LES NON-DUPES ERRENT
Leçon VII, 12 février 1974
Bon, eh bien j’espérais… j’ai appris sur le tard qu’il y avait les vacances de… dites de Mardi gras, justement parce que c’est pas le Mardi gras, alors j’ai maintenu ma… ma je ne sais pas quoi, mon séminaire, n’est-ce pas, je l’ai maintenu aujourd’hui parce que j’espérais que grâce à ça je… pourrais peut-être me promener au milieu de vous parce que vous seriez un peu moins nombreux, et en somme parler un peu avec les gens qui sont censés m’écouter. Vous êtes un peu moins nombreux, c’est vrai, ce qui d’ailleurs me permet de le faire, mais enfin, je regrette de ne pas avoir eu cette occasion de m’exprimer d’une façon un peu plus familière et directe. Voilà.
Là-dessus… là-dessus je vous annonce que, il vient de sortir une espèce de plaquette comme ça [le docteur Lacan lance la plaquette dans la salle], que je vous envoie, il y a un encart dedans, l’encart est aussi intéressant que la plaquette, de sorte que ça va aussi bien si c’est pas les mêmes qui l’ont reçu. Voilà. En principe – en principe, ça doit passer à la télévision – donnez l’encart à quelqu’un d’autre… voilà. C’est des questions que Jacques-Alain Miller a eu la bonté de me poser, dans l’espoir de faire… Télévision. Naturellement, naturellement c’est un espoir tout à fait abusif : il m’a posé les questions qu’il est capable de me poser à partir de l’idée qu’il se fait de la télévision. Il m’a posé des questions kantiennes en particulier, comme si tout le monde était kantien, mais jusqu’à un certain point c’est vrai, tout le monde est kantien, de sorte que les questions qu’il m’a posées m’ont donné simplement occasion de… occasion de répondre au niveau présumé télévision par Jacques-Alain Miller. Le résultat m’a paru quand même digne d’être retenu puisque je l’ai fait publier. Voilà.
Alors maintenant,) e vais vous parler un peu, aujourd’hui, en essayant de rester dans la note de ce que j’espérais. Ce que j’espérais vous dire, c’était en somme, c’était quelque chose, disons, en gros, comme ça, dont la visée, enfin, vous en ferez le titre que vous voudrez – dont la visée était de vous dire, vous dire la différence (c’est ça qui me paraît, c’est ça qui me paraît important dans ce que j’essaie de vous apporter cette année) de vous dire la différence qu’il y a entre le vrai et le Réel.
Comme vous vous en êtes peut-être aperçus, n’est-ce pas, je me suis avancé cette année avec vous, je me suis avancé cette année avec, comme dans La paix chez soi de Courteline, n’est-ce pas, « le truc d’un côté et le machin de l’autre », c’est tout ce qu’elle a réussi à obtenir, la petite bonne femme, en achetant je ne sais quel lustre, enfin qui justement se met en deux morceaux… enfin, contrairement à elle, mes trois morceaux, à savoir les trois, les trois ronds consistants dont s’ajuste le nœud borroméen, c’est ce que je tiens dans la main pour vous parler de ce que les non-dupes errent. Ça n’a pas l’air d’avoir un rapport direct, immédiat tout au moins, ça ne saute pas aux yeux. Mais vous savez peut-être qu’un de ces… un de ces trois ronds, je le dénomme, je le dénomme du Réel, les deux autres étant l’Imaginaire et le Symbolique, et que c’est autour de ça que j’essaie de vous faire sentir quelque chose.
Vous faire sentir ceci, d’abord, que j’ai déjà proféré, mais qui ne vous a pas forcément sauté aux yeux n’est-ce pas, c’est que, c’est que justement je les prends sous seulement cet angle qu’ils sont trois, qu’ils sont trois et également consistants. C’est une première façon d’aborder, d’aborder ce qu’il en est du Réel. Il est bien certain que le Réel, c’est ce qui les fait trois, sans que pour autant ce qui les fait trois soit le troisième. S’ils se rajoutent, ce n’est que pour faire trois. Et justement ils ne se rajoutent pas. Parce que chacun des trois se rajoute tout autant sans pour autant, sans pour autant être le troisième. Il n’est là que parce que les deux autres ne font pas nœud sans trois, si je puis m’exprimer ainsi.
Et c’est ce que je voudrais vous dire : c’est que la logique ne peut se définir que d’être la science du Réel. L’embêtant, c’est qu’elle ne parle et qu’elle ne part que du vrai. Elle n’a pas tout de suite commencé comme ça. Il y avait peut-être, comme tout de même dans l’ensemble, enfin, vous le savez, il y avait un nommé Aristote qui a frayé la question. Évidemment, le mot de vrai, to alethés traîne pas mal dans son machin qu’il a appelé l’Organon et dont on a fait, depuis, la logique. Lui, frayait, il se débrouillait comme il pouvait, et l’ennui, actuellement, dans notre affaire avec l’Organon, c’est que ça ne peut pas paraître sans que la moitié de la page soit tenue par, disons, des commentaires de l’Organon, qui ne sont pas du tout à proprement parler ce qu’on peut appeler commentaires, mais une certaine façon d’organifier sur l’Organon, c’est-à-dire de le rendre comestible.
Ça commence à un certain Alexandre, à un autre qui s’appelle Simplicius, et puis plus tard un nommé Pacius, et puis après tout ce qu’on veut, un Pierre d’Espagne, un saint Thomas d’Aquin, enfin grâce à ça, la chose a été, enfin complètement déviée, c’est au point que ce n’est pas du tout facile, parce que malgré tout on a un espèce de frottis, on s’est frottés à ces divers auteurs, et on les entend, on entend Aristote, malgré tout, à travers eux.
Ce serait bien si quelqu’un, si quelqu’un arrivait à faire l’effort, en somme de lire, de lire par exemple, rien que ceci, qui est le second volume de cet Organon, à lire ce qu’on appelle – qu’on appelle, c’est parce qu’on l’a intitulé comme ça, c’est aussi un titre qui est venu après coup, on appelle ça Les Premiers Analytiques – arriver à le lire, non pas bien sûr de première impression, parce que quelqu’un qui le lirait de première impression, simplement, n’y comprendrait pas plus que ce que, dans l’ensemble, enfin vous comprenez à ce que je raconte, c’est-à-dire pas lourd… – la chose absolument qu’il faudrait qu’un jour quelqu’un arrive à faire, c’est justement à connaître assez bien la différence de ce que dit Aristote avec ce que nous ont transmis enfin, ceux qui ont ressassé le truc, à en voir assez bien la différence pour voir combien Aristote frayait et comment il frayait et pourquoi pas, même les endroits où il glissait, où il s’est tordu le pied, où… c’est un monde! Ouais…
Il est tout à fait clair que je n’en rajoute pas, là. Ou plutôt que ce que je rajoute, ce serait destiné à proposer, enfin tout au moins une tâche, à savoir jusqu’à quel point, et dans Aristote, me semble-t-il, on peut saisir, à quel point c’est un frayage; et un frayage qui ne s’éclaire qu’à partir de ceci que j’ai énoncé juste à l’instant : que la logique, c’est proprement la science du Réel.
Dans Aristote, on n’est pas tellement encombré par le vrai. Il ne parle pas de vrai à propos du prédicat. Il ânonne, bien sûr, et à cause de ça on s’est cru tout à fait obligé de faire pareil, on parle de l’homme, de l’animal, de… du vivant, à l’occasion, et encore, je dis là des choses qui ont tout de suite un vague sens, ça s’emboîte, l’homme, l’animal, le vivant; tout animal est vivant, tout homme est animal, moyennant quoi tout homme sera vivant… ouais… Il est tout à fait clair dès ce départ, comme la suite d’ailleurs l’a bien montré, que tout ça ne veut rien dire. En d’autres termes, que le vrai, dans l’affaire, est tout à fait hors de saison, déplacé.
Et ce qui le rend tangible, ce qui le rend tangible, c’est que c’est… ces cases, n’est-ce pas, ces… qu’il remplit comme il peut avec ces, par exemple ces trois mots que je viens de dire : homme, animal, et vivant, n’est-ce pas, il peut aussi bien mettre n’importe quoi, n’est-ce pas, le cygne, le noir… enfin n’importe quoi d’autre, le blanc… le blanc traîne partout, on ne sait pas quoi en faire; il est rendu manifeste dans ce que j’ai appelé son frayage, que ces termes, tout son effort, est justement de pouvoir s’en passer, c’est-à-dire qu’il les vide de sens, et il les vide de sens par ce moyen qu’il les remplace par des lettres, à savoir a, ß, y, par exemple, au lieu de mes trois premiers termes, là, que je vous ai extraits, qui sont dans Aristote… il dit, n’est-ce pas, ça ne commence à prendre forme qu’à partir du moment où il énoncera que tout ß… tout a est ß, tout y est ß… non, tout ß est y, moyennant quoi tout sera y. En d’autres termes, il procédera de la façon à pouvoir qualifier deux de ces termes, ceux qui font le joint, de moyens, moyennant quoi il pourra établir une relation entre les deux extrêmes. C’est en cela qu’au départ, dès le départ, se touche qu’il ne s’agit pas du vrai. Car peu importe que tel animal soit blanc ou pas, chacun sait qu’il y a des cygnes noirs – des cygnes, c, y, g, n, e, s – l’important est que quelque chose soit articulé grâce à quoi s’introduit comme tel le Réel.
Ce n’est pas pour rien que, dans le syllogisme, il y a trois termes : les deux extrêmes, et le moyen. C’est qu’en fin de compte – je dis « en fin de compte » parce que ce n’est qu’un premier essai – tout se passe comme s’il avait quelque chose comme un pressentiment du nœud borroméen. C’est à savoir que tout de suite il touche du doigt à partir du moment où il aborde le Réel, qu’il faut qu’il y en ait trois. Évidemment, ces trois, il les manie tout de travers, c’est à savoir qu’il s’imagine qu’ils tiennent ensemble deux par deux. C’est une erreur. Il s’imagine qu’ils tiennent ensemble deux par deux, et même, jusqu’à un certain point, on peut traduire la chose en disant qu’il les fait concentriques. À savoir qu’il y a la sphère des vivants, par exemple, puis à l’intérieur, la sphère des animaux – la sphère ou le rond – et puis à l’intérieur encore la sphère des hommes. C’est ce qu’on appelle « le traduire en extension ». Naturellement, on s’y est employé, parce qu’on en est aussi embarrassé que d’un terme dont je me sers beaucoup, mais ce n’est pas sans raison d’être: on en est embarrassé comme le poisson d’une pomme.
Pour vous délasser, je fais ici une franche parenthèse, ça n’a rien à faire avec Aristote, parce qu’Aristote, de ça n’a pas la moindre espèce d’idée… Moi, je suis embarrassé, par exemple, de votre nombre, tout à fait comme un poisson d’une pomme. Et pourtant il y a d’autres moments où je vous dis que les rapports de mon dire avec, enfin, cette assistance justement dont je ne sais que faire, sont de l’ordre des rapports de l’homme avec une femme. je vous ferai remarquer ceci comme ça, que j’ai trouvé ce matin, ça m’a sauté au yeux, que… eh bien, que c’est déjà dans la Genèse. Ce que nous indique la Genèse par l’offre d’Ève, ce n’est rien d’autre que ceci : que l’homme – là, il y a un flottement à ce moment-là, c’est la femme, mais comme je vous l’ai dit, la femme n’existe pas, n’est-ce pas, mais de même qu’Aristote, enfin vasouille un peu, on ne voit pas pourquoi la Genèse, quoique inspirée, en aurait fait moins, et que cette offre de la pomme soit très exactement ce que je dis, à savoir qu’il n’y a pas de rapport entre l’homme et la femme, ceci qui s’incarne très manifestement du fait que, comme je l’ai souligné, la femme n’existe pas, la femme n’est pas-toute, c’est de ça qu’il résulte que l’homme avec une femme en est aussi embarrassé qu’un poisson d’une pomme, ce qui normalise nos rapports, et ce qui me permet de les assimiler à quelque chose dont ça serait beaucoup dire que de dire que c’est l’amour, parce que à la vérité, je n’éprouve pas pour vous le moindre sentiment d’amour. Et sans doute est-ce réciproque, comme je l’ai énoncé : dans ce qu’il en est de l’amour, les sentiments sont toujours réciproques. Ceci est une parenthèse, revenons à Aristote. Aristote, quoi ? montre bien que le vrai, c’est pas du tout ça qui est en jeu. Grâce au fait qu’il se fraye, qu’il fraye l’affaire de cette science que j’appelle du Réel, du Réel, c’est-à-dire du trois, du même coup il démontre qu’il n’arrive au trois qu’en frayant les choses au moyen de l’écrit, à savoir que dès les premiers pas dans le syllogisme, c’est parce qu’il vide ces termes de tout sens en les transformant, en les transformant en lettres c’est-à-dire en des choses qui par elles-mêmes ne veulent rien dire, c’est comme ça qu’il fait les premiers pas dans ce que j’ai appelé la science du Réel.
Qu’est-ce que la logique ainsi conçue, attrapée par ce bout-là, qu’est ce que la logique a à faire dans le discours analytique ?
Ce par quoi vous êtes en somme, pour ma plainte, si nombreux à m’entendre, c’est dans la mesure où ce que je véhicule, c’est ce qui se dégage du discours analytique. Dans le discours analytique les choses procèdent d’une façon différente et c’est pourquoi – et c’est pourquoi vous êtes là – pour autant que, ici, je le prolonge; ce qui fait le corps de ce que je dis, c’est tout à fait autre chose que ce sur quoi, jusqu’à présent, on a fondé une logique, c’est-à-dire des dits. Des dits qu’on manipule. Aristote le fait, mais comme je viens de vous le dire, la caractéristique de son pas c’est de vider ces dits de leur sens. Et c’est par là qu’il nous donne idée de la dimension du Réel. Il n’y a pas de voie pour tracer les voies de la logique, sinon de passer par l’écrit. C’est ce qu’Aristote démontre dès ses premiers pas, et c’est en quoi l’écrit se montre d’une autre dimension que le dire.
Par contre, ce qui vous retient, ce qui vous agite, et ce qui agitera sans doute de plus en plus, c’est que le dire vrai, c’est tout autre chose. Le dire vrai, c’est si je puis dire la rainure, c’est ce qui la définit, la rainure par où passe ce qui… ce qu’il faut bien qu’il supplée à l’absence, à l’impossibilité d’écrire, d’écrire comme tel le rapport sexuel. Si le Réel est bien ce que je dis, à savoir ce qui ne se fraye que par l’écrire, c’est bien ce qui justifie que j’avance que le trou, le trou que fera, que fait à jamais l’impossibilité d’écrire le rapport sexuel comme tel, c’est là à quoi nous sommes réduits, quant à ce qu’il est, ce rapport sexuel, de le réaliser quand même.
Il y a des canalicules, il y a des choses qui font chicane, il y a des trucs où on se perd, mais où on se perd de façon telle que c’est là proprement ce qui constitue la métaphore dite du labyrinthe, on n’en arrive jamais au bout, mais l’important n’est pas là, c’est de démontrer pourquoi on n’en arrive jamais au bout, c’est-à-dire de serrer de près ce qui se passe quand il s’agit, tout ce par quoi nous touchons au Réel, de ce qui sans doute fait que du Réel, nous avons, comme tel, une idée propre et distincte, le Réel c’est ce qui se détermine de ce que ne puisse pas d’aucune façon s’y écrire le rapport sexuel. Et c’est de là que résulte ce qu’il en est du dire vrai, tout au moins ce que nous démontre la pratique du discours analytique, c’est que c’est à dire vrai – c’est-à-dire des conneries, celles qui nous viennent, celles qui nous jutent comme ça – qu’on arrive à frayer la voie vers quelque chose dont ce n’est que tout à fait contingent que quelquefois et par erreur, ça cesse de ne pas s’écrire, comme je définis le contingent, à savoir que ça mène, entre deux sujets à établir quelque chose qui a l’air de s’écrire comme ça : d’où l’importance que je donne à ce que j’ai dit de la lettre d'(a)mur.
Cette distinction qui spécifie le discours analytique, qui m’a permis de le discerner parmi quatre autres qui étaient là parce que… ils ont bien l’air, comme ça, de vivre, et non seulement ils ont l’air, mais ils sont infiniment plus robustes que le discours analytique qui a encore tout à faire quant à son frayage. Le discours analytique, non seulement réserve la place de la vérité, mais il est à proprement parler ce qui permet de dire ce qui, pour ce qui est du rapport sexuel, y coule, remplit la rainure. C’est tout à fait important. C’est tout à fait important parce que ça change complètement le sens de ce dire vrai que je viens d’abord de poser comme distinct de toute science du Réel. Ça en change complètement le sens parce que, comme je viens de le dire, pour une fois, cette rainure n’est pas vide : il y passe quelque chose.
Si certains d’entre vous se souviennent de ce que j’ai avancé, structuré, comme le discours du maître, ils peuvent y lire, s’ils sont capables de lire quelque chose, ils peuvent y lire que la vérité du maître, ça n’est rien d’autre que le sujet. Pour les sourds, je rappelle que le discours du maître c’est ça : avec ici deux flèches et ici deux flèches comme ça, et ici rien du tout Ce sur quoi repose le discours du maître, c’est ce que j’ai appelé S1, S indice 1. Autrement dit: le commandement, l’impératif. Le discours du maître est là. Et pour un bout de temps. Simplement parce que, parce que le signifiant existe. Parce que S1 c’est-à-dire le signifiant 1, ça n’est rien d’autre que le fait que le signifiant, il y en a des tas, mais qu’ils sont tous un quelconque. Et c’est tout ce sur quoi repose l’existence du Un c’est qu’il y a du signifiant, et que chacun n’est pas unique, mais tout seul, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
C’est justement parce qu’il n’y a pas deux… deux quoi ? deux êtres parlants qui puissent se conjoindre, faire deux, c’est justement pour ça qu’il y a des signifiants, c’est-à-dire qu’ils parlent. Et ce que démontre le discours analytique, c’est que ce qui se passe quand à la place de ceux qui pourraient être sujets, sujets de quelque chose, du rapport sexuel, quand à leur place il y a deux signifiants, eh bien c’est ça, et c’est rien d’autre, qui coule dans ce que j’ai appelé la rainure du dire vrai.
Pour ça, il faut que le S2, il faut que le S2 n’ait rien à faire avec le dire vrai. Autrement dit: que le S2 soit réel. Et si vous me suivez dans ce que j’ai tenté de frayer, dans mes premiers vagissements, dans ce séminaire, vous concevrez que le S2, c’est ça que j’ai écrit dans mon schème du discours analytique, que le S2 c’est à savoir le savoir en tant qu’inconscient, c’est ça qui coule dans la rainure du dire vrai. Ça ne dit pas rien, ce que je suis en train de vous raconter! Ça veut dire que c’est un Réel, il y a du savoir qu’il y a beau n’y avoir aucun sujet qui le sache, il reste être du Réel. C’est un dépôt. C’est un sédiment qui se produit chez chacun quand il commence à aborder ce rapport sexuel auquel bien sûr il n’arrivera jamais, quelque éducation qu’on lui donne, parce que s’il y a bien quelque chose qui n’améliorera en rien la situation, la situation du rapport, c’est bien tout ce qu’on peut leur déconner sur le sujet de ce que ce rapport serait, soi-disant.
Il n’en restera pas moins que c’est par des biais tout à fait incidents qu’entrera pour lui ce qui fait le trois, à savoir le Réel. Parce que, bien sûr, Dieu merci, quand il commence l’être parlant, il n’a pas la moindre idée qu’il est un sujet. Il compte un et deux, ce que vous voudrez, mais pas lui, et comme trois, il y mettra tout ce qu’on voudra, voire ce qui maquille les deux autres, à savoir lui-même, l’enfant, comme qui dirait. C’est un bon prétexte, à faire entrer le Réel tout en le voilant complètement: ce n’est qu’un enfant, le Réel; si ce n’est pas l’enfant lui-même, ce sera n’importe quel tiers, ce sera la tante Yvonne, enfin, n’est-ce pas, ou n’importe quoi d’autre… le grand-père Machin: du moment que ça fait trois, tout est bon pour ne pas s’apercevoir qu’il ne s’agit que de trois comme Réel. Moyennant quoi il y a des choses qui, par la tante Yvonne, par le grand-père Machin ou par l’enfant lui-même, à savoir son pathétique, à savoir qu’il est relégué, personne n’y comprend rien, et pour cause, il n’y a rien à comprendre.
Il y aura tout de même quelque chose qui s’imprimera, c’est-à-dire non pas trois, parce que le trois est toujours voilé par quelque côté, le trois se dérobe, le trois c’est le support, il y aura S2, S indice 2, deux S, deux signifiants grand S qui s’imprimeront, et qui donneront, selon la voie du pur hasard, à savoir de ce qui, avant tout, clochait dans ces rapports avec ceux qui étaient là pour présider à ce qu’on appelle son éducation, sa formation, il se formera ce savoir, ce savoir indélébile et en même temps absolument pas subjectivé, il se formera ce savoir réel, là imprimé quelque part, imprimé tout comme dans Aristote l’a, le ß et le y, et c’est ça qui sera l’inconscient, et il n’aura rien d’autre, hein, comme disait le personnage qui passait à la douane, disant : « Ça c’est la nourriture pour ma chèvre», à la suite de quoi le douanier lui disait : « Écoutez, c’est étonnant, parce que c’est des bretelles, enfin… ! » – l’autre lui répondait : « Enfin, c’est comme ça, et si elle n’a pas ça, elle n’aura rien d’autre… », mais c’est pareil pour le savoir inconscient : comme vérité, il n’aura rien d’autre que ces bretelles.
Le savoir inconscient, c’est de ça qu’il s’agit de faire le joint pour que le dire vrai réussisse à quelque chose, c’est-à-dire réussisse à se faire entendre quelque part pour suppléer à l’absence de tout rapport entre l’homme et une femme (des, pas toutes). Voilà la distance, la différence qu’il y a entre le dire vrai et la science du Réel. C’est pour ça que pour ce qui est de traiter l’inconscient, nous en sommes beaucoup plus près à manipuler la logique que toute autre chose, parce que c’est du même ordre. C’est de l’ordre de l’écrit, comme je vous le fais remarquer; d’ailleurs le grand frayeur du discours analytique, Freud lui-même, n’a pas pu l’éliminer, car quand il donne ses petits schémas, n’est-ce pas, dans ses esquisses, celles par lesquelles il a essayé de comprendre ce que ça pouvait bien être que le savoir de l’hystérique, eh bien qu’est-ce qu’il fait ? Il ne fait exactement rien d’autre que ça, à savoir ces petits points et ces petites flèches, ces modes d’écrit grâce à quoi il rend compte – il croit rendre compte – de quelque chose qui était vieux comme le monde, à savoir l’anamnèse; il est évident que depuis longtemps on considère l’anamnèse comme une marque, comme une impression, il faut aussi bien dire que c’est tout à fait flottant et insuffisant. Là le cher Freud confirme en quelque sorte que c’est bien de ça qu’il s’agit, quand il s’agit du Réel, qu’il s’agit de quelque chose qui s’écrit, quelque chose qui s’écrit qu’il s’agit de lire, de lire en le déchiffrant, et qu’est-ce que ça veut dire ? Ça ne veut rien dire que ce quelque chose qui, en le – si je puis dire – en le réanimant dans le sens de ce quelque chose, de ce quelque chose qui fait barrage à tout essai de déboucher sur le rapport proprement dit, en le réanimant grâce à ce quelque chose qui est cette espèce de parasite, de meuble du corps, que le discours analytique désigne par le phallus, fait que ce qui faisait bouchon, qui est à proprement parler la jouissance, et la jouissance phallique comme telle, ce qui faisait bouchon grâce à quelque chose que le discours arrive à obtenir, n’est-ce pas, à savoir à le séparer dans l’Imaginaire, à faire cette castration symbolique, permet que quelque chose réussisse ou rate, rate le plus souvent, qui établit au moins entre deux sujets quelque chose qui ressemble au rapport, quelque chose qui cesse de ne pas s’écrire pour quelques cas rares et privilégiés.
je parle bien sûr là de ce qui s’obtient par la bonne voie, par le discours analytique, parce que, il faut bien dire que ce souci de la vérité n’est nécessité que dans des cas tout à fait rares, ceux pour lesquels l’aide du discours analytique que j’ai dit s’impose, dans les autres discours, c’est beaucoup plus aisé à obtenir. Dans le discours du maître, voire pourquoi pas dans le discours universitaire, hein… Dans le discours de l’hystérique, hein, ça fait rêve, un nœud… Mais, dans les deux autres bon vieux discours, le roi et la reine, mais, ça va tout seul! Il suffit d’être roi et d’être reine pour s’entendre. C’est même impensable qu’ils ne s’entendent pas. Bien sûr, ça n’a rien à faire avec la vérité du rapport sexuel, mais l’important c’est pas ça, hein, c’est que ça y supplée.
Alors, parce que dans des cas le savoir inconscient est boiteux – non seulement il est boiteux, mais il fait nettement obstacle à ce que le rapport sexuel s’établisse. Alors, dans ces cas-là, on a affaire à la nécessité de passer par le discours analytique, à savoir on a besoin du dire vrai, et surtout un peu de soupçonner quelles mauvaises fréquentations a le dire vrai. A savoir que tout ce qui vient troubler, perturber le discours, mon Dieu calme et tranquille, auquel normalement nous avons affaire, qui fonde la normale, à savoir que ce qui vient troubler ces discours parfaitement bien établis, ça ne sort jamais que des cas, des cas où on a besoin, en somme d’une psychanalyse, c’est-à-dire des cas de vérité.
Ça me les réduit pas à l’indignité, ce que je vous dis : qu’ils ne soient pas normaux – c’est qu’ils ont avec la vérité une espèce de… une espèce, comme ça, de parenté, qui tient au fait qu’ils sont dans le joint où ça ne marche pas pour un seul Réel, à savoir ce qu’il en est du rapport dit sexuel.
Il est donc bien entendu – je me livre là, comme ça à des remarques qui me semblent utiles à vous faire pour que vous ne fassiez pas d’erreurs – il est donc bien entendu que le discours analytique ne consiste pas du tout à faire rentrer ce qui ne va pas, ce qui ne va pas dans le discours normal, hein, dont je viens de désigner deux. C’est pas du tout de ça qu’il s’agit, il ne s’agit pas du tout de les y faire rentrer, c’est simplement de noter que le discours qui ne procède que par le dire vrai, c’est justement ce, ce qui ne va pas, comme ça s’est toujours démontré, il suffit que quelqu’un fasse un effort, pour dire vrai, pour que ça dérange tout le monde. je restitue là simplement les choses à leur contexte.
Ce que je veux simplement vous faire remarquer: c’est en constituant cette faille, cette faille du dire vrai avec la science du Réel, en la reconstituant pour ce qu’elle vaut, en la reconstituant à la place même où elle se situe, je ne ferme là, bien loin de là, aucun système du monde, bien au contraire. Pour qu’un système du monde existe, il n’y a qu’un seul moyen, n’est-ce pas, c’est d’y faire des suppositions. Ce qu’il y a de… de plein d’arêtes – je veux dire de stimulant – dans un discours comme celui d’Aristote (qui n’était sûrement pas un idiot, ni même un con), ce qu’il y a de stupéfiant, c’est que y a pas de texte où ce soit plus clair, ce qu’on appelle supposition.
Cette distinction que je viens de vous articuler aujourd’hui, entre le dire vrai et la science du Réel, j’ai appelé ça comme ça, j’ai appelé ça comme j’ai pu : le dire vrai, il est là, c’est ce que j’essaye de faire, la science du Réel, c’est ce quelque chose qui est la logique, et qui, aussi tient debout, n’est-ce pas, qui tient debout pour ceux qui savent, bien sûr, s’y retrouver. La distinction est quelque part, je peux vous montrer où, quelque part dans Les Premiers Analytiques, hein: 1-37, là, ouais… 37…
non, c’est au… si vous prenez le repérage sur les manuscrits, n’est-ce pas, c’est vers la septième ligne de la page des manuscrits de ce qui est numéroté par le 49 a. Bon, le 37 c’est la division de la traduction. Il s’agit des différentes espèces d’attribution, des expressions… Non, ce n’est pas ça, c’est plus loin… Ah!
«Il faut aussi opérer l’échange des… c’est plus loin, n’est-ce pas, c’est au 49 b, il faut aussi opérer l’échange des termes de valeur identique, mots pour mots, locutions pour locutions, mot et locution l’un pour l’autre, et toujours préférer un mot à une locution pour faciliter ainsi l’exposition des termes. »
Il n’a l’air de parler que de sa petite affaire. Mais c’est quand il donne un exemple…
«Par exemple, il n’y a aucune différence entre dire… »
Et alors à ce propos-là il dit quelque chose de vrai; mais, si je puis dire c’est bien un hasard, vous allez voir ce qu’il dit de vrai,
«… l’objet de la supposition n’est pas le genre de l’objet de l’opinion et dire l’objet de l’opinion n’est pas identique avec un certain objet de supposition (car le sens est le même dans les deux jugements), au lieu de la locution énoncée, il vaut mieux poser comme termes… »
En les bloquant… et ça c’est ce qu’il appelle upokeimenon l’objet de la supposition, et l’objet de l’opinion, dokarton doxarton (je vous demande pardon, je suis fatigué…) Qu’est-ce que c’est que l’objet de l’opinion ?
Ben, l’objet de l’opinion, c’est ce qui marche. L’opinion, elle est aussi vraie que quelque chose d’autre. L’opinion vraie, c’est justement là-dessus que se casse la tête Platon dans le Ménon. L’objet de l’opinion, c’est ce qui fait que on ne s’aperçoit pas que… (jusqu’à ce que ça vous tombe sur la tête, naturellement) qu’il n’y a pas de rapport sexuel. L’objet de la supposition n’est pas identique, dit-il à cette occasion. C’est-à-dire que tout ce dont il nous parle dans Les Premiers Analytiques, c’est quelque chose qui nous fait comprendre combien, quand on est dans l’ordre du Réel, il faut faire de suppositions.
Dans l’ordre du Réel, nous sommes tout le temps forcés de supposer. Nous sommes forcés de supposer, enfin, les choses les plus folles : l’esprit, la matière aussi, quelquefois, et même quelques autres histoires du même genre, n’est-ce pas, qui sont heureusement un tout petit peu plus rapprochées de nous, mais qui n’en sont pas moins suppositionnelles. J’essaie ici de procéder par une voie où je ne fasse pas de suppositions, où je ne soupçonne rien d’être suspect. Puisque la supposition, ça a ce versant-là. Oui… Dans Aristote, il appelle ça l’upokeimenon quelquefois, mais là, dans ce cas-là, c’est quelque chose qu’on ne peut traduire en latin que par suspicabile, c’est : to upolepton c’est « le soupçonnable ».
Bien sûr, le soupçonnable, c’est très respectable, comme le reste, n’est-ce pas, c’est ce qu’il nous faut soupçonner comme étant Réel, et ça mène très loin, ça mène à toutes sortes de constructions. L’important serait peut-être d’en rester à ce que seule permet d’affirmer la science du Réel, à savoir que le noyau de tout ça c’est avant tout la logique, c’est-à-dire ce qui n’a jamais réussi à avancer d’un pas, d’un quart de pas, d’un bout de nez de pas, hein, que par l’écrit. Ce qui est quand même quelque chose.
Bon, je vous ai raconté ça, et puis je vous ai fait là mon nœud borroméen, il faut bien que vous vous imaginiez que ce nœud borroméen là, c’est si je puis dire le seul qui… qui se présente décemment, si je puis dire.
Il se présente décemment parce qu’il a la place pour se déployer, mais ça ne l’empêche pas d’être facilement l’objet de toutes sortes de déroutements. Vous y remarquerez par exemple, qu’il est très facile d’y retrouver, par exemple les trois plans de référence des coordonnées cartésiennes. Et c’est bien ce qu’il a de fallacieux. Parce que les coordonnées cartésiennes, c’est quand même tout autre chose, c’est quelque chose qui du seul fait que ça implique la surface comme existante, n’est-ce pas, est à la source de toutes sortes, de toutes sortes d’images fallacieuses : le more geometrico qui a suffi pendant des siècles à assurer beaucoup de choses d’un caractère prétendument démonstratif, sort tout entier de là.
Le fait que, le fait que le caractère fallacieux de la surface, n’est-ce pas, est démontré par ceci, que quand vous essayez de la rejoindre avec cet appareil qui est là, vous obtenez, ce qui constitue le – depuis quelque temps, enfin, je pense pour vous – le sigle de ce qu’il en est du nœud borroméen, à savoir le joint où les trois ronds, ça se nous ensemble. Et où ça se noue, enfin, de façon qui est à proprement parler concise, c’est-à-dire celle, la façon, qui permet par exemple de voir que c’est comme ça que ça se coince, enfin, hein. Et voilà: c’est comme ça qu’il faut que vous conceviez que les… que les nœuds se rejoignent pour définir ce quelque chose qui est une tout autre définition du point : à savoir le point où les trois ronds se coincent.
Oui, c’est pas tout à fait ce que j’avais prévu, enfin, de vous raconter aujourd’hui, mais puisque après tout j’avais envie de… d’improviser, je me suis laissé entraîner, comme ça, à vous dire d’autres choses, ça a une suite, bien sûr, ça aura une suite la prochaine fois, je voudrais tout de même vous faire remarquer qu’il y a des points dans les Premiers Analytiques, par exemple, entre autres – il y en a d’autres, il y a des points de la logique, il y a des points de l’Organon – où nous voyons tout d’un coup qu’Aristote lui-même, qui savait rudement bien ce qu’il faisait, n’est pas sans achopper. je veux dire sans laisser sortir ce qui, en fin de compte, le [me ?] tracasse comme tout le monde.
Il y a une histoire par là, il faudra que je nous retrouve ça, je nais vous le retrouver tout de suite, au… au 68 a, page des manuscrits, toujours… Il y a quelque chose d’inouï. je remarque – je nous ai parlé tout à l’heure de… du « tout A est B, tout B est I’» et de ce qui s’en déduit que « tout A est lettre rhô Il interroge, en apparence, ce qu’il résulte de ceci, d’inverser la conclusion, à savoir par exemple de dire que tout y est a Il en montre les conséquences bouleversantes, à savoir que la conclusion, il na falloir la mettre à une autre place, à savoir à la place d’une majeure ou d’une mineure pour que ça aboutisse à proprement parler à une conclusion qui est celle qui inverse une des prémisses. Bon. Tout ça n’a l’air de rien et ça n’est certainement pourtant pas rien, parce que c’est à cette occasion que commence à sortir quelque chose d’autre, à savoir les qualifications qui s’appliquent à toute espèce d’être.
Il faut nous dire que je vous ai épargné ceci, c’est à quel point, c’est à quel point l’usage du terme upasxein « appartenir à », fait problème. Parce que dans sa définition de l’Universelle, il est tout à fait hors de question de donner un sens univoque à cet « appartenir à ». Il est impossible de savoir d’une façon univoque si le sujet appartient au prédicat ou si le prédicat appartient au sujet. C’est selon les passages. Il ne se peut pas, bien sûr, que quelqu’un d’aussi vigilant que devait être Aristote ne s’en soit pas aperçu.
Quoi qu’il en soit dans ce chapitre, ce tout petit chapitre qui est bien instructif, on voit par progression – et par cette progression qui consiste à ce que, d’êtres universels bien définis, il passe à tous les êtres – il est très singulier que ce soit à propos de ça, que sorte, que sorte mais comme une irruption, le passage suivant
« Si donc (textuel) tout amant, en vertu de son amour, préfère A (c’est pas “préférer à”, hein, c’est le “A” écrit), savoir que l’aimé soit disposé à lui accorder ses faveurs (ça se dit ouneinai aller ensemble) sans toutefois les lui accorder (ce que nous figurons par I’) (c’est donc non-ouneinai pour appeler ça par son nom : il ne couche pas avec lui) plutôt que de voir l’aimé lui accorder ses faveurs (ce qui est figuré par lettre delta … »
… C’est merveilleux.
Donc, A qu’est-ce que nous avions dit, ça, ça le… comment, ?… ah! oui !
« C’est donc lettre rhô ne pas les lui accorder, plutôt que de voir… etc. » Bon. Bon, alors il est évident que a c’est-à-dire qu’être disposé, ce qui passe pour Aristote pour l’aimer, n’est-ce pas – il est évident que l’objet de l’amour A, c’est être aimé, être disposé à lui accorder ses faveurs, c’est ce que, dans Aristote, et parfaitement désigné dans ce texte (je vous prie de vous y reporter) se dit phileisthai
Bon, aimer, c’est donc philein
Il s’agit pour lui de démontrer ceci: après ce passage concernant toute la conversion, et tout à fait spécialement la conversion des prédicats qui concernent tout être – il s’agit que si on part de ceci, n’est-ce pas, que la conjonction de cet A avec ce B, c’est-à-dire être aimé par le partenaire – partenaire qui ne vous accorde pas ses faveurs – si on pose que ceci est préférable à la combinaison contraire, n’est-ce pas, à savoir qu’il vous accorde ses faveurs sans vous aimer pour autant, il démontre que, si on pose ceci – c’est l’objet de sa démonstration – il en résulte que la fin de l’amour, A, c’est quelque chose, si on la pose ici, n’est-ce pas, il en résulte, ce qui semble en effet, inévitable à admettre, que le ouneinai vaut moins que le xasiksesthai à savoir cette bonne disposition qui témoigne d’être aimé. Le surgissement, à cet endroit, et d’une façon qui est d’autant plus problématique qu’elle est absolument caractéristique de l’amour en tant qu’homosexuel, est une chose tout à fait frappante, concernant, si je puis dire, l’éruption au milieu de ce que j’ai défini comme étant ici articulé comme la science du Réel, comme l’éruption en un certain point, un point qui, je vous le répète, est au 68 b auquel je nous prie de vous reporter dans les Premiers Analytiques, une chose qui est vraiment l’irruption du vrai, et d’un vrai qui est justement un vrai dont il n’y a, en fin de compte, que l’approche, puisque le problème dont il s’agit est justement celui d’un amour qui, en fin de comte, ne concerne que par l’intermédiaire de la jouissance, du ouneinai dont il s’agit, à savoir d’une jouissance parfaitement localisée et homologue, homogène, enfin, celle qui fait qu’en fin de comte, s’il y a, en effet, quelque chose que permet la non-existence du rapport sexuel comme tel, c’est très précisément que l’omoios en est assurément quelque chose comme un pas, sans doute, mais un pas, en quelque sorte, qui confirme, qui appuie la non-existence du rapport.
Et ce sur quoi je voudrais conclure est ceci, n’est-ce pas, que pour autant que c’est autour de cet x qui s’appelle le phallus que continue à tourner – à tourner que parce que c’en est à la fois la cause et le masque – la non-existence du rapport sexuel, j’annonce, si je puis dire le thème de mon prochain séminaire; pour ce qui en est de l’homme – et d’abord quand je dis l’homme, je l’écris avec un grand L, à savoir qu’il y a un tout-homme – pour l’homme, l’amour, j’entends, ce qui s’accroche, ce qui se situe dans la catégorie de l’Imaginaire, pour l’homme, l’amour ça va sans dire. L’amour ça va sans dire parce qu’il lui suffit de sa jouissance, et c’est d’ailleurs très exactement pour ça qu’il n’y comprend rien.
Mais pour une femme, il faut prendre les choses par un autre biais, n’est-ce pas. Si pour l’homme ça va sans dire parce que la jouissance couvre tout, et y compris justement qu’il n’y a pas de problème concernant ce qu’il en est de l’amour, la jouissance de la femme – et c’est là-dessus que je terminerai aujourd’hui – la jouissance de la femme, elle, ne va pas sans dire, c’est-à-dire sans le dire de la vérité.