dimanche, novembre 10, 2024
Recherches Lacan

LVI LE DÉSIR ET SON INTERPRÉTATION 1958 – 1959 Leçon du 10 juin 1959

Leçon du 10 juin 1959

Dans notre dernier entretien, j’ai développé la structure du fantasme en tant qu’il est dans le sujet ce que nous appelons le soutien de son désir; le fantasme, là où nous pouvons le saisir dans une structure suffisamment complète pour servir ensuite en quelque sorte de plaque tournante à ce que nous sommes amenés à lui rapporter des diverses structures – c’est-à-dire à la relation du désir du sujet à ce que depuis longtemps je désigne pour vous comme étant, plus que sa référence, son essence dans la perspective analytique, à savoir le désir de l’Autre. Je vais aujourd’hui, comme je vous l’ai annoncé, essayer de vous situer la position du désir dans les différentes structures disons nosologiques, disons celles de l’expérience – au premier plan, la structure névrotique.

[Nous avons déjà étudié] le fantasme pervers, puisque c’est celui que j’ai choisi la dernière fois pour vous permettre d’y pointer ce qui correspond à la fonction du sujet et à celle de l’objet dans le fantasme en tant qu’il est le support, l’index d’une certaine position du sujet. De même que c’est l’image de l’autre qui est le départ et le support, du moins en ce point où le sujet se qualifie comme désir, il y a cette structure plus complexe qui s’appelle le fantasme, et où para-doxalement j’ai été amené la dernière fois, en prenant une forme particulière spécialement exemplaire (non sans profonds motifs), celle de l’exhibitionniste et du voyeur, à vous montrer que contrairement à ce qui est trop souvent dit, ce n’est pas là deux positions en quelque sorte réciproques, comme une sorte de précipitation de la pensée amène à le formuler: celui qui montre/celui qui voit, se complétant l’un l’autre.

Je vous l’ai dit, ces deux positions sont au contraire strictement parallèles et, dans les deux cas, le sujet, dans le fantasme, se trouve indiqué par ce quelque chose que nous avons appelé la fente, la béance, quelque chose qui est, dans le réel, à la fois trou et éclair pour autant que le voyeur épie derrière son volet, que l’exhibitionniste entrouvre son écran, qu’il est là indiqué à sa place dans l’acte; qu’il n’est rien d’autre que cet éclair de l’objet dont on parle et, vécu, perçu par le sujet par l’ouverture de cette béance, dans ce quelque chose qui, lui, le situe comme ouvert. Ouvert à quoi ? À un autre désir que le sien – sien qui est profondément atteint, ébranlé, frappé par ce qui est aperçu dans cet éclair.

C’est l’émotion de l’autre au-delà de sa pudeur; c’est l’ouverture de l’autre, l’attente virtuelle pour autant qu’elle ne se sent pas vue, et que pourtant elle est perçue comme s’offrant à la vue; c’est cela qui caractérise dans les deux cas cette position de l’objet qui est là, dans cette structure, si fondamentale. Puisqu’en fin de compte l’expérience analytique la repère au point de départ de ce qu’elle a d’abord trouvé sur la voie des causes et des stigmates générateurs de la position névrotique, nommément la scène aperçue, la scène dite primitive. Elle participe de cette structure, c’est-à-dire par un renversement sans doute de cette structure qui fait que le sujet voit quelque chose s’ouvrir, qui est cette béance soudain aperçue, quelque chose qui bien évidemment dans sa valeur traumatique a rapport au désir de l’Autre entrevu, perçu comme tel, qui reste là comme un noyau énigmatique jusqu’à ce qu’ultérieurement, après-coup, il puisse en réintégrer le moment vécu dans une chaîne qui ne sera pas forcément la chaîne correcte, qui sera en tout cas la chaîne génératrice de toute une modulation inconsciente, génératrice noyautée lors de la névrose.

Je vous prie de vous arrêter à cette structure du fantasme. Il est bien entendu que c’est un temps suspendu, comme je l’ai souligné, qui fait sa valeur. Ce qui fait sa valeur c’est cela, c’est un temps d’arrêt. Un temps d’arrêt qui a cette valeur d’index correspond à un moment d’action où le sujet ne peut s’instituer d’une certaine façon x, qui est justement ce que nous désignons comme désir ici, ce que nous essayons d’isoler dans sa fonction de désir, à proprement parler qu’à condition, ce sujet, de perdre le sens de cette position, car c’est cela: le fantasme lui est opaque. Nous pouvons, nous, désigner sa place dans le fantasme, peut-être lui-même peut-il l’entrevoir, mais le sens de la position, à savoir ce pourquoi il est là ce qui vient au jour de son être, cela le sujet ne peut pas le dire. C’est là le point essentiel: aphanisis. Sans doute le terme est heureux et nous sert, mais à la différence de la fonction qui lui donne Jones dans l’interprétation du complexe de castration, sa forme est énigmatique.

Nous voyons dans le fantasme que l’aphanisis, tout au moins là où le mot disparition (fading ai-je dit encore) nous est utilisable, ce n’est pas en tant qu’aphanisis du désir, c’est en tant qu’à la pointe du désir il y a aphanisis du sujet. Le sujet, en tant qu’il se situerait à sa place, qu’il s’articulerait comme je là où Ça parle dans la chaîne inconsciente, en tant qu’il ne peut là s’indiquer qu’en tant que disparaissant de sa position de sujet.

À partir de là nous voyons ce dont il va s’agir. Pour autant que nous avons défini ce point extrême, ce point imaginaire où l’être du sujet réside dans sa densité maxima (ce ne sont que des images pour que votre esprit s’accroche à une métaphore), à partir du moment où nous voyons, où nous définissons ce point imaginaire où l’être du sujet en tant qu’il est celui qui est à articuler, à nommer dans l’inconscient, ne peut en aucun cas, au dernier terme, être nommé mais seu-lement indiqué par quelque chose qui se révèle soi-même comme coupure, comme fente, comme structure de coupure dans le fantasme; c’est autour de ce point imaginaire – et ceci est, en tout domaine, légitime si nous pouvons articuler sa structure par ce qui en part – que nous allons essayer de situer ce qui se passe effectivement dans les différentes formes du sujet, qui ne sont pas du tout obligatoirement des formes homogènes, des formes compréhensibles d’un côté par celui qui est de l’autre côté.

Nous ne savons que trop à cet égard ce qui peut nous leurrer dans la compréhension d’une psychose. Par exemple nous devons nous garder de comprendre si nous pouvons essayer de reconstruire, d’articuler dans la structure. Et c’est bien cela que nous essayons de faire ici.

Alors à partir de là, à partir de cette structure où le sujet, dans son moment de disparition – et je vous le répète c’est là une notion dont vous pouvez trouver la trace lorsque Freud parle de l’ombilic du rêve, le point où toutes les associations convergent pour disparaître, pour n’être plus reliables à rien [d’autre] que ce qu’il appelle l’unerkannt. C’est de cela qu’il s’agit. Par rapport à ceci, le sujet voit en face de lui s’ouvrir quoi ? Rien d’autre qu’une autre béance, qui, à la limite, engendrerait un renvoi à l’infini du désir vers un autre désir.

Comme nous le voyons dans le fantasme du voyeur et de l’exhibitionniste, c’est du désir de l’Autre qu’il se trouve dépendant. C’est à la merci du désir de l’Autre qu’il se trouve offert. Ceci est concret, nous le trouvons dans l’expérience. Cela n’est pas parce que nous ne l’articulons pas que nous ne pouvons pas communément…, que ce n’est pas très facile à saisir.

Quand je vous ai parlé longuement, il y a deux ans, de la névrose du petit Hans, il ne s’agissait pas d’autre chose. C’est pour autant qu’à un moment de son évolution le petit Hans se trouve confronté à quelque chose qui va beaucoup plus loin que le moment, pourtant critique, de la rivalité à propos de la nouvelle venue, de sa petite sueur, de beaucoup plus grave que cette nouveauté qu’est pour lui l’ébauche de maturation sexuelle qui le rend capable d’érections, voire, la question est ouverte auprès des spécialistes, d’orgasmes. Cela n’est ni au niveau inter-psychologique, à proprement parler, ni au niveau de l’intégration d’une nouvelle tendance que s’ouvre la crise. je vous l’ai souligné et bien articulé (et même martelé) alors.

C’est pour autant que, par une fermeture à ce moment de la conjoncture, il se trouve effectivement et spécialement confronté comme tel au désir de sa mère, et qu’il se trouve en présence de ce désir sans aucun recours. La Hilflosigkeit de Freud, dans son article sur L’Inconscient, article de 1917, c’est cette position d’être sans recours, plus primitive que tout, et à l’égard de laquelle l’angoisse est déjà une ébauche d’organisation pour autant qu’elle est déjà attente – si on ne sait pas de quoi, si on ne l’articule pas tout de suite, en tout cas elle est avant tout Erwartung nous dit Freud. Mais auparavant il y a ceci, Hilflosigkeit, le “sans recours”. Le “sans recours” devant quoi ? Ce qui n’est définissable, centrable d’aucune autre façon que devant le désir de l’Autre. C’est ce rapport du désir du sujet, pour autant qu’il a à se situer devant le désir de l’Autre qui pourtant littéralement l’aspire et le laisse sans recours, c’est dans ce drame de la relation du désir du sujet au désir de l’Autre que se constitue une structure essentielle, non seulement de la névrose, mais de toute autre structure analytiquement définie.

Nous commençons par la névrose, nous sommes assez loin, partis de la perversion, pour que vous puissiez entrevoir que la perversion aussi y est liée. Néanmoins, soulignons-le, nous ne l’avons fait entrer, cette perversion, que dans ce moment instantané du fantasme, du fantasme pour autant que le passage à l’acte dans la perversion et dans la perversion seulement, le révèle.

Dans la névrose dont il s’agit pour nous de serrer de près pour l’instant ce qui a rapport à cette structure que j’articule devant vous, c’est ce moment fécond de la névrose que je vise dans le cas du petit Hans, parce que là il s’agit d’une phobie, c’est-à-dire la forme la plus simple de la névrose, celle où nous pouvons toucher du doigt le caractère de la solution, celui que je vous ai déjà articulé longuement à propos du petit Hans en vous montrant l’entrée en jeu de cet objet, l’objet phobique, en tant qu’il est un signifiant à toutes fins.

Il est là, pour occuper cette place entre le désir du sujet et le désir de l’Autre, une certaine fonction qui est une fonction de protection ou de défense. Là-dessus il n’y a aucune ambiguïté sur la formulation freudienne. La peur de l’objet phobique est faite pour protéger le sujet de quoi? C’est dans Freud: de l’approche de son désir. Et c’est en regardant les choses de plus près que nous voyons ce dont il s’agit, de son désir en tant qu’il est sans armes par rapport à ce qui dans l’Autre, la mère en l’occasion, s’ouvre pour Hans comme le signe de sa dépendance absolue.

Elle l’emmènera au bout du monde, elle l’emmènera plus loin encore; elle l’emmènera aussi loin et aussi souvent qu’elle-même disparaît, s’éclipse, qu’elle est la personne qui à ce moment peut lui paraître non plus seulement comme celle qui pourrait répondre à toutes ses demandes, elle lui apparaît avec ce mystère supplémentaire d’être elle-même ouverte à un manque dont le sens apparaît à ce moment-là à Hans, d’être dans un certain rapport au phallus que pourtant, ce phallus, il n’a pas.

C’est au niveau du manque à être de la mère que s’ouvre pour Hans le drame qu’il ne peut résoudre qu’à faire surgir ce signifiant de la phobie dont je vous ai montré la fonction plurivalente, une espèce de clef universelle, de clef à toutes fins qui lui sert à ce moment-là à se protéger contre ce que, d’une façon univoque, tous les analystes expérimentés ont perçu, contre le surgissement d’une angoisse plus redoutable encore que la peur liée, que la peur fixée de la phobie. Ce moment, en tant qu’il est relation du désir, qu’il est quelque chose qui va dans la structure du fantasme, dans l’opposition $ à a, donner à ce $ quelque chose qui en allège la part, qui en soutient la présence, qui est quelque chose où le sujet se raccroche, ce point où en somme va se produire le symptôme, le symptôme au niveau le plus profond dans la névrose, c’est-à-dire pour autant qu’il intéresse de la façon la plus générale, la position du sujet. C’est cela qui mérite ici d’être articulé.

Si vous voulez procédons dans cet ordre, d’être articulé d’abord, puis à nous demander si cette structure du fantasme est si fatale. Comment quelque chose qui se tient au bord de ce point de perte, de ce point de disparition indiqué dans la structure du fantasme – comme ce quelque chose qui se tient au bord, qui se soutient à l’entrée du tourbillon du fantasme – comment ce quelque chose est possible ? Car il est bien clair que c’est possible.

Le névrosé accède au fantasme. Il y accède à certains moments élus de la satisfaction de son désir. Mais tous nous savons que ce n’est là qu’une utilisation fonctionnelle du fantasme, que son rapport par contre à tout son monde et spécialement ses rapports aux autres, aux autres réels (c’est là que nous en arrivons maintenant) est profondément marqué par quoi ? On l’a toujours dit: par une pulsion refoulée. Cette pulsion refoulée, c’est sa relation que nous essayons d’articuler un peu mieux, de façon un peu plus serrée, d’une façon aussi cliniquement plus évidente. Nous allons tout simplement voir comment cela est possible. Nous allons tout de même indiquer comment cela se présente. Prenons l’obsessionnel, si vous voulez, et l’hystérique. Prenons-les ensemble, pour autant que dans un certain nombre de traits nous allons les voir s’éclairer l’un par l’autre.

L’objet du fantasme, pour autant qu’il débouche sur ce désir de l’Autre, il s’agit de ne pas l’approcher, et pour cela évidemment il y a plusieurs solutions. Nous avons vu celle qui est liée à la promotion de l’objet phobique à l’objet d’interdiction. D’interdiction de quoi? En fin de compte d’une jouissance qui est dangereuse parce qu’elle ouvre devant le sujet l’abîme du désir comme tel.

Il y a d’autres solutions, je vous les ai déjà indiquées sous ces deux formes schématiques dans le rapport de Royaumont. Le désir du sujet, le sujet peut le soutenir devant le désir de l’Autre. Il le soutient de deux façons

Comme désir insatisfait, c’est le cas des hystériques. je vous rappelle l’exemple de la belle bouchère où cette structure apparaît d’une façon si claire, ce rêve dans les associations duquel apparaît la forme, en quelque sorte avouée, de l’opération de l’hystérique. La belle bouchère désire manger du caviar, mais elle ne veut pas que son mari le lui achète, parce qu’il faut que ce désir reste insatisfait.

Cette structure, qui est là imagée dans une petite manœuvre qui forme d’ailleurs la trame et le texte de la vie quotidienne de ces sujets, va beaucoup plus loin en fait. Elle veut dire, cette historiette, la fonction que l’hystérique se donne à elle-même. C’est elle qui est l’obstacle, c’est elle qui ne veut pas. C’est-à-dire que dans ce rapport du sujet à l’objet dans le fantasme, elle vient occuper cette même position tierce qui était tout à l’heure dévolue au signifiant phobique, mais d’autre façon. C’est elle qui est l’obstacle, c’est elle qui est l’enjeu en réalité. Et sa jouissance est d’empêcher justement le désir dans les situations qu’elle trame elle-même. Car c’est là une des fonctions fondamentales du sujet hystérique dans les situations qu’elle trame, sa fonction est d’empêcher le désir de venir à terme pour en rester elle-même l’enjeu.

Elle prend la place de ce que nous pourrions appeler d’un terme anglais [a puppet], c’est-à-dire quelque chose comme “un mannequin”. [Puppet] a un sens plus étendu, plus général, c’est “un faux semblant”. L’hystérique, pour autant que dans une situation si fréquemment observée qu’elle est vraiment dans les observations reconnaissable en clair, – il suffit d’en avoir la clef qui est celle de sa position entre une ombre qui est son double, une femme qui est, de façon cachée, ce point précisément où se situe, où s’insère son désir pour autant qu’il faut qu’elle ne le voie pas -l’hystérique s’institue, [se] présente elle-même dans l’occasion, comme le ressort de la machine, celle qui les suspend et les situe l’une par rapport à l’autre comme des sortes de marionnettes où elle a elle-même à se soutenir dans ce rapport dédoublé qui est celui $ poinçon a; l’hystérique est pourtant dans le jeu elle-même sous la forme de celle qui en fin de compte est l’enjeu.

L’obsessionnel a une position différente. La différence de l’obsessionnel par rapport à l’hystérique est de rester, lui, hors du jeu. Son véritable désir vous l’observerez (fiez-vous à ces formules quand vous aurez affaire aux sujets cliniquement ainsi qualifiables), l’obsessionnel est quelqu’un qui n’est jamais véritablement là, à la place où quelque chose est en jeu qui pourrait être qualifié, “son désir” là où il risque le coup, apparemment, ce n’est pas là qu’il est. C’est de cette disparition même du sujet, le $ au point d’approche du désir, qu’il fait, si l’on peut dire, son arme et sa cachette: il a appris à se servir de cela pour être ailleurs. Et, observez-le bien, ceci bien sûr, il ne [le] peut – parce qu’il n’y a pas d’autre place que celle qui était réservée jusqu’ici à la structure instantanée, relationnelle, de l’hystérique – il ne le peut qu’en déployant dans le temps, en temporalisant cette relation, en remettant toujours au lendemain son engagement dans ce vrai rapport du désir. C’est toujours pour demain que l’obsessionnel réserve l’engagement de son véritable désir. Ce n’est pas dire qu’en attendant ce terme, il n’engage rien. Bien loin de là! Il fait ses preuves. Bien plus! il peut aller jusqu’à considérer ces preuves, ce qu’il fait, comme un moyen de s’acquérir des mérites. Des mérites à quoi ? À la référence de l’Autre à l’endroit de ses désirs. Ces choses vous les constaterez bel et bien, s’avouant à tout bout de champ, même si l’obsessionnel ne le reconnaît pas comme tel, ce mécanisme.

Mais il est important que vous soyez capable de le reconnaître pour le désigner. Car après tout c’est bien là quelque chose, je le dis, d’importun que d’écraser ce mécanisme sous la forme de ce qu’il entraîne dans son sillage, à savoir toutes ces relations inter-subjectives qui ne se conçoivent qu’ordonnées par rapport à cette relation, ou à ces relations fondamentales telles que j’essaye ici de les articuler pour vous.

Qu’est-ce qu’en fin de compte cela veut dire? je veux dire, avant même de nous demander comment cela est possible, qu’est-ce que nous voyons poindre dans cette position névrotique ? Il est clair que ce que nous voyons poindre c’est au moins ceci : l’appel au secours du sujet pour soutenir son désir, pour le soutenir – en présence et en face du désir de l’Autre, pour se constituer comme désirant. C’est cela que je vous indiquais la dernière fois, c’est que la seule chose qu’il ne sait pas, c’est que, se constituant comme désirant, sa démarche est profondément marquée par quelque chose qui est là derrière, à savoir le danger que constitue cette pente du désir. De sorte que se constituant comme désirant, il ne s’aperçoit pas que dans la constitution de son désir il se défend contre quelque chose, que son désir même est une défense et ne peut pas être autre chose.

Encore, pour que ceci puisse se soutenir, est-il clair que dans chaque cas il appelle à l’aide une chose qui se présente dans une position tierce par rapport à ce désir de l’Autre, quelque chose où il puisse se placer pour que la relation aspirante, évanouissante de l’$ devant le a soit tenable. C’est dans la relation à l’autre, l’autre réel, que nous voyons suffisamment indiqué le rôle de ce qui permet au sujet de symboliser. Car il ne s’agit pas d’autre chose que de symboliser sa situa-tion, à savoir de maintenir en acte quelque chose où il puisse se reconnaître comme sujet, se satisfaire comme sujet, tout étonné qu’il est finalement de voir que ce sujet qui se soutient, il se trouve en proie à toutes sortes d’attitudes contorsionnées et paradoxales qui le désignent à lui-même, dès qu’il peut avoir la moindre vue réfléchie sur sa propre situation, comme un névrosé en proie à des symptômes.

Ici intervient cet élément que l’expérience analytique nous a appris à mettre en un point clef des fonctions signifiantes et qui s’appelle le phallus. Si le phallus a la position clef que je désigne à l’instant, c’est très évidemment en tant que signifiant, que signifiant lié à quelque chose qui a un nom dans Freud, et dont Freud n’a absolument pas dissimulé la place dans l’économie inconsciente elle-même, c’est à savoir la loi.

À cet égard, toute espèce de tentative de ramener le phallus à quelque chose qui s’équilibre, qui se compose avec tel autre correspondant fonctionnel dans l’autre sexe, est quelque chose qui, bien entendu, du point de vue de l’interrelation du sujet, a sa valeur si l’on peut dire génétique, mais qui ne peut s’exercer, se faire qu’à la condition de méconnaître ce qui est tout à fait essentiel dans la valorisation du phallus comme tel. Il n’est pas purement et simplement un organe. Là où il est un organe, il est instrument d’une jouissance, il n’est pas, à ce niveau, intégré dans le mécanisme du désir, parce que le mécanisme du désir est quelque chose qui se situe à un autre niveau, que pour comprendre ce qu’est ce mécanisme du désir il faut le définir vu de l’autre côté, c’est-à-dire une fois les relations de la culture instituées et à partir ou non du mythe du meurtre primordial.

Le désir, de toutes les demandes, se distingue en ceci qu’il est une demande soumise à la loi. Cela a l’air presque d’enfoncer une porte ouverte, mais c’est tout de même de cela qu’il s’agit quand Freud nous fait la distinction des demandes qui répondent à des besoins dits de conservation de l’espèce ou de l’individu, et de celles qui sont sur un autre plan. C’est pourquoi nous dire que celles qui sont sur cet autre plan se distinguent des premières en ce sens qu’elles peuvent être atermoyées ! Mais après tout si le désir sexuel peut être atermoyé dans ses effets, dans son passage à l’acte chez l’homme, c’est d’une façon assurément ambiguë. Il peut être atermoyé ? Pourquoi peut-il l’être plus chez l’homme que chez les animaux où après tout, il ne souffre pas tellement d’atermoiements ? C’est en raison sans aucun doute d’une souplesse génétique. C’est aussi et essentiellement – car rien n’est articulé dans l’analyse si on ne l’articule pas à ce niveau – pour autant que c’est sur ce désir sexuel lui-même qu’est édifié l’ordre primor-dial d’échanges qui fonde la loi par laquelle entre à l’état vivant le nombre comme tel dans l’inter-psychologie humaine. La loi dite de l’alliance et de la parenté par quoi nous voyons ceci apparaître: que le phallus, fondamentalement, c’est le sujet en tant qu’objet de ce désir, cet objet étant soumis à ce que nous appellerons la loi de la fécondité.

Et aussi bien c’est ainsi que chaque fois qu’on fait intervenir d’une façon plus ou moins dévoilée et plus ou moins initiatique le phallus, il est, à ceux qui participent à cette initiation, dévoilé. Si la fonction du père, pour le sujet, en tant qu”`auteur de ses jours” comme on dit, n’est que le signifiant de ce que j’appelle ici la loi de la fécondité pour autant qu’elle règle, qu’elle noue le désir à une loi, effectivement cette signification fondamentale du phallus est ce dont, par toute la dialectique du désir pour autant que le désir, en tant que s’y exprime l’être du sujet au point de sa perte, s’interpose sur le trajet de cette fonctionnalisation du sujet en tant que phallus, de ce par quoi le sujet se présente dans la loi d’échange définie par les relations fondamentales réglant les inter-réactions du désir dans la culture… c’est pour autant que le sujet est, en tant qu’à partir d’un certain moment il n’est plus, il manque à être, il ne peut plus se saisir.

C’est de la rencontre de ceci avec sa fonction phallique, avec sa fonction phallique dans les liens réels des rapports avec les autres réels, de la génération réelle de la lignée, c’est ici que se produit le point d’équilibre qui est celui où nous nous sommes arrêtés à la fin du rêve du patient d’Ella Sharpe.

Si j’ai branché toute la grande digression sur Hamlet à ce niveau, c’est pour autant que ce sujet nous présentait dans son rêve, sous la forme la plus pure, cette alternance du « To be or not [.. ] », dont j’ai fait déjà tellement état. C’est à savoir ce sujet qui se qualifiait lui-même comme “personne”, ce sujet au moment où il approche de son désir, où il y met tout juste le doigt, où il a à choisir de n’être personne ou d’être pris, absorbé entièrement dans le désir dévorant de la femme, que tout de suite après il est sommé d’être ou de ne pas être, de faire venir au jour le « to be » de la seconde partie qui n’a pas le même sens que dans la première, le « ne pas être » de la structure primordiale du désir, se voit offert à une alternative: pour être, c’est-à-dire être le phallus, il doit être le phallus pour l’Autre, le phallus marqué; pour être ce qu’il peut être comme sujet, il est offert à la menace du “ne pas l’avoir”.

Si vous me permettez de me servir d’un signe dit logique qui est le V dont on se sert pour désigner le “ou bien, ou bien” de la distinction, le sujet voit s’ouvrir pour lui le choix entre le “ne pas l’être” – ne pas être le phallus – ou s’il l’est, “ne pas l’avoir”, c’est-à-dire être le phallus pour l’autre, le phallus dans la dialectique intersubjective. C’est de cela qu’il s’agit. Et c’est dans ce jeu que le névrosé éprouve l’approche, l’intégration de son désir comme une menace de perte.

Le pas un à quoi se désigne le $ dans la structure fondamentale du désir, se transforme dans un “un en trop”, ou “quelque chose en trop” ou “quelque chose en moins”, dans la menace de la castration pour l’homme ou dans le phallus ressenti comme absence pour la femme. C’est pourquoi on peut dire qu’à l’issue de la démystification analytique de la position du névrosé, quelque chose semble rester dans la structure, tout au moins ce dont nous témoigne Freud dans sa propre expérience, qui se présente comme un reste, comme quelque chose qui, pour le sujet, le fait dans tous les cas rester dans une position inadéquate, celle du péril pour le phallus chez l’homme, celle de l’absence du phallus chez la femme.

Mais aussi bien c’est peut-être pour autant que, dans le biais adopté d’abord pour la solution du problème névrotique, la dimension transversale, ce en quoi le sujet dans son désir a affaire à la manifestation de son être comme tel, à lui comme auteur possible de la coupure, cette dimension est négligée; qu’en d’autres termes la visée de l’analyste va à la réduction de la position névrotique du désir et non pas au dégagement de la position du désir comme tel, hors de cet engluement de cette dialectique particulière qui est celle du névrosé.

Comment encore revenir sur ces points pour vous en mieux faire sentir encore l’articulation ? Assurément je l’ai menée là sur son tranchant le plus pur. Il est bien certain que ceci traîne avec soi non seulement toute l’anecdote de l’histoire du sujet, mais aussi d’autres éléments structuraux dans son passé. Je veux dire ce que nous avons manifesté, mis en valeur au moment voulu, ce qui est ce qui se rapporte comme tel au drame narcissique, au rapport du sujet à sa propre image.

Bien sûr qu’en fin de compte c’est là que s’insère pour le sujet – Freud l’a souligné maintes fois en son temps et en ses propres termes – la crainte de la perte du phallus, le sentiment aussi du manque de phallus. Le moi, en d’autres termes, est intéressé. Mais remarquons-le alors à ce niveau, que, s’il intervient, s’il peut intervenir à cette place où le sujet peut avoir à se soutenir dans cette dialectique complexe où il craint de perdre dans la relation à l’autre son privilège, eh bien ça n’est certes pas si la relation narcissique à l’image de l’autre intervient en raison de quelque chose que nous pourrions appeler faiblesse du moi, car après tout dans tous les cas où nous constatons une telle faiblesse, ce à quoi nous assistons, c’est au contraire à un éparpillement de la situation, voire à un blocage de la situation.

Après tout je n’ai là qu’à faire allusion à quelque chose qui vous est à tous familier, qui a été je crois traduit dans la revue, au cas notoire de Mélanie Klein, à savoir de cet enfant qui était bel et bien introduit comme tel à ce rapport du désir au signifiant, mais qui se trouvait par rapport à l’autre, à la relation possible sur le plan imaginaire, sur le plan gestuel, communicatif, vivant avec l’autre, complètement suspendu, tel que nous le décrit Mélanie Klein. Nous ne savons pas tout de ce cas, et après tout nous ne pouvons pas dire que Mélanie Klein ait fait autre chose que nous présenter là un cas remarquable. Et ce que ce cas démontre, c’est qu’assurément cet enfant qui ne parlait pas est déjà si accessible et si sensible aux interventions parlées de Mélanie Klein que pour nous, dans notre registre, dans celui que nous essayons de développer ici, son comportement est vraiment éclatant.

Les seules structures du monde qui sont pour lui accessibles, sensibles, manifestes, manifestantes dès les premiers moments avec Mélanie Klein, ce sont des structures qui portent en elles-mêmes tous les caractères du rapport à la chaîne signifiante. Mélanie Klein nous les désigne, c’est la petite chaîne du train, c’est-à-dire de quelque chose qui est constitué d’un certain nombre d’éléments accrochés les uns aux autres; c’est une porte qui s’ouvre ou qui se ferme – autant dire ce que, quand j’essayais de vous montrer dans les utilisations possibles de tel schéma cybernétique à notre maniement du symbole, ce qui est la forme la plus simple de l’alternance “oui ou non” qui conditionne le signifiant comme tel, “une porte doit être ouverte ou fermée”.

C’est autour de cela que tout le comportement de l’enfant se limite. Ce n’est pourtant rien qu’à toucher à cela dans des mots qui sont tout de même des phrases et quelque chose d’essentiellement verbal que, dès les premiers moments, qu’est-ce qu’obtient de l’enfant l’intervention de Mélanie Klein ? Sa première réaction est à mon avis presque faramineuse dans son caractère exemplaire: c’est d’aller se situer (et c’est dans le texte) entre deux portes, entre la porte intérieure des cabinets et la porte extérieure, dans un espace noir dont on s’étonne que Mélanie Klein – qui par certains côtés a si bien vu les éléments de structure comme ceux de l’introjection et de l’expulsion, à savoir cette limite du monde extérieur de ce qu’on peut appeler les ténèbres intérieures par rapport à un sujet – n’a pas vu la portée de cette zone intermédiaire qui n’est rien de moins que celle que nous distinguons ainsi : celle où se situe le désir, à savoir cette zone qui n’est ni l’extérieur, ni l’intérieur, articulée et construite, si réduite dans ce sujet, mais ce qu’on peut appeler, car nous en trouvons dans certaines structures du village primitif de ces sortes de zones déblayées entre les deux, la zone de no man’s land entre le village et la nature vierge, qui est bien ce où est resté en panne le désir du petit sujet.

C’est là que nous voyons intervenir possiblement le moi, et bien entendu c’est dans toute la mesure où ce moi est non pas faible, mais fort, que viendront comme je l’ai répété toujours et cent fois, s’organiser les résistances du sujet. Les résistances du sujet pour autant qu’elles sont les formes de cohérence mêmes de la construction névrotique, c’est-à-dire de ce dans quoi il s’organise pour subsister comme désir, à n’être pas la place de ce désir, à être abrité du désir de l’Autre comme tel, à voir s’interposer entre sa manifestation la plus profonde comme désir et le désir de l’Autre, cette distance, cet alibi qui est celui où il se constitue respectivement comme phobique, hystérique, obsessionnel.

Je reviendrai, il le faut, sur un exemple que Freud nous donne, développé, d’un fantasme. Il n’est pas vain d’y revenir après avoir fait ce détour. C’est le fantasme On bat un enfant. Ici on peut saisir les temps qui nous permettent de retrouver la relation structurale que nous essayons aujourd’hui d’articuler.

Qu’avons-nous ? Le fantasme des obsessionnels. Filles et garçons se servent de ce fantasme pour parvenir à quoi ? à la jouissance masturbatoire. La relation au désir est claire. Cette jouissance, quelle est sa fonction ? Sa fonction ici est celle de toute satisfaction de besoin dans un rapport avec l’au-delà que détermine l’articulation d’un langage pour l’homme. C’est à savoir que la jouissance masturbatoire ici n’est pas la solution du désir, elle en est l’écrasement, exactement comme l’enfant à la mamelle dans la satisfaction du nourrissage écrase la demande d’amour à l’endroit de la mère.

Et aussi bien ceci est presque signé par des témoignages historiques. Je veux dire, puisque nous avons fait allusion en son temps à la perspective hédoniste, à son insuffisance pour qualifier le désir humain comme tel – n’oublions pas, après tout, que le caractère exemplaire d’un de ses points paradoxaux comme tels, évidemment laissé dans l’ombre de la vie de ceux qui se sont présentés dans l’histoire comme les sages, et les sages d’une discipline dont la fin, qualifiée de philosophique, était précisément, pour des raisons après tout valables puisque méthodiques, le choix, la détermination d’une posture par rapport au désir posture qui consiste aussi bien à l’origine à l’exclure, à le rendre caduc. Et toute perspective à proprement parler hédonique participe de cette position d’exclusion, comme le démontre l’exemple paradoxal que je vais ici vous rappeler, à savoir de la position des cyniques pour qui, d’une façon tout à fait catégorique – la tradition, sous la bouche de Chrysippe214 si mon souvenir est bon, nous en transmet le témoignage – c’est-à-dire que Diogène le Cynique affichait, au point de le faire en public en la manière d’un acte démonstratoire (et non pas exhibitionniste) que la solution du problème du désir sexuel était, si je puis dire, à la portée de la main de chacun, et il le démontrait brillamment en se masturbant.

Le fantasme de l’obsessionnel est donc quelque chose qui, bien entendu, a un rapport à la jouissance, dont il est même remarquable que cela puisse en devenir une des conditions, mais dont Freud nous démontre que la structure a valeur de ce que je désigne comme étant sa valeur d’index – puisque ce que ce fantasme pointe, ce n’est rien d’autre qu’un trait de l’histoire du sujet, quelque chose qui s’inscrit dans sa diachronie. C’est à savoir que le sujet, dans un passé par conséquent oublié, a vu, nous dit le texte de Freud, un rival (qu’il soit du même sexe ou d’un autre, peu importe!) subir les sévices de l’être aimé, en l’occasion du père, et a trouvé dans cette situation originelle son bonheur.

En quoi l’instant fantasmatique perpétue-t-il, si l’on peut dire, cet instant privilégié de bonheur? C’est ici que la phase intermédiaire qui nous est désignée par Freud prend sa valeur démonstrative. C’est pour autant que dans un temps, nous dit Freud, qui ne peut être que reconstruit – ceci se signale dans le fait que dans Freud nous ne trouvons le témoignage que de certains moments inconscients qui sont à proprement parler inaccessibles comme tels. Qu’il ait tort ou raison dans le cas précis, déterminé, pour l’instant c’est hors de question. Aussi bien n’a-t-il pas tort, mais l’important c’est qu’il désigne cette étape intermédiaire comme quelque chose qui ne peut être que reconstruit; et cette étape intermédiaire entre le souvenir historique en tant qu’il désigne le sujet dans un de ses moments de triomphe, souvenir historique, lui, qui n’est que refoulé, au pire, et qui peut être ramené au jour, ce en quoi l’instant fantasmatique y joue le rôle d’index, éternise si l’on peut dire ce moment, en faisant le point d’attache de quelque chose de tout différent, à savoir du désir du sujet. Eh bien ceci ne se passe que par rapport à un moment intermédiaire que j’appellerai ici, bien que ce soit un point où il ne puisse être que reconstruit, comme à proprement parler métaphorique.

Car de quoi s’agit-il dans ce moment intermédiaire, ce deuxième temps dont Freud nous dit qu’il est essentiel à la compréhension du fonctionnement de ce fantasme? C’est de ceci: c’est qu’à l’autre, le frère rival qui est la proie de la colère et du châtiment infligé par l’objet aimé, le sujet se substitue lui-même. C’est-à-dire que dans ce second temps c’est lui qui est châtié.

Nous nous trouvons là devant l’énigme à l’état nu de ce que comporte cette métaphore, ce transfert. Qu’est-ce que le sujet y cherche ? Quelle étrange voie pour la suite à donner à son triomphe que cette façon de passer lui-même à son tour par les fourches caudines de ce qui a été à l’autre infligé! Est-ce que nous ne nous trouvons pas là devant l’énigme dernière – Freud aussi bien ne le dissimule pas – de ce qui vient s’inscrire dans la dialectique analytique comme masochisme, et dont on voit après tout, ici sous une forme pure se présenter la conjonction ? C’est à savoir que quelque chose dans le sujet perpétue le bonheur de la situation initiale dans une situation cachée, latente, inconsciente, de malheur.

Que ce dont il s’agit dans ce second temps hypothétique, c’est en somme d’une oscillation, d’une ambivalence, d’une ambiguïté plus précisément de ce que l’acte de la personne autoritaire, en l’occasion le père, comporte de reconnaissance. La jouissance que prend là le sujet est ce vers quoi il glisse d’un accident de son historique à une structure où il va apparaître comme être, comme tel. C’est ceci que c’est dans le fait de s’aliéner, c’est-à-dire de se substituer ici à l’autre comme victime, que consiste le pas décisif de sa jouissance en tant qu’elle aboutit à l’instant fantasmatique où il n’est plus lui-même alors que on.

– D’une part instrument de l’aliénation en tant qu’elle est dévalorisation, il est on bat d’un côté, et c’est pourquoi jusqu’à un certain point j’ai pu vous dire qu’il devient purement et simplement l’instrument phallique en tant qu’il est ici instrument de son annulation.

– Confronté à quoi ? À on bat un enfant, un enfant sans figure, un enfant qui n’est plus rien que l’enfant originel, ni non plus l’enfant qu’il a été au second temps lui-même, dont il n’y a aucune, même spéciale, détermination de sexe. L’examen de la succession des fantasmes échantillonnés dont nous parle Freud le montre. Il est confronté à ce qu’on peut appeler une sorte d’extrait de l’objet.

C’est dans cette relation pourtant du fantasme que nous voyons pointer à ce moment ce qui, pour le sujet, fait l’instant privilégié de sa jouissance. Nous dirons que le névrosé – et nous verrons la prochaine fois comment nous pouvons lui opposer quelque chose de très particulier, non pas la perversion en général, car ici la perversion dans ce que nous explorons comme structure joue un rôle de point pivot, mais où nous pouvons lui opposer quelque chose de très spécial, et dont le facteur commun ne semble pas avoir été trouvé jusqu’ici, c’est à savoir l’homosexualité.

Mais pour nous en tenir aujourd’hui ici au névrosé, sa structure la plus commune, fondamentale réside en fin de compte en ceci que s’il se désire désirant, désirant quoi ? Quelque chose qui n’est en fin de compte que ce qui lui permet de soutenir dans sa précarité, son désir comme tel. Sans savoir que toute la fantasmagorie est faite pour cela, à savoir que ce sont ses symptômes mêmes qui sont le lieu où il trouve sa jouissance, ces symptômes pourtant si peu satisfaisants en eux-mêmes.

Le sujet donc se présente ici comme je ne dirai point un être pur, ce dont je suis parti pour vous indiquer ce que voulait dire le rapport de cette manifestation particulière du sujet au réel, mais un être pour. L’ambiguïté de la position du névrosé est tout entière ici, dans cette métonymie qui fait que c’est dans cet être pour que réside tout son pour être.

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