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Recherches Lacan

LVI LE DÉSIR ET SON INTERPRÉTATION 1958 – 1959 Leçon du 4 mars 1959

Leçon du 4 mars 1959

Je crois que nous avons poussé assez loin l’analyse structurale du rêve modèle qui se trouve dans le livre d’Ella Sharpe pour que voyiez au moins à quel point ce travail nous importait, sur la route de ce que nous essayons de faire, à savoir ce que nous devons considérer comme le désir et son interprétation.

Bien que certains aient dit n’avoir pas trouvé la référence à Lewis Caroll que j’avais donnée la dernière fois, je suis surpris que vous n’ayiez pas retenu la double règle de trois, puisque c’est là-dessus que j’ai terminé à propos de deux étapes de la relation du sujet à l’objet plus ou moins fétiche, la chose qui s’exprimait finalement comme le I, l’identification idéale que j’ai laissée ouverte, non sans intention, pour la première des deux équations, pour celle des lanières des sandales de la sueur, celle où à la place du I nous avons un X.

Je ne pense pas qu’aucun d’entre vous ne se soit pas aperçu que cet X, comme de bien entendu, est quelque chose qui était le phallus. Mais l’important c’est la place où était ce phallus. Précisément à la place de I, de l’identification primitive, de l’identification à la mère, précisément à cette place où le phallus, le sujet ne veut pas le dénier à la mère. Le sujet, comme l’enseigne la doctrine depuis toujours, veut maintenir le phallus de la mère, le sujet refuse la castration de l’Autre. Le sujet, comme je vous le disais, ne veut pas perdre sa dame, puisque c’est du jeu d’échecs qu’il s’agissait; il ne veut pas, dans l’occasion, mettre Ella Sharpe dans une autre position que la position de phallus idéalisé qui est celle dont il l’avertit par une « petite toux » avant d’entrer dans la pièce, d’avoir à faire disparaître les [amants] de façon qu’il n’ait point, d’aucune façon, à les mettre en jeu.

Nous aurons peut-être l’occasion cette année de revenir à Lewis Caroll; vous verrez qu’il ne s’agit pas, littéralement, d’autre chose dans les deux grands Alice Alice in Wonderland et Through the Looking-glass. C’est presque un poème des avatars phalliques, que ces deux Alice. Vous pouvez d’ores et déjà vous mettre à les bouquiner un petit peu, de façon à vous préparer à certaines choses que je pourrais être amené à en dire.

Une chose a pu vous frapper dans ce que je vous ai dit, qui concerne la position de ce sujet par rapport au phallus, qui est ce que je vous ai souligné: l’opposition entre l’être et l’avoir. Quand je vous ai dit que c’était parce que pour lui, c’était la question de l’être qui se posait, qu’il eût fallu “l’être sans l’avoir” (ce qui est par quoi j’ai défini la position féminine), il ne se peut pas qu’à propos de cet être et ne pas l’être, le phallus, ne se soit pas élevé en vous l’écho, qui vérita-blement s’impose même à propos de toute cette observation, du « To be or not to be », toujours si énigmatique, devenu presque un canular, qui nous donne le style de la position d’Hamlet et qui, si nous nous engagions dans cette ouverture, ne ferait que nous ramener à l’un des thèmes les plus primitifs de la pensée de Freud, de ce quelque chose où s’organise la position du désir, où s’avère le fait que c’est dès la première édition de la Traumdeutung que le thème d’Hamlet a été promu par Freud à un rang équivalent à celui du thème oedipien qui apparaissait alors pour la première fois dans la Traumdeutung. Bien sûr nous savons que Freud y pensait depuis un bout de temps mais c’est par des lettres qui n’étaient pas destinées à être publiées. La première apparition du “complexe d’Œdipe”, c’est dans la Traumdeutung en 1900.

La [remarque sur] Hamlet à ce moment-là est publiée aussi en 1900 dans la forme où Freud l’a laissée par la suite, mais en note, et c’est en 1910-1914 que cela passe dans le corps du texte. Je crois que le thème d’Hamlet peut nous servir à renforcer cette sorte d’élaboration de ce complexe de castration. Comment le complexe s’articule-t-il dans le concret, dans le cheminement de l’analyse ? Le thème d’Hamlet, après Freud, a été repris maintes fois, je ne ferai probablement pas le tour de tous les auteurs qui l’ont repris. Vous savez que le premier est Jones. Ella Sharpe a également avancé sur Hamlet un certain nombre de choses qui ne sont pas sans intérêt, la pensée de Shakespeare et la pratique de Shakespeare étant tout à fait au centre de la formation de cette analyste. Nous aurons peut-être l’occasion d’y venir. Il s’agit aujourd’hui de commencer à défricher ce terrain, à nous demander ce que Freud lui-même a voulu dire en introduisant Hamlet, et ce que démontre ce qui a pu s’en dire ultérieurement dans les œuvres d’autres auteurs.

Voici le texte de Freud qui vaut la peine d’être lu au début de cette recherche, je le donne dans la traduction française. Après avoir parlé du complexe d’Œdipe pour la première fois, et il n’est pas vain de remarquer ici que ce complexe d’Œdipe, il l’introduit dans la Science des rêves à propos des « rêves de mort des personnes qui nous sont chères », c’est-à-dire à propos précisément de ce qui nous a servi cette année de départ et de premier guide dans la mise en valeur de quelque chose qui s’est présenté d’abord tout naturellement dans ce rêve que j’ai choisi pour être un des plus simples se rapportant à un mort – ce rêve qui nous a servi à montrer comment s’instituait sur deux lignes d’intersubjectivité superposées, doublées l’une par rapport à l’autre, le fameux « il ne sait pas » que nous avons placé sur une ligne, la ligne de la position du sujet (le sujet paternel dans l’occasion étant ce qui est évoqué par le sujet rêveur), c’est-à-dire le quelque part où se situe, sous une forme en quelque sorte incarnée par le père lui-même et à la place du père, sous la forme d’« il ne le sait pas », précisément le fait que le père est inconscient et incarne ici l’image, l’inconscient même du sujet, et de quoi ? de son propre vœu, du vœu de mort contre son père.

Bien entendu il en connaît un autre, une sorte de vœu bienveillant, d’appel à une mort consolatrice. Mais justement cette inconscience, qui est celle du sujet concernant son vœu de mort œdipien, est en quelque sorte incarnée, dans l’image du rêve, sous cette forme que le père ne doit même pas savoir que le fils a fait contre lui ce vœu bienveillant de mort. « Il ne sait pas », dit le rêve absurdement, « qu’il était mort ». C’est là que s’arrête le texte du rêve. Et ce qui est refoulé pour le sujet, qui n’est pas ignoré du père fantasmatique, c’est le « selon son vœu » dont Freud nous dit qu’il est le signifiant que nous devons considérer comme refoulé.

« Une autre de nos grandes œuvres tragiques, nous dit Freud, Hamlet de Shakespeare, a les mêmes racines qu’Œdipe-Roi. La mise en œuvre toute différente montre, d’une manière identique, quelles différences il y a dans la vie intellectuelle [Seelenleben] de ces deux époques, et quel progrès le refoulement a fait dans la vie sentimentale (le mot sentimental, Gemütsleben, est approximatif) […]. Dans Œdipe, les désirs de l’enfant apparaissent et sont réalisés comme dans le rêve… »

Freud a en effet beaucoup insisté sur le fait que les rêves oedipiens sont là en quelque sorte comme le rejeton, la source fondamentale de ces désirs inconscients qui réapparaissent toujours, et l’Œdipe (je parle de l’Œdipe de Sophocle ou de la tragédie grecque) comme l’affabulation, l’élaboration de ce qui surgit toujours de ces désirs inconscients. C’est ainsi que textuellement les choses sont articulées dans la Science des rêves.

« […] dans Hamlet, ces mêmes désirs de l’enfant sont refoulés, et nous n’apprenons leur existence, tout comme dans les névroses, que par leur action d’inhibition, Hemmungswirkungen 84. Fait singulier, tandis que ce drame a toujours exercé une action considérable, on n’a jamais pu se mettre d’accord sur le caractère de son héros. La pièce est fondée sur les hésitations d’Hamlet à accomplir la vengeance dont il est chargé; le texte ne dit pas quelles sont les raisons et les motifs de ces hésitations; les nombreux essais d’explication n’ont pu les découvrir. Selon Goethe, et c’est maintenant encore la conception dominante, Hamlet représenterait l’homme dont l’activité est dominée par un développement excessif de la pensée, Gedankentätigkeit, dont la force d’action est paralysée, “Von des Gedankens Blüsse angekränkelt”, “Il se ressent de la pâleur de la pensée”. Selon d’autres, le poète aurait voulu représenter un caractère maladif, irrésolu et neurasthénique. Mais nous voyons dans la pièce qu’Hamlet n’est pas incapable d’agir. Il agit par deux fois

– d’abord dans un mouvement de passion violente, quand il tue l’homme qui écoute derrière la tapisserie.» Vous savez qu’il s’agit de Polonius, et que c’est au moment où Hamlet a avec sa mère un entretien qui est loin d’être crucial puisque rien dans cette pièce ne l’est jamais, sauf sa terminaison mortelle où en quelques instants s’accumule, sous forme de cadavres, tout ce qui, des nœuds de l’action, était jusqu’alors retardé.

– « ensuite d’une manière réfléchie et astucieuse, quand, avec l’indifférence totale d’un prince de la Renaissance, il livre les deux courtisans (il s’agit de Rosencrantz et de Guildenstern qui représentent des sortes de faux-frères) à la mort qu’on lui avait destinée. Qu’est-ce qui l’empêche donc d’accomplir la tâche que lui a donnée le fantôme de son père ? (Vous savez que la pièce s’ouvre sur la terrasse d’Elseneur par l’apparition de ce fantôme à deux gardes qui en avertiront, bientôt après, Hamlet). Il faut bien convenir que c’est la nature de cette tâche. Hamlet peut agir, mais il ne saurait se venger d’un homme qui a écarté son père et pris la place de celui-ci auprès de sa mère […]. En réalité, c’est l’horreur qui devrait le pousser à la vengeance, qui est remplacée par des remords, des scrupules de conscience […]. Je viens de traduire en termes conscients ce qui demeure inconscient dans l’âme du héros 86… »

Ce premier apport de Freud se présente avec un caractère d’une justesse d’équilibre qui, si je puis dire, nous conserve la voie droite pour situer, pour maintenir Hamlet à la place où il l’a mis. Ici cela est tout à fait clair. Mais c’est aussi par rapport à ce premier jet de la perception de Freud que devra se situer par la suite tout ce qui s’imposera comme excursions autour de cela, et comme broderies et, vous verrez, quelquefois assez distantes.

Les auteurs, au gré justement de l’avancement de l’exploration analytique, centrent l’intérêt sur des points qui d’ailleurs, dans Hamlet, se retrouvent quelquefois valablement, mais au détriment de cette sorte de rigueur avec laquelle Freud, dès le départ, le situe. Et je dirais qu’en même temps (et c’est ceci qui est le caractère en somme le moins exploité, le moins interrogé) tout est là, quelque chose qui se trouve situé sur le plan des « scrupules de conscience », quelque chose qui de toute façon ne peut être considéré que comme une élaboration.

Si on nous le présente comme étant ce qui se passe, la façon dont on peut exprimer sur le plan conscient ce qui demeure inconscient dans l’âme du héros, il semble que c’est à juste titre que nous pourrons tout de même demander comment l’articuler dans l’inconscient. Car il y a une chose certaine, c’est qu’une élaboration symptomatique comme un scrupule de conscience n’est tout de même pas dans l’inconscient – s’il est dans le conscient, si c’est construit de quelque façon par les moyens de la défense, il faudrait tout de même nous demander ce qui répond dans l’inconscient à la structure consciente. C’est donc cela que nous sommes en train d’essayer de faire.

Je termine le peu qui reste du paragraphe de Freud. Il ne lui en faut pas long pour jeter, de toutes façons, ce qui aura été le pont sur l’abîme d’Hamlet. À la vérité, c’est tout à fait frappant en effet qu’Hamlet soit resté une totale énigme littéraire jusqu’à Freud. Cela ne veut pas dire qu’il ne l’est pas encore, mais il y a eu ce pont. Cela est vrai pour d’autres oeuvres, Le Misanthrope est le même genre d’énigme.« L’aversion pour les actes sexuels […] concorde avec ce symptôme. Ce dégoût devait grandir toujours davantage chez le poète et jusqu’à ce qu’il l’exprimât complètement dans Timon d’Athènes. »

Je lis ce passage jusqu’au bout car il est important et ouvre la voie en deux lignes pour ceux qui dans la suite ont essayé d’ordonner autour du problème d’un refoulement personnel l’ensemble de l’œuvre de Shakespeare. C’est effectivement ce qu’a essayé de faire Ella Sharpe; ce qui a été indiqué dans ce qui a été publié après sa mort sous la forme des Un finished Papers, dont son Hamlet qui est paru d’abord dans le International Journal of Psycho-analysis, et qui res-semble à une tentative de prendre dans l’ensemble l’évolution de l’œuvre de Shakespeare comme significative de quelque chose – dont je crois qu’en voulant donner un certain schéma, Ella Sharpe a fait certainement quelque chose d’imprudent, en tout cas de critiquable du point de vue méthodique, ce qui n’exclut pas qu’elle ait trouvé effectivement quelque chose de valable.

« Le poète ne peut avoir exprimé dans Hamlet que ses propres sentiments. Georg Brandes indique dans son Shakespeare (c’est en 1896) que ce drame fut écrit aussitôt après la mort du père de Shakespeare (1601), […] et nous pouvons admettre qu’à ce moment, les impressions d’enfance qui se rapportaient à son père étaient particulièrement vives. On sait d’ailleurs que le fils de Shakespeare, mort de bonne heure, s’appelait Hamnet. »

Je crois que nous pouvons ici terminer avec ce passage qui nous montre à quel point Freud déjà, par de simples indications, laisse loin derrière lui les choses dans lesquelles les auteurs se sont engagés depuis.

Je voudrais ici engager le problème comme nous pouvons le faire à partir des données qui ont été celles que, depuis le début de cette année, je me trouve devant vous avoir produites. Car je crois que ces données nous permettent de rassembler d’une façon plus synthétique, plus saisissante, les différents ressorts de ce qui se passe dans Hamlet, de simplifier en quelque sorte cette multiplicité d’instances à laquelle nous nous trouvons, dans la situation présente, souvent confrontés; je veux dire qui donne je ne sais quel caractère de reduplication aux commentaires analytiques sur quelque observation que ce soit, quand nous [les] voyons reprises simultanément, par exemple dans le registre de l’opposition de l’inconscient et de la défense, puis ensuite du moi et du ça et, je pense, tout ce qui peut se produire quand on y ajoute encore l’instance du surmoi – sans que jamais soient unifiés ces différents points de vue qui donnent quelquefois à ces travaux je ne sais quel flou, quelle surcharge qui ne semble pas faite pour être quelque chose qui doive être utilisable pour nous dans notre expérience.

Ce que nous essayons ici de saisir, ce sont des guides qui, en nous permettant d’y resituer ces différents organes, ces différentes étapes des appareils mentaux que nous a donnés Freud, nous permettent de les resituer d’une façon qui tienne compte du fait qu’ils ne se superposent sémantiquement que d’une façon partielle. Ce n’est pas en les additionnant les unes aux autres, en en faisant une sorte de réunion et d’ensemble, qu’on peut les faire fonctionner normalement. C’est, si vous voulez, en les reportant sur un canevas que nous essayons de faire plus fondamental, de façon à ce que nous sachions ce que nous faisons de chacun de ces ordres de références quand nous les faisons entrer en jeu.

Commençons d’épeler ce grand drame d’Hamlet. Si évocateur qu’ait été le texte de Freud, il faut bien que je rappelle de quoi il s’agit. Il s’agit d’une pièce qui s’ouvre peu après la mort d’un roi qui fut, nous dit son fils Hamlet, un roi très admirable, l’idéal du roi comme du père, et qui est mort mystérieusement. La version qui a été donnée de sa mort est qu’il a été piqué par un serpent dans un verger – le orchard qui est ici interprété par les analystes. Puis très vite, quelques mois après sa mort, la mère d’Hamlet a épousé celui qui est son beaufrère, Claudius; ce Claudius objet de toutes les exécrations du héros central, d’Hamlet, est celui sur qui, en somme, je ferai porter non seulement les motifs de rivalité que peut avoir Hamlet à son égard, Hamlet en somme écarté du trône par cet oncle, mais encore tout ce qu’il entrevoit, tout ce qu’il soupçonne du caractère scandaleux de cette substitution. Bien plus encore, le père qui apparaît comme ghost, “fantôme”, pour lui dire dans quelles conditions de trahison dramatique s’est opéré ce qui, le fantôme le lui dit, a été bel et bien un attentat. C’est à savoir – c’est là le texte et il n’a pas manqué non plus d’exercer la curiosité des analystes – qu’on a versé dans son oreille durant son sommeil, un poison nommé mystérieusement hebenon. Hebenon qui est une sorte de mot formé, forgé, je ne sais s’il se retrouve dans un autre texte. On a essayé de lui donner des équivalents, un mot qui est proche et qui désigne, de la façon dont il est ordinairement traduit, la jusquiame. Il est bien certain que cet attentat par l’oreille ne saurait de toute façon satisfaire un toxicologue, ce qui donne par ailleurs matière à beaucoup d’interprétations à l’analyste.

Voyons tout de suite quelque chose qui, pour nous, se présente comme saisissant, je veux dire à partir des critères, des articulations que nous avons mises en valeur. Servons-nous de ces clefs, si particulières qu’elles puissent vous apparaître dans leur surgissement. Cela a été fait à ce propos très particulier, très déterminé, mais cela n’exclut pas, et c’est là l’une des phases les plus claires de l’expérience analytique, que ce particulier est ce qui a la valeur la plus universelle.

Il est tout à fait clair que ce que nous avons mis en évidence en écrivant le « il ne savait pas qu’il était mort » est quelque chose assurément de tout à fait fondamental. Dans le rapport à l’Autre, A en tant que tel, l’ignorance où est tenu cet Autre d’une situation quelconque est quelque chose d’absolument originel. Vous le savez bien puisqu’on vous apprend même que c’est l’une des révolutions de l’âme enfantine, que le moment où l’enfant – après avoir cru que toutes ses pensées (“toutes ses pensées”, c’est quelque chose qui doit toujours nous inciter à une grande réserve, je veux dire que les pensées, c’est nous qui les appelons ainsi; pour ce qui est vécu par le sujet, les pensées, c’est “tout ce qui est”), “tout ce qui est” est connu de ses parents, ses moindres mouvements intérieurs sont connus – s’aperçoit que l’Autre peut ne pas savoir. Il est indispensable de tenir compte de cette corrélation du “ne pas savoir” chez l’Autre, avec justement la constitution de l’inconscient: l’un est en quelque sorte l’envers de l’autre et, peut-être, c’est son fondement. Car en effet cette formulation ne suffit pas à les constituer.

Mais enfin, il y a quelque chose, qui est tout à fait clair et qui nous sert de guide dans le drame d’Hamlet, nous allons essayer de donner corps à cette notion historique, tout de même un petit peu superficielle dans l’atmosphère, dans le style du temps, qu’il s’agit de je ne sais quelle fabulation moderne (par rapport à la stature des anciens, ce seraient de pauvres dégénérés). Nous sommes dans le style du XIXe siècle, ce n’est pas pour rien que Georg Brandes est cité là, et nous ne saurons jamais si Freud à cette époque, encore que ce soit probable, connaissait Nietzsche. Mais cela, cette référence aux modernes, peut ne pas nous suffire. Pourquoi les modernes seraient-ils plus névrosés que les anciens ? C’est en tout cas une pétition de principe. Ce que nous essayons de voir, c’est quelque chose qui aille plus loin que cette pétition de principe ou cette explication par l’explication: “cela va mal, parce que cela va mal”!

Ce que nous avons devant nous, c’est une oeuvre dont nous allons essayer de commencer à séparer les fibres, les premières fibres. Première fibre, le père ici sait très bien qu’il est mort, mort selon le vœu de celui qui voulait prendre sa place, à savoir Claudius qui est son frère. Le crime est caché assurément pour le centre de la scène, pour le monde de la scène. C’est là un point qui est tout à fait essentiel, sans lequel bien entendu le drame d’Hamlet n’aurait même pas lieu de se situer et d’exister. Et c’est ceci qui dans cet article de Jones, lui accessible, The death of Hamlet’s father, est mis en relief, à savoir la différence essentielle que Shakespeare a introduite par rapport à la saga primitive où le massacre de celui qui, dans la saga, porte un nom différent mais qui est le roi, a lieu devant tous au nom d’un prétexte qui regarde en effet ses relations à son épouse. Ce roi est massacré aussi par son frère, mais tout le monde le sait. Là, dans Hamlet, la chose est cachée mais, c’est le point important, le père, lui, la connaît, et c’est lui qui vient nous le dire: « There needs no ghost, my lord to tell us this ». Freud le cite à plusieurs reprises parce que cela fait proverbe, « Il n’y a pas besoin de fantôme mon bon seigneur, il n’y a pas besoin de fantôme pour nous dire cela», et en effet s’il s’agit du thème oedipien, nous en savons, nous, déjà long. Mais il est clair que dans la construction du thème d’Hamlet, nous n’en sommes pas encore à le savoir. Et il y a quelque chose de significatif dans le fait que dans la construction de la fable, ce soit le père qui vienne le dire, que le père, lui, le sache.

Je crois que c’est là quelque chose de tout à fait essentiel. Et c’est une première différence, dans la fibre, avec la situation, la construction, la fabulation fondamentale, première, du drame d’Œdipe; car Œdipe, lui, ne sait pas. Quand il sait tout, le drame se déchaîne qui va jusqu’à son auto-châtiment, c’est-à-dire la liquidation par lui-même d’une situation. Mais le crime oedipien est commis par Œdipe dans l’inconscience. Ici le crime oedipien est su, et il est su de qui ? de l’autre, de celui qui en est la victime et qui vient surgir pour le porter à la connaissance du sujet.

En somme, vous voyez dans quel chemin nous avançons, dans une méthode si je puis dire de comparaison, de corrélation entre ces différentes fibres de la structure, qui est une méthode classique, celle qui consiste dans un tout articulé – et nulle part il n’y a plus d’articulation que dans ce qui est du domaine du signifiant. La notion même d’articulation, je le souligne sans cesse, lui est en somme consubstantielle. Après tout, on ne parle d’articulation dans le monde que parce que le signifiant donne à ce terme un sens. Autrement il n’y a rien que continu ou discontinu, mais non point articulation.

Nous essayons de voir, de saisir par une sorte de comparaison des fibres homologues dans l’une et l’autre phases, de l’Œdipe et de dHamlet en tant que Freud les a rapprochés, ce qui va nous permettre de concevoir la cohérence des choses. À savoir comment, dans quelle mesure, pourquoi, il est concevable que, dans la mesure même où une des touches du clavier se trouve sous un signe opposé à celui où elle est dans l’autre des deux drames, il se produit une modification strictement corrélative. Et cette corrélation est là ce qui doit nous mettre au joint de la sorte de causalité dont il s’agit dans ces drames. C’est partir de l’idée même que ce sont ces modifications corrélatives qui sont pour nous les plus instructives, qui nous permet de rassembler les ressorts du signifiant d’une manière qui soit pour nous plus ou moins utilisable. Il doit y avoir un rapport saisissable et finalement notable d’une façon quasi algébrique entre ces premières modifications du signe et ce qui se passe.

Si vous voulez, sur cette ligne du haut, du qu’« il ne le savait pas », là c’est “il savait qu’il était mort”. Il était mort selon le vœu meurtrier qui l’a poussé dans la tombe, celui de son frère. Nous allons voir quelles sont les relations avec le héros du drame.

Mais avant de nous lancer d’une façon toujours un peu précipitée dans la ligne de superposition des identifications qui est dans la tradition: il y a des concepts, et les plus commodes sont les moins élaborés, et Dieu sait ce qu’on ne fait pas avec des identifications! Et Claudius en fin de compte, ce qu’il a fait, c’est une forme d’Hamlet, c’est le désir d’Hamlet ! Cela est vite dit puisque pour situer la position d’Hamlet vis à vis de ce désir, nous nous trouvons dans cette position de devoir faire intervenir ici tout d’un coup le scrupule de conscience. C’est à savoir quelque chose qui intro duit dans les rapports d’Hamlet à ce Claudius une position double, profondément ambivalente, qui est celle par rapport à un rival, mais dont on sent bien que cette rivalité est singulière, au second degré: celui qui, en réalité, est celui qui a fait ce que lui n’aurait pas osé faire. Et dans ces conditions, il se trouve environné de je ne sais quelle mystérieuse protection qu’il s’agit de définir.

Au nom de scrupules de conscience, dit-on ? Par rapport à ce qui s’impose à Hamlet, et ce qui s’impose d’autant plus qu’à partir de la rencontre primitive avec lé ghost, c’est-à-dire littéralement le commandement de le venger, le fantôme, Hamlet pour agir contre le meurtrier de son père est armé de tous les sentiments: il a été dépossédé, sentiment d’usurpation, sentiment de rivalité, sentiment de vengeance, et bien plus encore l’ordre exprès de son père par-dessus tout admiré. Sûrement, d’Hamlet tout est d’accord pour qu’il agisse, et il n’agit pas!

C’est évidemment ici que commence le problème et que la voie de progression doit s’armer de la plus grande simplicité. Je veux dire que toujours ce qui nous perd, ce qui nous égare, c’est de substituer, au franchissement de la question, des clefs toutes faites. Freud nous le dit, il s’agit là de la représentation consciente de quelque chose qui doit s’articuler dans l’inconscient. Ce que nous essayons d’articuler, de situer quelque part et comme tel dans l’inconscient, c’est ce que veut dire un désir. En tout cas, disons avec Freud qu’il y a quelque chose qui ne va pas à partir du moment où les choses sont engagées d’une telle sorte. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le désir d’Hamlet.

C’est ici que nous allons choisir le chemin. Cela n’est pas facile car nous n’en sommes pas beaucoup plus loin que le point où on a toujours été. Ici, il faut prendre Hamlet, sa conduite dans la tragédie dans son ensemble. Et puisque nous avons parlé du désir d’Hamlet, il faut s’apercevoir de ce qui n’a pas échappé aux analystes, naturellement, mais qui n’est peut-être pas du même registre, du même ordre. Il s’agit de situer ce qu’il en est d’Hamlet comme d’un […] qui pour nous est l’axe, l’âme, le centre, la pierre de touche du désir. Ce n’est pas exactement cela, à savoir les rapports d’Hamlet à ce qui peut être l’objet conscient de son désir. Là-dessus rien ne nous est, par l’auteur, refusé.

Nous avons dans la pièce comme le baromètre de la position d’Hamlet par rapport au désir, nous l’avons de la façon la plus évidente et la plus claire sous la forme du personnage d’Ophélie. Ophélie est très évidemment une des créations les plus fascinantes qui ait été proposée à l’imagination humaine. Quelque chose que nous pouvons appeler le drame de l’objet féminin, le drame du désir du monde qui apparaît à l’orée d’une civilisation sous la forme d’Hélène, c’est remarquable de le voir dans un point, qui est peut-être aussi un point sommet, incarné dans le drame et le malheur d’Ophélie. Vous savez qu’il a été repris sous maintes formes par la création esthétique, artistique, soit par les poètes, soit par les peintres, tout au moins à l’époque préraphaélite, jusqu’à nous donner des tableaux fignolés où les termes mêmes de la description que donne Shakespeare de cette Ophélie flottant dans sa robe au fil de l’eau où elle s’est laissée, dans sa folie, glisser – car le suicide d’Ophélie est ambigu.

Ce qui se passe dans la pièce c’est, que tout de suite, corrélativement en somme au drame (c’est Freud qui nous l’indique) nous voyons cette horreur de la féminité comme telle. Les termes en sont articulés au sens le plus propre du terme; c’est-à-dire, ce qu’il découvre, ce qu’il met en valeur, ce qu’il fait jouer devant les yeux mêmes d’Ophélie comme étant toutes les possibilités de dégradation, de variation, de corruption, qui sont liées à l’évolution de la vie même de la femme pour autant qu’elle se laisse entraîner à tous les actes qui peu à peu font d’elle une mère. C’est au nom de ceci qu’Hamlet repousse Ophélie de la façon qui apparaît dans la pièce la plus sarcastique et la plus cruelle.

Nous avons ici une première corrélation de quelque chose qui marque bien l’évolution et les…, une évolution et une corrélation comme essentielles de quelque chose qui porte le cas d’Hamlet sur sa position à l’endroit du désir. Remarquez que nous nous trouvons là tout de suite confrontés, au passage, avec le psychanalyste sauvage, Polonius, le père d’Ophélie qui, lui, a tout de suite mis le doigt dessus: la mélancolie d’Hamlet ? C’est parce qu’il a écrit des lettres d’amour à sa fille et que lui, Polonius, ne manquant pas d’accomplir son devoir de père, a fait répondre par sa fille, vertement. Autrement dit, notre Hamlet est malade d’amour! Ce personnage caricatural est là pour nous représenter l’accompagnement ironique de ce qui s’offre toujours de pente facile à l’interprétation externe des événements.

Les choses se structurent un tout petit peu autrement, comme personne n’en doute. Il s’agit bien entendu de quelque chose qui concerne les rapports d’Hamlet avec quoi ? Avec son acte essentiellement. Bien sûr, le changement profond de sa position sexuelle est tout à fait capital, mais il est à articuler, à organiser un tant soit peu autrement. Il s’agit d’un acte à faire, et il en dépend dans sa position d’ensemble. Et très précisément de ce quelque chose qui se manifeste tout au long de cette pièce, qui en fait la pièce de cette position fondamentale par rapport à l’acte, qui en anglais a un mot d’usage beaucoup plus courant qu’en français (c’est ce qu’on appelle, en français, ajournement, retardement) et qui s’exprime en anglais par procrastinate, “renvoyer au lendemain”.

C’est en effet de cela qu’il s’agit. Notre Hamlet, tout au long de la pièce, procrastine. Il s’agit de savoir ce que vont vouloir dire les divers renvois qu’il va faire de l’acte chaque fois qu’il va en avoir l’occasion, et ce qui va être déterminant à la fin, dans le fait que cet acte à commettre, il va le franchir. Je crois qu’ici en tout cas, il y a quelque chose à mettre en relief, c’est justement la question qui se pose à propos de ce que signifie l’acte qui se propose à lui.

L’acte qui se propose à lui n’a rien à faire en fin de compte – et c’est là ce qui est suffisamment indiqué dans ce que je vous ai fait remarquer-avec l’acte oedipien en révolte contre le père. Le conflit avec le père, au sens où il est, dans le psychisme, créateur, ce n’est pas l’acte d’Œdipe, pour autant que l’acte d’Œdipe soutient la vie d’Œdipe et qu’il en fait ce héros qu’il est avant sa chute, tant qu’il ne sait rien, qui fait l’Œdipe conclure sur le dramatique. Lui, Hamlet, sait qu’il est coupable d’être, il est insupportable d’être. Avant tout commencement du drame d’Hamlet, Hamlet connaît le crime d’exister, et c’est à partir de ce commencement qu’il lui faut choisir, et pour lui le problème d’exister à partir de ce commencement se pose dans des termes qui sont les siens: à savoir le To be, or not to be qui est quelque chose qui l’engage irrémédiablement dans l’être comme il l’articule fort bien.

C’est justement parce que pour lui le drame oedipien est ouvert au commencement et non pas à la fin, que le choix se propose entre “être” et “ne pas être”. Et c’est justement parce qu’il y a cet “ou bien, ou bien” qu’il s’avère qu’il est pris de toutes façons dans la chaîne du signifiant, dans quelque chose qui fait que, de ce choix, il est de toutes façons la victime.

Je donnerai la traduction de Letourneur qui me semble la meilleure: « Être ou ne pas être! C’est là la question. S’il est plus noble à l’âme de souffrir les traits poignants de l’injuste fortune, ou se révoltant contre cette multitude de maux…, Or to take arms against a sea of troubles, And by opposing end them. To die, to sleep – No more; Mourir, – dormir, – rien de plus, et par ce sommeil, dire nous mettons un terme aux angoisses du cœur; et à cette foule de plaies et de douleurs, and by a sleep to say we end The heart-ache, and the thousand natural shocks That flesh is heir to [ .. ], et ces milliers de choses naturelles dont la chair est l’héritière. (Je pense que ces mots ne sont pas faits pour nous être indifférents). Mourir – dormir – Dormir ? Rêver peut-être; oui, voilà le grand obstacle. Car de savoir quels songes peuvent survenir dans ce sommeil de la mort, après que nous sommes dépouillés de cette enveloppe mortelle, (This mortal coil n’est pas tout à fait “l’enveloppe”, c’est cette espèce de torsion de quelque chose d’enroulé qu’il y a autour de nous) c’est de quoi nous forcer à faire une pause. Voilà l’idée qui donne une si longue vie à la calamité; car qui supporterait les injustices du temps, Les injustices d’oppresseurs, les outrages de l’orgueil méprisé […] L’insolence des gens en place […]. Que le mérite patient doit souffrir de l’homme sans âme, lorsque avec un poinçon, il pourrait lui-même se procurer le repos ? […] »

Ce devant quoi se trouve Hamlet dans ce « Être, ou ne pas être », c’est rencontrer la place prise par ce que lui a dit son père. Et ce que son père lui a dit en tant que fantôme, c’est que lui a été surpris par la mort « dans la fleur de ses péchés ». Il s’agit de rencontrer la place prise par le péché de l’autre, le péché non payé. Celui qui sait est par contre, contrairement à Œdipe, quelqu’un qui n’a pas payé ce crime d’exister. Les conséquences, d’ailleurs, à la génération suivante ne sont pas légères. Les deux fils d’Œdipe ne songent qu’à se massacrer entre eux avec toute la vigueur et la conviction désirables, alors que pour Hamlet il en est tout autrement. Hamlet ne peut ni payer à sa place, ni laisser la dette ouverte. En fin de compte, il doit la faire payer, mais dans les conditions où il est placé, le coup passe à travers lui-même. Et c’est – de l’arme même (à la suite d’une sombre trame sur laquelle nous aurons à nous étendre largement) dont Hamlet se trouve blessé – uniquement après que lui, Hamlet, soit touché à mort, qu’il peut toucher le criminel qui est là à sa portée, à savoir Claudius.

C’est cette communauté de décillement – le fait que le père et le fils, l’un et l’autre savent – qui est ici le ressort qui fait toute la difficulté du problème de l’assomption par Hamlet de son acte. Et les voies par lesquelles il pourra le rejoindre, qui rendront possible cet acte en lui-même impossible dans la mesure même où l’autre sait, ce sont les voies de détour qui lui rendront possible finalement d’accomplir ce qui doit être accompli, ce sont ces voies qui doivent faire l’objet de notre intérêt parce que ce sont elles qui vont nous instruire.

Puisque c’est cela qui est le véritable problème qu’il s’agissait aujourd’hui d’introduire, il faut bien que je vous porte en quelque sorte au terme de la chose, je veux dire ce par quoi finalement, et par quelles voies, Hamlet arrive à accomplir son acte. N’oublions quand même pas que s’il y arrive, si Claudius à la fin tombe frappé, c’est tout de même du boulot bousillé. Cela n’est rien de moins qu’après être passé au travers du corps de quelqu’un qu’il se trouve certainement, vous le verrez, avoir plongé dans l’abîme. À savoir l’ami, le compagnon, Laërte, après que sa mère, par suite d’une méprise, se soit empoisonnée avec la coupe même qui devait lui servir d’attentat, de sécurité, pour le cas où la pointe du fleuret empoisonnée n’aurait pas touché Hamlet, c’est après un certain nombre d’autres victimes, et ce n’est pas avant d’avoir été, lui-même, frappé à mort qu’il peut porter le coup. Il y a pourtant là quelque chose qui, pour nous, doit faire problème.

Si effectivement quelque chose s’accomplit, s’il y a eu in extremis cette sorte de rectification du désir qui a rendu l’acte possible, comment a-t-il été accompli ? C’est justement là que porte la clef, ce qui fait que cette pièce géniale n’a jamais été remplacée par une autre mieux faite. Car en somme qu’est-ce que c’est que ces grands thèmes mythiques sur lesquels s’essaient au cours des âges les créations des poètes, si ce n’est une espèce de longue approximation qui fait que le mythe, à le serrer au plus près de ses possibilités, finit par entrer à proprement parler dans la subjectivité et dans la psychologie. Je soutiens, et je soutiendrai sans ambiguïté – et je pense être dans la ligne de Freud en le faisant – que les créations poétiques engendrent plus qu’elles ne reflètent les créations psychologiques.

Ce canevas diffus, en quelque sorte, qui vaguement flotte dans ce rapport primordial de la rivalité du fils et du père, est quelque chose qui ici lui donne tout son relief et qui fait le véritable cœur de la pièce d’Hamlet. C’est dans la mesure où quelque chose vient à équivaloir à ce qui a manqué – à ce qui a manqué en raison même de cette situation originelle, initiale, distincte par rapport à l’Œdipe – c’est-à-dire la castration, en raison même du fait qu’à l’intérieur de la pièce les choses se présentent comme une espèce de lent cheminement en zigzag, ce lent accouchement et par des voies détournées de la castration nécessaire, dans cette mesure même et dans cette mesure où ceci est réalisé au dernier terme, qu’Hamlet fait jaillir l’action terminale où il succombe et où les choses étant poussées à ne pouvoir [éviter que] d’autres, les Fortinbras, toujours prêts à recueillir l’héritage, viendront à lui succéder.

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