vendredi, octobre 11, 2024
Recherches Lacan

LV LES FORMATIONS DE L'INCONSCIENT 1957-1958 Leçon du 22 Janvier 1958

Leçon du 22 Janvier 1958

Nous allons continuer notre examen de ce que nous avons appelé la métaphore paternelle. Nous en sommes arrivés au point où j’ai affirmé que c’était dans cette structure… que nous avons ici promue comme étant la structure de la métaphore… que résidaient toutes possibilités d’articuler clairement le complexe d’Œdipe et son ressort, à savoir le complexe de castration. À ceux qui pourraient s’étonner que nous arrivions si tard à articuler une question si centrale dans la théorie et dans la pratique analytique, nous répondrons qu’il était impossible de le faire sans vous avoir prouvé sur divers terrains… tant théoriques que pratiques… ce qu’ont d’insuffisant les formules dont on se sert couramment dans l’analyse, et surtout sans vous avoir montré en quoi on peut donner des formules plus satisfaisantes, si je puis dire, pour commencer à articuler les problèmes, d’abord en vous habituant à penser en termes, par exemple, de sujet. Qu’est – ce qu’un sujet ? Est – ce que c’est quelque chose qui se confond purement et simplement avec la réalité devant vous quand vous dites : le sujet ? Ou bien est – ce qu’à partir du moment où vous le faites parler cela implique nécessairement autre chose ? Je veux dire : est – ce que la parole est oui ou non quelque chose qui flotte au – dessus de lui comme une émanation, ou si elle développe par elle – même, si elle impose par elle – même une structure telle que celle que j’ai longuement commentée, à laquelle je vous ai habitués, et qui dit que dès lors qu’il y a sujet parlant, il ne saurait être question de réduire pour lui la question de ses relations en tant qu’il parle à un autre, tout simplement ? Il y en a toujours un troisième, ce grand Autre dont nous parlons et qui est constituant de la position du sujet en tant qu’il parle, c’est – à – dire aussi bien du sujet en tant que vous l’analysez. Ce qui n’est pas simplement une nécessité théorique en plus : cela apporte toutes sortes de facilités quand il s’agit de comprendre où se situent les effets auxquels vous avez affaire, je veux dire ce qui se passe quand vous rencontrez chez le patient, chez le sujet, l’exigence, les désirs, un fantasme, ce qui n’est pas la même chose, et aussi bien quelque chose qui paraît être en somme le plus incertain, le plus difficile à saisir, à définir : une réalité. Nous allons avoir l’occasion de le voir au point où nous nous avançons maintenant, pour expliquer comment le terme de métaphore paternelle, c’est à savoir que dans ce qui a été constitué d’une symbolisation primordiale entre l’enfant et la mère, c’est proprement la substitution du père en tant que symbole, en tant que signifiant, à la place de la mère. Et nous verrons ce que veut dire cet « à la place » qui constitue le point pivot, le nerf moteur, si je puis dire, l’essentiel du progrès constitué par le complexe d’Œdipe. Rappelons que c’est de cela qu’il s’agit. Rappelons les termes que j’ai avancés devant vous l’année dernière concernant les rapports de l’enfant et de la mère. Mais rappelons aussi et d’abord, en face de ce triangle imaginaire… que je vous ai appris l’année dernière à manier en ce qui concerne les rapports de l’enfant et de la mère… rappelons en face de cela que d’admettre comme fondamental le triangle : enfant, père, mère, c’est apporter quelque chose, qui est réel sans doute, mais qui déjà pose dans le réel… j’entends comme institué… un rapport symbolique : le rapport enfant, père, mère, et si je puis dire, objectivement – pour vous faire comprendre : en tant que nous pouvons nous en faire un objet, le regarder. Les premiers rapports de réalité se dessinent entre la mère et l’enfant. C’est là que l’enfant va éprouver les premières réalités de son contact avec le milieu vivant : le triangle, en tant qu’il a cette réalité du seul fait que nous fassions entrer… pour commencer à dessiner objectivement la situation… que nous y fassions entrer le père. Le père n’y est pas encore entré pour l’enfant. Le père, d’autre part pour nous, il est, il est réel. Mais n’oublions pas que pour nous il n’est réel qu’en tant que les institutions lui confèrent, je ne dirai même pas son rôle et sa fonction de père… ce n’est pas une question sociologique… mais lui confèrent son Nom de Père. Je veux dire qu’il faut admettre ceci : que le père, par exemple, est le véritable agent de la procréation, ce qui n’est en aucun cas une vérité d’expérience, car au temps où les analystes discutaient encore de choses sérieuses, il est arrivé qu’on fasse remarquer que dans telle ou telle tribu primitive la procréation était attribuée à je ne sais quoi, une fontaine, une pierre ou la rencontre d’un esprit dans des lieux écartés… À quoi Monsieur JONES avait… avec beaucoup de pertinence d’ailleurs… apporté cette remarque : qu’il est tout à fait impensable que des êtres intelligents… et à tout être humain nous supposons son minimum de cette intelligence… ignorent cette vérité d’expérience. Il est bien clair que, sauf exception, mais exception exceptionnelle, une femme n’enfante pas si elle n’a pas eu un coït, et encore dans un délai très précis. Mais en faisant cette remarque… qui je vous le répète, est particulièrement pertinente… Monsieur Ernest JONES laissait simplement de côté tout ce qui est important dans la question. Car ce qui est important dans la question, ce n’est pas que les gens sachent parfaitement qu’une femme ne peut enfanter que quand elle a eu un coït, c’est qu’ils sanctionnent dans un signifiant, que celui avec qui elle a eu le coït est le père. Car autrement, tel qu’est constitué de sa nature l’ordre du symbole, le signifiant, absolument rien n’obvie à ce que, néanmoins, le quelque chose qui est responsable de la procréation ne continue à être maintenu dans le système symbolique comme identique à n’importe quoi… ce que nous avons dit tout à l’heure, à savoir : une pierre, une fontaine, ou la rencontre d’un esprit dans un lieu écarté. La position du père comme symbolique est quelque chose qui ne dépend pas du fait que les gens aient plus ou moins reconnu la nécessité d’une certaine consécution des événements aussi différents qu’un coït et un enfantement. La position du Nom du Père comme tel… qualification du père comme procréateur… c’est une affaire qui se situe au niveau symbolique, et qui peut être reliée selon les formes culturelles, car ceci ne dépend pas de la forme culturelle : c’est une nécessité de la chaîne signifiante comme telle. Du fait que vous instituez un ordre symbolique, quelque chose répond ou non à cette fonction définie par le Nom du Père, et à l’intérieur de cette fonction, vous y mettez des significations qui peuvent être différentes selon les cas, mais qui en aucun cas ne dépendent d’une autre nécessité que de la nécessité de la fonction du père qu’occupe le Nom du Père dans la chaîne signifiante. Je crois avoir déjà assez insisté là – dessus. Voilà donc ce que nous pouvons appeler le triangle symbolique en tant qu’il est institué dans le réel à partir du moment où il y a une chaîne signifiante, où il y a articulation d’une parole. Je dis qu’il y a une relation entre ce ternaire symbolique et le ternaire que nous avons ici amené l’année dernière sous la forme du ternaire imaginaire qui est lui, de la relation de l’enfant à la mère en tant que l’enfant se trouve dépendre du désir de la mère, de la première symbolisation de la mère comme telle, et rien d’autre que cela : à savoir qu’il détache sa dépendance effective de son désir, du pur et simple vécu de cette dépendance, à savoir que par cette symbolisation quelque chose est institué, qui est subjectivé à un niveau premier, primitif. Cette subjectivation consiste simplement à la poser comme cet être primordial qu
i peut être là, ou n’être pas là. Donc le désir, le désir de lui, de cet être, est essentiel. Ce qui fait que ce que le sujet désire, ce n’est pas simplement l’appétition de ses soins… de son contact, voire de sa présence… c’est l’appétition de son désir. Dans cette première symbolisation, le désir de l’enfant s’affirme, amorce toutes complications ultérieures de la symbolisation en ceci qu’il est désir du désir de la mère et que de ce fait quelque chose s’ouvre par quoi virtuellement ce que la mère désire objectivement elle – même en tant qu’être qui vit dans le monde du symbole, dans un monde où le symbole est présent, dans un monde parlant, et même si elle n’y vit que tout à fait partiellement… si elle est elle – même, comme il arrive, un être mal adapté à ce monde du symbole ou qui en a refusé certains éléments… elle ouvre quand même à l’enfant, à partir de cette symbolisation primordiale, cette dimension : ce que, même sur le plan imaginaire, la mère peut, comme on dit, désirer d’autre sur le plan imaginaire. C’est ainsi qu’entre d’une façon encore confuse et toute virtuelle ce désir d’autre chose dont je parlais l’autre jour, mais non pas d’une façon en quelque sorte substantielle et telle que nous puissions le reconnaître, comme nous l’avons fait dans le dernier séminaire, dans toute sa généralité, mais d’une façon concrète il y a chez elle le désir d’autre chose que de satisfaire… à moi qui commence à palpiter à la vie… mon désir. Et dans cette voie, il y a à la fois accès et pas accès. Comment concevoir qu’en quelque sorte… dans ce rapport de mirage par quoi l’être premier lit ou devance la satisfaction de ses désirs dans les mouvements ébauchés de l’autre, dans cette adaptation duelle de l’image à l’image qui se fait en toutes relations inter – animales… comment concevoir que puisse être lu… comme dans un miroir, comme s’exprime l’Écriture… ce que le sujet désire d’autre ? Assurément, c’est à la fois difficilement pensable et trop difficilement effectué, car c’est bien là tout le drame de ce qui arrive à ce certain niveau d’aiguillage du niveau primitif qui s’appelle les perversions. C’est difficilement effectué… en ce sens que c’est effectué d’une façon fautive… mais c’est effectué tout de même. C’est effectué, certainement pas sans l’intervention d’un peu plus que la symbolisation ne suffit à constituer… la symbolisation primordiale de cette mère qui « va et vient » : qu’on appelle quand elle n’est pas là, et que, comme telle, quand elle est là, on repousse pour pouvoir la rappeler,… il faut qu’il y ait quelque chose de plus. Ce quelque chose de plus c’est précisément l’existence derrière elle de tout cet ordre symbolique dont elle dépend et qui… comme il est toujours plus ou moins là… permet ce certain accès à cet objet – son désir – qui est déjà un objet tellement spécialisé, tellement marqué de la nécessité instaurée par le système symbolique qu’il est absolument impensable autrement, dans sa prévalence, et qui s’appelle le phallus. Ce phallus autour duquel j’ai fait tourner toute notre dialectique de la relation d’objet l’année dernière. Pourquoi ? Pourquoi cet objet privilégié, si ce n’est pas pour quelque chose qui le nécessite là, à sa place, en tant qu’il est privilégié dans l’ordre symbolique ? C’est dans cela que nous voulons entrer maintenant plus en détail, et que nous allons voir comment… non pas simplement par un simple rapport de symétrie, celui qui s’explique dans ce dessin et qui fait : qu’ici [ϕ] le phallus est au point sommet du ternaire imaginaire, de même qu’ici « Père » est au point sommet du ternaire symbolique… comment il se fait qu’il y ait entre les deux, cette liaison, et comment il se fait que je puisse vous avancer déjà que cette liaison est d’ordre métaphorique. Eh bien, c’est justement ce qui nous entraîne à l’intérieur de la dialectique du complexe d’Œdipe. C’est dans le complexe d’Œdipe que nous pouvons nous en rendre compte. Je veux dire essayer d’articuler pas à pas. Et c’est ce que FREUD fait et que d’autres ont fait après lui :… et c’est ce qui, là – dedans, n’est pas toujours tout à fait clair ni tout à fait clairement symbolisé… essayer de pousser pour vous plus loin, non pas simplement pour la satisfaction de notre esprit, mais parce que : si nous articulons pas à pas cette genèse qui fait que la position du signifiant du père dans le symbole est fondatrice de la position du phallus dans le plan imaginaire, si cela exige une, deux, trois étapes, aux temps si l’on peut dire logiques de la constitution de ce phallus dans le plan imaginaire comme objet privilégié prévalent, si ces temps sont clairement distingués et si de leur distinction résulte que nous pouvons nous orienter mieux, interroger mieux, et le malade dans l’examen, et le sens de la clinique, et la conduite de la cure,… alors ceci justifiera nos efforts. Et il nous semble qu’étant donné les difficultés que nous rencontrons, précisément dans la clinique, dans l’interrogatoire, dans l’examen et dans la manœuvre thérapeutique, ces efforts sont d’ores et déjà, et d’avance, justifiés. Observons ce désir de l’Autre qui est le désir de la mère, qui comporte cet au – delà. Nous disons que pour atteindre cet au – delà… et déjà rien que pour atteindre cet au – delà de la mère, désir de la mère comme tel… une médiation est nécessaire, et que cette médiation est précisément donnée par la position du père dans l’ordre symbolique. Plutôt que de procéder dogmatiquement nous – mêmes, interrogeons – nous sur la façon dont, pour nous, la question dans le concret se pose. Nous voyons qu’il y a des états, des cas, des étapes aussi dans des états très différents, où l’enfant s’identifie au phallus. Ça a été tout l’objet du chemin que nous avons parcouru l’année dernière : nous avons montré dans le fétichisme une perversion exemplaire en ce sens que là, l’enfant a un certain rapport avec cet objet de l’au – delà du désir de la mère en ayant remarqué la prévalence et la valeur d’excellence, si l’on peut dire, qui s’y attache par la voie, en somme, d’une identification imaginaire à la mère. Nous avons vu, indiqué aussi, que dans d’autres formes de perversion, et notamment le travestisme, c’est dans la position contraire que l’enfant va assumer la difficulté de la relation imaginaire à la mère, à savoir que lui – même s’identifie, dit – on, à la mère phallée. Je crois que, plus correctement, il faut dire que c’est proprement au phallus qu’il s’identifie, en tant que ce phallus est caché sous les vêtements de la mère. Je vous rappelle ceci pour vous montrer que cette relation de l’enfant au phallus est essentielle tant que le phallus est objet du désir de la mère. Aussi bien l’expérience nous prouve – t – elle que cet élément joue un rôle actif essentiel dans les rapports que l’enfant a avec le couple parental. Déjà la dernière fois nous l’avons rappelé sur le plan théorique dans l’exposé du déclin du complexe d’Œdipe par rapport à l’œdipe que l’on appelle inversé. FREUD nous souligne les cas où pour s’identifier à la mère… je veux dire dans la mesure où il s’identifie à la mère… l’enfant, ayant adopté cette position à la fois significative et prometteuse, redoute la conséquence, donc la privation qui en résultera pour lui – si c’est un garçon – de son organe viril. C’est une voie d’indication, mais qui va beaucoup plus loin. L’expérience nous prouve que le père… considéré en tant qu’il prive la mère de cet objet – nommément de l’objet phallique – de son désir… joue un rôle tout à fait essentiel dans, je ne dirai pas les perversions, mais dans toute névrose, et je dirai dans tout le c
ours, fut – il le plus aisé, le plus normal, du complexe d’Œdipe. Vous trouverez, à l’expérience, dans l’analyse, que le sujet a pris position d’une certaine façon à un moment de son enfance sur ce point, sur ce point du rôle du père dans le fait que la mère n’a pas le phallus. Ce moment n’est jamais élidé. Ce moment qui est celui qui dans notre rappel de la dernière fois laissait ouverte la question de l’issue favorable ou défavorable de l’œdipe, suspendue autour des trois plans, de la castration, de la frustration et de la privation exercées par le père. C’était au niveau tiers, celui qui à la fois nous posait la question, parce qu’il est celui auquel il est le plus difficile de comprendre quelque chose, et celui dans lequel pourtant on nous dit qu’est toute la clé de l’œdipe, à savoir son issue, à savoir finalement l’identification de l’enfant au père. Ce niveau, c’est celui du père qui prive quelqu’un de ce qu’il n’a pas, en fin de compte, c’est – à – dire le prive de quelque chose qui n’a d’existence que pour autant que vous le faites surgir à l’existence en tant que symbole. Il est bien clair que le père ne châtre pas la mère de quelque chose qu’elle n’a pas. Pour qu’il soit posé qu’elle ne l’ait pas, il faut que déjà ce dont il s’agit soit projeté sur le plan symbolique en tant que symbole. Mais c’est une privation bel et bien, et toute privation réelle est quelque chose qui nécessite la symbolisation de ce qui est patent et privé. C’est donc sur le plan de la privation de la mère qu’une question… à un moment donné de l’évolution de l’œdipe… se pose pour le sujet : d’accepter, d’enregistrer, de symboliser lui – même, de rendre signifiante cette privation réelle dont la mère s’avère être l’objet. Cette privation, le sujet enfantin l’assume ou ne l’assume pas, l’accepte ou la refuse. Ce point est essentiel : vous le retrouverez à tous les carrefours chaque fois que votre expérience vous amènera en un certain point que nous essayons maintenant de définir comme nodal dans l’œdipe. Appelons – le point nodal, puisque cela vient de me venir. Je n’y tiens pas essentiellement, je veux dire par là qu’il ne coïncide pas, loin de là, avec ce moment dont nous cherchons la clé, qui est le déclin de l’œdipe, son résultat, son fruit, dans le sujet. Mais il y a un moment où le père entre en fonction comme privateur de la mère c’est – à – dire se profile derrière ce rapport de la mère à l’objet de son désir comme quelque chose, si vous voulez, qui « châtre », mais je ne le mets là qu’entre guillemets, parce que ce qui est châtré, dans l’occasion, ce n’est pas le sujet, c’est la mère. Ce point n’est pas très nouveau. Ce qui est nouveau, c’est de le pointer précisément, c’est de tourner vos regards vers ce point en tant qu’il nous permet de comprendre, de là, ce qui précède… sur quoi nous avons déjà quelques lumières… et ce qui va suivre. L’expérience… en tout cas, n’en doutez pas, et vous pourrez le contrôler, le confirmer, chaque fois que vous aurez l’occasion de le voir… l’expérience prouve que dans la mesure où le sujet ne franchit pas ce point nodal, c’est – à – dire n’accepte pas cette privation du phallus sur la mère opérée par le père, on observe que c’est dans la règle… je souligne ce « dans la règle » parce que là, il n’a pas simplement une importance de corrélation ordinaire, mais de corrélation fondée dans la structure… c’est dans toute la mesure où l’enfant maintient pour lui – même une certaine forme d’identification… à cet objet de la mère, à cet objet que je vous représente depuis l’origine, pour employer le mot qui surgit là, comme objet rival si l’on peut dire,… que – de quelque façon – toujours, qu’il s’agisse de phobie, de névrose ou de perversion, vous toucherez un lien. C’est un point de repère : il n’y a peut – être pas de meilleur mot autour de quoi vous pourrez regrouper les éléments de l’observation à partir de cette question que vous vous poserez dans le cas particulier : quelle est la configuration spéciale de ce rapport à la mère, au père et au phallus qui fait que l’enfant n’accepte pas que la mère soit privée par le père de quelque chose qui est l’objet de son désir ? Et dans quelle mesure, dans quel cas, faut – il pointer qu’en corrélation avec cette relation, lui, l’enfant, maintient son identification au phallus ? Il y a des degrés, bien entendu. Cette relation n’est pas la même dans la névrose ou dans la psychose que dans la perversion. Mais cette configuration est nodale, vous le voyez. À ce niveau, la question qui se pose est : « Être ou ne pas être… To be or not to be… le phallus ? » Sur le plan imaginaire, il s’agit pour le sujet d’être ou de n’être pas le phallus et la phase qui est à traverser est ceci : le sujet choisira à un moment. Quand je dis « choisira », mettez ce choisira aussi entre guillemets, car bien entendu, le sujet est là aussi passif qu’il est actif, pour la bonne raison que ce n’est pas lui qui tire les ficelles du symbolique : la phrase a été commencée avant lui, a été commencée précisément par ses parents. Ce à quoi je vais vous amener c’est précisément au rapport de chacun de ses parents à cette phrase commencée et à la façon dont il convient que la phrase soit soutenue par une certaine position réciproque de ses parents par rapport à cette phrase. Mais disons… parce qu’il faut bien s’exprimer… qu’il y a là, si vous voulez au neutre, une alternative : « Être ou n’être pas ce phallus ». Vous sentez bien qu’il y a un pas considérable à franchir pour comprendre simplement ce dont il s’agit entre cet « Être ou n’être pas ce phallus » et ce dont il s’agit à un moment quelconque… il faut tout de même bien l’attendre et le trouver… qui est complètement différent qui est « en avoir ou pas »…  comme on dit aussi, pour se fonder sur une autre citation littéraire… autrement dit : avoir ou ne pas avoir le pénis. Ce n’est pas la même chose : il faut que quelque chose ait été franchi entre l’un et l’autre, et ne l’oublions pas : ce dont il s’agit dans le complexe de castration c’est ce quelque chose qui n’est jamais articulé, qui se fait presque complètement mystérieux. Car nous savons que c’est du complexe de castration que dépendent ces deux faits : que d’un côté, le garçon devienne un homme, de l’autre côté la fille devienne une femme. Mais cette question d’en avoir ou de ne pas en avoir est réglée… même pour celui qui, à la fin, est en droit de l’avoir, c’est – à – dire l’homme… par l’intermédiaire de quelque chose qui s’appelle complexe de castration, par conséquent qui suppose que pour l’avoir, il faut qu’il y ait un moment où il ne l’ait pas eu. C’est – à – dire qu’on ne l’appellerait pas complexe de castration si d’une certaine façon ça ne mettait pas au premier plan ceci : que pour l’avoir, il faut d’abord qu’il ait été posé qu’on peut ne pas l’avoir, que cette possibilité d’être castré est essentielle dans l’assomption du fait de l’avoir, le phallus. C’est là ce pas qui est à franchir. C’est là que doit intervenir à quelque moment, efficacement, réellement, effectivement, le père. Car vous voyez que jusqu’à présent j’ai pu… le fil même de mon discours l’indiquait… j’ai pu ne vous parler des choses qu’à partir du sujet : il accepte ou il n’accepte pas. Dans la mesure où il n’accepte pas ça l’entraîne, homme ou femme, à être le phallus [de la mère]. Mais maintenant pour le pas suivant, il est essentiel de faire intervenir effectivement le père. Je ne dis pas qu’il n’intervient pas déjà effectivement avant, mais que mon discours jusqu’à présent a pu le laisser au deuxième plan, voire s’en passer
alors qu’à partir de maintenant… où il s’agit de l’avoir ou de ne pas l’avoir… nous sommes forcés de faire entrer en ligne de compte, « Lui ». « Lui », il faut d’abord – je vous le souligne – qu’il soit, en dehors du sujet, constitué comme symbole. Car s’il n’est pas en dehors du sujet constitué comme symbole, personne ne va pouvoir intervenir réellement comme revêtu de ce symbole. Mais c’est comme personnage réel en tant que revêtu de ce symbole qu’il va intervenir maintenant effectivement à l’étape suivante. C’est là que se situent dans l’instance du Père réel les différentes phases sous lesquelles nous avons évoqué la dernière fois le Père réel, pour autant qu’il peut porter une interdiction. Nous avons fait remarquer que pour ce qui est, par exemple, d’interdire les premières manifestations de l’instinct sexuel… qui commence à venir à sa première maturité chez le sujet les premières fois où le sujet fait état de son instrument, voire l’exhibe, en offre à la mère les bons offices… nous n’avons nul besoin pour ceci du père. Je dirai même plus sur ce point : ce qui se passe habituellement… qui est quelque chose d’encore très proche de l’identification imaginaire, à savoir que le sujet se montre à la mère, lui fait des offres… la plupart du temps ce qui se passe, c’est quelque chose qui, comme nous l’avons vu l’année dernière à propos du petit Hans, se passe sur le plan de la comparaison, de la dépréciation imaginaire. La mère suffit bien à montrer à l’enfant combien ce qu’il lui offre, c’est insuffisant, elle suffit aussi à faire l’interdiction de l’usage du nouvel instrument. Le père entre en jeu, c’est bien certain, comme porteur de la Loi, comme interdicteur de l’objet qui est la mère. Ceci, nous le savons, est fondamental, mais c’est tout à fait en dehors de la question telle qu’elle est effectivement mise en jeu avec l’enfant. Nous savons que la fonction du père – le Nom du Père – est liée à l’interdiction de l’inceste, mais personne n’a jamais songé à mettre au premier plan du complexe de castration le fait que le père, effectivement promulgue la Loi de l’interdiction de l’inceste. On le dit quelquefois, mais jamais ce n’est articulé par le père, si je puis dire, en tant que législateur ex cathedra : il fait obstacle entre l’enfant et la mère, il est le porteur de la Loi, si je puis dire en droit, mais dans le fait, il intervient autrement, et je dirai que c’est autrement aussi que se manifestent ses manques à intervenir. C’est cela que nous serrons de près. En d’autres termes le père en tant qu’il est le porteur – culturellement – de la Loi, le père en tant qu’il est investi par le signifiant du père, intervient dans le complexe d’Œdipe d’une façon plus concrète, plus échelonnée si je puis dire, et qu’il s’agit maintenant d’articuler et qui est ce que nous voulons articuler aujourd’hui. Et c’est ici qu’il s’avère que la non utilité du petit schéma que je vous ai commenté pendant le premier trimestre… pour la plus grande lassitude, semble – t – il, de certains… ne semble pas pourtant devoir être complètement inutile. Je vous rappelle ce à quoi il faut toujours revenir : que c’est parce que et en tant que l’intention… je veux dire le désir passé à l’état de demande chez le sujet… a traversé quelque chose qui d’ores et déjà est constitué : à savoir que pour ce à quoi il s’adresse… nommément son objet, son objet primordial : la mère… le désir est quelque chose qui s’articule. Et en quelque manière, tout son progrès, toute son entrée dans ce monde – ci… ce bas – monde qui n’est pas simplement un monde, au sens qu’on peut y trouver à saturer ses besoins, mais un monde où règne la parole… c’est qu’il soumet le désir de chacun à la loi du désir de l’Autre, mais de ce seul fait, et en tant : qu’il franchit plus ou moins heureusement cette ligne de la chaîne signifiante, en tant qu’elle est là latente et déjà structurante, que la demande du jeune sujet, de la première épreuve qu’il fait de sa relation au premier Autre, la mère en tant qu’il l’a déjà symbolisée. C’est en tant qu’il l’a déjà symbolisée, qu’il s’adresse à elle d’une façon qui peut être plus ou moins vagissante, mais qui est déjà articulée car cette première symbolisation est liée aux premières articulations. C’est donc en tant que cette intention, cette demande a traversé la chaîne signifiante qu’elle peut se faire valoir auprès de l’objet maternel. Dans cette mesure l’enfant, qui a constitué sa mère comme sujet par fondement de la première symbolisation elle – même, se trouve entièrement soumis à ce que nous pouvons appeler, mais uniquement par anticipation, la Loi, mais ce n’est qu’une métaphore : je veux dire qu’il faut déplier la métaphore qu’il y a dans ce terme, la Loi, pour donner sa vraie position à ce terme au moment où je l’emploie. La loi de la mère, c’est bien entendu le fait que la mère est un être parlant, et cela suffit à légitimer que je dise la loi de la mère. Néanmoins cette loi est si je puis dire, une loi incontrôlée. Cette loi est aussi bien, en tout cas pour le sujet, simplement le fait qu’il y a loi, c’est – à – dire que quelque chose de son désir est complètement dépendant de quelque chose qui, sans aucun doute, déjà s’articule, à savoir, comme tel, est de l’ordre de la Loi. Mais cette loi est tout entière dans le sujet qui la supporte, à savoir dans le bon ou le mauvais vouloir de la mère, la bonne ou la mauvaise mère. Et c’est ce qui fait que je vous propose ce terme nouveau qui, vous allez voir, n’est pas si nouveau que ça, il suffit de le pousser un petit peu pour lui faire retrouver quelque chose que la langue n’a pas trouvé par hasard. Le principe que nous avançons ici, c’est qu’il n’y a pas de sujet s’il n’y a pas de signifiant qui le fonde. C’est dans la mesure où il y a eu ces premières symbolisations constituées par le couple signifiant… le premier sujet et la mère… qu’il faut savoir ce que ceci veut dire par rapport à des termes : réalité ou pas réalité au début de la vie de l’enfant, auto – érotisme ou pas auto – érotisme. Vous verrez les choses se clarifier singulièrement à partir du moment où vous poserez des questions par rapport à ce sujet, l’enfant, celui d’où émane la demande, celui où se forme le désir. Et toute l’analyse est une dialectique du désir. L’enfant s’ébauche… s’ébauche comme « assujet ». C’est un « assujet » parce qu’il s’éprouve et se sent d’abord comme profondément assujetti au caprice de ce dont il dépend, même si ce caprice est un caprice articulé. Ce que je vous avance est nécessité dans toute notre expérience. Par exemple, je prends le premier exemple qui me vient à l’esprit : vous avez pu voir l’année dernière que ce petit Hans qui trouve une issue si atypique à son œdipe… c’est – à – dire justement qui ne trouve pas l’issue que nous allons essayer maintenant de désigner, qui ne trouve qu’une suppléance, à qui il faut ce cheval à tout faire pour se servir de tout ce qui va manquer pour lui dans ce moment de franchissement qui est l’étape proprement de l’assomption du symbolique comme complexe d’Œdipe où je vous mène aujourd’hui… qui supplée donc par ce cheval qui est à la fois le père, le phallus, la petite sœur, tout ce qu’on veut, mais qui est essentiellement quelque chose qui, justement, correspond à ce que je vais vous montrer maintenant. Rappelez – vous comment il en sort et comment c’est symbolisé dans le dernier rêve. Ce qu’il appelle à la place du père, à savoir cet être imaginaire et tout puissant qui s’appelle le plombier. Ce plombier est là, justement, pour désassujettir quelque chose. Car l’angoisse du petit Hans, c’est essentiellement, je vous
l’ai dit, l’angoisse de cet assujettissement, pour autant que… littéralement, à partir d’un certain moment… il réalise qu’à être ainsi assujetti, on ne sait pas où ça peut le mener. Vous vous rappelez ce schéma, le schéma de la voiture qui s’en va, qui incarne le centre de sa peur : c’est justement à partir de ce moment – là que le petit Hans instaure dans sa vie un certain nombre de centres de peur, ces centres de peur autour desquels pivotera précisément le rétablissement de sa sécurité. La peur… soit quelque chose qui a sa source dans le réel… la peur est un élément de la sécurisation de l’enfant pour autant que c’est grâce à ces peurs qu’il donne à l’Autre, à cet assujettissement angoissant qu’il réalise au moment où apparaît le manque de ce domaine externe, de cet autre plan où il est nécessaire que quelque chose apparaisse pour qu’il ne soit pas purement et simplement un assujet. C’est là que nous en arrivons. C’est donc ici que se situe la remarque que cet Autre à laquelle il s’adresse, c’est – à – dire nommément la mère, a un certain rapport… ceci encore, tout le monde le dit, tout le monde l’a dit… un certain rapport qui est rapport au père. Et chacun s’est aperçu que de ces rapports au père dépendent bien des choses, l’expérience nous a prouvé que le père, comme on dit, ne joue pas son rôle. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que la dernière fois je vous ai parlé de toutes les formes de carence paternelle concrètement désignées en termes de relations interhumaines. L’expérience impose en effet qu’il en est ainsi, mais rien n’articule suffisamment que ce dont il s’agit ce n’est pas tellement des rapports de la mère avec le père, au sens vague où il s’agit de quelque chose qui est de l’ordre d’une espèce de rivalité de prestige entre les deux, laquelle vient converger sur le sujet de l’enfant. Sans aucun doute, ce schéma de convergence n’est pas faux… la duplicité des deux instances est plus qu’exigible, sans cela il ne pourrait pas y avoir justement ce ternaire… mais cela ne suffit pas. Et ce qui se passe entre l’un et l’autre… tout le monde l’admet… est bien essentiel. Et ici nous arrivons à ce qui s’appelle les liens d’amour et de respect, la position de la mère. Et nous retombons dans l’ornière de l’analyse sociologique environnementale autour de quoi tels ou tels feront tourner tout entière l’analyse du cas du petit Hans… à savoir si la mère était assez gentille, affectueuse avec le père, etc.… sans articuler ce qui est essentiel. Il ne s’agit pas tellement des rapports personnels entre le père et la mère, et de savoir si l’un et l’autre font le poids ou ne le font pas. Il s’agit proprement d’un moment qui doit être vécu comme tel et qui concerne les rapports, non pas simplement de la personne de la mère avec la personne du père, mais de la mère avec la parole du père, avec le père en tant que ce qu’il dit n’est pas absolument équivalent à rien. La fonction dans laquelle : le Nom du Père intervient, seul signifiant du père, la parole articulée du père, la Loi en tant que le père est dans un rapport plus ou moins intime avec elle,… cela est aussi très important. En d’autres termes, le rapport dans lequel la mère fonde le père comme médiateur de quelque chose qui est au – delà de sa loi à elle et de son caprice, et qui est purement et simplement la Loi comme telle, le père donc en tant que Nom du Père, c’est – à – dire en tant que tout le développement de la doctrine freudienne nous l’annonce et le promeut, à savoir comme étroitement lié à cette énonciation de la Loi. C’est là ce qui est essentiel, et c’est en cela qu’il est accepté ou qu’il n’est pas accepté par l’enfant comme celui qui prive – ou qui ne prive pas – la mère de l’objet de son désir. En d’autres termes, nous devons, pour comprendre le complexe d’Œdipe, consi-dérer trois temps que je vais essayer de vous schématiser à l’aide de notre petit diagramme du premier trimestre. Premier temps. Ce que l’enfant cherche, c’est à savoir – désir de désir – pouvoir satisfaire au désir de sa mère, c’est – à – dire « to be or not to be l’objet du désir de la mère », et dans la mesure où il introduit sa demande et où ici, il va y avoir quelque chose qui en est le fruit, le résultat, et sur le chemin duquel se pose ce point qui correspond à ce qui est ego, et qui est ici son autre ego, ce à quoi il s’identifie, ce quelque chose d’autre qu’il va chercher à être là, à savoir l’objet satisfaisant pour la mère. Dès qu’il commencera à remuer quelque chose au bas de son ventre, il commencera à le lui montrer, pour savoir « si je suis bien capable de quelque chose », avec les déceptions qui s’ensuivent, il le cherche, et il le trouve. Pour autant et dans la mesure où la mère est interrogée par la demande de l’enfant, elle est aussi quelque chose, elle, qui est à la poursuite de son propre désir, et quelque part par-là s’en situent les constituants. Dans le premier temps et la première étape, il s’agit de ceci : c’est qu’en quelque sorte en miroir le sujet s’identifie à ce qui est l’objet du désir de la mère. Et c’est l’étape, si je puis dire, phallique primitive, celle où la métaphore paternelle agit en soi, pour autant que déjà, dans le monde, la primauté du phallus est instaurée par l’existence du symbole, du discours et de la Loi. Mais l’enfant lui, n’en attrape que le résultat. Pour plaire à la mère, si vous me permettez d’aller vite et d’employer des mots imagés, il faut et il suffit d’être le phallus et à cette étape beaucoup de choses s’arrêtent dans un certain sens. C’est dans la mesure où le message ici se réalise d’une façon satisfaisante qu’un certain nombre de troubles et de perturbations peuvent se fonder, parmi lesquels ces identifications que nous avons qualifiées de perverses. Deuxième temps. Je vous ai dit que sur le plan imaginaire, le père bel et bien intervient comme privateur de la mère, c’est – à – dire que ce qui est ici adressé à l’autre comme demande est renvoyé à une cour supérieure, si je puis m’exprimer ainsi, et relayé comme il convient car toujours, par certains côtés, ce dont nous interrogeons l’autre… pour autant qu’il le parcourt tout entier… rencontre bien chez l’autre cet Autre de l’autre, à savoir sa propre Loi. Et c’est à ce niveau que se produit quelque chose qui fait que ce qui revient à l’enfant est purement et simplement la Loi du père en tant qu’elle est imaginairement, par le sujet, conçue comme privant la mère. C’est le stade, si je puis dire, nodal et négatif par quoi ce quelque chose qui détache le sujet de son identification le rattache en même temps à la première apparition de la Loi sous la forme de ce fait : que la mère est là – dessus dépendante, dépendante d’un objet, d’un objet qui n’est plus simplement l’objet de son désir, mais un objet que l’autre a ou n’a pas. Dans la liaison étroite, de ce renvoi de la mère à une Loi qui n’est pas la sienne, avec le fait que dans la réalité l’objet de son désir est possédé souverainement par ce même Autre à la Loi duquel elle renvoie, on a la clé de la relation de l’œdipe, et ce qui fait le caractère si essentiel, si décisif de cette relation de la mère en tant que je vous prie de l’isoler comme relation, non pas au père, mais à la parole du père. Rappelez – vous le petit Hans l’année dernière : le père est tout ce qu’il y a de plus gentil, il est tout ce qu’il y a de plus présent, il est tout ce qu’il y a de plus intelligent, il est tout ce qu’il y a de plus amical pour Hans. Il ne paraît pas avoir été du tout un imbécile, il a mené le petit Hans à FREUD, ce qui à l’époque, était faire preuve quand même d’un esprit éclairé. Le père est néanmoins totalement inopérant, pour aut
ant qu’il y a une chose qui est tout à fait claire, c’est que quelles que soient les relations entre ces deux personnages parentaux, ce que dit le père, c’est exactement comme s’il flûtait, j’entends auprès de la mère. La mère, remarquez – le, par rapport au petit Hans, est à la fois interdictrice, c’est – à – dire joue le rôle castrateur qu’on pourrait voir attribuer au père – mais sur le plan réel – elle lui dit : « Te sers pas de ça, c’est dégoûtant ! » Ce qui n’empêche pas que, sur le plan pratique, elle admet tout à fait le petit Hans dans son intimité, c’est – à – dire qu’elle lui permet, l’encourage à tenir cette fonction de l’objet imaginaire pour lequel effectivement, le petit Hans lui rend les plus grands services. Il incarne bel et bien pour elle son phallus et le petit Hans comme tel est maintenu dans la position d’assujet. Il est assujetti, et c’est toute la source de son angoisse et de sa phobie. C’est pour autant et essentiellement pour autant que déjà la position du père est mise en question par le fait que ça n’est pas sa parole qui fait la loi à la mère, que le problème est introduit. Mais ce n’est pas tout : il semble que dans le cas du petit Hans, ce qui va arriver maintenant, c’est – à – dire le troisième temps. Ce troisième temps est essentiel et aussi fait défaut. C’est pour cela que je vous ai souligné l’an dernier que l’issue du complexe d’Œdipe dans le cas du petit Hans est une issue faussée, que le petit Hans, bien qu’il en soit sorti grâce à sa phobie, aura une vie amoureuse qui sera complètement marquée d’un certain style, du style imaginaire sur lequel je vous en indiquais les prolongements à propos du cas de Léonard DE VINCI. Cette troisième étape est celle – ci, et elle est aussi importante que la seconde car c’est de celle – ci que dépend la sortie du complexe d’Œdipe. Ce dont le père a témoigné qu’il le donnait, en tant, et en tant seulement qu’il est le porteur de la Loi, c’est que c’est de lui que dépend la possession par le sujet, paternel ou non, de ce phallus. C’est pour autant que cette étape a été traversée, qu’au second temps, ce que le père… si je puis dire en tant que supporter de la Loi… ce que le père a promis, il faut qu’il le tienne. Il peut donner ou refuser en tant qu’il l’a, mais le fait qu’il l’a, le phallus, lui, il faut qu’à un moment donné il en fasse preuve. C’est pour autant qu’il intervient au troisième temps comme celui qui a le phallus… et non pas qui l’est… que peut se produire quelque chose qui réinstaure l’instance du phallus comme objet désiré de la mère et non plus seulement comme objet dont le père peut priver. Le père tout puissant, c’est celui qui prive. C’est d’ailleurs à ce stade que se sont arrêtées jusqu’à un certain moment les analyses du complexe de l’œdipe. Au temps où on pensait que tous les ravages du complexe d’Œdipe dépendaient de l’omnipotence du père, on ne pensait qu’à ce temps, à ceci près qu’on ne soulignait pas que la castration qui s’y exerce, c’était la privation de la mère, et non pas de l’enfant. Le troisième temps est ceci : c’est pour autant que le père peut donner à la mère ce qu’elle désire, peut le donner parce qu’il l’a… et ici intervient le fait précisément de la puissance au sens génital du mot, disons que le père est un père potent… que dans ce troisième temps, se produit la restitution si vous voulez de la relation de la mère au père sur le plan réel, la relation comme telle de l’autre qu’est le père avec l’ego de la mère et l’objet de son désir et ce à quoi peut s’identifier, au niveau inférieur où l’enfant est en position de demandeur, que l’identification peut se faire à cette instance paternelle qui a été ici réalisée dans ces trois temps : Sous la forme voilée où, en tant que non encore apparu mais père existant dans la réalité mondaine – je veux dire dans le monde, du fait que, dans le monde règne la loi du symbole – déjà la question du phallus est posée quelque part ailleurs : dans la mère où l’enfant doit la repérer. De sa présence privatrice, en tant qu’il est celui qui supporte la Loi, et ceci se fait non plus d’une façon voilée mais d’une façon médiée par la mère, qui est celle qui le pose comme celui qui lui fait la Loi. Le père en tant qu’il est révélé : il est révélé en tant que lui, il l’a, et la sortie du complexe d’Œdipe est une sortie favorable pour autant que l’identification au père se fait à ce troisième temps, au temps où il intervient en tant que celui qui l’a. C’est une identification qui s’appelle idéal du moi et qui vient à ce niveau dans le triangle symbolique précisément là, au pôle où est l’enfant et dans la mesure où c’est au pôle maternel que tout ce qui va être ensuite réalité commence à se constituer, et c’est au niveau du père que tout ce qui va être dans la suite surmoi commence à se constituer. C’est en tant que le père intervient comme réel et comme père potent dans un troisième temps… celui qui succède à la privation ou à la castration qui porte sur la mère, sur la mère imaginée au niveau du sujet dans sa propre position imaginaire à elle de dépendance… c’est en tant qu’il intervient au troisième temps comme celui qui, lui, l’a, qu’il est intériorisé comme idéal du moi dans le sujet et que, si je puis dire, ne l’oublions pas, à ce moment – là le complexe d’Œdipe décline. Qu’est – ce que ça veut dire ? Cela ne veut pas dire qu’à ce moment – là l’enfant va entrer en exercice de tous ses pouvoirs sexuels, vous le savez bien. Bien au contraire, il ne les exerce pas du tout. La sortie du complexe d’Œdipe consiste en ceci : en effet, on peut dire qu’apparemment il est déchu de l’exercice de ces fonctions qui avaient commencé à s’éveiller. Néanmoins… si tout ce que FREUD a articulé a un sens… ça veut dire qu’il a en poche tous les titres à s’en servir dans le futur. La métaphore paternelle joue là un rôle qui est bien celui auquel nous pouvions nous attendre de la part d’une métaphore : c’est d’aboutir à l’institution de quelque chose qui est de l’ordre du signifiant, qui est là en réserve. La signification s’en développera plus tard. L’enfant a tous les droits à être un homme, et ce qui sera plus tard contesté de ses droits au moment de la puberté, c’est pour autant qu’il y aura quelque chose qui n’aura pas complètement rempli cette identification métaphorique à l’image du père, pour autant qu’elle se sera constituée, mais à travers ces trois temps. Je vous fais remarquer à cette occasion que cela veut dire qu’en tant qu’il est viril, un homme est toujours plus ou moins sa propre métaphore. C’est même ce qui met sur le terme de virilité cette espèce d’ombre de ridicule dont il faut quand même faire état. Je vous ferai aussi remarquer que l’issue du complexe d’Œdipe est différente, comme chacun sait, pour la femme, car pour elle, cette troisième étape… comme FREUD le souligne : lisez son article sur Le déclin de l’œdipe… pour elle, c’est beaucoup plus simple : elle n’a pas à faire cette identification ni à garder ce titre à la virilité. Elle, elle sait où il est, elle sait où elle doit aller le prendre : c’est du côté du père, vers celui qui l’a, et cela aussi vous indique en quoi ce qu’on appelle une féminité, une vraie féminité a toujours un peu aussi une dimension d’alibi. Les vraies femmes, ça a toujours quelque chose d’un peu égaré, c’est une suggestion que je veux vous faire uniquement pour vous appuyer la dimension concrète dans laquelle se situe ce développement. Pour revenir et conclure, en justifiant mon terme de métaphore, ce n’est aujourd’hui, vous le sentez bien, qu’un diagramme. Nous reviendrons sur chacune de ces étapes et nous verrons ce qui s’y
attache. Observez bien que ce dont il s’agit ici : c’est, au niveau le plus fondamental, exactement la même chose que ce qui s’appelle… au terrain maniable et commun… dans l’étude de la langue, métaphore. Car la métaphore avec la formule que je vous ai donnée : Ça ne veut rien dire que ceci : que des deux chaînes des S, S’et des S’’, qui sont des signifiants, par rapport à tout ce qui circule de signifiés ambulants s, s’, s’’… parce qu’ils sont toujours en train de glisser, l’épinglage dont je parle, ou encore le point de capiton, n’est qu’une affaire mythique, car jamais personne n’a pu épingler une signification à un signifiant. Mais par contre, ce qu’on peut faire, c’est épingler un signifiant à un signifiant et voir ce que ça fait. Mais dans ce cas, il se produit toujours quelque chose de nouveau qui est quelquefois aussi inattendu qu’une réaction chimique : à savoir le surgissement d’une nouvelle signification. Pour autant que Le Père est dans le signifiant – dans l’Autre – le signifiant qui représente simplement ceci : l’existence du lien de la chaîne signifiante comme telle en ce qu’il se place, si je puis dire, au – dessus de la chaîne signifiante, dans une position métaphorique. C’est pour autant que la mère fait du père celui qui sanctionne par sa présence l’existence comme telle du lieu de la Loi, c’est pour autant qu’elle fait cela, et uniquement dans cette mesure… et ceci laisse donc une immense latitude aux modes et moyens dans lesquels ça peut se réaliser, et c’est pourquoi aussi c’est compatible… c’est dans cette mesure que le troisième temps du complexe d’Œdipe peut être franchi, c’est – à – dire dans l’étape de l’identification dans laquelle il s’agit : pour le garçon de s’identifier au père en tant que possesseur du pénis, pour la fille de reconnaître l’homme en tant que celui qui le possède. Nous verrons la suite la prochaine fois.

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