dimanche, octobre 6, 2024
Recherches Lacan

Unheimlich

UNHEIMLICH

Unheimlich L08 p. 266: lorsque le processus primaire est seul en jeu, il aboutit à l’hallucination, par un processus de régression topique ; si l’issue vers la mobilité ne se réalise pas il apparaît une satisfaction hallucinatoire qui est une Vorstellung. Ce qui est ici défini est autre chose que le besoin qui exige, lui, pour être satisfait, le processus secondaire ; où situer l’instinct à partir d’une telle bipartition ? Vous êtes dans une rue, mais un jour, il arrive que sans savoir pourquoi, vous franchissez, invisible à vous-mêmes, je ne sais quelle ligne, et vous tombez sur une place où vous n’avez jamais été, et où pourtant vous vous reconnaissez comme étant celle-là, cette place, où il vous souvient d’avoir été. Elle était dans votre mémoire comme un îlot à part. /…/ Cette place qui n’a pas de nom mais qui se distingue par l’étrangeté de son décor, parce que Freud pointe si bien l’ambiguïté qui fait le champ de l’Unheimlich.

 

Unheimlich L09 14/03/62 p.288-89: L’objet de son désir, le sujet peut entreprendre de le dire. /…/ C’est plus qu’un acte d’énonciation, c’est un acte d’imagination. Ceci suscite en lui une manœuvre de la fonction imaginaire /…/ cette fonction se révèle présente dès qu’apparaît la frustration. Vous savez l’importance, l’accent que j’ai mis /…: sur le moment d’éveil de la passion jalouse dans la constitution de ce type d’objet qui est celui que nous avons construit comme sous-jacent à chacune de nos satisfactions. Le petit enfant, en proie à la passion jalouse devant /…/ le sein, nommément, qui jusqu’alors n’a été que l’objet sous-jacent, élidé, masqué pour lui derrière ce retour d’une présence liée à chacune de ses satisfactions /…/ où se sent la nécessité de sa première dépendance /…/ le voici soudain [Plötzlich] pour lui produit dans l’éclairage aux effets pour nous signalés par sa pâleur mortelle. C’est faussement qu’on peut dire que l’être dont je suis jaloux, le frère, est mon semblable: il est mon image au sens où l’image dont il s’agit est image fondatrice de mon désir. Là est la révélation imaginaire et c’est le sens de la fonction de la frustration. /…/ après la privation réelle, la frustration imaginaire.

 

Unheimlich L10 28/11/63 p.16: De même que j’ai abordé l’inconscient par le mot d’esprit, j’aborderai cette année l’angoisse par l’Unheimlich; c’est ce qui apparaît au-dessus de i(a) à cette place. C’est pourquoi je vous l’ai écrit dès aujourd’hui: c’est le -f le quelque chose qui nous rappelle que ce dont tout part, c’est de la castration imaginaire; qu’il n’y a pas, et pour cause, d’image du manque. Quand il apparaît quelque chose là, c’est donc /…/ que le manque vient à manquer.

 

Unheimlich L10 12/12/62 p.6: Il n’y aurait-il pas la psychanalyse, on le saurait à ceci: c’est qu’il existe des moments d’apparition de l’objet qui nous jettent dans une toute autre dimension, dimension qui mérite -parce qu’elle est donnée dans l’expérience- d’être détachée comme telle comme primitive dans l’expérience, qui est justement la dimension de l’étrange [Unheimlich], de quelque chose qui d’aucune façon ne saurait se laisser saisir, comme  laissant en face de lui le sujet transparent à sa connaissance. Ce surgissement de quelque chose dans le champ de l’objet /…/ n’est pas une question qui se pose aux analystes, parce que, comme c’est donné dans l’expérience, il faut tout de même expliquer pourquoi les enfants ont peur de l’obscurité, et on s’aperçoit en même temps qu’ils n’ont pas peur de l’obscurité.

 

Unheimlich L10 12/12/62 p.7: si avec cette clé que je vous apporte vous en suivez le texte [des analyses goldsteiniennes], vous verrez la différence qu’il y a de la réaction de désordre par où le sujet répond à son inopérance, au fait d’être devant une situation comme telle insurmontable, sans doute à cause de son déficit dans l’occasion. C’est après tout une façon qui n’a rien d’étranger avec ce qui peut se produire, même pour un sujet non-déficitaire, devant une situation de danger insurmontable (Hilflosigheit).

 

Unheimlich L10 12/12/62 p.8: [selon Jones] l’angoisse du cauchemar est éprouvée /…/ comme celle de la jouissance de l’Autre. Le corrélatif du cauchemar c’est l’incube /…/ être questionneur [cf. FAIRNBANK et le surmoi] /…/ qui se manifeste /…/ dans cette dimension  complète, développée de la question comme telle, qui s’appelle de l’énigme. /…/ Le Sphinx /…/ Cette question donnant la forme la plus primordiale de ce que j’ai appelé la dimension de la demande.

 

Unheimlich L10 19/12/62 p.7: L’angoisse c’est quand apparaît dans cet encadrement ce qui était là beaucoup plus  près à la maison: Heim, l’hôte, allez-vous dire. En un sens, bien sûr, cet hôte inconnu qui apparaît de façon inopinée à tout à fait affaire avec ce qui se rencontre dans l’Unheimlich, mais c’est trop peu que d ele déssigner ainsi. /…/ Cet hôte c’est déjà ce qui était passé dans l’hostile /…/ Cet hôte, au sens ordinaire, ce n’est pas le heimlich, ce n’est pas l’habitant de la maison, c’est de l’hostile amadoué, apaisé, admis. Ce qui de l’Heim, ce qui est du Geheimnis n’est jamais passé par ces détours, /…/ par ces tamis de la reconnaissance: il est resté Unheimlich, moins inhabituable, moins inhabituel qu’inhabité.

 

Unheimlich L10  09/01/63 p.5: Il s’agit aujourd’hui de savoir ce qui est d’abord. Ce qui permet à ce signifiant de s’incarner  /…/ c’est /…/ notre corps. /…/ Ce corps n’est pas /…/ constituable à la façon dont DESCARTES l’institue dans le champ de l’étendue. Ce corps dont il s’agit /…/ il ne nous est pas donné de façon pure et simple dans notre miroir /…/ cette image spéculaire que nous croyons tenir se modifie; ce que nous avons face à nous /…/ laisse surgir la dimension de notre propre regard et la valeur de l’image commence alors à changer, surtout s’il y a un moment où ce regard /…/ commence à ne plus nous regarder nous-mêmes, initium, aura, aurore d’un sentiment d’étrangeté qui est la porte ouverte sur l’angoisse. Le passage de l’image spéculaire à ce double qui m’échappe, voilà le point où quelque chose se passe dont je crois que par l’articulation que nous donnons à cette fonction de ‘a’ nous pouvons montrer la généralité.

 

Unheimlich L12 16/12/64, 44-45: Vous êtes dans une rue, mais un jour, il arrive que sans savoir pourquoi, vous franchissez, invisible à vous-mêmes, je ne sais quelle ligne, et vous tombez sur une place où vous n’avez jamais été, et où pourtant vous vous reconnaissez comme étant celle-là, cette place, où il vous souvient d’avoir été. Elle était dans votre mémoire comme un îlot à part. /…/ Cette place qui n’a pas de nom mais qui se distingue par l’étrangeté de son décor, parce que Freud pointe si bien l’ambiguïté qui fait le champ de l’Unheimlich. .

 

Unheimlich FEDERN P, 1952, Ego psychology and the psy­choses, Basic Books, N.-Y.p.54 (traduction française: 1979, La psychologie du moi et les psychoses, PUF, p.60) : “Je n’ai aucun doute que le déjà vu  consiste en un senti­ment d’étrangeté extrêmement bref. L’état de choses est le suivant: de fa­çon transitoire un sou­venir sous la forme d’une expérience émer­geante passe la frontière idéation­nelle du sentiment du moi ou bien une perception passe la frontière du senti­ment perceptif du moi, en premier lieu à un mo­ment où cette frontière est sans investisse­ment narcissique et immédiatement après quand elle a déjà reçu un investissement narcissique.

 

Unheimlic j L10 28/11/62 p.16: De même que j’ai abordé l’inconscient par le mot d’esprit, j’aborderai cette année l’angoisse par l’Unheimlich; c’est ce qui apparaît au-dessus de i(a) à cette place. C’est pourquoi je vous l’ai écrit dès aujourd’hui: c’est le j le quelque chose qui nous rappelle que ce dont tout part, c’est de la castration imaginaire; qu’il n’y a pas, et pour cause, d’image du manque. Quand il apparaît quelque chose là, c’est donc /…/ que le manque vient à manquer.

 

Unheimlich H&L L10 19/12/62  5 : Il y a toujours les deux barres d’un support plus ou moins développé et de quelque chose qui est supporté: il y a des loups sur des branches d’arbre. Il y a sur tel dessin de schizophrène /…/ quelque arbre, avec au bout, ([i]) /…/ au bout de ses branches quoi? Ce qui pour le schizophrène remplit le rôle que les loups jouent dans le cas borderline qu’est l’H&L; ici un signifiant; c’est au-delà des branches que le schizophrène en question écrit la formule de son secret: “io sono sempre vista”, à savoir ce qu’elle n’a jamais pu dire jusque là, “Je suis toujours vue”. Encore ici faut-il que je m’arrête pour vous faire apercevoir qu’en italien, comme en français, “vista” a un sens ambigu; ce n’est pas seulement un participe passé; c’est aussi la “vue” avec ses deux sens subjectif et objectif, la “fonction de la vue” et le fait d’être une “vue”, comme on dit “la vue du paysage”, celle qui est prise là comme jet sur une carte postale [cf. DERRIDA]. /…/ Ce que je veux /…/ accentuer, c’est que l’horrible, l’inquiétant, tout ce par quoi nous traduisons comme nous pouvons en français ce magistral Unheimlich”, se présente par des lucarnes; que c’est encadré [contenant] que se situe pour nous le champ de l’angoisse. Ainsi vous retrouvez ce par quoi, pour vous, j’ai introduit la discussion, à savoir le rapport de la scène au monde. “Soudain”, “tout d’un coup”, toujours ce terme, vous le trouverez au moment de l’entrée du phénomène de l’Unheimlich; la scène qui se propose dans sa dimension propre, au-delà sans doute nous savons que ce qui doit s’y référer c’est ce qui dans le monde ne peut se dire. C’est ce que nous attendons toujours au lever de rideau /…/.



[i] Le rapport que Bobo a fait au dernier congrès d’Anvers (1962) sur le phénomène de l’expression.

Print Friendly, PDF & Email