dimanche, novembre 10, 2024
Recherches Lacan

LIX L'IDENTIFICATION 1961 – 1962 Leçon du 28 mars 1962

Leçon du 28 mars 1962

À quoi nous sert la topologie de cette surface, de cette surface appelée tore, pour autant que son inflexion constituante, ce qui nécessite ces tours et ces retours, est ce qui peut nous suggérer le mieux la loi à laquelle le sujet est soumis, dans le processus de l’identification ?

Ceci bien sûr ne pourra finalement nous apparaître que quand nous aurons effectivement fait le tour de tout ce qu’il représente, et jusqu’à quel point il convient à la dialectique propre au sujet en tant qu’elle est dialectique de l’identification. A titre donc de repère, et pour que quand je mettrai en valeur tel ou tel point, que j’accentuerai tel relief, vous enregistriez, si je -puis dire, à chaque instant le degré d’orientation, le degré de pertinence par rapport à un certain but à atteindre, de ce qu’à cet instant j’avancerai, je vous dirai qu’à la limite ce qui peut s’inscrire sur ce tore, pour autant que cela peut nous servir, va à peu près se symboliser ainsi, que cette forme, ces cercles dessinés, ces lettres attenantes à chacun de ces cercles, vont nous le désigner à l’instant. Le tore, sans doute, paraît avoir une valeur privilégiée. Ne croyez pas que ce soit la seule forme de surface non sphérique qui soit capable de nous intéresser. Je ne saurais trop encourager ceux qui ont pour cela quelque penchant, quelque facilité, à se rapporter à ce qu’on appelle topologie algébrique, et aux formes qu’elle vous propose dans ce quelque chose qui, si vous le voulez, par rapport à la géométrie classique, celle que vous gardez inscrite au fond de vos culottes du fait de votre passage dans l’enseignement secondaire, se présente exactement dans l’analogie de ce que j’essaie de vous faire sur le plan symbolique, ce que j’ai appelé une logique élastique, une logique souple. Cela, c’est encore plus manifeste pour la géométrie dont il s’agit, car la géométrie dont il s’agit dans la topologie algébrique se présente elle-même comme la géométrie des figures qui sont en caoutchouc. Il est possible que les auteurs fassent intervenir ce caoutchouc, ce rubber comme on dit en anglais, pour bien mettre dans l’esprit de l’auditeur ce dont il s’agit. Il s’agit de figures déformables et qui à travers toutes les déformations restent en rapport constant. Ce tore n’est pas forcé de se présenter ici dans sa forme bien remplie.

Ne croyez pas que parmi les surfaces qu’on définit, qu’on doit définir, qui sont celles qui nous intéressent essentiellement, les surfaces closes, pour autant qu’en tout cas le sujet se présente lui-même comme quelque chose de clos, les surfaces closes, quelle que soit votre ingéniosité, vous voyez qu’il y a tout le champ ouvert aux inventions les plus exorbitantes. Ne croyez pas d’ailleurs que l’imagination s’y prête de si bon gré, au forgeage de ces formes souples, complexes, qui s’enroulent, se nouent avec elles-mêmes. Vous n’avez qu’à essayer de vous assouplir à la théorie des nœuds pour vous apercevoir combien il est difficile déjà de se représenter les combinaisons les plus simples, encore ceci ne vous mènera-t-il pas loin, car on démontre que sur toute surface close, si compliquée soit-elle, vous arriverez toujours à la réduire par des procédés appropriés à quelque chose qui ne peut pas aller plus loin qu’une sphère pourvue de quelques appendices, parmi lesquels justement ceux qui, du tore, s’y représentent comme poignée annexée, une poignée ajoutée à une sphère, telle que je vous l’ai dessinée récemment au tableau, une poignée suffisant à transformer la sphère et la poignée en un tore, du point de vue de la valeur topologique.

Donc tout peut se réduire à l’adjonction, à la forme d’une sphère avec un certain nombre de poignées, plus un certain nombre d’autres formes éventuelles. J’espère que la séance avant les vacances, je pourrai vous initier à cette forme qui est bien amusante mais quand je pense que la plupart d’entre vous ici n’en soupçonnent même pas l’existence ! C’est ce qu’on appelle en anglais un cross-cap, ou ce qu’on peut désigner par le mot français de mitre. Enfin, supposez un tore qui aurait pour propriété quelque part sur son tour d’inverser sa surface, je veux dire qu’à un endroit qui se place ici entre deux points A et B, la surface extérieure traverse… la surface qui est en avant traverse la surface qui est en arrière, les surfaces s’entrecroisent l’une l’autre. Je ne peux que vous l’indiquer ici. Cela a des propriétés bien curieuses, et cela peut être même pour nous assez exemplaire, pour autant qu’en tout cas c’est une surface qui a cette propriété que la surface externe, elle, si vous voulez, se trouve en continuité avec la face interne en passant à l’intérieur de l’objet, et donc peut revenir en un seul tour de l’autre côté de la surface d’où elle est partie. C’est là chose très facile à réaliser, de la façon la plus simple, quand vous faites avec une bande de papier ce qui consiste à la prendre, et à la tordre de façon à ce que son bord soit collé au bord extrême en étant renversé. Vous vous apercevez que c’est une surface qui n’a effectivement qu’une seule face, en ce sens que quelque chose qui s’y promène ne rencontre jamais, dans un certain sens, aucune limite, qui passe d’un côté à l’autre sans que vous puissiez saisir à aucun instant où le tour de passe-passe s’est réalisé. Donc il y a là la possibilité, sur la surface d’une sphère quelconque comme venant à réaliser, à simplifier une surface si compliquée soit-elle, la possibilité de cette forme-là. Ajoutons-y la possibilité de trous, vous ne pouvez pas aller au-delà, c’est-à-dire que quelque compliquée que soit la surface que vous imaginiez, je veux dire par exemple quelque compliquée que [soit] la surface que vous ayez à faire, vous ne pourrez jamais trouver quelque chose de plus compliqué que ça. De sorte qu’il y a un certain naturel à la référence au tore comme à la forme la plus simple intuitivement, la plus accessible.

Ceci peut nous enseigner quelque chose. Là-dessus je vous ai dit la signification que nous pouvions donner par convention, artifice, à deux types de lacs circulaires, pour autant qu’ils y sont privilégiés. Celui qui fait le tour de ce qu’on peut appeler le cercle générateur du tore, s’il est un tore de révolution, pour autant que susceptible de se répéter indéfiniment, en quelque sorte le même et toujours différent. Il est bien fait pour représenter pour nous l’insistance signifiante, et spécialement l’insistance de la demande répétitive. D’autre part, ce qui est impliqué dans cette succession de tours, à savoir une circularité accomplie tout en étant inaperçue par le sujet, qui se trouve pour nous offrir une symbolisation facile, évidente et en quelque sorte maxima quant à la sensibilité intuitive de ce qui est impliqué dans les termes mêmes de désir inconscient, pour autant que le sujet en suit les voies et les chemins sans le savoir. À travers toutes ces demandes, il est en quelque sorte à lui seul, ce désir inconscient, la métonymie de toutes ces demandes. Et vous voyez là l’incarnation vivante de ces références auxquelles je vous ai assouplis, habitués tout au long de mon discours, nommément à celui de la métaphore et de la métonymie. Ici, la métonymie trouve en quelque sorte son application la plus sensible comme étant manifestée par le désir en tant que le désir est ce que nous articulons comme supposé dans la succession de toutes les demandes en tant qu’elles sont répétitives. Nous nous trouvons devant quelque chose où vous voyez que le cercle ici décrit mérite que nous l’affections du symbole grand D, en tant que symbole de la demande. Ce quelque chose concernant le cercle intérieur doit bien avoir affaire avec ce que j’appellerai le désir métonymique. Eh bien ! il y a parmi ces cercles, l’essai que nous pouvons en faire, un cercle privilégié qui est facile à décrire, c’est le cercle qui, partant de l’extérieur du tore, trouve le moyen de se boucler, non pas simplement en insérant le tore dans son épaisseur de poignée, non pas simplement de passer à travers le trou central, mais d’envelopper le trou central sans pour autant passer par le trou central. Ce cercle-là a le privilège de faire les deux à la fois, il passe à travers et il l’enveloppe. Il est donc fait de l’addition de ces deux cercles, c’est-à-dire il représente D + d, l’addition de la demande et du désir, en quelque sorte nous permet de symboliser la demande avec sa sous-jacence de désir.

Quel est l’intérêt de ceci ? L’intérêt de ceci est que si nous aboutissons à une dialectique élémentaire, à savoir celle de l’opposition de deux demandes, si c’est à l’intérieur de ce même tore que le symbolise par un autre cercle analogue la demande de l’Autre, avec ce qu’il va comporter pour nous de ou… ou…, ou ce que je demande, ou ce que tu demandes. Nous voyons ça tous les jours dans la vie quotidienne. Ceci pour rappeler que dans les conditions privilégiées, au niveau où nous allons la chercher, l’interroger dans l’analyse, il faut que nous nous souvenions de ceci, à savoir de l’ambiguïté qu’il y a toujours dans l’usage même du terme ou, ou bien, ce terme de la disjonction symbolisé en logique ainsi : A v B.

Il y a deux usages de ce ou… ou…. Ce n’est pas pour rien que la logique marquerait tous ses efforts et, si je puis dire, fait effort pour lui conserver toujours les valeurs de l’ambiguïté, à savoir pour montrer la connexion d’un ou… ou… inclusif, avec un ou… ou… exclusif. Que le ou… ou… concernant par exemple -ces deux cercles peut vouloir dire deux choses, le choix entre un des deux de ces cercles. Mais est-ce que cela veut dire que simplement,           __ quant à la position du ou… ou…, il y ait exclusion ? Non. Ce que vous voyez, c’est que dans              – le cercle dans lequel je vais introduire ce ou… ou… comporte ce que l’on appelle l’intersection symbolisée en logique par. Le rapport du désir avec une certaine intersection comportant certaines lois n’est pas simplement appelé pour mettre sur le terrain, matter of fact, ce qu’on peut appeler le contrat, l’accord des demandes.

C’est, étant donné l’hétérogénéité profonde qu’il y a entre ce champ [1] et celui-ci [2], suffisamment symbolisé par ceci, ici nous avons affaire à la fermeture de la surface [1], et là à proprement parler à son vide interne [2]. C’est cela qui nous propose un modèle qui nous montre qu’il s’agit d’autre chose que de saisir la partie commune entre les demandes. En d’autres termes, il s’agira pour nous de savoir dans quelle mesure cette forme peut nous permettre de symboliser comme tels les constituants du désir, pour autant que le désir, pour le sujet, est ce quelque chose qu’il a à constituer sur le chemin de la demande. D’ores et déjà je vous indique qu’il y a deux points, deux dimensions que nous pouvons privilégier dans ce cercle particulièrement significatif dans la topologie du tore. C’est, d’une part, la distance qui rejoint le centre du vide central avec ce point qui se trouve être, qui peut se définir comme une sorte de tangence grâce à quoi un plan recoupant le tore va nous permettre de dégager de la façon la plus simple ce cercle privilégié. C’est cela qui nous donnera la définition, la mesure du petit a en tant qu’objet du désir. D’autre part, ceci pour autant qu’il n’est lui-même repérable, définissable que par rapport au diamètre même de ce cercle exceptionnel, c’est dans le rayon, dans la moitié si vous voulez de ce diamètre, que nous verrons ce qui est le ressort, la mesure dernière du rapport du sujet au désir, à savoir le petit phi en tant que symbole du phallus. Voilà ce vers quoi nous tendons, et ce qui prendra son sens, son applicabilité et sa portée du chemin que nous aurons parcouru avant, pour nous permettre de parvenir à rendre pour vous maniable, sensible et jusqu’à un certain point suggestif d’une véritable intensité structurale, cette image même. Ceci dit, il est bien entendu que le sujet, dans ce à quoi nous avons affaire, à notre partenaire qui nous appelle en ça que nous avons devant nous sous la forme de cet appel et ce qui vient parler devant nous, seul ce qu’on peut définir et scander comme le sujet, seul cela s’identifie. Ça vaut la peine de le rappeler parce que après tout la pensée glisse facilement. Pourquoi, si on ne met pas les points sur les i, on ne dirait pas que la pulsion s’identifie et qu’une image s’identifie ? Ne peut être dit avec justice s’identifier, ne s’introduit dans la pensée de Freud le terme d’ identification, qu’à partir du moment où on peut à un degré quelconque, même si ce n’est pas articulé dans Freud, considérer comme la dimension du sujet; cela ne veut pas dire que ça ne nous mène pas beaucoup plus loin que le sujet, cette identification. La preuve, là aussi, je vous rappelle ceci, dont on ne peut savoir si c’est dans les antécédents, les premiers, ou dans le futur de mon discours que je le pointe, c’est que la première forme d’identification, et celle à laquelle on se réfère, avec quelle légèreté, quel psittacisme de sansonnet, c’est l’identification qui, nous dit-on, incorpore, ou encore, ajoutant une confusion à l’imprécision de la première formule, introjecte. Contentons-nous d’ incorpore, qui est la meilleure. Comment même commencer par cette première forme d’identification, alors que pas la moindre indication, pas le moindre repère, sinon vaguement métaphorique, ne vous est donné dans une telle formule, sur ce que ça peut même vouloir dire ? Ou bien si l’on parle d’incorporation, c’est bien parce qu’il doit se produire quelque chose au niveau du corps. Je ne sais si je pourrai cette année pousser les choses assez loin, je l’espère tout de même, nous avons du temps devant nous pour arriver, revenant de là d’où nous partons, à donner son plein sens, et son sens véritable à cette incorporation de la première identification. Vous le verrez, il n’y a aucun autre moyen de la faire intervenir, sinon de la rejoindre par une thématique qui a déjà été élaborée, et depuis les traditions les plus antiques, mythiques, voire religieuses, sous le terme de corps mystique. Impossible de ne pas prendre les choses dans l’empan qui va de la conception sémitique primitive, il y a du père de toujours à tous ceux qui descendent de lui, identité de corps. Mais à l’autre bout, vous savez, il y a la notion que je viens d’appeler par son nom, celle de corps mystique, pour autant que c’est d’un corps que se constitue une église. Et ça n’est pas pour rien que Freud, pour définir pour nous l’identité du moi dans ses rapports avec ce qu’il appelle à l’occasion Massenpsychologie, se réfère à la corporéité de l’Eglise. Mais comment vous faire partir de là sans prêter à toutes les confusions et croire que, comme le terme de mystique l’indique assez, c’est sur de tout autres chemins que ceux où notre expérience voudrait nous entraîner ? Ce n’est que rétroactivement, en quelque sorte revenant sur les conditions nécessaires de notre expérience, que nous pourrons nous introduire dans ce que nous suggère d’antécédence toute tentative d’aborder, dans sa plénitude, la réalité de l’identification. L’abord donc que j’ai choisi dans la deuxième forme de l’identification n’est pas de hasard, c’est parce que cette identification est saisissable sous le mode de l’abord par le signifiant pur, par le fait que nous pouvons saisir d’une façon claire et rationnelle, un biais pour entrer dans ce que ça veut dire l’identification du sujet, pour autant que le sujet met au monde le trait unaire… plutôt, que le trait unaire, une fois détaché, fait apparaître le sujet comme celui qui compte, au double sens du terme. L’ampleur de l’ambiguïté que vous pouvez donner à cette formule celui qui compte, activement sans doute, mais aussi celui qui compte tout simplement dans la réalité, celui qui compte vraiment, évidemment va mettre du temps à se retrouver dans son compte, exactement le temps que nous mettrons pour parcourir tout ce que je viens ici de vous désigner aura pour vous son plein sens. Shackleton et ses compagnons dans l’Antarctique, à plusieurs centaines de kilomètres de la côte, explorateurs livrés à la plus grande frustration, celle qui ne tient pas seulement aux carences plus ou moins élucidées à ce moment, car c’est un texte déjà d’une cinquantaine d’années, aux carences plus ou moins élucidées d’une alimentation spéciale qui est encore à l’épreuve à ce moment, mais qu’on peut dire désorientés dans un paysage, si je puis dire encore vierge, non encore habité par l’imagination humaine, nous rapporte, dans des notes bien singulières à lire, qu’ils se comptaient toujours un de plus qu’ils n’étaient, qu’ils ne s’y retrouvaient pas. « On se demandait toujours où était passé le manquant », le manquant qui ne manquait pas sinon de ceci que tout effort de compte leur suggérait toujours qu’il y en avait un de plus, donc un de moins. Vous touchez là l’apparition à l’état nu du sujet qui n’est rien que cela, que la possibilité d’un signifiant de plus, d’un 1 en plus, grâce à quoi il constate lui-même qu’il y en a 1 qui manque. Si je vous rappelle cela c’est simplement pour pointer, dans une dialectique comportant les termes les plus extrêmes, où nous situons notre chemin, et où vous pourrez croire et quelquefois vous demander même si nous n’oublions pas certaines références ? Vous pouvez par exemple vous demander même quel rapport il y a, entre le chemin que je vous ai fait parcourir et ces deux termes auxquels nous avons eu affaire, nous avons affaire constamment, mais à des moments différents, de l’Autre et de la Chose.

Bien sûr, le sujet lui-même au dernier terme est destiné à la Chose, mais sa loi, son fatum plus exactement, est ce chemin, qu’il ne peut décrire que par le passage par l’Autre, en tant que l’Autre est marqué du signifiant. Et c’est dans l’en-deçà de ce passage nécessaire par le signifiant que se constituent comme tels le désir et son objet. L’apparition de cette dimension de l’Autre et l’émergence du sujet, je ne saurai trop le rappeler pour vous donner bien le sens de ce dont il s’agit, et dont le paradoxe, je pense, doit vous être suffisamment articulé en ceci que le désir au sens, entendez-le, le plus naturel, doit et ne peut se constituer que dans la tension créée par ce rapport à l’Autre, laquelle s’origine en ceci, de l’avènement du trait unaire – en tant que d’abord et pour commencer, de la chose il efface tout- ce quelque chose, tout autre chose que cet un qui a été, à jamais irremplaçable. Et nous trouvons là, dès le premier pas, je vous le fais remarquer en passant, la formule, là se termine la formule de Freud, là où était la Chose, là je dois advenir. Il faudrait remplacer à l’origine par Wo Es war, da durch den Ein, plutôt par durch den Eins, là, par le un en tant que un, le trait unaire, werde Ich, adviendra le Je. Tout du chemin est tout tracé, à chaque point du chemin.

C’est bien là que j’ai tenté de vous suspendre la dernière fois en vous montrant le progrès nécessaire à cet instant, en tant qu’il ne peut s’instituer que par la dialectique effective qui s’accomplit dans le rapport avec l’Autre. Je suis étonné de l’espèce de matité dans laquelle il m’a semblé que tombait mon articulation, pourtant soignée, du rien peut-être et du peut-être rien. Qu’est-ce qu’il faut donc pour vous y rendre sensibles ? Peut-être que justement mon texte à cet endroit, et la spécification de leur distinction comme message et question, puis comme réponse, mais pas au niveau de la question, comme suspension de la question au niveau de la question, a été trop complexe pour être simplement entendu de ceux qui ne l’ont pas noté dans ses détours afin d’y revenir. Si déçu que je puisse être, c’est forcément moi qui ai tort. C’est pourquoi j’y reviens et pour me faire entendre. Est-ce qu’aujourd’hui, par exemple, je ne vous suggérerai pas au moins la nécessité d’y revenir, et en fin de compte c’est simplement vous demandant, est-ce que vous pensez que rien de sûr, comme énonciation, peut vous paraître prêter au moindre glissement, à la moindre ambiguïté avec sûrement rien? C’est tout de même pas pareil, il y a la même différence qu’entre le rien peut-être et le peut-être rien. Je dirai même qu’il y a dans le premier, le rien de sûr, la même vertu de sapage de la question à l’origine qu’il y a dans le rien peut-être. Et même dans le sûrement rien il y a la même vertu de réponse, éventuelle sans doute, mais toujours anticipée par rapport à la question, comme c’est facile à toucher du doigt me semble-t-il, si je vous rappelle que c’est toujours avant toute question, et pour des raisons de sécurité si je puis dire, qu’on apprend à dire dans la vie, quand on est petit, sûrement rien. Cela veut dire sûrement rien d’autre que ce qui est déjà attendu, c’est-à-dire ce qu’on peut considérer d’avance comme réductible à zéro, comme le lacs. La vertu désangoissante de l’Erwartung, voilà ce que Freud sait nous articuler à l’occasion, rien que ce que nous savons déjà. Quand on est comme ça, on est tranquille, mais on ne l’est pas toujours.  Ainsi donc ce que nous voyons c’est que le sujet pour trouver la Chose, s’engage d’abord dans la direction opposée, qu’il n’y a pas moyen d’articuler ces premiers pas du sujet, sinon par un rien dont il est important de vous le faire sentir dans cette dimension même, à la fois métaphorique et métonymique du premier jeu signifiant, parce que chaque fois que nous avons affaire avec ce rapport du sujet au rien, nous autres analystes, nous glissons régulièrement entre deux pentes. La pente commune qui tend vers un rien de destruction, c’est la fâcheuse interprétation de l’agressivité considérée comme purement réductible au pouvoir biologique d’agression, qui n’est d’aucune façon suffisante, sinon par dégradation, à supporter la tendance au rien telle qu’elle surgit à un certain stade nécessaire de la pensée freudienne, et juste avant qu’il ait introduit l’identification, dans l’instinct de mort. L’autre, c’est une néantisation qui s’assimilerait à la négativité hégelienne. Le rien, que j’essaie de faire tenir à ce moment initial pour vous dans l’institution du sujet est autre chose. Le sujet introduit le rien comme tel, et ce rien est à distinguer d’aucun être de raison qui est celui de la négativité classique, d’aucun être imaginaire qui est celui de l’être impossible quant à son existence, le fameux Centaure qui arrête les logiciens, tous les logiciens, voire les métaphysiciens, à l’entrée de leur chemin vers la science, qui n’est pas non plus l’ens privativum, qui est à proprement parler ce que Kant, admirablement, dans la définition de ses quatre riens, dont il tire si peu parti, appelle le nihil negativum, à savoir, pour employer ses propres termes, leerer Gegenstand ohne Begrif, un objet vide, mais ajoutons, sans concept, sans saisie possible avec la main. C’est pour cela, pour l’introduire, que j’ai dû remettre devant vous le réseau de tout le graphe, à savoir le réseau constitutif du rapport à l’Autre avec tous ses renvois.

Je voudrais, pour vous mener sur ce chemin, vous paver la voie de fleurs. Je vais m’y essayer aujourd’hui, je veux dire marquer mes intentions. Quand je vous dis que c’est à partir de la problématique de l’au-delà de la demande que l’objet se constitue comme objet du désir, je veux dire que c’est parce que l’Autre ne répond pas, sinon que rien peut-être, que le pire n’est pas toujours sûr, que le sujet va trouver dans un objet les vertus mêmes de sa demande initiale. Entendez que c’est pour vous paver la voie de fleurs que je vous rappelle ces vérités d’expérience commune, dont on ne reconnaît pas assez la signification, et tâcher de vous faire sentir que ce n’est pas hasard, analogie, comparaison, ni seulement fleurs, mais affinités profondes qui me feront vous indiquer l’affinité, au terme, de l’objet à cet Autre, avec un grand A, en tant par exemple qu’elle se manifeste dans l’amour, que le fameux morceau qu’Eliante, dans Le Misanthrope, a repris du De natura rerum de Lucrèce

« La pâle est aux jasmins en blancheur comparable; « La noire à faire peur, une brune adorable;

« La maigre a de la taille et de la liberté;

« La grasse est dans son port pleine de majesté;

« La malpropre sur soi, de peu d’attraits chargée, «Est mise sous le nom de beauté négligée », etc.

ce n’est rien d’autre que le signe impossible à effacer de ce fait, que l’objet du désir ne se constitue que dans le rapport à l’Autre, en tant que lui-même s’origine de la valeur du trait unaire. Nul privilège dans l’objet, sinon dans cette valeur absurde donnée à chaque trait d’être un privilège.

Que faut-il encore d’autre. pour vous convaincre de la dépendance structurale de cette constitution de l’objet, objet du désir, par rapport à la dialectique initiale du signifiant en tant qu’elle vient échouer sur la non-réponse de l’Autre ? Sinon le chemin déjà parcouru par nous de la recherche sadienne, que je vous ai longuement montré – et si c’est perdu, sachez tout au moins que je me suis engagé à y revenir dans une préface que j’ai promise à une édition de Sade -que nous ne pouvons méconnaître, avec ce que j’appelle ici l’ affinité structurante de ce cheminement vers l’Autre, en tant qu’il détermine toute institution de l’objet du désir, que nous voyons dans Sade à chaque instant mêlées, tressées l’une avec l’autre l’invective – je dis l’ invective, contre l’Etre suprême, sa négation n’étant qu’une forme de l’invective, même si c’en est la négation la plus authentique – absolument tissées avec ce que j’appellerai, pour en approcher, l’aborder un peu, non pas tant la destruction de l’objet que ce que nous pourrions prendre d’abord pour son simulacre, parce que, vous savez l’exceptionnelle résistance des victimes du mythe sadien à toutes les épreuves par où les fait passer le texte romanesque. Et puis quoi ? Qu’est-ce que veut dire cette sorte de transfert à la mère, incarnée dans la nature, d’une certaine et fondamentale abomination de tous ses actes ? Est-ce que ceci doit nous dissimuler ce dont il s’agit, et qu’on nous dit pourtant; qu’il s’agit, en l’imitant dans ses actes de destruction, et en les poussant jusqu’au dernier terme par une volonté appliquée, à la forcer à recréer autre chose, c’est-à-dire quoi ? Redonner sa place au Créateur. En fin de compte, au dernier terme, Sade l’a dit sans le savoir, il articule ceci, par son énonciation, je te donne ta réalité abominable, à toi le Père, en me substituant à toi dans cette action violente contre la mère. Bien sûr, la restitution mythique de l’objet au rien ne vise pas seulement la victime privilégiée, en fin de compte adorée comme objet du désir, mais la multitude même par millions de tout ce qui est. Rappelez-vous les complots anti-sociaux des héros de Sade, cette  restitution de l’objet au rien simule essentiellement l’anéantissement de la puissance signifiante. C’est là l’autre terme contradictoire de ce foncier rapport à l’Autre tel qu’il s’institue dans le désir sadien, et il est suffisamment indiqué dans le vœu dernier testamentaire de Sade, en tant qu’il vise précisément ce terme que j’ai spécifié pour vous de la seconde mort, la mort de l’être même, en tant que Sade, dans son testament, spécifie que de sa tombe et intentionnellement de sa mémoire, malgré qu’il soit écrivain, il ne doit littéralement rester pas de trace. Et le fourré doit être reconstitué sur la place où il aura été inhumé. Que de lui essentiellement comme sujet, c’est le pas de trace qui indique là où il veut s’affirmer, très précisément comme ce que j’ai appelé l’anéantissement de la puissance signifiante.

S’il y a autre chose que j’ai à vous rappeler ici, pour scander suffisamment la légitimité de l’inclusion nécessaire de l’objet du désir dans ce rapport à l’Autre en tant qu’il implique la marque du signifiant comme tel, je vous la désignerai moins dans Sade que dans un de ses commentaires récents, contemporains les plus sensibles, voire les plus illustres. Ce texte, paru tout de suite après la guerre dans un numéro des Temps Modernes, réédité récemment par les soins de notre ami Jean-Jacques Pauvert dans l’édition nouvelle de la première version de Justine, c’est la préface de Paulhan. Un texte comme celui-là ne peut nous être indifférent, pour autant que vous suivez ici les détours de mon discours, car il est frappant que ce soit par les seules voies d’une rigueur rhétoricienne, vous le verrez, qu’il n’y a pas d’autre guide au discours de Paulhan, l’auteur de Fleurs de Tarbes, que le dégagement par lui si subtil, j’entends par ces voies, de tout ce qui a été articulé jusqu’à présent sur le sujet de la signification du sadianisme, à savoir ce qu’il appelle complicité de l’imagination sadienne avec son objet, c’est-à-dire la vue de l’extérieur, je veux dire par l’approche qu’en peut faire une analyse littérale, la vue la plus sûre, la plus stricte que l’on puisse donner de l’essence du masochisme, dont justement il ne dit rien, si ce n’est qu’il nous fait très bien sentir que c’est dans cette voie, que c’est là le dernier mot de la démarche de Sade. Non pas à la juger cliniquement, et en quelque sorte du dehors, où pourtant le résultat est manifeste. Il est difficile de mieux s’offrir à tous les mauvais traitements de la société que Sade ne l’a fait à chaque instant, mais ce n’est pas là l’essentiel, l’essentiel étant suspendu, dans ce texte de Paulhan que je vous prie de lire, qui ne procède que par les voies d’une analyse rhétorique du texte sadien pour nous faire sentir seulement derrière un voile le point de convergence, en tant qu’il se situe dans ce renversement tout apparent, fondé sur la plus profonde complicité avec ce dont la victime n’est ici en fin de compte que le symbole marqué d’une sorte de substance absente de l’idéal des victimes sadiennes, c’est en tant qu’objet que le sujet sadien s’annule.

En quoi effectivement il rejoint ce qui phénoménologiquement nous apparaît alors dans les textes de Masoch. À savoir que le terme, que le comble de la jouissance masochiste n’est pas tellement dans le fait qu’elle s’offre à supporter ou non telle ou telle douleur corporelle, mais dans cet extrême singulier, qu’à savoir dans les livres vous retrouverez toujours dans les textes petits ou grands de la fantasmagorie masochiste, cette annulation à proprement parler du sujet en tant qu’il se fait pur objet. Il n’y a à cela de terme que le moment où le roman masochiste, quel qu’il soit, en arrive à ce point qui du dehors peut paraître tellement superflu, voire de fioritures, de luxe, qui est à proprement parler qu’il se forge lui-même, ce sujet masochiste, comme étant l’objet d’un marchandage, ou très exactement d’une vente entre les deux autres qui se le passent comme un bien. Bien vénal et, observez-le, même pas fétiche, car le dernier terme s’indique dans le fait que c’est un bien vil, vendu pour pas cher, qu’il n’y aura même pas lieu de préserver comme l’esclave antique qui au moins se constituait, s’imposait au respect par sa valeur marchande.

Tout ceci, ces détours, ce chemin pavé des Fleurs de Tarbes précisément, ou des fleurs littéraires, pour bien vous marquer ce que je veux dire quand je parle de ce que j’ai pour vous accentué, à savoir la perturbation profonde de la jouissance, en tant que la jouissance se définit par rapport à la Chose, par la dimension de l’Autre comme tel, en tant que cette dimension de l’Autre se définit par l’introduction du signifiant.

Encore trois petits pas en avant, et puis) e remettrai à la prochaine fois la suite de ce discours, dans la crainte que vous ne sentiez trop quelle fatigue grippale m’agrippe aujourd’hui. Jones est un curieux personnage dans l’histoire de l’analyse. Par rapport à l’histoire de l’analyse, ce qu’il impose à mon esprit, je vous le dirai tout de suite, pour continuer ce chemin de fleurs d’aujourd’hui, c’est quelle diabolique volonté de dissimulation il pouvait bien y avoir chez Freud pour avoir confié à ce rusé gallois, comme tel à trop courte vue pour qu’il n’aille pas trop loin dans le travail qui lui était confié, le soin de sa propre biographie. C’est là, dans l’article sur le symbolisme, que j’ai consacré à l’œuvre de Jones, ce qui ne signifie pas simplement le désir de clore mon article sur une bien bonne, ce qui signifie ce sur quoi j’ai conclu, à savoir la comparaison de l’activité du rusé gallois avec le travail du ramoneur. Il a en effet fort bien ramoné tous les tuyaux, et on pourra me rendre cette justice que dans ledit article, je l’ai suivi dans tous les détours de la cheminée, jusqu’à sortir avec lui tout noir par la porte qui  débouche sur le salon, comme vous vous le rappelez peut-être. Ce qui m’a valu de la part d’un autre membre éminent de la Société analytique, un de ceux que j’apprécie et aime le plus, gallois aussi [Winnicott] l’assurance dans une lettre qu’il ne comprenait vraiment absolument rien à l’utilité que je croyais apparemment trouver dans cette minutieuse démarche. Jones n’a jamais rien fait de plus dans sa biographie pour marquer quand même un peu ses distances, que d’apporter une petite lumière extérieure, à savoir les points où la construction freudienne se trouve en désaccord, en contradiction avec l’évangile darwinien, ce qui est tout simplement de sa part une manifestation proprement grotesque de supériorité chauvine. Jones donc, au cours d’une œuvre dont le cheminement est passionnant en raison de ses méconnaissances mêmes, à propos spécialement du stade phallique et de son expérience exceptionnellement abondante des homosexuelles féminines, Jones rencontre le paradoxe du complexe de castration qui constitue assurément le meilleur de tout ce à quoi il a adhéré, et bien fait d’adhérer, pour articuler son expérience, et où littéralement il n’a jamais pénétré de ça! [geste de la main]. La preuve, c’est l’introduction de ce terme, certes maniable, à condition qu’on sache quoi en faire, à savoir qu’on sache y repérer ce qu’il ne faut pas faire pour comprendre la castration, le terme d’ aphanisis. Pour définir le sens de ce que je peux appeler sans rien forcer ici l’effet de l’Œdipe, Jones nous dit quelque chose qui ne peut mieux se situer dans notre discours; ici il se trouve, qu’il le veuille ou non, partie prenante que l’Autre, comme je vous l’ai articulé la dernière fois, interdit l’objet ou le désir. Mon ou est, ou a l’air, d’être exclusif. Pas tout à fait. Ou tu désires ce que je désirai, moi, le Dieu mort, et il n’y a plus d’autre preuve, mais elle suffit, de mon existence que ce commandement qui t’en défend l’objet, ou plus exactement qui te le fait constituer dans la dimension du perdu. Tu ne peux plus, quoi que tu fasses, qu’en retrouver un autre, jamais celui-là. C’est l’interprétation la plus intelligente que je puisse donner à ce pas que franchit allègrement Jones, et je vous assure tambour battant. Quand il s’agit de marquer l’entrée de ces homosexuelles dans le domaine soufré qui sera dès lors leur habitat, ou l’objet, ou le désir, je vous assure que ça ne traîne pas. Si je m’y arrête, c’est pour donner à ce choix, vel… vel…, la meilleure interprétation, c’est-à-dire que j’en rajoute, je fais parler au mieux mon interlocuteur. « Ou tu renonces au désir », nous dit Jones, quand on le dit vite, ça peut avoir l’air d’aller de soi, d’autant qu’auparavant on nous a donné l’occasion du repos de l’âme, et du même coup de la comprenoire, en nous traduisant la castration comme aphanisis. Mais qu’est-ce que ça veut dire, que renoncer au désir ? Est-ce que c’est tellement tenable, cette aphanasis du désir, si nous lui donnons cette fonction, comme dans Jones, de sujet de crainte ? Est-ce que c’est même concevable d’abord dans le fait d’expérience, au point où Freud le fait entrer en jeu dans une des issues possibles, et je l’accorde exemplaire, du conflit freudien, celui de l’homosexuelle féminine ? Regardons-y de près.

Ce désir qui disparaît, à quoi, sujet, tu renonces, est-ce que notre expérience ne nous apprend pas que ça veut dire que, dès lors, ton désir va être si bien caché qu’il peut un temps paraître absent ? Disons même, à la façon de notre surface du cross-cap ou de la mitre, il s’inverse dans la demande. La demande ici, une fois de plus, reçoit son propre message sous une forme inversée. Mais en fin de compte qu’est-ce que ça veut dire, ce désir caché ? Sinon ce que nous appelons et découvrons dans l’expérience comme désir refoulé. Il n’y a en tout cas qu’une seule chose que nous savons fort bien que nous ne trouverons jamais dans le sujet, c’est la crainte du refoulement en tant que tel, au moment même où il s’opère, dans son instant. S’il s’agit dans l’aphanasis de quelque chose qui concerne le désir, il est arbitraire, étant donné la façon dont notre expérience nous apprend à le voir se dérober, il est impensable qu’un analyste articule que dans la conscience puisse se former quelque chose qui serait la crainte de la disparition du désir. Là où le désir disparaît, c’est-à-dire dans le refoulement, le sujet est complètement inclus, non détaché de cette disparition. Et nous le savons, l’angoisse, si elle se produit, n’est jamais de la disparition du désir, mais de l’objet qu’il dissimule, de la vérité du désir, ou si vous voulez encore, de ce que nous ne savons pas du désir de l’Autre. Toute interrogation de la conscience concernant le désir comme pouvant défaillir ne peut être que complicité. Conscius veut dire complice d’ailleurs, ce en quoi ici l’étymologie reprend sa fraîcheur dans l’expérience, et c’est bien pour cela que je vous ai rappelé tout à l’heure, dans mon chemin pavé de fleurs, le rapport de l’éthique sadienne avec son objet. C’est ce que nous appelons l’ambivalence, l’ambiguïté, la réversibilité de certains couples pulsionnels. Mais nous n’en voyons pas, à simplement dire cela de cet équivalent, que ça se retourne, que le sujet se fait objet et l’objet sujet, nous n’en saisissons pas le véritable ressort qui implique toujours cette référence au grand Autre où tout ceci prend son sens.

Donc, l’aphanisis expliquée comme source de l’angoisse dans le complexe de castration est à proprement parler une exclusion du problème, car la seule question qu’ait à se poser ici un théoricien analyste, dont on comprend fort bien qu’il ait en effet une question à se poser, car le complexe de castration reste jusqu’à présent une réalité non complètement élucidée, la seule question qu’il a à se poser, c’est celle qui part de ce fait bienheureux que, grâce à Freud qui lui a légué sa découverte à un stade bien plus avancé que le point où il peut, lui, théoricien de l’analyse parvenir, la question est de savoir pourquoi l’instrument du désir, le phallus, prend cette valeur si décisive. Pourquoi c’est lui, et non pas le désir qui est impliqué dans une angoisse, dans une crainte dont il n’est tout de même pas vain, à propos du terme d’aphanisis, que nous ayons fait témoignage, pour ne pas oublier que toute angoisse est angoisse de rien, en tant que c’est du rien peut-être que le sujet doit se rembarder. Ce qui veut dire que pour un temps c’est pour lui la meilleure hypothèse, rien ne peut-être à craindre. Pourquoi est-ce là que vient surgir la fonction du phallus, là où en effet tout serait sans lui si facile à comprendre, malheureusement d’une façon tout à fait extérieure à l’expérience ? Pourquoi la chose du phallus, pourquoi le phallus vient-il comme mesure, au moment où il s’agit de quoi ? Du vide inclus au cœur de la demande, c’est-à-dire de l’au-delà du principe du plaisir, de ce qui fait de la demande sa répétition éternelle, c’est-à-dire de ce qui constitue la pulsion. Une fois de plus nous voici ramenés à ce point, que je ne dépasserai pas aujourd’hui, que le désir se construit sur le chemin d’une question qui le menace, et qui est du domaine du n’être, que vous me permettrez d’introduire ici avec ce jeu de mots.

Une réflexion terminale m’a été suggérée ces) ours-ci, avec la présentification toujours quotidienne de la façon dont il convient d’articuler décemment, et non pas seulement en ricanant, les principes éternels de l’Eglise, ou les détours vacillants des diverses lois nationales sur le birth control. A savoir, que la première raison d’être, dont aucun législateur jusqu’à présent n’a fait état, pour la naissance d’un enfant, c’est qu’on le désire. Et que nous qui savons bien le rôle de ceci, qu’il a été ou non désiré, sur tout le développement du sujet ultérieur, il ne semble pas que nous ayons éprouvé le besoin de rappeler, pour l’introduire, le faire sentir à travers cette discussion ivre, qui oscille entre les nécessités utilitaires évidentes d’une politique démographique et la crainte angoissante, ne l’oubliez pas, des abominations qu’éventuellement l’eugénisme nous promettrait. C’est un premier pas, un tout petit pas, mais un pas essentiel, et combien, à mettre à l’épreuve, vous le verrez, départageant, que de faire remarquer le rapport constituant, effectif dans toute destinée future, soi-disant à respecter comme le mystère essentiel de l’être à venir, qu’il ait été désiré, et pourquoi. Rappelez-vous qu’il arrive souvent que le fond du désir d’un enfant c’est simplement ceci, que personne ne dit, « qu’il ne soit comme pas un, qu’il soit ma malédiction sur le monde ».

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