dimanche, octobre 6, 2024
Recherches Lacan

LV LES FORMATIONS DE L'INCONSCIENT 1957-1958 Leçon du 04 Juin 1958

Leçon du 04 Juin 1958

FREUD, dans Psychologie des masses et analyse du moi, consacre un chapitre à l’identification. Nous allons, dans ces quelques derniers séminaires qui nous restent cette année, nous avancer dans ce champ… ouvert par FREUD après la première guerre, vers les années 1920… de la seconde topique. Parce que ce que nous avons parcouru cette année en essayant de donner une dimension des formations de l’inconscient et de ce que cela représente, c’est cela seul qui nous permettra, sur le fait de la topique, de ne pas nous égarer dans ses autres sens coutumiers. Nous serons donc amenés à indiquer tout au moins ce que veut dire cette topique, et tout spécialement pourquoi elle est venue au premier plan de la fonction du moi dans un bien autre sens… manifestement différent et combien plus complexe… de l’usage qu’on en a fait depuis. Ceci, pour vous montrer la direction. Pour l’instant, je retiens de ce chapitre sur l’identification. Bien entendu, il faut le lire, il faut que vous voyiez dans quel sens cela s’applique aux reports que je vais vous donner des trois types d’identification distingués par FREUD sur le schéma qui est ici et, en somme, qui doit avoir pour vous, au point où nous en sommes, la valeur justement d’une médiation, d’un schéma d’articulation, voire d’interprétation : d’une part, de ce qu’il en est de la structure de l’inconscient en tant que cette structure de l’inconscient est foncièrement structurée comme une parole, comme un langage, et d’autre part, de ce qui s’en dégage comme topique. Précisément, vous allez voir tout de suite que FREUD distingue trois types d’identifications. Ceci est nettement articulé et, dans un certain paragraphe, c’est nettement résumé. Le premier type d’identification, c’est la forme la plus originelle du lien de sentiment à un objet. La seconde forme, c’est celle sur laquelle il s’est particulièrement étendu dans ce chapitre, celle qui d’ailleurs est la base concrète de toute la réflexion de FREUD autour de l’identification, foncièrement liée à tout ce qui est de la topique. N’oublions tout de même pas comme fait premier… avant d’apprécier les différents organes, si l’on peut dire, de la topique freudienne pour autant qu’ils ressortissent de ce fameux schéma en forme d’œuf qui aurait un œil… le schéma à partir duquel vous imaginez, vous « intuitivez » les rapports du Ça, du moi, du surmoi… un œil quelque part, une sorte de pipette qui entrerait dans la substance censée représenter le surmoi… que c’est un schéma évidemment bien commode. C’est justement l’inconvénient de ceci, que pour représenter les choses topologiques on use de schémas spatiaux. C’est une nécessité à laquelle moi – même je n’échappe pas puisque aussi ma topique je la représente par un schéma spatial. J’essaye de le faire avec le moins d’inconvénients possibles parce que ce qui distingue la topique d’un schéma spatial, c’est que ce schéma… celui – là par exemple, mon petit réseau… représente pour vous ceci, par exemple que vous le prenez et que vous le chiffonnez, que vous en faites une petite boule et que vous la mettez dans votre poche, en principe les relations restent toujours les mêmes : ce sont des relations de lien, d’ordre. C’est plus difficile à faire pour ce schéma de l’œuf puisque lui est tout entier tourné vers cette projection spatiale. Alors vous vous imaginez que FREUD veut désigner par le Ça quelque chose qui est quelque part, qui est un organe sur lequel il y a cette espèce de protubérance représentée par le moi qui en effet vient là comme un œil. Mais lisez le texte, il ne fait nullement allusion à quoi que ce soit qui se représente avec ce caractère substantiel, à quelque chose qui permette de représenter cela comme une sorte de différenciation organisée. Le développement des organes corporels, c’est tout à fait autre chose. Le terme d’identification veut dire complètement autre chose. C’est sur ces identifications que sont supportées des différenciations qui sont dans une autre espèce, dans un tout autre ordre que les différenciations d’organe. C’est quand même très important à être rappelé, ne serait – ce que parce que cela peut aller très loin. En fin de compte, il y a vraiment des gens qui s’imaginent que quand ils font une lobotomie, ils enlèvent une tranche de surmoi. Et non seulement ils le croient, mais ils l’écrivent, et ils le font dans cette pensée. Ce second type d’identification, voyons comment FREUD l’articule : elle se produit sur la voie d’une régression, comme remplacement d’une liaison à un objet, liaison libidinale qui équivaut à une introjection de l’objet dans le moi. Je vous le répète, cette seconde forme d’identification est celle qui, tout au long du discours de FREUD dans Psychologie des masses et analyse du moi, mais aussi dans Le moi et le ça, lui pose le plus de problèmes pour son rapport ambigu avec l’objet. C’est là aussi où tous les problèmes de l’analyse sont réunis, le problème du complexe d’Œdipe inversé en particulier : pourquoi à un moment, dans certains cas, et dans la forme du complexe d’Œdipe inversé, l’objet qui est un objet d’attachement libidinal devient – il objet d’identification ? Dans certains cas il est plus important de soutenir le problème posé que de le résoudre d’une façon quelconque. Il n’y a absolument rien d’obligé à ce que nous fassions une représentation d’une quelconque solution possible de cette question, qui est peut – être, après tout, la question centrale, la question en deçà de laquelle nous sommes toujours condamnés à rester, celle qui fait le point pivot. Il faut bien qu’il y en ait un quelque part, parce que, où que nous nous mettions pour considérer que toutes les questions sont résolues, il restera toujours cette question : pourquoi sommes – nous là ? Et comment y sommes – nous arrivés pour être au point où tout est clair ? Il est clair qu’il doit bien y avoir un point qui fait que justement nous restons plongés dans la question. Je ne vous dis pas que ce point – là c’est le point dont il s’agit, mais enfin il est clair que FREUD, lui, en tout cas tourne autour et ne prétend pas – nulle part – l’avoir résolu. Ce qui est important par contre, c’est de voir comment les coordonnées… si l’on peut dire… de ce point zéro varient. Je vous le répète, c’est là la question essentielle, celle du rapport entre l’amour pour un objet et l’identification foncièrement donnée par l’expérience pour s’ensuivre. Ici, FREUD introduit de la façon la plus claire la distinction et l’opposition qui est celle qu’à la fin d’un de nos derniers séminaires dans lequel j’avais fait allusion au problème de la relation au phallus : l’opposition en somme de l’être et de l’avoir. C’est ainsi qu’il articule la différence qu’il y a entre : l’attachement érotique, libidinal, à l’objet aimé, et l’identification au même. Mais FREUD nous le dit bien : en tout cas ce que son expérience lui donne c’est que cette identification est toujours de nature régressive. Les coordonnées, les corrélations de cette transformation d’un attachement libidinal en identification sont des coordonnées qui montrent qu’il y a régression. Je pense que vous en savez quand même assez pour que je n’aie pas besoin de mettre les points sur les i. En tout cas, j’ai déjà articulé dans les séances précédentes à quoi s’atteste une régression. Bien entendu, vous le savez, mais il s’agit de savoir comment on l’articule ici. Nous l’articulons comme ceci, c’est le choix des signifiants qui en donne clairement l’indication : ce que nous appelons régresser… au stade anal avec toutes ses nuances et variétés, voire au stade oral… c’est ce que nous voyons toujours dans le présent, dans le discours du sujet : des signifiants régressifs. Il n’y a pas d’autre régression dans l’a
nalyse. Que le sujet se mette sur votre divan en gémissant comme un nourrisson, voire en en imitant les comportements, cela arrive quelquefois, mais nous ne sommes pas habitués à voir là la véritable régression que vous voyez dans l’analyse. Cela se produit, cette sorte de simagrée de la part du patient, mais ce n’est généralement pas dans des cas de très bon augure, et ce n’est pas cela que vous êtes d’ordinaire habitués à appeler « régression ». Au point où nous en sommes de ces deux formes d’identification, nous allons tâcher de les appliquer sur notre schéma et de voir ce qu’elles veulent dire. Si les deux lignes qui, quand nous nous plaçons ici, c’est – à – dire au niveau du besoin du sujet, Bedürfnis, le terme est employé dans FREUD… Je vous signale en passant que FREUD… et justement à propos de la même réflexion concernant l’avènement de l’identification et ses rapports avec l’investissement de l’objet… nous dit dans une certaine phrase : « Plus tard on doit admettre que l’investissement de l’objet… » Je vous fais remarquer en passant que la traduction de Jankélévitch de ces chapitres les rend proprement inintelligibles et quelquefois leur fait dire exactement le contraire du texte de FREUD, ce terme d’« investissement de l’objet » est traduit par concentration sur l’objet, ce qui est d’une obscurité incroyable. «… que l’investissement de l’objet provient du Es (du Ça) qui perçoit les incitations érotiques comme besoin. » Vous voyez que le Es est quelque chose qui se propose ici comme très ambigu : il perçoit les incitations érotiques, les pressions, les tensions érotiques, comme « besoin ». Quoi qu’il en soit de la perspective du besoin, ces lignes [1 et 2] donnent donc les deux horizons de la demande : c’est – à – dire de la demande ici [1] en tant qu’articulée, demande de satisfaction d’un besoin pour autant que toute demande de satisfaction d’un besoin doit passer par les défilés de l’articulation tels que le langage les rend obligatoires. D’autre part, du seul fait de passer au plan du signifiant dans son existence et non plus dans son articulation, ce qui en résulte au niveau de celui à qui s’adresse la demande [2], c’est – à – dire l’Autre : demande inconditionnelle d’amour en tant qu’elle est liée au fait que celui à qui on s’adresse ainsi, est lui – même symbolisé, c’est – à – dire qu’il apparaît comme présence sur fond d’absence, qu’il peut être rendu présent en tant qu’absent, c’est – à – dire cet autre horizon. Avant qu’un objet soit aimé au sens érotique du terme… au sens où l’Éros de l’objet aimé peut être perçu comme besoin… l’institution, la position de la demande crée l’horizon de la demande d’amour. Elles sont séparées sur ce schéma, ces deux lignes… celle de la demande comme demande de satisfaction d’un besoin et celle de la demande d’amour… elles sont séparées pour une raison de nécessité topologique, mais les remarques de tout à l’heure s’appliquent : cela ne veut pas dire qu’elles ne soient pas une seule et même ligne, à savoir ce qu’articule l’enfant devant la mère. En d’autres termes, l’ambiguïté, la simultanéité… si l’on peut dire, du déroulement de ce qui se passe sur ces deux lignes en tant que ce sont des lignes où ce qui est du besoin du sujet s’articule comme signifiant… cette superposition, cette simultanéité, cette ambiguïté est quelque chose qui nous est toujours offert à l’état permanent. Vous allez en voir une application immédiate, cette ambiguïté est très précisément l’ambiguïté que maintient – tout au long de l’œuvre – FREUD, et d’une façon permanente : la notion de transfert comme tel, j’entends de l’action du transfert dans l’analyse, avec celle de la suggestion. Tout le temps FREUD nous dit qu’après tout, le transfert c’est une suggestion, que nous en usons comme tel. Mais il ajoute : «… à ceci près que nous en faisons tout autre chose, puisque cette suggestion nous l’interprétons. » Mais qu’est – ce que cela veut dire, si ce n’est que si nous pouvons interpréter la suggestion, c’est qu’un arrière – plan s’offre à elle en tant que telle, parce que, si je puis dire, le transfert en puissance est là. Nous savons très bien que ça existe et je vais tout de suite vous en donner un exemple. Le transfert en puissance est déjà analyse de la suggestion, il est lui – même la possibilité de cette analyse de la suggestion, il est articulation seconde de ce qui, dans la suggestion, s’impose purement et simplement au sujet. En d’autres termes, la ligne d’horizon sur laquelle la suggestion se base est là [1], elle est très essentiellement au niveau de la demande, de la demande que fait le sujet par le seul fait qu’il est là. Quelles sont ces demandes ? Comment pouvons – nous les situer ? Il est bien intéressant d’en faire le point au départ car cela varie extrêmement. Il y a vraiment des gens pour qui la demande de guérir est là à tout instant toute présente. Les autres, plus avertis, savent qu’elle est rejetée au lendemain. Il y en a d’autres qui sont là pour autre chose que pour la demande de guérison, ils sont là pour voir. Il y en a qui sont là pour devenir analystes. Quelle importance cela a – t – il de savoir la place de la demande puisque que la façon dont l’analyste, même en n’y répondant pas, institué comme cela, y répond : c’est constitutif de tous les effets de suggestion. Mais ne me dites pas qu’il suffit de dire que le transfert est, là, ce quelque chose grâce à quoi opère la suggestion. C’est l’idée que l’on s’en fait d’habitude. Non seulement c’est l’idée que l’on s’en fait d’habitude, mais je dirai que, jusqu’à un certain moment de son texte, FREUD écrit que s’il convient de laisser s’établir le transfert c’est parce qu’il est légitime d’user du pouvoir de quoi ? De suggestion que donne le transfert, le transfert ici conçu comme la prise et le pouvoir de l’analyste sur le sujet, comme le lien affectif qui fait le sujet dépendre de lui, qu’il est légitime que nous en usions pour qu’une interprétation passe. Qu’est – ce que c’est sinon, à ce niveau, énoncer de la façon la plus claire que nous usons de suggestion ? C’est parce que le patient, pour appeler les choses par leur nom, est arrivé à bien nous aimer, que nos interprétations sont ingurgitées : nous sommes sur le plan de la suggestion. Or, bien entendu FREUD n’entend pas se limiter à cela. Mais quand on dit « oui, nous allons analyser le transfert », observez bien la bifurcation qui se présente à ce niveau : c’est une bifurcation qui fait tout à fait s’évanouir le transfert en tant que… disons que je souligne les termes parce que ce ne sont pas les miens, mais ceux qui sont implicites dans toute discussion sur ce sujet du transfert… en tant que prise affective sur le sujet car si nous considérons qu’à ce moment – là nous nous distinguons… de celui qui prend appui sur son pouvoir sur le patient pour faire passer l’interprétation qu’il suggère… en ceci que nous allons analyser cet effet de son pouvoir, que faisons – nous d’autre si ce n’est que renvoyer la question à l’infini ? Donc c’est encore à partir du transfert que nous analyserons ce qui vient de se passer dans le fait que le sujet a accepté l’interprétation par exemple. Il n’y a aucune espèce de raison de sortir par cette voie du cercle infernal de la suggestion. Or, nous supposons justement qu’autre chose est possible. C’est donc que le transfert est autre chose que l’usage d’un pouvoir : le transfert est déjà un champ ouvert, la possibilité d’une articulation signifiante autre et différente de celle qui enferme le sujet dans la demande. C’est pourquoi il est légitime, quel qu’en doive être le contenu, de mettre à l’horizon ceci qui s’appelle ici, non
pas la ligne de la suggestion, mais la ligne du transfert, c’est – à – dire ce quelque chose d’articulé qui est en puissance au – delà de ce qui s’articule sur le plan de la demande. Or, ce qui est là à l’horizon, c’est ce qui produit la demande en tant que telle, à savoir la symbolisation de l’Autre, à savoir la demande inconditionnelle d’amour, c’est là que vient se loger ultérieurement l’objet, mais en tant qu’objet érotique, c’est là qu’il est visé par le sujet. Et dire que l’identification… en lui succédant, à cette visée de l’objet en tant qu’aimé… que l’identification, en la remplaçant est une régression, cela veut dire justement que ce dont il s’agit c’est de l’ambiguïté de cette ligne de transfert, si je puis dire, avec la ligne de suggestion parce que nous savons… et là je l’ai articulé depuis longtemps et tout à fait au départ, et FREUD nous l’articule là… que sur cette ligne de la suggestion se fait l’identification sous sa forme primaire, cette identification que nous connaissons bien, cette identification aux insignes qui font que l’autre… en tant que sujet de la demande, celui qui a pouvoir de la satisfaire ou de ne pas la satisfaire… marque à tout instant cette satisfaction par quelque chose qui bien entendu est au premier plan : son langage, sa parole. Des rapports parlés de l’enfant avec la mère, j’en ai souligné l’importance, ils sont essentiels et ils font que tous les autres signes, toute la pantomime de la mère… comme on le disait hier soir… est quelque chose qui s’articule en termes de signifiants qui se cristallisent dans le caractère conventionnel de ces mimiques, soi – disant émotionnelles, qui sont ce avec quoi la mère communique avec l’enfant et qui donnent à toute espèce d’expression des émotions chez l’homme, ce caractère conventionnel qui fait que la prétendue spontanéité expressive des émotions se révèle, à l’examen… et ceci sans que l’on soit forcé d’être freudien pour cela… non seulement tout à fait problématique, mais archi – flottante, à savoir que ce qui dans une certaine aire d’articulation signifiante des émotions signifie une certaine émotion, peut dans une autre aire… c’est une référence… être d’une toute autre valeur du point de vue expression des émotions. Donc l’identification comme telle, si elle est régressive, c’est précisément en tant que l’ambiguïté reste permanente entre la ligne de transfert et la ligne de suggestion. Autrement dit, nous n’avons pas à nous étonner que, dans la suite, dans le développement, dans le détour de l’analyse, nous voyons les régressions se scander par une série d’identifications qui leur sont corrélatives, qui en marquent le temps, le rythme. D’ailleurs elles sont différentes. Il ne peut pas y avoir à la fois régression et identification. Les unes sont les arrêts, les stoppages des autres. Mais il reste que s’il y a transfert, c’est très précisément pour que ceci soit maintenu sur un autre plan que sur celui de la suggestion, à savoir que ceci soit visé non pas comme quelque chose à quoi ne répond aucune satisfaction de la demande, mais comme tel, comme une articulation signifiante, et c’est cela qui distingue l’une de l’autre. Vous me direz « quelle est l’opération qui fait que nous les maintenons distinctes ? » Justement, notre opération ici est celle qui est abstinente ou abstentionniste, qui consiste à ne jamais, comme telle, gratifier la demande. Cela nous le savons, mais cette abstention, encore qu’elle soit essentielle, n’est pas à elle seule suffisante. Ceci saute aux yeux. C’est bien parce qu’il est dans la nature des choses que ces deux lignes restent distinctes, qu’elles peuvent le rester. Autrement dit c’est parce que pour le sujet elles sont distinctes, et que justement entre les deux il y a tout ce champ qui n’est, Dieu merci, pas mince à saisir, qui n’est jamais aboli, et qui s’appelle le champ du désir, qu’elles peuvent rester distinctes. Autrement dit, tout ce qu’on nous demande c’est… de par notre présence là comme Autre… de ne pas favoriser cette confusion. Car bien entendu : il suffit que nous entrions là comme Autre… et surtout de la façon dont nous y entrons, avec ce caractère que nous appelons permissif de l’analyse, mais permissif sur le plan verbal, mais cela suffit, il suffit que les choses soient permissives sur le plan verbal – Pourquoi ? – Non pas bien entendu pour que le patient soit satisfait, parce qu’il est même satisfait par cela, mais il n’est pas satisfait dans les éléments de réel il suffit qu’il soit satisfait sur le plan de la demande pour que la confusion s’établisse irrémédiablement entre ces deux plans : – celui que j’appelle la ligne de transfert [2], – et celui que j’appelle la ligne de suggestion [1]. Nous sommes donc… de par notre présence et en tant que nous écoutons le patient… ce qui tend à faire se confondre la ligne de transfert avec la ligne de la demande. Nous sommes donc, au principe, nocifs et c’est cela que cela veut dire. La régression, c’est notre voie, mais c’est une voie descendante, c’est une voie qui, par rapport à la fin de notre action, n’en désigne pas le but mais le détour. Et c’est cela qu’il faut que nous tenions sans cesse à l’esprit. Dieu merci, il y a quelque chose qui empêche que cette confusion irrémédiable s’établisse… Encore qu’il y ait toute une technique de l’analyse qui n’ait pas d’autre but et d’autre fin que de l’établir, cette confusion, et c’est pour cela qu’elle aboutit à « la névrose de transfert », et que vous voyez ensuite écrit dans une revue qui s’appelle la Revue Française de Psychanalyse, que pour ce qui est de résoudre ce qui s’appelle la question du transfert, il n’y a plus qu’une chose à faire : faire asseoir le malade, lui montrer des choses gentilles, lui montrer que c’est joli dehors, et lui dire d’y aller en franchissant la porte à petits pas de façon à ne pas faire lever les mouches. Et ceci par un grand technicien ! Heureusement qu’il y a entre les deux lignes quelque chose qui s’oppose à cette confusion de la ligne de transfert et de la ligne de suggestion, il y a entre les deux le désir précisément, et tout cela ce sont des choses tellement évidentes que les hypnotiseurs… disons simplement ceux qui se sont intéressés à l’hypnose… le savent bien : qu’aucune suggestion, si réussie soit – elle, ne s’empare totalement du sujet. Qu’est – ce qui résiste ? Très précisément ceci… je ne dirai même pas tel ou tel désir du sujet, c’est l’évidence… mais très essentiellement ceci : le désir d’avoir son désir, c’est encore plus évident, mais ce n’est pas une raison pour ne pas le dire. Ce sont ces formes, pour le sujet, du maintien nécessaire du désir, grâce à quoi il reste ce qui est de la nature même du sujet humain comme tel : un sujet divisé. S’il n’est plus un sujet divisé, il est fou. Il reste un sujet divisé parce qu’il y a là un désir dont le champ après tout ne doit pas non plus être si commode à maintenir puisque, ce que je vous explique, c’est que ce pourquoi une névrose est construite comme elle est construite… une névrose hystérique, une névrose obsessionnelle… c’est pour maintenir quelque chose d’articulé qui s’appelle « le désir » et ceci est bien défini. La névrose, ce n’est pas la plus ou moins grande force ou la plus ou moins grande faiblesse, ou la fixation, entendue dans cette espèce de sens aussi intuitif qui consiste à s’imaginer la fixation comme quelque chose qui est arrivé en un point où le sujet a mis le pied dans un pot de colle, la fixation c’est évidemment autre chose. Si ça ressemble à quelque chose, c’est plutôt à des piquets destinés à maintenir quelque chose qui autrement se sauverait. C’est très variable, ce qu’on appelle « l’élément quantitatif »,
la force du désir chez les névrosés, et je dirai que c’est une des choses les plus convaincantes pour assurer l’autonomie de ce qu’on appelle la modification structurale dans la névrose. C’est qu’il saute aux yeux de l’expérience que les névrosés qui ont la même forme de névrose sont des gens qui sont très diversement doués du côté de ce qu’un des auteurs qui sont en cause concernant la névrose obsessionnelle appelle quelque part « la sexualité exubérante et précoce » d’un de ses patients. Je dois dire que « la sexualité exubérante et précoce », celui dont il est dit quelque part qu’« Il se masturbait en se pinçant légèrement la partie périphérique du prépuce, persuadé, à l’époque, qu’il se produirait des lésions irréparables si le fourreau se rétractait. Il n’osait pas se laver les […] car il redoutait de se blesser et de perdre quelque chose. Les conseils d’un médecin […]  ils durent consulter un médecin devant les échecs répétés de leurs tentatives de coït. » On sait bien que tout cela, ce sont des symptômes ! Le sujet se révélera, au milieu au moins où l’auteur conduit son analyse, fort capable de satisfaire sa femme et de remplir ses devoirs de mari. Mais enfin ! Mais enfin ! Nous n’allons tout de même pas parler d’une « sexualité exubérante » qui est celle qui, par quelque force que nous supposions supporter les symptômes, se laisse tout de même languir, leurrer au point que l’on puisse donner une description pareille d’un sujet déjà parvenu à un âge avancé. Ce qui ne veut pas dire que d’un autre côté, un autre névrosé obsessionnel ne vous montrera pas un tableau différent, par exemple d’une sexualité que l’on peut en effet qualifier d’exubérante, voire de précoce. C’est justement cette différence tout à fait sensible dans les cas cliniques… et qui d’ailleurs ne nous empêche pas de reconnaître qu’il s’agit dans tous les cas d’une seule et même névrose obsessionnelle… qui nous montre que ce pourquoi c’est une névrose obsessionnelle, ça se situe tout à fait ailleurs que dans cet élément quantitatif du désir. S’il intervient, c’est uniquement et pour autant qu’il aura justement à passer dans ce qu’on appelle « les défilés de la structure ». Mais ce qui caractérise la névrose dans l’occasion, c’est la structure, c’est – à – dire ce quelque chose, par exemple dans le cas de l’obsessionnel, qui fait que son désir soit faible : qu’il soit en pleine puberté ou qu’il nous vienne quand il a quarante ou cinquante ans, c’est – à – dire au moment où son désir tout de même décline et qu’il désire se faire une petite idée sur ce qui s’est passé, c’est – à – dire sur ce à quoi il n’a rien compris jusque là dans son existence, c’est ce qui dans tous ces cas se présentera, non pas du tout comme la faiblesse ou la force du désir, mais dans le fait que par contre, faible ou fort, l’obsessionnel pendant tout le temps de son existence est occupé à mettre son désir en position forte, à constituer une « place forte » du désir, et ceci sur le plan des relations qui sont essentiellement des relations signifiantes. Dans cette « place forte » habite un désir faible ou un désir fort, la question n’est pas là. Il y a une chose certaine, c’est que dans tous les cas les « places fortes » sont à double tranchant, les « places fortes » qui sont construites sur l’extérieur sont encore beaucoup plus ennuyeuses pour ceux qui sont dedans, et c’est là qu’est le problème. Vous voyez donc que la première forme d’identification nous est définie par le premier lien à l’objet, c’est – à – dire au niveau de ce qui se passe d’identification… si vous voulez, pour schématiser… d’identification à la mère. L’autre forme d’identification [2éme], c’est l’identification à l’objet aimé, en tant que régressive, c’est – à – dire en tant qu’elle devrait se produire tout à fait ailleurs, à un point d’horizon qui bien entendu n’est pas tout à fait facile à atteindre, puisque justement étant inconditionnel, ou plus exactement soumis à la seule condition de l’existence du signifiant. Car, hors de l’existence du signifiant, il n’y a aucune ouverture possible de la dimension d’amour comme telle. Elle est entièrement dépendante… étant la seule condition… de l’existence du signifiant, mais à l’intérieur de cette existence, d’aucune articulation particulière si ce n’est de ceci : qu’il y a l’existence de l’articulation. Et c’est pour cela qu’elle n’est pas tout à fait facile à formuler puisque en somme rien ne saurait la compléter, la combler, même pas la totalité de mon discours dans toute mon existence, puisqu’elle est l’horizon de mes discours, en plus. Ce qui pose justement la question de savoir ce que veut dire ce S, mais à ce niveau. Autrement dit, de quel sujet s’agit – il ? Il n’y a pas lieu de s’étonner que ceci ne constitue jamais qu’un horizon, à savoir que tout le problème est de savoir ce qui va se construire, s’articuler dans cette direction, dans cet intervalle. Si cette direction, dans laquelle ce qui s’articule, pour le névrosé en somme, est la bonne, le névrosé qui vit quoi ? Il vit le paradoxe du désir exactement comme tout le monde, car il n’y a pas d’humain inséré dans la condition humaine qui y échappe. La seule différence entre ce qu’on appelle un rapport normal du désir et le névrosé ce n’est pas simplement ce paradoxe… car ce le paradoxe du désir est fondamental… c’est que le névrosé est ouvert à l’existence de ce paradoxe comme tel. Ce qui bien entendu ne lui simplifie pas l’existence, à lui, mais tout de même, ne le met pas dans une position si mauvaise d’un certain point de vue, que nous pouvons carrément à cette occasion articuler le point de vue du philosophe. Le point de vue du philosophe non plus n’est pas clair, autrement dit, on peut fort bien le mettre en question de la même façon que le point de vue du névrosé, on ne sait même pas s’il a l’occasion de le faire. Que ceci soit valable ou pas, il est certain qu’il est dans la nature des choses qu’il en soit ainsi, parce que c’est quand même sur quelque chose, sur une voie, sur une ligne, sur une ouverture, qui a quelque parenté avec ce qu’articule le philosophe, ou tout au moins ce qu’il devrait articuler, car, à la vérité : ce problème du désir, vous l’avez déjà vu bel et bien, et soigneusement, et correctement, et puissamment articulé dans la voie du philosophe ? Jusqu’à présent ce qui me paraît une des choses les plus caractéristiques de la philosophie c’est que c’est là ce qu’il y a dans la philosophie de plus soigneusement évité. Ceci me pousserait à ouvrir une autre parenthèse sur la philosophie de l’action, et qui aboutirait aux mêmes conclusions, à savoir que l’action dont on parle à tort et à travers… à savoir qu’on y voit je ne sais quel instrument de la spontanéité, de l’originalité de l’homme en tant qu’il vient là pour transformer les données du problème, transformer le monde comme on dit… il est très singulier que l’on ne mette jamais en valeur ce qui pourtant pour nous est cette vérité d’expérience, à savoir ce caractère profondément paradoxal et tout à fait patent du paradoxe du désir à l’action, ses traits et ses reliefs que je commençais de vous introduire la dernière fois en faisant allusion au caractère d’exploit, de performance, de démonstration, d’action, voire même d’issue désespérée. Ces termes que j’emploie ne sont pas de moi parce que le terme de Wirkung [action] est employé par FREUD pour désigner l’action tout à fait paradoxale, l’action tout à fait généralisée, l’action humaine. L’action humaine est tout spécialement là où on prétend la désigner en accord avec l’histoire, comme « le passage du Rubicon ». Mon ami KOJÈVE parle
de cela comme de quelque chose qui est là le point de concours, la solution harmonieuse entre le présent, le passé et l’avenir de CÉSAR… encore que la dernière fois que je suis passé de ce côté, je ne l’ai jamais vu qu’à sec. Il était immense, et à l’époque où j’y étais, il était à sec, ce n’était pas dans la même saison où CÉSAR l’a franchi… et même dans le fait que CÉSAR a « passé le Rubicon », avec le génie de CÉSAR, dans le fait de « passer le Rubicon » il y a toujours quelque chose qui comporte qu’« on se jette à l’eau » puisque c’est une rivière. En d’autres termes, l’action humaine n’est pas quelque chose de si harmonieux que cela. Et pour nous autres, analystes, c’est bien la chose la plus étonnante du monde que personne, dans l’analyse, ne se soit proposé ou mis à essayer d’articuler ce qui concerne l’action, justement dans cette perspective paradoxale où nous la voyons sans cesse, où nous n’en voyons jamais d’autre. Ce qui nous donne d’ailleurs assez de mal pour bien définir ce qui s’appelle à proprement parler acting – out. L’acting – out, dans un certain sens, à cet égard, étant une action comme une autre, mais prenant justement son relief d’être provoquée par le fait que nous utilisons le transfert, c’est – à – dire que nous faisons quelque chose d’extrêmement dangereux, et d’autant plus dangereux que… comme vous le voyez d’après ce que je vous suggère… nous n’avons pas une idée très, très précise de ce que c’est.

Peut–être ceci est–il une indication au passage  qui vous éclairera ce que je veux dire,  si je vous dis que la « résistance »…  et la « résistance » d’une façon tout à fait sensible et matérielle, à savoir la « résistance » pour autant que le sujet dans certains cas n’accepte pas d’interprétations telles que nous les lui présentons sur le plan justement de la régression …est une chose qui semble si bien coller au premier abord, à savoir que pour lui ça ne lui semble pas coller du tout comme cela. Et si le sujet « résiste », il finira bien par lâcher  si nous insistons, vu que nous sommes toujours prêts à jouer sur la corde de la suggestion.  Cette « résistance », pour autant qu’elle exprime la nécessité du maintien du point où il s’agit justement d’articuler le désir autrement, à savoir sur le plan du désir, cette « résistance », quelle valeur a–t–elle ?   Mais très précisément, la valeur que FREUD  dans certains textes lui donne. S’il l’appelle Übertragungswiderstand [ résistance de transfert ], c’est parce qu’elle est  la même chose que le transfert…  le transfert au sens où je vous le dis pour l’instant  …où sans doute ce qu’il s’agit de maintenir  c’est l’autre ligne, la ligne du transfert, où la ligne de l’articulation  a une autre exigence que celle que nous lui donnons immédiatement, en réponse à la demande.  Je voudrais vous dire… après ce rappel qui ne correspond qu’à des évidences mais à des évidences qui ont quand même, je crois, besoin d’être articulées …vous dire :  que la seconde identification veut dire le point où se juge ce qui se passe en tant que régressif,  que c’est cet appel de transfert qui permet ce chahut des signifiants qui s’appelle régression et qui doit nous mener à quelque chose d’au–delà de nous–mêmes, qui est ce que nous essayons de viser pour l’instant…   à savoir comment opérer avec le transfert …mais qui tout naturellement tend à se dégrader en quelque chose que nous pouvons toujours satisfaire à son niveau régressif d’une certaine façon, c’est–à–dire en nous faisant une certaine conception de l’analyse, celle justement qui se laisse fasciner par la notion de frustration et par différentes articulations qui, à l’occasion,  s’expriment dans la relation d’objet de mille façons. Toutes les façons, si je puis dire, d’articuler l’analyse tendent toujours à se dégrader, ce qui n’empêche pas l’analyse d’être tout de même autre chose.  La troisième forme d’identification, FREUD nous l’articule comme ceci : cette forme d’identification qui peut naître d’une communauté nouvellement perçue avec une personne  qui n’est pas du tout l’objet d’une pulsion sexuelle. Où se situe–t–elle cette troisième identification ? FREUD nous l’exemplifie d’une façon qui ne laisse aucune espèce d’ambiguïté sur la façon d’y répondre sur ce schéma. Il donne comme exemple l’identification de l’hystérique.  Il nous l’articule exactement. Comme je vous le disais tous ces temps–ci, dans FREUD c’est toujours dit de la façon la plus claire : pour l’hystérique le problème est quelque part de fixer…  au sens où un instrument d’optique  permet de fixer un point …de fixer son désir, ce désir qui pour elle,  vient présenter quelques difficultés spéciales.  Essayons d’articuler plus précisément ceci. Ce désir, il est quand même voué pour elle  à je ne sais quelle impasse, puisqu’elle ne peut réaliser cette fixation du point de son désir qu’à condition de s’identifier à n’importe quoi,  à un petit trait… FREUD l’écrit :  « Quand je vous dis un insigne, un trait, un seul trait – peu importe lequel – de quelqu’un d’autre chez lequel elle peut pressentir qu’il y a le même problème du désir… »   C’est–à–dire que son impasse, à l’hystérique, lui ouvre toutes grandes les portes de l’autre, tout au moins toutes grandes du côté de tous les autres,  c’est–à–dire de tous les hystériques possibles,  voire de tous les moments hystériques de tous les autres, pour autant qu’elle pressent chez eux un instant le même problème, qui est celui de cette question sur le désir. Voilà comment FREUD le situe. Je vous le montrerai : la question… encore qu’elle s’articule un peu différemment …est…  du point de vue de la relation de la topologie, …exactement la même pour l’obsessionnel, et pour cause !  En d’autres termes, cette identification dont il s’agit  est celle qui est ici, [ S  a ], à savoir le lieu où  je vous ai désigné la dernière fois chez l’obsessionnel : le fantasme. C’est pour autant qu’il y a un point où le sujet a  à établir un certain rapport imaginaire avec l’autre,  non pas en soi si je puis dire, mais en tant que c’est ce rapport imaginaire qui lui apporte une satisfaction. Il nous est bien précisé qu’il s’agit là  d’une personne ou d’un objet qui n’a aucun rapport avec un Sexual Trieb quelconque. C’est autre chose,  c’est un support, si vous voulez c’est une marionnette du fantasme. J’ai donné à ce mot « fantasme » toute l’étendue  que vous voudrez. Il s’agit du fantasme, comme je l’ai articulé la dernière fois et comme j’y reviendrai,  en tant que le fantasme peut être un fantasme inconscient. Ici l’autre ne sert à rien, sinon…  ce qui n’est pas peu …de permettre au sujet de tenir une certaine position qui évite ce collapse du désir, qui évite le problème du névrosé. Voilà une troisième forme d’identification qui est tout à fait essentielle.  Comme je ne sais pas où cela nous mènerait…  parce que c’est toujours plus long qu’on ne pense …le fait d’entrer dans la lecture de l’observation  de l’article de Monsieur BOUVET   paru dans  la Revue Française de Psychanalyse où il y a mon rapport  sur L’agressivité en psychanalyse, je vous demande de le lire. J’y reviendrai, mais je voudrais à ce propos articuler aujourd’hui le point où je désigne l’erreur de la technique d’analyse qui ramène au présent  le transfert homosexuel dans la névrose obsessionnelle.  Ce qui se produit, pour autant que dans les fantasmes apparaît l’objet phallique…  et nommément l’objet phallique en tant qu’il  est fantasmatiquement le phallus de l’analyste …c’est quelque chose qui se produit là, au point de prolifération déjà institué, mais qui peut toujours être stimulé, à savoir là où le sujet, en tant qu’obsessionnel, maintient par son fantasme  la possibilité de se maintenir…  position pour elle, l’hystérique, beaucoup  plus scabreuse et beaucoup plus dangereuse …en face de son désir. C’est ici qu’apparaît le phallus fantasmatique  en tant que dans cette tech-nique que je désigne, c’est là que l’analyste va se faire… par ses interprétations présentes …insistant pour que le sujet en quelque sorte consente à communier, à avaler, à s’incorporer fantasmatiquement cet objet partiel.  Je dis que ceci est une erreur de plan :  que c’est très probablement faire passer sur le plan de l’identification suggestive, sur le plan de la demande, ce qui est à ce moment–là mis en cause, que c’est favoriser une certaine identification imaginaire du sujet en profitant, si je puis dire, de la prise que donne la position suggestive ouverte à l’analyse sur le fondement du transfert,  que c’est donner une solution fausse, déviée,  à côté, à ce qui est en cause, je ne dis pas  dans ses fantasmes, mais dans le matériel qu’apporte effectivement le sujet à l’analyste. Et ceci se lit dans les observations elles–mêmes  où on entend construire là–dessus toute une doctrine, toute une théorie « de l’objet partiel », « de la distance à l’objet », « de l’introjection de l’objet »,  de tout ce qui s’ensuit. Et pour ne faire qu’introduire ce que je poursuivrai la prochaine fois dans le détail,  je vais vous en donner un exemple.  À tout instant, dans cette observation, est sensible, perceptible, le fait que le problème… qui est la solution de l’analyse de l’obsessionnel …c’est que l’obsessionnel découvre la castration pour ce qu’
elle est, c’est–à–dire la loi de l’Autre. C’est l’Autre qui est châtré, et pour des raisons qui sont celles de sa fausse implication dans ce problème, le sujet se sent lui–même menacé par cette castration sur un plan tellement aigu qu’il ne peut pas s’approcher de son désir sans en ressentir les effets.  Ce que je suis en train de dire,  c’est que cet horizon de l’Autre… du grand Autre comme tel  et en tant que distinct du petit autre …du fait que c’est là qu’est le problème,  est à tout instant touchable dans cette observation. Dès l’origine dans son anamnèse, chez ce sujet qui, la première fois qu’il a un rapprochement avec  une petite fille, fuit, oppressé sous l’angoisse et va le confier à sa mère et se sent tout rassuré à partir du moment où il lui dit : « Je te dirai tout », il n’y a qu’à prendre ce matériel à la lettre : il n’y a qu’une référence et un maintien qui, bien entendu, est un maintien virtuel, un projet, une référence éperdue à l’Autre comme lieu de l’articulation verbale dans lequel le sujet va entièrement s’investir désormais.  C’est le seul refuge possible à la panique  qu’il éprouve à l’approche de son désir, c’est déjà inscrit, il s’agit de voir ce qu’il y a dessous.  Quand, après toutes sortes de sollicitations  de l’analyste, certains fantasmes viennent au jour, nous arrivons à un rêve que l’analyste interprète…  il le dit tout de suite …strictement comme le fait que devient patente  la tendance homosexuelle passive chez le sujet.  Voici ce rêve :  « Je vous accompagne à votre domicile particulier. Dans votre chambre il y a un grand lit. Je m’y couche. Je suis extrêmement gêné. Il y a un bidet dans un coin de la chambre.  Je suis heureux, quoique mal à l’aise. » [ R.F.P.1948, p.435 ]  On nous dit qu’après préparation de ce sujet par  une période déjà antérieure de l’analyse, le sujet n’éprouve pas beaucoup de difficultés à admettre  la signification homosexuelle passive de ce rêve. Est–ce là ce qui  à nos yeux suffit à l’articuler ?   Assurément en reprenant cette observation,  on peut montrer tous les indices qui prouvent que cela ne suffit pas, mais il y a une chose certaine, c’est que le texte même du rêve nous montre que  le sujet vient se mettre  – c’est bien le cas de le dire  –  à la place de l’autre. Il le dit : « Je suis à votre domicile particulier – je suis couché dans votre lit. »  Homosexuel passif, pourquoi ?  Jusqu’à nouvel ordre, rien ne s’y manifeste qui fasse en cette occasion de l’autre un objet de désir. Par contre j’y vois d’une façon tout à fait claire, désigné aussi en position tierce et dans un coin, quelque chose qui est pleinement articulé et auquel personne ne semble faire attention, qui n’est pourtant pas là pour rien : c’est le bidet. À savoir quelque chose qui à la fois présentifie  le phallus et ne le montre pas, puisque je ne présage pas que, dans le rêve, il soit indiqué que quiconque soit occupé à s’en servir.  Le bidet est là indiquant que ce dont il s’agit,  ce qui est problématique, c’est en effet quelque chose qui est présent dans la question. Ce n’est pas pour rien qu’il vient, ce fameux objet partiel, c’est le phallus, mais le phallus est là justement posé en tant, si je puis dire, que question : l’autre l’a–t–il ou ne l’a–t–il pas ?  C’est l’occasion de le montrer. L’autre l’est–il ou ne l’est–il pas ? C’est ce qui est en arrière. Bref, c’est la question de la castration, la question même…  si vous voulez, pour cet obsessionnel en proie  à toutes sortes d’obsessions de propreté  …qui montre bien à quel point, à l’occasion,  cet instrument peut être une source de danger. Et ces obsessions de propreté, ce n’est pas pour rien que je les évoque là, car je vous ai lu ce petit morceau « du bidet » qui montre que le bidet, pour lui,  pendant longtemps a présentifié le phallus, au moins le sien propre. C’est la question à propos du phallus, et à propos  du phallus en tant qu’il est mis en jeu, et au niveau  de l’Autre comme étant l’objet de cette opération essentiellement symbolique qui fait que dans l’Autre…  et au niveau de l’Autre, et au niveau du signifiant …le phallus est le signifiant de ce qui est frappé par l’action du signifiant,  de ce qui est sujet à castration.  C’est là l’articulation essentielle : pour autant que la visée n’est pas de savoir  si le sujet à la fin se sentira conforté en lui  par l’assomption d’une puissance supérieure à partir de l’assimilation à un plus fort que lui,  mais de savoir comment il aura résolu effectivement la question qui est à l’horizon, implicite dans  la ligne même de ce qu’indique la structure de  la névrose, à savoir l’acceptation ou non  du complexe de castration pour autant qu’étant réalisée,  la castration est, elle, réalisée dans sa fonction signifiante. C’est ici que se distingue une technique de l’autre, et je vous montrerai pourquoi. Indépendamment de la légitimité liée à la structure, liée au sens même de l’existence du désir de l’obsessionnel, indépendamment de cela, la solution thérapeutique…  si vous voulez, le nœud, le bouclage, la cicatrice disons même …obtenue ne rend absolument pas douteux qu’une certaine technique est défavorable, ne correspond  pas à ce qu’on peut appeler une guérison, ni même  à une orthopédie, fut–elle boiteuse, que seule l’autre technique peut donner, non seulement  la solution correcte mais l’efficace solution.

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