samedi, juillet 27, 2024
Recherches Lacan

LXII LES PROBLÈMES CRUCIAUX POUR LA PSYCHANALYSE 1964 – 1965 Leçon du 24 février 1965 (Séminaire fermé)

Leçon du 24 février 1965 (Séminaire fermé)

Je vous salue comme quelqu’un qui est heureux de vous retrouver après une longue absence. Je vais préciser certains points à cause de petits flotte­ments qui ont eu lieu. Il est bien entendu qu’on n’a pas à aller rechercher chaque fois, pour venir ici, même si ça ne se passe que tous les mois, une carte. Les personnes qui ont eu leur carte à divers titres et qui l’ont en somme, la dernière fois, du fait de la façon dont les choses sont organisées, déposée dans une boîte où elle porte donc témoignage que la venue de ces personnes est régulière… Les choses se régulariseront avec le temps. Ne viendront ici que ceux qui ont leur carte, et cette carte sera dans une boîte, que la personne qui contrôle l’entrée à laquelle il faut toujours se référer… pour savoir si la per­sonne qui passe et qui dit, « j’ai ma carte », l’a bien en effet. C’est une fois pour toutes qu’on a sa carte. Pour les autres, leur demande est en instance. Certains ont une carte de diverses couleurs, une carte provisoire que je destine à mar­quer que j’ai à faire plus ample connaissance avec la personne qui a été ainsi admise. Je vous fais donc mes excuses pour les malentendus qui ont pu se pro­duire. Certaines personnes se sont dérangées pour rien, j’en marque ici que je suis désolé. Je pense d’ailleurs qu’il n’est pas extraordinaire que ces petits flot­tements puissent se produire au début d’une organisation délicate à mettre au point.

Aujourd’hui, je voudrais introduire ce que vous allez entendre avec le désir de laisser le champ libre le plus vite possible. Je désire l’introduire de quelques remarques destinées à situer pour les personnes qui, venant ici avec des préju­gés divers, je veux dire avec l’idée qu’elles se font de ce qui doit être fait dans ce séminaire fermé, pourraient très bien ne pas réaliser tout de suite pourquoi vous allez entendre expressément ce qui va venir, ainsi que pour les personnes qui, rares, viennent ici depuis très peu de temps. Vous allez entendre parler de logique aujourd’hui. Je suppose que la chose ne surprendra pas ceux qui viennent, qui suivent depuis assez longtemps mon enseignement. Pour ces personnes il doit, avec le temps, se dessiner d’une façon de plus en plus ferme qu’il y a des rapports intimes, profonds, essentiels entre la psychanalyse et la logique. Je ne suppose pas qu’ici tout le monde, ni même beaucoup, soient des logiciens et que je puisse là-dessus faire le crédit de parler à des oreilles déjà averties, mais néanmoins, si peu que ce soit qu’ils aient l’oc­casion de se référer par exemple au chapitre introductif de n’importe quel trai­té de logique, ils s’apercevront que les logiciens, pour situer la logique elle-même, pour la placer – ce qui est vraiment bien le minimum de ce à quoi un logicien doive s’obliger quand il commence un traité de logique – ils verront, ils seront frappés, surtout si je leur mets à cet endroit la puce à l’oreille, à quel point l’ordre de difficultés que le logicien rencontre pour placer sa science dans la hiérarchie, dans la classification des sciences, sont vraiment analogues, cor­respondent aux difficultés que peut avoir de même l’analyste. Ceci n’est qu’une indication.

La psychanalyse est une logique, et inversement on peut dire que la logique a beaucoup à s’éclairer de certaines questions radicales qui sont posées dans la psychanalyse. Pour nous en tenir à la phénoménologie la plus sommaire, ce qui frappe, ce qui frappe celui qui vient de l’extérieur, quand il arrive et qu’il entend le psychanalyste s’exprimer sur la valeur à donner, sur l’accent, sur la traduction à telle ou telle manifestation dans le comportement, à tel ou tel symptôme, c’est quelque chose en général, dans ce nouveau venu, qui se manifeste par l’idée d’une certaine absence de logique; tout au moins d’un certain renversement, d’un certain désordre à la logique, et il est fréquent de voir poussée en avant l’objection, qu’on tirera en psychanalyse la même conclusion de faits qu’on dira improprement contradictoires, car les faits ne peuvent guère l’être contradic­toires, ils peuvent être opposés, jouant en sens contraire, on remarquera aussi­tôt les mêmes conclusions. Est-ce à dire… est-ce à dire que l’interprétation ana­lytique, la structuration de la théorie, fait bon marché de la logique? Justement pas! Cet usage psychanalytique de la logique, c’est une raison de plus pour nous de nous interroger sur ce qu’en sont les règles effectives… car tout de même ça ne fonctionne pas sans règle! C’est pour nous une précieuse sugges­tion, d’autant plus insistante, à nous y mettre plus que jamais, à la logique, et même à nous apercevoir que – je le disais et je l’indiquais tout à l’heure – que la vraie question est de voir s’il n’y a pas quelque rapport profond qui fait que la question que posent les logiciens, à savoir, sur quoi, en fait, a-t-elle prise, la logique ?… Car ce n’est pas si simple, la logique ne nous donne pas les faits ou comme on dit, les prémisses. La logique nous donne quoi? le moyen d’en tirer parti. Sur quel miracle, sur quoi porte cette effectivité de la logique ? Puis, après tout, les logiciens eux-mêmes le remarqueront, la logique, on l’observe. On n’a pas besoin de tellement y penser pour l’observer, si ce n’est qu’on s’aperçoit qu’à l’observer quelquefois on fait des faux pas de logique et que c’est celle-ci qui nous met en éveil. Mais enfin, en principe on ne pense pas tout le temps, quand on raisonne, à suivre les règles de la logique, et pour tout dire on peut très bien, pour bien raisonner, dire que, de la logique, c’est-à-dire des règles de bien raisonner, on s’en passe.

Mais quand, comme l’analyste, on fait plus, on a le sentiment, en tout cas on donne le sentiment qu’on passe outre. C’est là que commence peut-être d’au­tant plus la nécessité qui nous impose que, on ne peut plus s’en passer, de la logique. On a ce sentiment, de passer outre, que ce sur quoi elle a prise norma­lement redevient alors une question de tout à fait premier plan. Ceci, ce sont des vérités tout à fait générales.

Il y a un deuxième plan, qui est celui d’où je suis parti tout à l’heure, à savoir l’enseignement que j’ai pu déjà donner, organiser, dégager depuis quelques années. J’y ai mis en valeur des fonctions que je n’ai point inventées, elles ne sont pas latentes, elles sont patentes, elles se sont articulées à l’intérieur de l’ana­lyse, même chez ceux, chez les auteurs qui ne les expriment pas avec les mêmes concepts, selon les mêmes fonctions que je le fais. Elles sont présentes, elles sont manifestes, elles sont là depuis l’origine. On peut décrire une partie, tout au moins tout un pan, toute une face de ce que j’ai articulé, comme la tentative de situer, d’établir une logique du manque, mais dire cela, ça ne suffit pas. Lors de mon dernier discours, celui du début de février, par exemple, vous avez pu voir s’articuler, s’opposer deux horizons dans deux pôles, fonctions de l’idéal du moi et du moi idéal, par exemple; fonction pivot, déterminante de l’objet a dans ces deux termes opposés de l’identification. Vous m’avez vu, entendu l’articuler d’une certaine façon qui, il me semble a pu, tout au moins pour ceux qui étaient déjà suffisamment entraînés dans cette voie, à ceux-là donner quelque satisfac­tion, c’est-à-dire qu’elle se manifeste, qu’elle soit prise au niveau du sujet, ou au niveau de cet objet privilégié, singulier qui s’appelle l’objet a, au niveau des diverses formes plus ou moins leurrantes de l’identification, au niveau des voies par où nous mettons à l’épreuve cette fonction de l’identification, ce que j’ai appelé les voies de la tromperie ou du transfert.

Nous avons là des plans qu’il ne suffit pas d’énumérer, voire de caresser au passage pour croire que nous possédons la clé de ce qu’il y a à manier. Ces deux mêmes niveaux, ces plans, s’articulent, et s’articulent d’une façon qui doit être d’autant plus précise qu’elle est plus nouvelle, qu’elle est plus inhabituelle. Habituelle, n’en doutez pas, elle le deviendra, cette nouvelle logique, elle trouvera dans assez d’esprits son articulation et sa pratique pour que le sujet, les lieux communs, si je puis m’exprimer ainsi, s’en répandent et fassent le fonde­ment organisateur de notre recherche et de là puissent passer au-dehors, filtrer, s’osmoser au-dehors d’une façon telle que d’autres, qui dans d’autres domaines rencontraient telles impasses logiques, précisément reconnaissent que là se forge un appareil qui est d’un usage qui, comme on peut l’attendre bien sûr, dépasse infiniment l’ordre de simple règle pratique à l’usage des thérapeutes qui s’appelleraient des psychanalystes.

Parmi ces problèmes essentiels, et véritablement énormes, proéminents, presque écrasants, et pas seulement dans notre domaine, la question de savoir si l’Un est une constitution subjective essentiellement, est une question pre­mière. Cette question de l’Un pour autant que je l’ai longuement martelée, je puis dire, pendant presque une année entière, il y a trois ans dans mon sémi­naire sur l’Identification, cette question de l’Un du trait unaire, pour autant qu’elle est à la clé de la deuxième espèce d’identification distinguée par Freud, cette question de l’Un est essentielle, pivotale pour cette logique qu’il s’agit de constituer dans son statut, et qui sera ce vers quoi j’entends diriger la suite de mon discours jusqu’à la fin de cette année. Que cet Un soit de constitution subjective, ceci élimine-t-il que cette constitution soit réelle ? voilà le problè­me. Voilà le problème à quoi est destinée à contribuer une réflexion, une méditation qui fut extraordinairement en avance – très exactement de vingt cinq ans – sur tout ce que les esprits étaient aptes à ce moment à recevoir, la méditation de Frege dans le domaine spécifique où l’Un a à prendre son sta­tut, à savoir celui de l’arithmétique. C’est pour cela que nous en avons avan­cé la référence, le point terme dans notre discours de cette année, et c’est aussi pour que ce ne soit pas là une espèce de simple signe fait au large de quelque île, de quelque Philoctète abandonné qui aurait poussé ses cris en vain pen­dant quelques années, et nous ne ferions nous aussi que renouveler ce passa­ge, cette croisière indifférente; qu’évidemment, là, il se passait quelque chose d’important – je ne veux pas plus insister – que l’essence en est passée ailleurs. Non! Ceci n’est jamais vrai, l’essence d’une recherche ne passe pas ailleurs. C’est au lieu même de la trouvaille qu’il s’agit de revenir si nous vou­lons vraiment en recevoir l’empreinte, la marque, en relever aussi pour nous la répercussion.

C’est à ce titre que j’avais demandé la dernière fois à quelqu’un de ceux qui, ici, ont été pour moi signe de la vérité de ce à quoi je crois, que ce que nous avons à dire dans la psychanalyse dépasse de beaucoup son application théra­peutique, que le statut du sujet y est essentiellement intéressé, c’est pour autant que j’ai pu ici recueillir cette sorte de réponse qui me témoigne qu’effectivement ce n’est pas là simplement espoir en l’air, qu’effectivement sont intéressés, d’une certaine position, un certain nombre d’esprits, à une seule condition, si je puis dire, qu’ils soient ouverts, qu’ils aient ce qui doit reposer au fond de toute ouverture docte, à savoir une certaine ignorance, une certaine fraîcheur, ceux pour qui l’usage des concepts n’est pas quelque chose dont on sait depuis tou­jours que quand on se réfère à la bonne sagesse pratique de papa et de maman, on peut toujours laisser parler ceux qui spéculent, on peut toujours aussi laisser passer au loin les cris d’indignation, qui passent à droite ou à gauche, entre tel ou tel désordre du monde. Chacun sait que la réalité, ça consiste à ne pas se lais­ser atteindre par ces cris. Ce qu’on appelle réalité, ce n’est trop souvent, et c’est bien à ça que nous avons affaire, dans la psychanalyse, rendre la fonction de la réalité, pour nous spécialement analystes, à un certain coefficient de surdité mentale. C’est pour ça que la référence, trop souvent mise en avant dans la psy­chanalyse, la référence à la réalité, doit toujours nous inciter à plus que de la réserve, à quelque méfiance.

Dieu merci, il m’est arrivé une nouvelle classe, une nouvelle génération de gens non sourds, pour me répondre. C’est à un de ceux-là qu’aujourd’hui je donne la parole, pour répondre à un autre, à un de ceux qui, la dernière fois, a bien voulu nous rendre le service d’introduire ici le discours et la question de Frege, pour lui répondre, pour vous ouvrir aussi les diverses voies dans les­quelles nous souhaitons qu’intervienne quiconque a été admis ici. Et le fait que cette salle soit remplie prouve assez que je n’y mets nulle barrière artifi­cielle; que je laisse, à quiconque se présente avec le désir manifesté de prendre part à notre dialogue, que je n’y mets nulle barrière. Mais puisque je fais cet accueil si large, je vous en prie, apportez-moi, par quelque forme que ce soit, votre réponse; apportez-moi le témoignage que c’est là, de ma part, conduite justifiée.

Leclaire, qui la dernière fois nous a fait, avant la communication de Duroux à laquelle je fais allusion, Leclaire n’est pas là aujourd’hui, ayant un engagement pris depuis longtemps. Il devait parler dans une ville étrangère, à Bruxelles nommément, de sorte que ce qui aujourd’hui pourrait être apporté de réponse, référé à ce que Leclaire a dit, ceci ne pourra pas avoir lieu aujourd’hui. Grâce à cela, je n’ai pas trop à déplorer le fait, pourtant en soi regrettable, qu’après que j’aie demandé que chacun de ceux qui ont pu avoir le bénéfice de ce texte ronéo­typé – qui a été mis à la disposition de tout un chacun, de qui voulait – que chacun s’engage à y apporter une courte remarque écrite. J’en ai reçu en effet un certain nombre, elles ne vont pas à dépasser le chiffre de six, ce qui est peu, étant donné que trente-cinq textes de Leclaire ont été retirés à la place où j’avais dit qu’ils pouvaient être trouvés. Je ne commente pas plus le fait de cette carence. J’ai dit, j’ai bien prévenu que j’y donnerai les suites qui conviennent, à savoir qu’il est certain que je ne puis, ce n’est pas dans mon dessein de faire de cette assemblée, dite du sémi­naire fermé, quelque chose où viennent trop de personnes qui, quelque béné­fice qu’elles puissent en tirer, se mettent dans une position de retrait que je ne puis, à l’intérieur du séminaire fermé, que faire équivaloir à une certaine posi­tion de refus. Il faut évidemment que je puisse, chacun, savoir dans quelle mesure il est disposé à contribuer à ce qui doit être, ici, essentiellement séance de travail.

Ceci étant dit, les remarques à apporter au rapport de Duroux, je ne les avais pas, elles, expressément demandées. Je n’en ai reçu, jusqu’à présent, aucune. Je souhaite en recevoir, après que vous ayez entendu la réponse qui était prévue, à laquelle nous n’avons pas pu donner place à la fin du séminaire dernier, la réponse que va lui apporter maintenant Jacques-Alain Miller à qui je donne la parole.

Titre de la communication

«  CINQUIÈME SAISON – ÉLÉMENTS DE LA LOGIQUE DU SIGNIFIANT » 101

 

Jacques-Alain Miller –

« Il n’a pas le droit de se mêler de psychanalyse, celui qui n’a pas acquis, d’une analyse personnelle, ces notions précises que seule elle est capable de délivrer. »

Il n’a pas le droit… De la rigueur de cet interdit, prononcé par Freud dans ses Nouvelles Conférences sur la psychanalyse, vous êtes certainement, mes­dames et messieurs, j’imagine, très respectueux.

Aussi, une question se pose pour moi à votre propos, articulée en dilemme, si, transgressant les interdits, c’est de psychanalyse que je vais parler et sans en avoir le droit, à écouter quelqu’un absolument incapable de produire le titre qui autoriserait votre créance, que faites-vous ici? Ou bien, si mon sujet n’est pas de psychanalyse, encore une fois, vous qui reconduisez si fidèlement vos pas dans cette salle pour vous entendre être entretenus régulièrement des problèmes relatifs au champ freudien, que faites-vous donc ici?

Que faites-vous ici vous surtout, mesdames et messieurs les analystes, vous qui avez entendu cette mise en garde, à vous tout particulièrement adressée par Freud, d’avoir à ne pas vous en remettre à ceux qui, de votre science, ne sont pas les adeptes directs, comme dit Freud, tous ces soi-disant savants, tous ces littérateurs qui font cuire leur petit potage sur votre feu sans même se montrer reconnaissants de votre hospitalité? Que si la fantaisie de celui qui fait office dans vos cuisines de maître-queue pouvait bien s’amuser à voir un pas même gâte-sauce s’emparer de cette marmite, dont il est bien naturel après tout qu’el­le vous tienne à cœur puisque c’est d’elle que vous tirez votre subsistance, il n’est pas sûr, et j’en ai, je l’avoue, douté, qu’un petit potage mijoté de cette façon, vous soyez disposés à le boire. Et pourtant, vous êtes là… Permettez que je m’émerveille un instant de votre assistance, et d’avoir pour un moment le pri­vilège de manipuler cet organe précieux entre tous ceux dont vous avez l’usage, votre oreille.

C’est donc votre présence ici que je vais m’employer à vous justifier à vous-mêmes, par des raisons au moins qui soient avouables.

Cette justification tient en ceci, qui ne saurait vous avoir échappé après les développements dont vous avez été enchantés à ce séminaire depuis le début de l’année scolaire, à ceci que le champ freudien n’est pas représentable comme une surface close. L’ouverture de la psychanalyse ne tient pas au libéralisme, à la fantaisie, voire à l’aveuglement de celui qui s’est institué à la place de son gardien. Cette ouverture tient à ce que, de n’être pas situé en son intérieur, on n’en est pas pour autant rejeté dans son extérieur, s’il est vrai qu’en un certain point, qui échappe à une topologie restreinte à deux dimensions, leur conver­gence s’opère.

Que ce point je puisse l’occuper un instant, voilà que vous échappez au dilemme que je vous présentai, et que vous trouvez l’argument justifiant néces­saire à ce que vous soyez ici des auditeurs de bonne foi.

Il s’agit donc que, ce point, j’arrive à l’occuper. Vous voyez par là, mesdames, messieurs, combien vous êtres intéressés à l’entreprise que je fomente, combien vous êtres impliqués dans son succès ou dans son échec.

 

CONCEPT DE LA LOGIQUE DU SIGNIFIANT

 

Ce que je vise à restituer ici, en rassemblant des morceaux épars dans le dis­cours de Jacques Lacan, doit être désigné du nom de logique du signifiant – logique générale en ce que son fonctionnement est formel par rapport à tous les champs du savoir qui pourraient le spécifier, y compris celui de la psychanaly­se – logique élémentaire pour autant qu’y seront données les seules pièces minimales indispensables à lui assurer une marche réduite à son mouvement linéaire.

La simplicité de son économie ne devrait pourtant pas nous dissimuler que les conjonctions qui s’y accomplissent entre certaines fonctions sont assez essentielles pour ne pouvoir être négligées sans dévoyer les raisonnements proprement analytiques, ce dont j’essaierai, en m’engageant sur un terrain que je connais mal, ce dont j’essaierai d’administrer la preuve en effectuant, selon des critères purement formels, un repérage sommaire des aberrations conceptuelles où se trouve contraint un exposé, dont on ne peut par ailleurs que reconnaître son mérite, publié dans le [tome VIII] de la revue La Psychanalyse, aberrations qui peuvent peut-être se déduire de la négligence qui s’y manifeste de cette logique du signifiant.

Son rapport à ce que nous appellerons la logique logicienne s’avère singulier par cela qu’elle traite exactement de son émergence et qu’elle doit se faire connaître comme logique de l’origine de la logique, c’est-à-dire, et le point est capital, qu’elle n’en suit pas les lois, qu’elle tombe hors du champ de leur juri­diction puisqu’elle la prescrit. Ici, en ce qui nous concerne, nous atteindrons cette dimension de l’archéologique par un mouvement rétroactif à partir de ce champ de la logique où précisément s’accomplit la méconnaissance la plus radi­cale en ce qu’elle s’identifie à sa possibilité même.

Le fil conducteur en sera le discours tenu par Gottlob Frege dans ses Grundlagen der Arithmetik, privilégié parce qu’il questionne les termes acceptés comme premiers dans l’axiomatique, suffisante à construire la théo­rie des nombres naturels, axiomatique de Peano. Ces termes, qui sont accep­tés comme premiers de cette axiomatique, on vous les a énumérés au dernier séminaire fermé, il s’agit du terme de zéro, de celui de nombre et de celui de successeur.

Aucun des infléchissements apportés ensuite à cette visée première par Frege ne nous retiendra. Nous nous tiendrons donc en-deçà de la thématisation de la différence du sens et de la référence, comme de la définition du concept, plus tard introduite à partir de la prédication, qui le fait alors fonctionner, le concept, dans la dimension de la non-saturation, qui est comme le reste de la différence entre prédication et identité. Ceci pour répondre à quelqu’un qui reprochait à l’exposé précédent de négliger le concept de saturation.

Il est donc bien clair que je ne parle pas – ce serait bien présomptueux – en philosophe. D’ailleurs, du philosophe je ne connais qu’une seule définition, celle de Henri Heine, acceptée par Freud, citée par lui, qui dit

«Avec ses bonnets de nuit et les lambeaux de sa robe de chambre, il bouche les trous de l’édifice universel. “

La fonction du philosophe, celle de saturation, ne lui est pas particulière, ce qui ici caractérise le philosophe comme tel, c’est l’étendue de son champ, éten­due qui est celle de l’édifice universel. Ce dont il importe que vous soyez per­suadés, c’est que le linguiste comme le logicien, à leurs niveaux, suturent. Ce sera donc, non pas de la philosophie mais peut-être de l’épistémologie que je ferai ici, et peut-être plus précisément ce que Georges Canguilhem, qui serait bien étonné d’être cité ici, appelle un travail sur des concepts. Ici ces concepts sont le sujet et le signifiant.

LE ZÉRO ET LE UN

La question, dans sa forme la plus générale, s’énonce ainsi : qu’est-ce qui fonctionne dans la suite des nombres entiers naturels à quoi il faut rapporter leur progression? La question est donc de qui? La réponse, je la livre avant de l’atteindre, est que dans le procès logique de la constitution de cette suite, c’est-­à-dire dans la genèse de la progression, la fonction du sujet, méconnue, opère.

Cette proposition ne peut manquer de prendre figure de paradoxe pour qui n’ignore pas, et sans doute vous êtes maintenant au fait, que le discours logique de Frege s’entame d’exclure ce qui, dans une théorie dite empiriste, s’avère essentiel à faire passer la collection d’unités à l’unité du nombre, ce qui permet, dans cette théorie empiriste, de passer de la collection de l’unité à l’unité du nombre, c’est la fonction du sujet ainsi nommé dans une théorie empiriste. L’unité ainsi assurée à la collection n’est permanente qu’autant que le nombre y fonctionne comme un nom, nom de la collection, nom qui a dû lui venir pour que sa transformation s’accomplisse en unité. La nomination a donc ici pour fonction d’assurer l’unification. Et, dans ces théories empiristes, le sujet assu­re cette fonction corrélative du nom qui est celle du don du nom, dont la liai­son essentielle à la nomination s’avoue sans fard, telle quelle, et on peut ajou­ter que c’est de ce don du nom, où la fonction du sujet peut se laisser réduire, que s’origine sa définition comme créateur de la fiction. Seulement ce sujet, ici nommément désigné, est un sujet défini par ses attributs psychologiques. Le sujet que Frege exclut au début de son discours est ce sujet là, ce sujet défini comme détenteur d’un pouvoir, et essentiellement détenteur d’une mémoire qui lui permet de circonscrire cette collection et de ne pas laisser se perdre tous ses éléments qui sont interchangeables. Donc le discours de Frege, se dressant d’entrée de jeu contre la fondation psychologique de l’arithmétique, exclut le sujet du champ où le concept du nombre a à apparaître. Ce qu’il s’agit de mon­trer, c’est que le sujet ne se réduit pas, dans sa fonction la plus essentielle, à son pouvoir psychologique.

Vous savez que le discours de Frege se développe tout entier à partir du sys­tème fondamental de trois concepts, le concept du concept, le concept d’objet, le concept de nombre, et de deux relations, relation du concept à l’objet, rela­tion qui se nomme la subsomption, la seconde qui est la relation du concept au nombre qui sera pour nous l’assignation. Le schéma est donc très simple. Je le reproduis.

Il est clair que cette ouverture, n, est la marque de la relation de subsomp­tion comme telle. La définition du concept, telle que Frege la donne, n’est pas faite pour surprendre, en ce qu’elle se situe dans la ligne de la pensée la plus classique, puisque sa fonction est de rassemblement. Mais l’inédit ici, et le spé­cifiquement logique, est que le concept est défini par la seule relation qu’il entretient avec le subsumé. L’objet qui tombe sous le concept prend son sens de la différence d’avec la chose, simplement corps occupant une certaine spatio­temporalité dans le monde. Car ici l’objet est défini seulement par sa propriété de tomber sous un concept, sans égard à ses déterminations, qu’une investiga­tion autre que la logique pourrait lui découvrir. Il est donc ici essentiellement privé de ses déterminations empiriques. Il apparaît donc que le concept qui sera opératoire dans le système ne sera pas le concept formé à partir des détermina­tions mais le concept de l’identité à un concept. C’est par ce redoublement-là que nous entrons dans la dimension logique comme telle. Il est essentiel de voir que l’entrée dans la dimension logique comme telle est produite par l’apparition de l’identité.

C’est ainsi que, dans l’œuvre de Frege, ce n’est qu’apparemment qu’il est question du concept, par exemple, « lune de la terre ». Il s’agit en fait du concept « identique au concept lune de la terre », car comme il s’agit du concept « iden­tique au concept lune de la terre », ce qui tombe sous le concept n’est pas la chose, comme telle, mais seulement la chose en tant qu’elle est une. L’assignation du nombre, la deuxième relation, se déduit de cette subsomption comme extension du concept « identique au concept lune de la terre ». On voit donc que ce qui tomberait sous le concept « lune de la terre » serait la lune, mais ce qui tombe sous le concept « identique au concept lune de la terre », c’est un objet, c’est l’objet « lune de la terre », c’est-à-dire l’unité. D’où la formule de Frege, le nombre assigné au concept F est l’extension du concept « identique au concept F».

Cette tripartition de Frege a donc pour effet de ne laisser à la chose que le seul support de son identité à elle-même, en quoi elle est objet de ce concept. Le fondement du système de Frege est donc à pointer dans la fonction de l’identité en tant que c’est elle qui accomplit la transformation de toute chose en objet, à ne lui laisser que la détermination de son unité. Par exemple, si je m’occupe à rassembler ce qui tombe sous le concept « enfant d’Agamemnon », j’aurai ces enfants qui ont pour nom Chrysothémis, Électre, Iphigénie et Oreste. Et je ne peux pas assigner un nombre à cette col­lection sinon à faire intervenir le concept de l’identique au concept enfant d’Agamemnon. Grâce à la fiction de ce concept, chaque enfant interviendra ici en tant qu’appliqué à lui-même, ce qui le transforme en unité, ce qui le fait pas­ser au statut d’objet comme tel numérable. Le logique, ici, s’origine de la conjonction de la fonction de subsomption c’est-à-dire de rassemblement à la fonction de l’identité par quoi – le point est capital, nous en verrons l’inciden­ce tout à l’heure – le subsumé se ramène à l’identique. Et le nom de la collec­tion subsumée c’est d’être « enfant de » pour devenir quatre.

L’important ici, vous le saisissez déjà, c’est que l’unité, qu’on pourrait dire unifiante du concept comme assignat du nombre, est subordonnée à la fonction de l’unité comme distinctive. Le nombre comme nom n’est plus alors le nom unifiant d’une collection mais le nom distinctif d’une unité. Le un, cet un de l’identique du subsumé, cet un là est ce qu’a de commun tout nombre d’être avant tout constitué comme une unité. Au point de l’élaboration où nous attei­gnons, je pense que vous sentirez le poids de la définition de l’identique que je vais produire, dans ceci que c’est la fonction qu’assume l’identité qui permet que les choses du monde reçoivent leur statut de signifiant.

Vous comprenez que, en ce qui concerne cette définition de l’identité, en tant qu’elle va donner son vrai sens au concept du nombre, il s’en déduit qu’elle ne doit rien lui emprunter, à cette fin de pouvoir engendrer la possibilité de la numération. Cette définition, pivotale dans son système, Frege l’emprunte à Leibniz. Elle tient dans cette courte phrase

« Eadem sunt quorum unum potest substitui alteri salva veritate, identiques sont les choses dont l’une peut être substituée à l’autre sans que la vérité se perde. »

Ce qui s’accomplit dans cette formule, qui pourrait paraître anodine si Frege lui-même n’y mettait pas l’accent, vous en mesurez l’importance, c’est l’émer­gence de la dimension de la vérité comme nécessaire à ce que fonctionne l’iden­tité. Comme logicien occupé de la genèse du nombre, Frege n’utilise cette défi­nition qu’autant qu’elle laisse le loisir de la modifier dans une définition de l’identité à soi-même. Et là nous touchons en un point encore plus radical que celui que vise la définition de Leibniz, puisque après tout la définition de la véri­té, quand l’identité à soi est concernée, est bien plus menacée. Si l’on suit la phrase de Leibniz, après tout la défaillance de la vérité, cette perte de la vérité dans la substitution d’une chose à une autre, cette perte dont la possibilité un instant est ouverte par la phrase de Leibniz, cette perte serait aussitôt suivie du rétablissement de la vérité pour une nouvelle relation car si je substitue à une chose une chose qui ne lui est pas identique, la vérité se perd mais elle se retrou­ve en ce que cette nouvelle chose sera identique à elle-même. Tandis que, qu’une chose ne soit pas identique à elle-même, subvertit de fond en comble le champ de la vérité, le ruine et l’abolit jusqu’à sa racine. Vous comprenez en quoi la sau­vegarde de la vérité est intéressée à cet identique à soi qui assure le passage de la chose à l’objet. C’est au champ de la vérité que l’identité à soi surgit. Et l’identique est à situer au champ de la vérité en tant qu’elle est essentielle à ce que ce champ puisse être sauvegardé.

 

LA VÉRITÉ EST CHAQUE CHOSE EST IDENTIQUE À SOI

 

Maintenant, faisons un peu fonctionner le schéma de Frege, cette tripartition si simple, c’est-à-dire, le faire fonctionner, parcourons ce parcours réglé qu’il nous prescrit. Soit une chose x du monde. Soit le concept de cet x. Le concept qui va intervenir ici ne sera pas le concept de x mais concept de l’identique à x. Tel est l’objet qui tombe sous le concept identique à x, x lui-même. En cela le nombre, et là c’est le troisième terme du parcours, le nombre, qu’on va assigner à cette chose devenue objet par cette translation, sera le nombre un. J’ai pris x, ce qui veut dire que la fonction du nombre un est répétitive pour tous les objets du monde. Cette répétition qui fait que chaque chose, de passer au concept de l’identité à soi, puis au concept de l’objet produit, fait émerger le nombre un. C’est à partir de son système ternaire, en tant qu’il est supporté par la fonction de l’identité, que Frege peut accomplir l’engendrement qu’il poursuit de la suite des nombres entiers naturels, selon un ordre qui est le suivant, d’abord engen­drement du zéro, ensuite engendrement du un, enfin engendrement successeur.

L’engendrement du zéro est admirable dans sa simplicité qui est de s’effec­tuer ainsi, zéro est le nombre assigné au concept « non identique à soi ». Autrement dit, concept non identique à soi, comme la vérité existe, objet zéro. Et le nombre, alors, qui qualifie l’extension de ce concept, est le nombre 0. Dans cet engendrement du 0, j’ai mis en évidence qu’il est soutenu par cette proposi­tion, qui lui est nécessairement antécédente, que la vérité existe et doit être sau­vée. Si aucun objet ne correspond au concept non identique à soi, c’est qu’il faut que la vérité persiste. S’il n’y a pas de chose qui ne soit pas identique à soi, c’est qu’elle est contradictoire avec la dimension même de la vérité. C’est dans l’énoncé décisif que le nombre assigné au concept de la non identité à soi est zéro, que se suture le discours logique. Mais – là je vais traverser décidément l’énoncé de Frege – il est clair que pour réaliser cette primordiale suturation il a fallu évoquer, au niveau du concept, cet objet non identique à soi qui s’est trouvé rejeté ensuite de la dimension de la vérité et dont le zéro qui s’inscrit à la place du nombre, traite comme la marque de l’exclusion. Il n’y a pas, à la place de l’objet subsumé lui-même, à cette place intérieure du système, il n’y a pas d’écriture possible, et le zéro qui s’y inscrit, qui pourrait s’y inscrire, ne serait que la figuration d’un blanc.

Le un maintenant s’engendre de ce que le zéro comme nombre est suscep­tible de devenir concept et objet. S’il faut passer par le zéro pour engendrer le un, c’est que ce que j’ai dit du x n’était qu’une fiction. Nous sommes dans le domaine logique et on n’a pas le droit de se donner un objet du monde. C’est pourquoi, une fois qu’on a engendré le nombre zéro, on tient enfin un premier objet. C’est dire que Frege compte pour rien cet objet qu’il a dû évoquer et reje­ter primordialement. Alors, maintenant, comment engendrer le un à partir de ce premier objet qu’est le nombre zéro ? Eh bien, on se donne le concept, « iden­tique au concept du nombre zéro ». A ce moment-là, l’objet qui tombe sous ce concept « identique au concept du nombre zéro » est l’objet « nombre zéro » lui­-même, et donc l’objet qu’il faut assigner à ce concept. Voilà le un produit. Vous voyez donc que ce système joue grâce à une translation des éléments définis à toutes les places du système. On a le concept du nombre zéro et le nombre zéro devient objet pour enfin produire le nombre un.

J’aimerais poser cette formule en évidence, devant vous qui commencez à croire que ce fonctionnement est un peu lent à s’effectuer. J’aimerais poser cette formule en évidence, puisque c’est à elle que tout notre développement donne­ra une conséquence dont vous commencez peut-être à apercevoir la valeur, que le zéro est compté pour un. Cette propriété fondamentale du zéro d’être comp­té pour un – alors que son assignat conceptuel ne subsume sous lui qu’absen­ce d’objet, qu’un blanc – cette propriété fondamentale est le support général de la suite des nombres telle que Frege l’engendre. Ce qui est assez caractérisé, dans une recherche moins approfondie que celle de Frege, d’être nommé le suc­cesseur, c’est-à-dire successeur de n obtenu par l’adjonction du 1. Alors que certains se satisfont de la simple présentation de l’opération, n… n+1 donne n’ successeur de n – 3… 3 plus 1 donne 4…, cette opération dont peut se satisfaire ce n+1, Frege l’ouvre, pour découvrir comment est possible le passage de n à son successeur, en tant qu’il est assuré par cette opération.

Le paradoxe de cet engendrement, vous le saisissez aussitôt, vous allez le sai­sir aussitôt que je vais produire la formule la plus générale du successeur à laquelle Frege parvienne. Cette formule est celle-ci . «Le nombre assigné au concept «membre de la série des nombres naturels se terminant par n” suit, dans la série des nombres naturels, immédiatement n ». Autrement dit, la définition de n+1 c’est, nombre assigné au concept « membre de la série des nombres naturels se terminant par n ». Donnons un chiffre, vous allez voir comme c’est drôle, comme le tour de passe-passe est absolument étonnant. Voilà le nombre 3, un nombre honnête que nous connaissons bien, ici surtout. Eh bien, ce nombre 3 va me servir à constituer le concept, membre de la série des nombres naturels se terminant par trois. Il se trouve que le nombre qu’on assigne à ce concept est 4. Voilà le 1 qui est venu. Et d’où est-il venu, ce 1 ? Il faut un petit instant pour sai­sir la subtilité de la chose.

Voilà le nombre 3. Je passe le concept « membre de la série des nombres natu­rels se terminant par 3 », c’est-à-dire que je fais fonctionner 3 comme une réser­ve; je ne le prends plus comme nombre, je le prends, cette fois-ci, si vous vou­lez comme concept. Je vais essayer de voir ce qu’il a dans le ventre. Alors je décompose. Qu’est-ce que 3 a dans le ventre? Il a 1, 2, 3, trois objets, comme vous diriez. Seulement nous sommes dans l’élément du nombre, et dans l’élé­ment du nombre on compte le 0. Dans la série des nombres naturels, le 0 comp­te pour 1, c’est-à-dire qu’en plus il y a le zéro, et que le zéro compte pour un. Voilà la formule fondamentale de l’engendrement de la suite des nombres.

D’où il ressort que c’est de l’émergence du zéro comme un, émergence qui est produite comme le parcours du nombre à l’intérieur du cycle, qui détermi­ne l’apparition du nombre successeur où s’évanouit le un. 1… n+1… = n’. Le 0 est monté, il s’est fixé comme 1 au nombre suivant qui a disparu. Si bien que, ce nombre suivant, il suffira de le rouvrir une nouvelle fois et on y trouvera de nouveau ce 0 qui compte pour 1. Ce 1 du n+1… qui est substituable, vous l’avez vu tout à l’heure, à tous les membres de la suite des nombres, en tant que cha­cun, d’être identique à soi, l’évoque nécessairement s’il n’est rien d’autre que le compte du 0, autorise à donner ici cette interprétation du signe +, du fait que sa fonction d’addition apparaît superfétatoire pour produire la suite.

Voilà donc la représentation, si l’on veut classique, de l’engendrement [l], et voilà celle à laquelle il faut arriver [2.] [Figure IX-3], c’est-à-dire qu’il faut passer de la représentation absolu­ment horizontale, ici marquée, à une représentation verticale où l’on voit s’effectuer, par ce soi-disant signe +, l’émergence du 0 qui vient ici se fixer comme 1 et produire, par la différence de n à n’, ce que vous avez déjà reconnu comme un effet métonymique. Le 1 est donc à prendre comme le symbole ori­ginaire de l’émergence du 0 au champ de la vérité, et le signe + comme le signe de la transgression par quoi le 0 vient à être représenté par 1, représentation nécessaire à produire, comme un effet de sens, le nom d’un nombre comme suc­cesseur. Vous voyez donc que, dans une représentation logique, le schéma est comme écrasé sur lui-même, et que l’opération ici effectuée consiste à le déplier dans une dimension verticale pour faire surgir le nouveau nombre. Vous voyez donc que si le 1 constitue le support de chacun des nombres de la suite, c’est en tant qu’il est pour chacun d’eux le support du 0. Le schéma restitué vous présentifie donc la différence de la logique du signifiant à la logique logicienne.

Il doit alors vous permettre d’isoler le nombre comme effet de signification, la fonction de la métonymie comme effet du zéro. Vous comprenez alors que cette proposition suture la logique, cette proposition formulée dans le premier des cinq axiomes de Peano, proposition qui établit le zéro comme un nombre, cette proposition que le zéro est un nombre est cette proposition qui, décidé­ment, permet au niveau logique d’exister comme tel. Cette proposition que le zéro est un nombre est comme telle insoutenable et sa non validité se marque­rait assez de l’hésitation qui se perpétue de sa localisation dans la suite des nombres chez Bertrand Russell. Mais sa singularité nous est assez dénoncée ici, en ceci que ce nombre compté pour objet est assigné à un concept sous lequel n’est subsumé aucun objet, si bien que, pour le compter, il faut encore le faire supporter par le 1 minimum, afin de lui attribuer le 1 décisif de la progression.

La répétition qui se développe dans la suite des nombres se soutient de ceci que le zéro passe, selon un axe d’abord horizontal, franchissant le champ de la vérité sous la forme de son représentant comme un, et selon un axe vertical pour autant que son représentant ne tient lieu que de son absence. Si ceci vous l’avez entendu, qu’est-ce qui fait alors obstacle pour nous, au moins ici – car sans doute il serait normal que les logiciens se mettent à pousser les hauts cris – qu’est-ce qui fait obstacle pour nous, au moins ici, à reconnaître dans le zéro, en tant qu’il est fonction de l’excès, le lieu même du sujet qui n’est rien d’autre que cela, la possibilité d’un signifiant de plus ?

RAPPORT DU SUJET ET DU SIGNIFIANT.

Le rapport du sujet au champ de l’Autre, car maintenant nous jouons cartes sur table, le rapport du sujet au champ de l’Autre n’est rien que le rapport matri­ciel du zéro au champ de la vérité. Ce rapport en tant qu’il est matriciel, ne sau­rait être – je vous le rappelle, car cette proposition a été avancée par Jacques Lacan il doit y avoir trois ans, si j’en crois les notes sur son séminaire sur l’Identification – ce rapport matriciel ne saurait être intégré dans une définition de l’objectivité. Vous l’avez, j’espère, peut-être mieux compris; en tout cas cela vous a été illustré par l’engendrement du zéro à partir de la non identité à soi sous le coup de laquelle aucune chose du monde ne tombe. Et ce rapport matri­ciel – et là nous tenons une conjonction essentielle à cette logique du signifiant si souvent appelée […] – fait que la représentation du sujet auprès de l’Autre sous la forme du un du trait unaire est corrélative de son exclusion hors de ce champ. Vous savez assez que ce rapport du sujet à l’Autre, au grand Autre, fait que ce sujet doit être représenté affligé de cette barre du signifiant qui le fait fonctionner hors du champ de l’Autre, quitte à ce que, si l’on se place du côté du sujet, ce soit le grand Autre qui soit frappé de cette barre. Vous voyez donc là dans cet échange, un échange fondamental, cette logique du signifiant. La barre du grand A n’est rien d’autre que le rapport d’extériorité du sujet à l’Autre qui constitue cet Autre comme inconscient en tant que le sujet n’atteint pas l’Autre.

Maintenant, si le sujet se soutient de la suite des nombres, il n’est rien qui puisse définir, le définir dans la dimension de la conscience au niveau de la constitution et de la progression. La conscience du sujet est à situer au niveau des effets de signification régis, jusqu’à pouvoir être dits ses reflets, par la répé­tition du signifiant, répétition elle-même produite du passage du sujet comme manque.

Ces formules, j’espère qu’il est clair qu’elles peuvent, qu’elles pourraient en tout cas se déduire d’une simple avancée transgressive dans le discours de Frege. Mais s’il faut, disons, matière de preuve qui vous montre que cette fonction de l’excès supportée par le sujet, au fond, a toujours été patente, je vous citerai un passage de Dedekind32, cité par Cavaillès dans son livre La philosophie mathé­matique, où d’ailleurs il note que Dedekind retrouve ici Bolzano. Il s’agit de donner à la théorie des ensembles son théorème d’existence, il s’agit d’expliquer l’existence, ou la possibilité d’existence d’un infini dénombrable. Et quel exemple donne ici Dedekind ? Il dit: « A partir du moment qu’une proposition est vraie, je peux toujours en produire une seconde, à savoir que la première est vraie, ainsi de suite à l’infini». C’est donc ici, et à nu, que la fonction du sujet se montre comme fonction de l’excès qui reçoit dans le langage de Cavaillès le nom de fonction de la thématisation.

Lorsque le docteur Lacan substitue à la définition, met en regard, en face de la définition du signe comme ce qui représente quelque chose pour quelqu’un, la définition du signifiant comme ce qui représente le sujet pour un autre signi­fiant, ce qui, ici, veut se réaliser, c’est l’exclusion de toute référence à la conscience pour autant que la chaîne signifiante est concernée. Dans cette chaine signifiante, il est en effet nécessaire d’y insérer le sujet, mais cette insertion inévitablement le rejette à l’extérieur de cette chaîne. Ce qui fait que l’émergen­ce du sujet, son insertion comme on dit, ou sa représentation, est nécessaire­ment corrélative de son évanouissement. Et nous tenons là encore un rapport fondamental de la logique du signifiant.

Maintenant nous pourrions essayer de représenter des engendrements si ori­ginaux dans le temps, comme il serait, au fond, naturel de le faire, et le temps, où au moins sa représentation linéaire, comprenez bien qu’ils sont sous la dépendance de cette chaîne. Et donc que ce temps qui serait nécessaire à repré­senter cet engendrement ne peut pas être linéaire puisque il va produire au contraire, la linéarité de la suite. Alors, si l’on veut, on peut dire, et le docteur Lacan a tenu ces deux propositions ensemble, le premier accent était mis, je crois dans le séminaire sur L’Identification, sur ce point que le sujet est à l’ori­gine du signifiant, et il a pu être mis ailleurs, je pense dans le séminaire sur L’Angoisse 89,au contraire, que l’origine du sujet, tient en ceci qu’il est exclu du signifiant qui le détermine. Autrement dit, le sujet est à l’origine du signifiant; la naissance du sujet doit être rapportée à l’antériorité du signifiant. On n’a pas à s’étonner ici d’apercevoir un effet de rétroaction; la rétroaction, c’est essen­tiellement ceci, ce moment d’engendrement d’un temps qui pourra enfin être linéaire et dans lequel, peut-être, on pourra vivre.

Garder simplement ces propositions, j’ai trouvé, bien sûr ici et là dans le dis­cours de Jacques Lacan, les deux propositions qu’il faut garder ensemble, tenir fermes : le sujet est l’effet du signifiant, le signifiant est le représentant du sujet. Voilà, c’est là, ici, que se tient le temps circulaire.

Vous voyez que, à partir d’un discours simplement logique, on peut rigou­reusement en déduire cette structure du sujet dans son rapport au signifiant telle que, avec la plus grande simplicité, le docteur Lacan l’a martelée, structu­re en équilibre de ce qui apparaît pour disparaître. Ouverture ou fermeture du nombre, on découvre un zéro dans le nombre, il y a un un pour s’abolir dans le nombre qui se referme. Et là vous comprenez pourquoi on trouve toujours un de plus que ce qu’on avait dit, et que ce manque aussi est que ce un de plus devient, bien sûr, quand on passe dans le réel, un manque. C’est là l’histoire qu’il vous a été souvent narrée, quand le docteur avait le goût à la blague, cette histoire de ces naufragés qui se comptent dans une île et qui se trouvent tou­jours un de plus.

Jacques Lacan – C’est Shackleton [Sir Shackleton, L’Odyssée de l’Endurance 143,Paris éd. Phébus, 1988] qui le rapporte dans une exploration de l’Antarctique. Ils vivent dans des conditions très très spéciales, un petit groupe isolé. Ils se trouvent toujours à la fois un de plus et du même coup avec un qui manque.

Jacques-Alain Miller – Donc ce signe + que nous avons transformé, nous comprenons qu’il n’est pas l’addition, qu’il est plus essentiellement la somma­tion. Dans ce pseudo + est le sujet qui est sommé de comparaître au champ de l’Autre, et qui ne comparaît jamais en personne. Voilà donc la dimension fon­damentale d’un appel et d’un rejet, appel et rejet qui structurent la division du sujet, et c’est là, vous le savez depuis la fin de l’année dernière, qu’est située l’aliénation.

QUESTIONS A MADAME P AULAGNIER.

Je n’ai guère le temps, et de toute façon guère la compétence de parler de cet article, de cet exposé dont je voulais parler, et à propos duquel je voulais poser quelques questions en relation avec la logique du signifiant, mais enfin je vais essayer de le faire très rapidement; le temps, au fond, ici me rend service, puis­qu’il me permet de ne pas avoir à m’avancer trop avant dans ce terrain que je connais mal. Je parle de l’article publié dans le tome VIII de La Psychanalyse sous le titre K Remarques sur la structure psychotique, I. Ego spéculaire, corps phantasmé et objet partiel »ll, par Madame Piera Aulagnier. J’y relèverai donc très rapidement ces points, que l’aliénation ici m’y paraît constituée dans une référence primordiale à la conscience et qu’on touche peut-être par là – j’espè­re que Madame Aulagnier ne m’en voudra pas – à une certaine déviation lagachienne du lacanisme puisque l’aliénation, au lieu d’être rapportée à la division, ne saurait trouver sa référence dernière que dans ce qui ici s’appelle des réponses, des reconnaissances, enfin la prise de conscience.

Il me semble ensuite qu’une phrase de cet article pourrait permettre de croi­re que l’Autre n’y est pas ici conçu essentiellement d’abord comme un champ, cette phrase qui dit

«Le discours, en ce début aliénant par définition, ce mal-entendu initial et originel est ce qui témoigne de l’insertion de celui qui est le lieu de la parole dans une chaîne signifiante, condition préalable à toute possibili­té pour le sujet de pouvoir, à son tour, s’y insérer. »

Ce terme d’insertion, ensuite, me semble trop commode en ce qu’il permet de négliger la dimension, justement, de l’évanouissement du sujet, en ce qu’il est, en un certain point, affligé de l’adjectif mauvaise, tenir beaucoup trop des interprétations culturalistes; c’est ce qu’on appelle ici l’entrée dans les défilés du signifiant. Enfin – et là je ne peux que l’indiquer parce que, disons, je n’ai pas assez travaillé – ce que Madame Piera Aulagnier essaie d’articuler sur la castration en tant que le grand Autre en serait l’agent, et le sujet le lieu, ne me paraît pas possible à développer sans la référence au trait unaire, ce qui se mar­querait peut-être de cette phrase

Ce qu’il faut ajouter c’est que ce qui se reflète dans le miroir en tant qu’ego spéculaire ferme à tout jamais au psychotique toute possibilité et toute voie à l’identification.

La conclusion de ce mécanisme essentiel, comme dit, il me semble, très bien, Madame Piera Aulagnier, cette forclusion, comment serait-elle concevable sans ce rapport à ce -φ corrélatif essentiellement du S en tant que ce qui se diminue ici se barre là? Ce corps phantasmé, ce corps que le psychotique voit dans le miroir, n’est-ce pas qu’il lui manque en définitive cette unification que seule pourrait lui assurer la distinction du trait? N’est-ce pas donc ce qui manque ici c’est la subordination, qu’au début nous avons dite essentielle, de la fonction de l’unité unifiante à la fonction de l’unité distinctive et donc la fonction du trait unaire comme cœur, racine de cette castration? Encore une fois je crois avoir trop peu travaillé pour en dire ici plus long parce que, effectivement, je n’en sais pas plus.

Ce qui par contre me semble, et m’a paru tout à fait compatible et articulé selon les règles de la logique du signifiant, c’est ici le point, rappelé par le doc­teur Lacan au début de cet exposé, qui est l’objet a où il est bien dit, dans cet article, qu’il a pour point tournant de sa constitution le phallus. Il est clair que la fonction du nombre peut être rapportée à cette fonction du a comme effet de métonymie qui abolit le sujet en obturant sa place, de ce que le sujet se trouve identifié à lui. Car enfin, si j’ose dire quelques mots plus en rapport avec l’ana­lyse, et encore sans doute ici d’un point de vue tout à fait formel, je dirai que ce que marque la métonymie de cet objet a, comme la fonction du nombre, c’est que l’infinitude du désir est une pseudo-infinitude, c’est-à-dire qu’elle est une infinitude dénombrable en ce qu’elle n’est qu’une métonymie telle qu’elle appa­raît sous la forme de la récurrence dans la théorie du nombre entier.

Le désir – et ici vous voyez à quel point les catégories articulées dans cette logique peuvent servir dans l’algèbre analytique – cette infinitude, est à conce­voir comme la loi du passage du zéro en tant qu’il abandonne, comme fait celui qu’on appelle le malin, sa trace. En quoi vous voyez qu’il n’est pas si malin, puisqu’on peut le suivre à la trace. Encore faut-il chausser les lunettes vertes de l’analyste pour lui emboîter le pas. Le pas du zéro, c’est le un dans sa fonction de répétition.

J’aurais voulu dire un mot de ce que cette logique du signifiant pouvait nous apprendre dans le discours, parfois apparemment si conjoint à celui du docteur Lacan, de Claude Lévi-Strauss. Je dirai – c’est un peu peut-être elliptique et un peu peut-être cavalier, je m’en excuse – que c’est faute de discerner, dans l’ar­ticulation de la combinatoire et dans le mouvement de ses variations, le passa­ge du zéro que s’exprime pour lui la nécessité d’une référence extérieure à la combinatoire telle que la trouve Lévi-Strauss, retournant en cela au plus primi­tif des matérialismes du XVIIIe dans la structure du cerveau. Ce retour nous est épargné par ce que nous savons de l’implication du sujet dans la structure, et non pas de sa position à l’extérieur, de cette implication du sujet dans la struc­ture, en tant que cette implication y fonctionne comme intimation par la som­mation que le signifiant y fait du sujet.

Je vais terminer par où j’avais un moment pensé commencer, qui était de vous dire le rapport que cet exposé entretenait expressément, exactement avec le début de ce que le docteur Lacan a expliqué cette année. Quelqu’un s’était une fois étonné que le séminaire de cette année ne s’appelât point, Les positions subjectives, comme il avait été dit l’an dernier. Or c’est bien d’une certaine façon des positions subjectives qu’il s’est agi cette année, qu’il continue de s’agir ici et que peut-être, sans doute, il continuera de s’agir.

Ce que le docteur Lacan nous a expliqué surtout au début de cette année, ce qu’il s’est essayé de faire, c’était de situer dans une topologie unique les rap­ports qu’entretiennent dans l’espace du langage les circonscriptions du champ logique, du champ linguistique et du champ analytique. Il a essayé de donner le principe des partitions opérées selon leur pertinence particulière par les trois discours de la logique, de la linguistique, de la psychanalyse dans l’espace du langage. La pertinence pour chacun de ces trois discours – et on voit en quoi ici la psychanalyse peut donner le principe d’une nouvelle classification – la pertinence pour chacun de ces discours, la position, c’est la position où se sou­tient le sujet par rapport au représenté qui le produit, l’institue. Ce qui peut, ce qui doit même se dire ainsi : « le principe de la variation des pertinences est la variation des positions du sujet ».

L’ensemble de ce que j’ai dit ici n’a de valeur que de fiction. C’est justement parce que cela n’a de valeur que de fiction qu’on peut imaginer d’en exporter certains des termes ailleurs. En quoi consiste essentiellement un travail sur des concepts ? A la réduire, cette logique, à

1 – l’action du signifiant comme ce que le sujet ne peut pas atteindre sinon à être représenté et

2 – à la possibilité pourtant du signifié.

Cette action du signifiant et cette possibilité du signifié, elle nous semble, je le dis par parenthèses, caractériser cette inversion que Marx met au principe de l’idéologie. Maintenant, il se peut qu’on n’accepte pas seulement que ceci soit une fiction. A ceux qui ne l’accepteraient pas, je dirai alors mieux, pour les com­bler plus complètement, je dirai qu’il s’est agi ici d’une farce dont j’ai peut-être été la marionnette, mais qu’à ceux qui veulent que ç’ait été une farce, ils soient bien persuadés qu’ils en ont été les dindons.

Jacques Lacan – Après cet exposé extrêmement plein, comme je pense le marque suffisamment l’attention qu’il a recueillie, je vais hélas, simplement pour la forme, vue l’heure avancée, demander si quelqu’un ne pourrait pas apporter le complément d’une question qui lui aurait été suggérée comme tout à fait spécialement urgente.

Est-ce que Piera Aulagnier, Piera Aulagnier qui, bien entendu ayant été mise sur la sellette d’une façon, je dois dire, aussi flatteuse, peut bien penser que nous n’allons pas en rester là et que, comme nous avons encore d’autres textes de Piera Aulagnier, publiés ou pas publiés, et un récemment produit en public, j’aurai l’occasion de m’y référer dans toute la mesure où cet exposé radical, cet exposé noyau concernant la fonction du zéro et du un, vous verrez qu’il est le pivot absolument essentiel moyennant quoi nous pourrons étager, reprendre des questions qui, je m’en suis aperçu au cours de cette période que, disons le mot, d’isolement que j’ai voulu prendre récemment – de reprendre dis-je, dans leur ordre où je me suis aperçu qu’elles avaient été bien énoncées dans un ordre qui, assurément, à tous ceux qui se rapporteraient au texte de mes sémi­naires des années passées, apparaîtrait tout à fait rigoureux, je dois dire. Je dois m’attribuer ce bon point parfaitement didactique de reprendre, dans leur ordre, tout ce dont j’ai montré la conséquence, au niveau respectif de la posi­tion de la demande et du désir d’abord, et d’une distinction tout à fait fonda­mentale que j’ai faite, et à propos desquels se sont produits autour de moi, et pas seulement dans l’article de Piera Aulagnier, certains glissements, presque obligés mais qu’il s’agit toujours de redresser, concernant la distinction des fonctions que j’ai dites opposées comme étant respectivement de la privation, de la frustration, de la castration, qui sont tellement essentielles à distinguer pour remettre en place toute la théorie que nous donnons de la cure dans sa forme la plus concrète.

Je pense que ce qui vous a été apporté aujourd’hui, qui sera ronéotypé et mis à votre disposition dans les mêmes conditions, c’est-à-dire sans engage­ment, si l’on peut dire, de votre part à y intervenir immédiatement, dans les mêmes conditions que le discours de Duroux la dernière fois, je pense qu’il ne pouvait attendre de meilleure base de départ à la suite de ce que je vais vous développer maintenant pendant le mois de mars et auquel alors pourra être apporté peut-être, d’abord d’une façon qui nous laissera le temps de le faire, nous aurons deux séances fermées à la fin du mois de mars, et d’une façon aussi qui sera diversifiée par les divers rejets que j’aurai eu le temps de reprendre d’ici la fin.

Je repose donc ma question : est-ce qu’il y a quelqu’un qui veut poser une question urgente ?

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