que l’inconscience ne se réalise là qu’au niveau afférent, comme chacun le sait.  Nous avons en effet conscience de voir un certain nombre de choses.  Rien ne nous paraît même plus homologue de la transparence de la conscience que ce fait qu’on voit ce qu’on voit, et le fait même de voir pose à soi–même sa propre transparence.  Mais par contre nous n’avons pas la moindre conscience… sauf d’une façon très mar­ginale, très limitrophe…de ce que nous faisons en effet d’efficace, d’actif, de moteur, dans ce repérage, dans ce centrage, cette palpation à distance que les yeux opèrent quand ils s’exercent à voir.  Cette suite de paradoxes donc, qui commence ici à s’ébaucher, cette position tout à fait originale du système ω, ce côté très diffi­cile à réduire, à mettre au point avec le système ω, qui commence à s’ébaucher au niveau du fameux manuscrit que nous sommes en train d’étudier, est quelque chose que j’ai voulu mettre en relief, parce que ça se voit, déjà, ça se repère à la lecture, ça prend son intérêt de ce que ça va devenir, par la suite.  Bien entendu, ce n’est pas simplement d’un point de vue de curiosité historique, de voir les difficultés d’un théoricien plus ou moins philosophe.  FREUD, à ce mome
nt, ne fait pas ça pour lui–même, pour ordonner ses idées.  Ce n’est pas les difficultés particulières du monsieur qui nous intéressent.  Mais voilà l’amorce de quelque chose que nous allons retrouver à tous les niveaux et dont je peux vous donner… pour vous indiquer le mouvement général, pour que vous ne soyez pas perdus à la suite de ces séminaires, qui vont s’engager, et vont peut–être un peu piétiner…je peux vous indiquer de quoi il s’agit. Après ça, il y aura le schéma que nous allons voir aujourd’hui dans la Traumdeutung, à savoir un schéma qui, lui aussi, m’a semblé… Reportez–vous au chapitre VII, « Les processus du rêve » à la fin de la Science des rêves, dans l’édition française. Ce que vous avez c’est autre chose, quelque chose qui va être exprimé comme ça :   Ici un apport, et aussi ici quelque chose qui va s’étayer entre quelque chose que vous allez voir ici, qu’on va appeler le système P, perception, W en allemand.  Ici, les diverses couches qu’il est forcé de supposer qui constituent le niveau de l’inconscient.  Puis le préconscient, puis la conscience, dont vous voyez déjà la répartition paradoxale : la voilà maintenant des deux côtés.  Qu’est–ce qu’il y a eu de changé dans ce schéma ? C’est ce que nous allons tâcher de voir aujourd’hui. Je vous indique tout de suite quelque chose.  C’est qu’ici vous aviez vraiment la structure d’un appareil, quelque chose qui essayait de se représenter un appa­reil, appareil qu’on essaie ensuite de faire fonctionner, qu’on décrit, on en parle, on se repère à quelque chose qui est là dans l’espace conscient.  C’est un appa­reil qui est quelque part.  Ce sont les organes de perception, le psychisme, c’est le cerveau et le sous–cerveau, donc, qui fonctionnent comme une sorte de gan­glion autonome, réglant la pulsation entre instincts, pulsions, internes à l’orga­nisme, et les manifestations de recherche à l’extérieur.  Car c’est de cela qu’il s’agit, de l’économie instinctuelle.  Il va commencer à mettre l’être vivant en quête de ce dont il a besoin, le rapport du need avec une activité plus ou moins désordonnée ou ordonnée. Là ce sont les appareils : et là ce n’est déjà plus l’appa­reil :ce n’est pas moi qui le dis, c’est dans le texte.  Ici le schéma commence à se rapporter à quelque chose qui est beaucoup plus immatériel.  Lui–même le souligne dés le début et à l’origine : les choses dont nous allons parler, il ne faut pas essayer de les localiser quelque part.  Dans le texte il nous dit qu’il y a quelque chose à quoi ça doit ressembler.  Rappelez–vous ce que l’année derniè­re, au moment des leçons sur le transfert, je vous avais indiqué : ce sont ces images qui dans un appareil d’optique ne peuvent pas être dites…surtout quand elles sont virtuelles… être quelque part, à tel endroit dans l’appareil.  Elles sont vues à cet endroit, quand on est autre part pour les voir.  C’est de cela qu’il s’agit.  Donc, renforcement, introduction par exemple d’une dimension imaginaire, qui est là, dans le schéma.  Qu’il faille l’y mettre est déjà une indication que le schéma a changé de sens.  Ce qui nous est indiqué dans le texte, c’est qu’il est essentiel à ce schéma qu’il signifie, qu’il mette au tableau noir la dimension temporelle en tant que telle.  Ceci est également souligné dans le texte.  Le schéma, dont vous voyez qu’il conserve la même ordonnance générale, prouve que FREUD est poussé déjà à l’introduction dans le schéma…et du même coup dans les catégories qu’il ordonne logiquement, et du même coup dans ces catégories…des dimensions qui sont des dimensions différentes, qui ne sont plus la construction d’un appareil psychique mais déjà de l’introduction d’une certaine dimension logique en tant que telle.  Nous sommes passés du modèle mécanique à un modèle logique.  Ce n’est pas tout à fait pareil, encore que ça puisse s’incarner dans un modèle mécanique. Je vous ai un peu indiqué que nous parlerions aussi de cybernétique, parce que cela va nous permettre d’éclairer ce qu’on veut dire quand on parle de cybernétique, et en quoi ces machines mécaniques ont quelque chose d’original, par rapport aux anciennes.  Peut–être allons nous progresser parallèlement dans les deux voies, c’est–à–dire qu’à voir les difficultés qu’a rencontrées FREUD…en somme, ce que nous sommes en train d’essayer de démontrer à saisir, quant à la présence, l’actualisation du langage humain…nous allons peut–être aussi com­prendre pourquoi on est, en somme si étonné.  Car la cybernétique procède aussi d’une espèce de mouvement d’étonnement de le retrouver – ce langage humain – car c’est de cela, en fin de compte, qu’il s’agit, fonctionnant tout d’un coup presque tout seul, paraissant un tout petit peu nous damer le pion, nous dépasser, dans des machines où il est bien venu par quelque part.  Je crois que la seule erreur est ceci : que quand on fait cette critique, qu’il est venu de quelque part, on croit qu’on a tout résolu, en disant que c’est le bonhomme qui l’y a mis.  C’est ce que nous rappelle LÉVI–STRAUSS, toujours plein de sagesse devant les choses nouvelles, et qui semble toujours aller à les ramener à des choses anciennes.  Nous avons là le bouquin de M.  RUYER, dont je ne sais plus qui disait récemment que ce n’est pas mal…mais je trouve que d’habitude ce qu’il écrit n’est pas mal…tandis que ce qu’il écrit sur la cybernétique[3]…Toute la question est de s’apercevoir qu’en effet, dans ces machines le langa­ge est certainement, sous une certaine forme, il est là, vibrant, il y est venu et ce n’est pas pour rien que tout d’un coup nous le reconnaissons à une chanson­nette dont incontestablement je vais vous dire le plaisir que nous y éprouvons.  Je l’ai l’autre jour découvert à la Société de philosophie.  On n’y parlait pas de cybernétique.  Mme FAVEZ–BOUTONIER venait de faire une très bonne communi­cation sur la psychanalyse… ce qu’elle espérait pouvoir en être compris par l’assemblée philosophique qui était là elle a été trop modeste dans ses préten­tions, ils auraient pu comprendre un peu plus…néanmoins, ce qu’elle a dit était très au–dessus du niveau de ce que beaucoup de gens avaient réussi  à entendre jusque–là.  Il y avait là des choses très bonnes.  Ce n’est d’ailleurs pas les philosophes que je vise spécialement. Là–dessus, quelqu’un…appelons–le par son nom : M.  MINKOWSKI …s’est levé et a tenu, sur la psychanalyse, exactement les mêmes propos que je lui entends tenir depuis 30 ans, quel que soit le discours auquel il ait à répondre sur le même sujet, j’entends la psychanalyse.  Or, ce que Mme FAVEZ–BOUTONIER venait d’apporter était vraiment quelque chose de très différent de ce qu’il avait pu entendre, il y a 30 ans, sur le même sujet, par exemple de la bouche de M.  DALBIEZ.  Il y avait un monde entre les deux ! Eh bien, M.  MINKOWSKI a répondu exactement la même chose, et là j’ai compris ! D’ailleurs je ne le mets pas personnellement en cause.  Mais simplement ce qui se passe dans une société scientifique, en moyenne…pourquoi a surgi l’expression paradoxale de « machine à penser » ? Moi qui dis déjà que les hommes ne pensent que très rarement, je ne vais pas parler de « machines à penser »…mais tout de même, ce qui se passe dans une « machine à penser » est en moyenne d’un niveau infiniment supérieur à ce qui se passe dans une soc
iété scientifique
! Quand on lui donne des éléments différents, la « machine à penser » répond autre chose ! Et il y a un monde entre ça et les gens qui – quoi qu’on leur dise – répètent toujours la même chose, je parle d’une réponse. C’est ce qui nous permet de penser quand même que, du point de vue du lan­gage, il doit y avoir quelque chose qui s’est passé et qu’effectivement ces petites machinettes nous ronronnent quelque chose…peut–être un écho, une approxi­mation, mettons…il s’agit de savoir ce que c’est.  Et je crois qu’en fait le mystè­re justement qui fait qu’on ne peut pas simplement résoudre la question en disant que c’est le constructeur qui l’y a mis.  Ce n’est pas le constructeur.  Partant de là, vous commencez à comprendre que le langage est venu certaine­ment de là où il est.  Il n’est certainement pas dans la machine.  Il est donc venu du dehors, c’est entendu. Mais justement il ne suffit pas de dire que c’est le bonhomme qui l’y a mis.  Et s’il y a quelqu’un qui peut ajouter son mot là–dessus, c’est nous autres, psychanalystes, qui savons à tout instant, qui touchons du doigt, que cette affaire ne se résout pas en pensant que c’est le bonhomme, le petit génie, qui a tout fait.  Il y a un rapport, un certain rapport entre l’homme et le langage.  Et c’est de cela qu’il s’agit.  C’est la grande question actuelle des sciences humaines, de l’an­thropologie, cette découverte.  Qu’est–ce que le langage ? D’où vient–il ? Il ne suf­fit pas de savoir d’où il vient, comme ça.  Mais qu’est–ce qui s’est passé aux âges géologiques ? Comment est–ce qu’ils ont commencé à vagir ? Ont–ils commen­cé en poussant des cris en faisant l’amour, comme certains l’indiquent ? Est–ce là qu’ils ont trouvé le langage ?Non, il s’agit de voir comment il fonctionne actuellement.  Tout est toujours là.  Et notre rapport avec le langage, c’est de cela qu’il s’agit, de saisir au niveau du plus concret, du plus quotidien, au moins de ce qui est quotidien pour nous, notre expérience analytique.  C’est de cela qu’il s’agit, que vous verrez se repro­duire au niveau de ce schéma, qui élabore le système dans un sens qui introduit d’une façon tout à fait saisissante l’imaginaire comme tel.  Car je pense vous avoir fait sentir combien c’est commode : il s’agit d’une métaphore pour la représentation de l’imaginaire comme tel, qui fonctionne psychologiquement comme tel, l’appareil d’optique, je vous ai montré l’année dernière… avec ce petit schéma que LANG a plus ou moins bien évoqué à côté du stade du miroir…je vous ai montré le parti qu’on pouvait en tirer.  Et c’est bien celui–là que nous retrou­vons dans la troisième étape du schéma que nous ferons au niveau de la théorie du narcissisme.  Nous retrouverons notre schéma de l’année dernière :retourné de 180° : les deux miroirs, plan et concave, auxquels LANG faisait allusion, sur lesquels nous aurons à revenir, avec à l’intérieur le miroir plan qui à ce niveau-là, met le système Ψ de perception–conscience, avec sa fonction dynamique, là où il doit être.  C’est–à–dire que ce n’est pas là où nous allons le voir aujourd’hui, avec VALABREGA, séparé aux deux extrémités du système O, avec les impasses, que nous devons le saisir, mais au cœur de la réception de ce moi dans l’autre qui est la référence imaginaire essentielle, qui centre toute la référence imaginaire de l’être humain sur l’image du semblable.  C’est là que nous retrouverons notre schéma de l’année dernière, avec l’image du moi idéal, et l’idéal du moi se faisant vis à vis, à l’intérieur du système imaginaire. Et puis le dernier schéma que nous trouverons dans Au delà du principe du plaisir, qui nous permettra de donner un sens à ce qui a rendu nécessaire pour FREUD, au moment où la technique analytique vire et tourne et où on pourrait croire… là est le point essentiel…qu’en fin de compte résistance et significa­tion inconsciente se correspondent comme l’endroit et l’envers, que ce qui fonc­tionne selon le principe du plaisir dans un des systèmes, le système dit primai­re, apparaît comme réalité dans l’autre, et inversement que nous retrouverionssimplement sous la forme du négatif ce qui est recherché, à savoir la significa­tion inconsciente.  Tout simplement l’étude classique du moi, simplement un peu enrichie de la notion de tout ce qu’elle peut comprendre dans ses synthèses, c’est la nécessité, pour FREUD, de dire, de maintenir, de soutenir : que ça n’est pas ça, que ça n’est pas réductible, que tout le système des significations n’est pas dans le bonhomme, que sa structure n’est pas faite comme une synthèse de ces significations, mais bien au contraire. Je vous donne ce dernier schéma pour vous mettre sur la voie de ce que nous allons trouver, ce que FREUD peut apporter avec Au delà du principe du plaisir.  Pour le schéma, je prendrai quelque chose qui a beaucoup affaire avec nos modes récents d’inter–communication, ou de transmission dans les machines, ce qu’on appelle un tube électronique, autrement dit, ce que tous ceux qui sont des gens qui ont manipulé la radio connaissent, une ampoule triode. Il y a trois pôles, une anode, une cathode.  Quand ça chauffe ici [ filament ] en cathode, les petits élec­trons viennent bombarder l’anode.  L’anode est positive, la cathode négative.  S’il y a quelque chose dans l’intervalle, le courant électrique passe.  Selon que ça se positive ou négative, on peut à volonté, soit réaliser une modulation dans ce passage du courant, soit plus simplement un système de tout ou rien, ou ça passe, ou ça ne passe pas.  On s’en sert dans les deux fonctions. Ce à quoi nous allons en venir…je vous l’indique là comme une image, un repérage de ce que veut dire la résistance, la fonction imaginaire du moi, comme telle…c’est ceci : que c’est à elle qu’est soumis le passage ou le non–passage de ce quelque chose qui est à proprement parler dans l’action analytique à trans­mettre comme tel, à mesurer dans son pouvoir de communication.  Vous voyez bien qu’ici ce schéma a l’avantage de maintenir, de mettre en évidence… enco­re bien entendu que rien n’apparaisse qui ne soit lié à une sorte de frottement à ce niveau du moi ou d’effet d’illumination, de chauffage, de tout ce que vous voudrez, au niveau de cette interposition du moi, et que bien entendu si nous n’avions pas cette interposition, et du même coup cette résistance, ces effets de la communication au niveau de l’inconscient ne seraient ni saisissables, ni mesu­rables dans leur effet, sur l’individu, le moi comme tel…mais vous voyez bien, ce schéma aussi vous l’exprime, il n’y a aucune espè­ce de rapport du négatif au positif entre ce moi et ce discours de l’inconscient, comme je l’appelle à d’autres moments, ce discours concret, dans lequel le moi baigne et joue sa fonction d’obstacle, d’interposition, de filtre, de tout ce que vous voudrez.  Mais l’essence, la quantité, le mouvement, le poids, l’interposi­tion de ce dont il s’agit, au niveau de l’inconscient est quelque chose qui n’en est à aucun degré le parallèle, qui a son dynamisme propre, ses afflux propres, ses voies propres, ce qui peut être exploré dans son rythme, sa modulation, son message propre, tout à fait indépendamment de ce qui sert à l’interrompre, le filtrer, enregistrer sa dynamique propre. C’est ce que FREUD a voulu dire dans Au delà du principe du plaisir,
situer la fonction imaginaire du moi.  Je ne vous donne aujourd’hui qu’une ligne géné­rale du progrès que nous aurons à poursuivre, dans le détail, à comprendre dans ce qu’il veut dire, théoriquement et cliniquement.  C’est à l’intérieur de ces quatre étapes que se situe la deuxième, que je demande à VALABREGA d’aborder aujourd’hui.  Très librement, dites–nous les points qui dans cette analyse des processus du rêve comme tels, VIIème partie de la Traumdeutung, vous a paru notable, digne d’être mis en relief, et, puisque vous voyez un peu le guide géné­ral que je donne à cet exposé, qui soit conforme, ou qui vous paraîtrait par exemple contraire à ce mouvement général que je viens d’indiquer aujourd’hui.

Jean–Paul VALABREGA Il ne me sera pas facile de faire d’emblée un joint entre ce que vient de dire M.  LACAN et ce que je croyais avoir à dire aujourd’hui.  Reprenons les processus primaires et secondaires.  J’ai tiré de ces textes infiniment moins que ce que M.  LACAN a exprimé dans des termes très profonds.  Il s’agit bien, en effet, d’étudier le passage de l’élaboration de la théorie de l’appareil psychique en partant du texte dont nous avons déjà parlé, de 1895, jusqu’à la Traumdeutung. Pour ce faire, il faut revenir sur les processus primaires.  Il faut abréger, maintenant, je ne puis pas suivre ligne à ligne ce texte, mais aller à l’essentiel, sau­ter à pieds joints sur les considérations qui tiennent au sommeil.  Il y a un point qu’il faut retenir, tout de même.  Il me semble que dans l’explication du sommeil, FREUD en reste, dans le texte de 1895, à l’explication par le retrait de l’attention.  C’est simplement ce que je vais conserver des considérations sur le sommeil. Ensuite, nous revenons au texte de 1895, avant de passer à ce qu’on pourrait appeler évolution.  La fin du texte va nous servir de transition, et je vais dire tout à l’heure comment je l’ai vu.  Nous y revenons parce que d’abord il est question dans ce texte de l’analyse des rêves et ensuite de considérations sur la conscien­ce du rêve.  Ces considérations contiennent la première analyse du premier rêve, de « L’injection faite à Irma ».  Et nous verrons comment il y a là, schématisés dans le texte de 1895, les caractères principaux du sommeil: paralysie motrice, qui se produit du fait que l’incitation motrice ne peut pas franchir la barrière.  FREUD dit que ce caractère, quoiqu’important, n’est pas essentiel dans la formation du rêve.  Mais on peut noter que dans la Traumdeutung il va reconsidérer cette question de l’inhibition motrice, et en faire une condition non spécifique mais fondamentale, page 251. Caractère absurde et insensé des liaisons entre les éléments du rêve.  Ceci serait une conséquence de la compulsion à l’association.  La compulsion à associer est dominante.  Mais il observe, déjà dans ce texte, que la déchar­ge du moi n’est pas complète, il y aurait sommeil sans rêve. Troisième caractère, les idées du rêve sont de nature hallucinatoire.  Ce troi­sième caractère serait le caractère spécifique le plus important que FREUD recherche.  Et on se souvient ici on l’a dit la semaine dernière que ce caractère hallucinatoire est également celui du processus primaire.  C’est pourquoi FREUD a remarqué que le souvenir primaire d’une certaine percep­tion, primary recollection dans le texte anglais, est toujours une hallucination. Il nous dit aussi que la vivacité de l’hallucination, son intensité, est propor­tionnelle à la quantité d’investissement de l’idée en cause.  C’est–à–dire que c’est la quantité qui conditionne l’hallucination.  C’est le contraire de la perception, parce que dans la perception, qui provient du système ϕ, l’attention, rend la perception plus distincte ou moins distincte.

LACAN Qui provient du système ω.

VALABREGA Non, du système ϕ. LACAN Il faut distinguer les apports quantitatifs du monde extérieur, qui viennent du système ϕ.  L’équilibre du texte indique que tout ce qui est percep­tion est quelque chose qui se passe comme telle, du moment que c’est une per­ception et non une excitation dans le système ω.

Jean–Paul VALABREGA Mais il provient de ϕ.

LACAN Parce que ça vient du monde extérieur.  Je vous le montre dans un autre passage, ça ne vient de ϕ que par l’intermédiaire de Ψ.

Jean–Paul VALABREGA Bien sûr.  Ce n’est d’ailleurs qu’une parenthèse.  Car ce qui est au centre de sa recherche actuelle, c’est la distinction de l’hallucination et de la perception.  Ce qu’il veut établir, et a établi, c’est qu’il n’y a pas de modifica­tion quantitative dans la perception, alors que c’est la quantité qui motive l’hal­lucination. Les rêves sont des réalisations de désir. Ils ne sont pas reconnus par la conscience comme des réalisations de désir, mais FREUD, tout de suite après, fait allusion au rêve d’Irma.  FREUD avance ensuite l’hypothèse que les investissements primaires de désir sont également hallucinatoires. La mémoire est mauvaise dans les rêves.  Et ceci va prendre encore dans la Traumdeutung une importance capitale, dans le chapitre consacré à L’ou­bli des rêves, qui est ceci comme une charnière entre les deux. C’est ce que j’ai cru voir.  Ce cinquième caractère expliquerait que par la suite de la paralysie motrice, qui était un des caractères précédents, les rêves ne laisseraient pas de traces de décharge.  Je passe rapidement sur le cinquième caractère, parce que ça prend une impor­tance décisive et on y revient après les considérations sur l’oubli des rêves. Dernier caractère, rôle de la conscience.  Elle fournit dans ces processus la qualité, aussi bien dans les rêves que dans les processus éveillés.  La conscience peut donc accompagner n’importe quel processus Ψ.  D’autre part, elle ne se réduit pas au moi, cette conscience et par la suite il n’est pas possible d’assimiler les processus primaires aux processus incons­cients.  Ces deux remarques, FREUD les souligne comme essentielles :la conscien­ce ne se réduit pas au moi, on ne peut pas assimiler les processus primaires aux processus inconscients. Il n’est pas indifférent de noter qu’à ce point de son exposé FREUD note un parallèle sur lequel il insiste, à deux reprises, dans le texte, entre le sens du rêve, réalisation de désir, et le symptôme névrotique. C’est déjà indiqué dans ce texte. On pourrait noter rapidement en passant que les commentaires de ses notes avancent l’hypothèse que cette analogie, qui va être jusqu’à une identité, d’ailleurs, et dès 1895, il faut se souvenir que c’est la date des Études sur l’hys­térie, que cette idée n’est pas prête encore, parce que l’analyse de FREUD ne serait pas suffisamment avancée.  Moi je ne pense pas.  D’après ce texte on ne peut pas en tirer cela.  Ils disent qu’ils savent que l’analyse de FREUD n’est pas assez avancée.  Il a fait l’analyse, assez formelle, du rêve de l’injection à Irma mais il dit quand même que c’est cette analogie entre le symptôme névrotique et le sens du rêve qui est fondamentale, et il y reviendra plus loin, il sait déjà que c’est important, il le réserve, il dit, « c’est le plus important » : « The most momentous conclusions flowed from this comparison… » « Les conclusions les plus importantes découlent de cette comparaison… » qu’il a faite deux fois, texte anglais, pages 398, 402.  Il n’y a pas insisté, c’est un fait.  Mais comme il les reprendra plus loin, on peut penser que dès cette date il y attache la plus gran­de importance.  La comparaison sera approfondie dans la Science des rêves, et plus tard dans la Psychopathologie de la vie quotidienne, en 1901, et dans Le Mot d’esprit, en 1905.  Il y a là une synthèse qui va se faire et qui apparaîtra net­tement dans la Traumdeutung. LACAN Les dates sur le progrès de sa propre analyse sont tout à fait sai­sissantes quand on lit les Lettres.  En 1897, il n’est pas encore loin dans sa propre analyse et il y a quelques remarques que j’ai relevées, à l’usage d’ANZIEU, sur les limites de la self–analyse, qui sont très intéressantes. Jean–Paul VALABREGA La conscience du rêve, il faut la reprendre à ce niveau, dans ces considérations, ces dernières considérations sur le Projet de psychologie scientifique, on se trouve en présence du rêve d’Irma et voilà le schéma, les 4 éléments retenus, dans la première analyse.

LACAN [ S’adressant à Anzieu ]Vous connaissez la préface à […] ?« Je ne peux m’analyser que sur mes bases de connaissances objectives, comme je pourrais le faire pour un étranger… La self–analyse est a pro­prement parler impossible.  Sans cela, il n’y aurait pas de maladie… C’est dans la Lettre 75.  …C’est dans la mesure où je rencontre quelque énigme dans mes cas, que l’analyse doit s’arrêter.  »C’est à cette date de 1897 qu’il définit les limites de sa propre analyse.  Il ne comprendra strictement que ce qu’il aura repéré dans ces cas.  C’est un témoi­gnage extraordinaire, il pointe lui–même, au moment où il est en train de décou­vrir génialement une voie… et cela a la valeur d’un témoignage extraordinairement précis par sa précocité…que ça n’est pas un processus intuitif, si on peut dire, ça n’est pas un repérage divinatoire, à l’intérieur de soi–même.  Ça n’a rien à faire avec une introspection, l’auto–analyse, au sens strict, il ne l’a fait que dans la mesure où il la repère dans les autres cas.

Didier ANZIEU FREUD savait, avant de faire le rêve d’Irma, que les rêves avaient un sens.  Et c’est parce que ses patients avaient apporté des rêves qui avaient un sens de réalisation de désir, qu’il a voulu se l’appliquer à lui–même.  C’est cela son cri­tère de vérification.

LACAN – C’est ça.

Jean–Paul VALABREGA Ce n’est pas le sens du rêve qui est en cause.  Naturellement il le sait, il a déjà analysé des rêves.  C’est la théorie d’identité du rêve et du besoin névrotique [symptôme].  Il l’a pressenti.  Il le dit dans la Traumdeutung  Je suis parti de la psychologie des névroses, et maintenant je veux faire le contraire, partir du rêve pour expliquer la psychologie.  »Il y a là un mouvement.  Il dit toujours qu’il éprouve beaucoup de difficultés.  Il dit même :« Je pourrais analyser les rêves de mes patients, et partir de tout ce que j’ai découvert sur le symptôme hystérique mais je ne veux pas le faire, parce que je me propose le but inverse.  »Il y a toujours chez lui les deux mouvements.  Ayant trouvé quelque chose, et en ayant trouvé le sens dans le symptôme névrotique, il veut le retrouver dans le symptôme du rêve.  Il y a une extrême prudence, volonté de faire une psychologie normale, analyser des rêves de normaux, qui revient dans le dernier chapitre du Processus du rêve.  Il semble qu’il veut le faire, qu’il le fait exprès.

LACAN D’ailleurs, dans la Traumdeutung, il insistera sur la parenté du rêve avec le symptôme névrotique.  Mais aussi, pour bien insister où est la dif­férence, que le processus du rêve est un processus exemplaire pour comprendre le symptôme névrotique, justement en tant qu’il en donne une certaine…

Jean–Paul VALABREGA Il ne voudrait pas les identifier tout de suite.

LACAN Il ne les identifie jamais.  Et en fin de compte il maintient la diffé­rence économique tout à fait fondamentale qu’il y a entre le symptôme et le rêve.  Ils ne sont communs que parce qu’ils ont une commune grammaire.  Mais c’est une métaphore.  Ne prenez pas cela au pied de la lettre.  Ils sont aussi dif­férents qu’un poème épique l’est d’un ouvrage sur la thermodynamique.  La seule chose de commune, c’est une grammaire.  L’importance du rêve est qu’il permet de saisir la fonction symbolique comme telle.  Et à ce titre c’est capital pour comprendre le symptôme.  Mais un symptôme est toujours un symptôme inséré dans un état économique, global, du sujet.  C’est autre chose que cet état localisé dans le temps, dans des conditions extrêmement particulières, qu’est le rêve.  Le rêve est une partie de l’activité du sujet.  Le symptôme s’étale sur plu­sieurs champs.

Jean–Paul VALABREGA C’est–à–dire que jamais il n’établit d’identité de nature mais quand même une identité de processus, de mécanisme.

LACAN Vous le verrez, en plusieurs points de la Traumdeutung, il en impose la distinction très stricte.

Jean–Paul VALABREGA Au point de vue processus, ça m’a paru douteux.

LACAN Il trouve des processus communs.  Mais même encore bien plus analogues qu’identiques, modelés les uns sur les autres.

Jean–Paul VALABREGA On revient au rêve d’Irma.  Il donne ces 4 éléments : A, B, C, D. A, idée du rêve qui est devenue consciente.  Les points en noir sont les points conscients ou devenus conscients et les points en blanc sont les points incons­cients.  Il va y avoir des liaisons. Cette idée du rêve devenue consciente conduit à B, mais au lieu de B, c’est C qui apparaît à la conscience.  C’est sur le passage de B, un autre investissement qui est simultané et il y a un déplacement, c’est C qui prend la place. Voilà ce qu’on peut dire d’après les idées du rêve : A, idée du rêve, C fait une injection de propylène à Irma.  C, la formule de trimé­thylamine, qui est hallucinée en rêve, qu’il voit en caractère gras.  D, la maladie d’Irma qui est de nature sexuelle. B, la pensée présente simultanément. B est ce qui est à l’arrière-plan, la conversation avec FLIESS sur les glandes sexuelles, où FLIESS parle à FREUD de la triméthylamine. Par conséquent, C s’est trouvé poussé à la conscience par un double inves­tissement, venu à la fois de B et de D.  Quant à B et D, ce sont des chaînons qui restent inconscients.  La formule de la triméthylamine apparaît ici comme un dérivé de D et de A, lesquels D et A sont aussi intenses l’un que l’autre.  C’est une hallucination.

LACAN Le parallélisme entre ce que vous avez détaché du texte et le petit schéma que vous avez laissé subsisté, le schéma 4, ce qui est inconscient…et ce qui se poursuit, qui est en cours dans la pensée de FREUD à ce moment–là, c’est–à–dire ce qui est pour lui la parole organisatrice, polarisatrice de toute son existence…c’est la conversation avec Fliess.   Cette conversation qui se poursuit en filigrane dans toute son existence, comme la conversation fonda­mentale, puisqu’en fin de compte c’est là que se réalise cette auto–analyse : dans ce dialogue où FREUD concentre le maximum de son intérêt, puisque c’est par là que FREUD est FREUD, et que nous sommes encore là aujourd’hui à en parler. Et tout le reste est ce qui s’illumine au passage : tout le discours savant, le dis­cours quotidien, la formule de la triméthylamine, ce qu’on sait, ce qu’on ne sait pas, tout le fatras de ce qui est là vraiment imprimé, prêt à se désinvestir, ça n’a pas en soi un énorme intérêt.  Tout ce qui est là au niveau du moi…qui peut aussi bien faire obstacle ou être le signal du passage, c’est–à–dire s’illuminer au moment du passage [Cf.  triode] de ce qui est en train de se constituer, c’est–à–dire ce vaste discours à Fliess qui sera ensuite toute l’œuvre de Freud, …ce qui s’illumine au niveau du moi…du moi dans ses rapports avec l’inconscient, déjà avant la Traumdeutung qui va expliquer ça d’une façon tellement plus claire…nous le voyons dans ce premier petit schéma.  Ce qui est inconscient est ce qui est le plus fondamental, la conversation qui se poursuit avec Fliess. Ceci est tout à fait indépendant de ce que nous pouvons nous représenter comme on fait toujours schématiquement, parce qu’on méconnaît le mouve­ment de FREUD, comme quelque chose qui serait dans l’inconscient une impul­sion se résumant à quelque incident d’orientation, que vous pouvez rejoindre par la régression.  Vous verrez combien c’est plus subtil, la régression, quand vous la voyez se constituer, et combien c’est plus difficile à manier.  Dans la Traumdeutung, quand on introduit la régression, ce n’est pas ce qu’on croit, ni la façon dont on s’en sert de nos jours. En tout cas, le caractère inconscient de la conversation avec Fliess, de la paro­le fondamentale, qui se poursuit à ce moment–là, c’est la véritable dynamique, non de tout ce qui est dans ce rêve, mais justement de l’apparition de certaines choses et précisément de ces éléments soulignés, contingents, de cette modifi­cation du signifié qui fait que la triméthylamine en caractères gras devient un des éléments du rêve.  C’est–à–dire la conscience, là, au cœur de notre dernier schémade l’ampoule triodele quatrième.  Je le laisse pour aujourd’hui.  Il est très important qu’il soit là.  je vous montrerai la prochaine fois comment nous l’introduisons dans cette dialectique.  Il faut qu’il y en ait quatre.

Jean–Paul VALABREGA Dans la Traumdeutung, page 80 et suivantes, dans la secon­de analyse de ce rêve d’Irma, il dit :« Je devine pourquoi la formule de la triméthylamine a pris tant d’impor­tance.  Elle ne rappelle pas seulement le rôle dominant de la sexualité, mais aussi l’ami à qui je songe avec bonheur quand je me sens seul de mon avis.  Cet ami, qui joue un si grand rôle dans ma vie, vais–je le rencontrer dans la suite des associations du rêve ? »Eh bien oui, il le rencontre encore.  Et il explique dans quel ordre d’associa­tions d’idées il va le rencontrer, parce qu’en fait le rêve il n’en présente jamais l’interprétation complète.  Il s’est borné à en tirer, dans sa seconde analyse, le fait que c’est une réalisation de désir, et, comme il l’établit à partir de ce rêve princeps, FLIESS se trouve à l’arrière-plan, parce que, comme il se propose seulement de ne pas aller plus loin, pour des raisons personnelles…

LACAN Nous l’avons vu l’année dernière, ces raisons personnelles sont des difficultés conjugales.

Jean–Paul VALABREGA Peut–être dans le rêve de la monographie botanique, analysé plus profondément.  Ici, l’intérêt de son interprétation va porter sur le person­nage de O.  Il veut établir, en somme, qu’il n’a pas de responsabilité dans la mala­die d’Irma, que c’est O qui l’a.  Et il se limite à ça. Une autre analyse de ce rêve, plus profonde, serait probablement centrée sur ce qu’il indique là, que cela lui rappelle sa relation avec FLIESS, et qu’il la retrou­ve encore en d’autres chaînes d’associations.  Cela va jusqu’à mettre en question les travaux de FLIESS.  Ce qu’il observe sur la malade est ce que FLIESS a écrit sur les rapports des fosses nasales avec les organes sexuels de la femme.  Un passa­ge curieux.

LACAN Il montre au niveau du rêve et dans la symptomatologie du rêve, que l’élément dynamique fondamental au niveau de l’inconscient est quelque chose par quoi, en somme, FREUD introduit dans le discours scientifique de son temps, c’est–à–dire au niveau de ce qu’il est convenu d’appeler le plus élevé, si nous nous plaçons au niveau de l’individu, et que c’est lui qui fait tout ça.  C’est dans cette mesure, strictement, que nous sommes au niveau de la trame incons­ciente, comme telle, fondamentale.  Ce qui est la structure de l’inconscient, c’est ça, la conversation avec Fliess.  À ce moment–là elle est inconsciente.  Pourquoi ? Pour autant, comme vous le voyez bien, qu’elle déborde de beaucoup et infini­ment ce que tous les deux, en tant qu’individus, peuvent, à ce moment–là, en saisir, en appréhender, consciemment.  Car après tout, à ce moment, ce sont deux petits bouts de savants, comme les autres, qui échangent des idées plutôt loufoques. La découverte comme telle de l’inconscient nous montre déjà ceci… c’est important, parce qu’au moment de son surgissement historique, ça se montre avec sa dimension pleine…c’est pour autant que le sens déborde infiniment en portée les signes qui sont manipulés au niveau de l’individu, ce qu’il pousse comme signes.  C’est en ce sens qu’il en pousse toujours beaucoup plus qu’il ne croit, du seul fait qu’il les dépasse, ces signes, c’est démontré par la suite.  Là, nous trouvons, à l’origine, un phénomène de surgissement sensationnel de la parole, à savoir une nouvelle dimension, celle qui sera apportée par FREUD, la découverte freudienne, un nouveau sentiment de l’homme.  C’est de cela qu’il s’agit.  L’homme après FREUD, c’est ça.  C’est de cela qu’il s’agit dans l’incons­cient, c’est–à–dire au niveau strictement opposé à celui où on va le chercher d’ordinaire.



[1]   Siegfried Bernfeld, Sergei Feitelberg, (1931)  « The Principle of Entropy and the Death instinct », International Journal of Psycho-Analysis, 12 : 61-81.

[2]  Ce schéma provient de  l’ESQUISSE / ENTWURF (Document de travail : traduction Suzanne Hommel, avec la participation de André Albert, Éric Laurent, Guy Le Gauffey, Erik Porge), Extrait de Palea 6,7 et 8.

[3]   Raymond Ruyer : « La cybernétique et l’origine de l’information », Flammarion, 1954.

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