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Recherches Lacan

LXI LES QUATRE CONCEPTS FONDAMENTAUX DE LA PSYCHANALYSE 1964 Leçon du 10 juin 1964

Leçon du 10 juin 1964

Le but de mon enseignement a été et reste de former des analystes.

La formation des analystes est un sujet qui est à l’ordre du jour de la recherche analytique. Néanmoins il est clair, et je vous en ai déjà donné des témoignages, tout au moins indiqué l’endroit dans la littérature ana­lytique où vous pouvez les trouver, que les principes s’en dérobent.

Il est clair, dans l’expérience, [de] tous ceux qui ont passé par cette for­mation, qu’à l’insuffisance des critères se substitue, à beaucoup d’étapes de cette formation, quelque chose qui est de l’ordre de la cérémonie, ce qui, pour ce dont il s’agit, ne peut se traduire que d’une façon: la simu­lation.

Car il n’y a pour le psychanalyste, aucun au-delà, aucun au-delà sub­stantiel à quoi pourrait se rapporter ce en quoi il se sent fondé à exercer sa fonction.

Ce qu’il obtient, pourtant, est d’un prix inexprimable. Ce qu’il obtient, à savoir, je vous l’articulerai aujourd’hui, la confiance d’un sujet en tant que tel; et les résultats que ceci par les voies d’une certaine tech­nique, comporte. Ceci est ce qui doit nous arrêter car le psychanalyste ne se présente pas comme un Dieu, il n’est pas Dieu pour son patient. Que signifie cette confiance, confiance d’ailleurs dont nous allons montrer les articulations, que signifie cette confiance, autour de quoi tourne-t-elle?

Sans doute, pour celui qui s’y fie, qui en reçoit la récompense, la question peut être élidée. Elle ne peut pas l’être pour le psychanalyste, la formation du psychanalyste exige qu’il sache, dans ce procès où il conduit son patient, autour de quoi le mouvement tourne. Lui doit savoir, à lui doit être transmis, et dans une expérience, ce dont quoi il retourne. Ce point, ce point-pivot, c’est ce que je désigne d’une façon qui, je le pense, vous apparaît déjà suffisamment motivée mais qui, j’es­père, à mesure de notre progrès, vous apparaîtra de plus en plus claire, de plus en plus nécessaire, c’est ce que je désigne sous le nom : le désir du psychanalyste.

J e vous ai montré, la dernière fois, cette place où se situe la démarche cartésienne, cette place par où s’est une fois désengrenée une démarche, une démarche qui, dans son origine et dans sa fin, ne va pas essentielle­ment vers la science mais vers sa propre certitude, et qui est au principe de ce qui n’est pas la Science au sens où depuis Platon, et avant, elle a fait l’objet de la méditation des philosophes, mais La science, l’accent étant mis sur ce ‘la’ et non pas sur le mot science. On savait déjà ce qu’il en était des conditions de la science, mais celle dans laquelle nous sommes pris, qui forme le contexte de notre action à tous, dans le temps que nous vivons, et à laquelle ne peut pas échapper le psychanalyste lui-même, parce qu’elle fait, à lui aussi, partie de ses conditions, cette science c’est la sienne, celle-là.

C’est par rapport à celle-là que nous avons à situer la psychanalyse —nous ne le pouvons faire que par l’articulation de cette démarche pre­mière, la démarche cartésienne en tant qu’elle fonde le sujet — et à la place du sujet cartésien, que nous avons affaire à ce phénomène décou­vert, de l’inconscient, qui ne peut s’articuler que par la révision que nous avons faite du fondement du sujet cartésien et de ce qu’il comporte de fécond.

J’irai d’abord aujourd’hui à la phénoménologie de ce transfert.

Le transfert est un phénomène où sont inclus ensemble le sujet et le psychanalyste. Le diviser dans les termes de ‘transfert’ et de ‘contre-transfert’, quelle que soit la hardiesse, quelle que soit la désinvolture des propos qu’on se permet sur ce thème, ce n’est jamais qu’une façon d’élu­der ce dont il s’agit.

Le transfert est un phénomène essentiel, lié au désir comme phéno­mène nodal de l’être humain, qui a été découvert avant Freud. Il a été parfaitement articulé — j’ai employé une grande partie d’une année consacrée au transfert à le démontrer sur un texte, nommément Le Banquet de Platon, il a été articulé avec la plus extrême rigueur dans ce texte où il est débattu de l’amour.

Il a pu être fait, ce texte, pour sa relation au personnage de Socrate, qui s’y montre pourtant particulièrement discret, et autour de ce texte, se désigne qu’un autre moment essentiel, initial, est celui auquel la question que nous avons à nous poser, de l’action de l’analyste, doit se reporter, c’est [que] Socrate, et déjà j’indique la visée du chemin que je veux aujourd’hui vous faire parcourir en disant que Socrate n’a jamais pré­tendu rien savoir, sinon savoir ce qu’il en est de l’Eros, ce qui veut dire le désir.

Ce seul fait et parce que Socrate, et, parce que dans Le Banquet, Platon, en quelque sorte, va plus loin qu’en aucun de ses dialogues, à nous indiquer la signification fondamentale de comédie (et pousser la chose jusqu’au mime) que constituent ces dialogues, à cause de cela, il n’a pu faire que de nous indiquer de la façon la plus précise, dans Le Banquet, la place du transfert.

Dès qu’il y a, quelque part, le sujet supposé savoir, ce que je vous ai écrit aujourd’hui au haut du tableau par S. s. S., il y a transfert.

Qu’est-ce que signifie l’ordre, l’organisation des psychanalystes, avec ce qu’il confère de certificats de capacités, sinon d’indiquer à qui l’on peut s’adresser pour représenter ce sujet?

Or, il est bien sûr! [à] la connaissance de tous, qu’aucun psychanalys­te ne peut prétendre représenter, de façon si mince soit-elle, un savoir absolu.

C’est pourquoi, en un sens, on peut dire que celui-là à qui l’on peut s’adresser, il ne saurait y en avoir, s’il y en a, qu’un, qu’un seul. Cet un seul, fut même, un temps, vivant : c’était Freud. Et le fait que Freud, concernant ce qu’il en est de l’inconscient était légitimement le sujet qu’on pouvait supposer savoir, spécifie, met à part tout ce qu’il en fut de la rela­tion analytique, quand elle a été engagée par ses patients avec lui-même.

A ceci [près qu’] il ne fut pas seulement le sujet supposé savoir, et qu’il nous a donné, en des termes que l’on peut dire indestructibles pour autant que depuis qu’ils furent émis, ils supportent une interrogation qui, jusqu’à présent, n’a jamais été épuisée.

Il n’a pu se faire de progrès, si petit que ce progrès se soit manifesté, le travail des sociétés dites scientifiques en analyse, que ce progrès n’a pu ne pas dévier chaque fois [que] fut négligé un des termes autour desquels Freud a ordonné les voies qu’il a tracées et les chemins de l’inconscient. Ceci nous montre assez ce qu’il en est, de la fonction du sujet supposé savoir.

La fonction et si je puis dire, du même coup, sa conséquence, le pres­tige de Freud, sont à l’horizon de toute position de l’analyste, elles constituent même le drame de ce qu’on appelle l’organisation commu­nautaire des psychanalystes.

De ce ‘sujet supposé savoir’, qu’il soit Freud ou réduit à ce terme, à cette fonction, peu peuvent se sentir pleinement investis. Mais là n’est pas la question. Et la question d’abord de chaque sujet, d’où il se repère, pour s’adresser au sujet supposé savoir, il est clair que chaque fois que cette fonction peut pour lui être incarnée dans qui que ce soit, analyste ou pas, il résulte de la définition que je viens de vous donner que le transfert est, d’ores et déjà, fondé. Si les choses vont au point que ceci, chez le patient, soit déjà pour quiconque, de nommable, pour une figu­re à lui accessible, suffisamment déterminé, il en résultera, pour qui­conque se chargera de lui en analyse, une difficulté toute spéciale concer­nant la mise en question dans l’analyse, du transfert. Et il arrive que même ce qu’il peut y avoir de plus borné dans ses vues au niveau des analystes, que même l’analyste le plus bête (je ne sais pas si ce terme extrême existe, c’est une fonction ici que je ne désigne qu’à la façon dont on désigne, en mathématiques, cette sorte de nombre mythique, par exemple, le plus grand nombre qui puisse s’exprimer en tant de mots), même l’analyste le plus bête s’en aperçoit, le reconnaît, et dirige l’analy­sé vers ce qui reste pour lui le sujet supposé savoir. Ceci n’est qu’un détail et presque une anecdote.

Entrons maintenant dans l’examen de ce dont il s’agit. L’analyste, vous ai-je dit, tient cette place pour autant qu’il est l’objet du transfert. Et cette place, l’expérience nous prouve que le sujet, quand il entre dans l’analyse, est loin de la lui donner.

Laissons pour l’instant, un instant seulement, l’hypothèse, l’hypothèse cartésienne que le psychanalyste soit trompeur. Elle n’est pas absolument à exclure du contexte, je dis, phénoménologique, de certaines entrées en analyse. Ceci n’est pas pour l’instant ce qui est le plus à retenir.

La psychanalyse nous montre que ce qui limite (surtout dans la phase de départ) le plus la confidence, l’abandon à la règle analytique chez le patient, c’est la menace, disons, pour ne pas trop accentuer les choses dans le sens subjectif, dans le sens de la crainte, que le psychanalyste soit, par lui, le patient, trompé.

Combien de fois dans notre expérience arrive-t-il que nous ne sachions que très tard, un détail biographique gros comme ça! Et pour me faire entendre, je dirai par exemple l’aveu par le sujet qu’à tel moment de sa vie, il a attrapé la vérole, un exemple simple, pas très fré­quemment rencontré ni très particulièrement illustratif. « Et pourquoi ne me l’avez-vous pas dit plus tôt ? » pourra-t-on poser la question si l’on est, encore, pour la poser, assez naïf. « Très exactement, vous dira l’analysé, pour ne pas vous tromper, car si je vous l’avais dit plus tôt, vous y auriez pu attribuer une partie au moins, voire le fond de mes troubles. Or si je suis ici, ça n’est pas pour que vous donniez à mes troubles, une cause organique».

Ceci est une illustration, un exemple de la portée assurément illimitée et qu’il y a bien des façons de prendre sous l’angle des préjugés sociaux du débat scientifique, de la confusion qui reste autour du principe même de l’analyse. Je ne le donne ici que pour illustration à ceci que le patient peut penser que l’analyste peut être trompé si on lui donne certains élé­ments, il y a des éléments qu’il retient, pour que l’analyste n’aille pas trop vite. Il faudrait assurément (ce n’est pas l’exemple le meilleur, je pourrais vous l’incarner dans d’autres exemples), dans une partie de son texte, dans une partie, comme on dit, ‘de ses problèmes’ que le patient se donne, disons, au moins le prétexte d’en retenir le thème un certain temps, que l’analyste ne se précipite pas dans son jugement.

Combien plus celui qui peut être trompé devrait-il pouvoir être sous le soupçon, de pouvoir, tout simplement, se tromper! Or, c’est bien là la limite, autour de ce ‘tromper’, de ce ‘se tromper’ que gît la bascule, la balance de ce point subtil, de ce point infinitésimal que j’entends mar­quer. Comment se fait-il, sur quel point pouvons-nous articuler ce que nous voyons dans l’analyse de la façon la plus manifeste? C’est que, même étant admis que l’analyste puisse être trompé, et je dirais, même l’analyse, chez certains sujets, étant mise en question au départ de l’ana­lyse elle-même, je veux dire étant supposé qu’après tout elle puisse n’être qu’une sorte de leurre, pour mieux encore accentuer ce que je veux faire entendre et ce que nous disent les patients, autour de ce ‘se tromper’, quelque chose s’arrête ; même au psychanalyste mis en question, il est fait ce crédit d’une certaine infaillibilité quelque part qui, même à l’ana­lyste mis en question, fera attribuer quelquefois à propos d’un geste de hasard, des intentions : «Vous l’avez fait pour me mettre à l’épreuve».

Ici, je veux essayer de centrer votre attention (et, je vous le répète, appeler sur le terrain du phénomène) sur ce de quoi il s’agit.

Depuis la discussion socratique, il a été introduit ce thème que la reconnaissance des conditions du bien pour l’homme aurait en soi quelque chose qui s’impose, qui soit irrésistible. C’est le paradoxe de l’enseignement, sinon de Socrate (qu’en savons-nous, sinon par la comé­die platonicienne ?), mais je ne dirais même pas de Platon (car Platon se développe dans le terrain du dialogue, et du dialogue comique, et laisse ouvertes toutes les questions) mais dans une certaine exploitation du platonisme dont on peut dire qu’elle se perpétue au [mi]lieu d’une déri­sion générale, car à la vérité qui ne sait que la reconnaissance la plus par­faite des conditions du bien, n’empêchera quiconque de se ruer dans son contraire!

De quoi s’agit-il donc, dans cette confiance faite à l’analyste? Quel crédit pouvons-nous lui faire, ce bien, de le vouloir, de le vouloir pour un autre qui plus est! Et pourtant nous ne doutons pas que là où se situe notre point de rencontre, il ne puisse être que d’assumer ce dont il s’agit.

J e m’explique. Qui ne sait, d’expérience, qu’on peut ne pas vouloir jouir? Qui ne le sait d’expérience pour ce recul qu’impose à chacun, en ce qu’elle comporte d’atroces promesses, l’approche de la jouissance comme telle? Qui ne sait qu’on peut ne pas vouloir penser? Il y a là, pour nous en témoigner, tout le collège universel des professeurs…

Mais qu’est-ce que peut vouloir dire ‘ne pas vouloir désirer’ ? Toute l’expérience analytique, qui ici ne fait que donner forme [à] ce qui est pour chacun à la racine même de son expérience, nous témoigne que ne pas vouloir désirer et désirer, c’est la même chose. Que le désir même, comporte en lui cette phase de défense, qui le rend identique, parce que […] ne pas vouloir, car il fait autre chose que ‘ne pas vouloir désirer’, et ‘vouloir ne pas désirer’. Discipline à quoi se sont employés, comme issue précisément aux impasses de l’interrogation socratique, des gens qui ne furent pas seulement des philosophes, mais des espèces de religieux à leur manière, les stoïciens, les épicuriens par exemple. Le sujet sait que ce ‘ne pas vouloir désirer’, en soi, a quelque chose d’aussi irré­futable que cette bande de Moebius qui n’a pas d’envers, à savoir qu’à la parcourir, on reviendra mathématiquement à la surface qui serait sup­posé la doubler.

C’est parce que c’est en ce point de rendez-vous que l’analyste est attendu, que nous pouvons dire que là, sur le sujet du désir, c’est en tant que l’analyste est supposé savoir qu’il est supposé aussi, également nécessité, que celui, qu’il le sache ou non, qu’il sache ou non le formuler ce E…], part à la rencontre du désir inconscient.

C’est pourquoi je dis, et je vous l’illustrerai par un petit dessin topo­logique qui a déjà été au tableau, je le reproduirai la prochaine fois, que le désir est l’axe, le pivot, le manche, le marteau si on peut dire, grâce à quoi s’applique cet élément force, cette inertie qu’il y a derrière ce qui va d’abord dans le discours du patient se formuler en demande, et ce qui lui donne son véritable poids, à savoir — ce qui n’est pas pareil — le trans­fert. L’axe, le point commun de cette double hache, c’est le désir de l’ana­lyste que je désigne ici comme une place, comme une fonction, comme une articulation essentielle. Qu’on ne me dise pas que ce désir, je ne le nomme pas, je ne l’articule pas, car c’est précisément d’abord ce point qui n’est articulable que du rapport du désir au désir.

Or ce rapport est interne, le désir de l’homme, c’est le désir de l’Autre. Et est-ce qu’il n’y a pas, ici reproduit, cet élément d’aliénation que je vous ai désigné comme essentiel dans le fondement du sujet comme tel, à savoir qu’assurément ce n’est qu’au niveau du désir de l’Autre que l’homme peut reconnaître son désir, et qu’assurément, en tant que désir de l’Autre? Est-ce qu’il n’y a pas là quelque chose qui doit lui paraître en quelque sorte l’obstacle, à ce point d’évanouissement où jamais son désir ne pourra se reconnaître? Mais justement, c’est ce qui n’est ni sou­levé ni à soulever, car l’expérience analytique nous montre que c’est à voir jouer toute une chaîne au niveau du désir de l’Autre que le désir du sujet se constitue.

Quelque chose est donc conservé ici de l’aliénation, mais non pas avec les mêmes éléments, non pas avec ce S1 et ce S2 du premier couple de signifiants d’où j’ai déduit toute la formule de l’aliénation du sujet dans mon avant-dernier cours, mais ailleurs, entre quelque chose qui s’est constitué du refoulement originaire, de ce que j’ai appelé la chute, l’Unterdrückung, du deuxième S2, du couple premier binaire des signi­fiants, et cette place de manque, cette place qui apparaît d’abord comme manque, dans ce qui est signifié par le couple dans l’intervalle qui les lie et qui s’appelle le désir de l’Autre.

Faut-il, pour ceux à qui les mots ne suffisent pas, que je désigne qu’il y a une différence entre ce qui se passe de là à là ou ce qui se passe d’ici à là? Je l’ai d’ailleurs, il me semble, déjà suffisamment indiqué dans ce que j’ai émis précédemment.

Ce doit m’être ici au passage, l’occasion de repointer, de réarticuler, un certain nombre de formules tout à fait essentielles pour vous à conserver, comme en quelque sorte, points-terme, points d’accrochage, faute desquels on ne peut, sur tous ces termes, que glisser notre pensée.

La fonction initiante, inaugurale quant à la constitution de cette divi­sion du sujet où j’accentue l’essence de l’aliénation, n’est pas liée par hasard, par un hasard de simple besoin d’illustrer, à la fonction du couple des signifiants, ce n’est pas une façon plus simple de vous présenter les choses. Mais il est essentiellement différent qu’il y en ait deux ou qu’il y en ait trois.

Si nous voulons saisir où est la fonction du sujet dans cette articula­tion signifiante, nous devons opérer avec deux, parce qu’il n’y a qu’avec deux qu’il est, si je puis dire, coinçable dans l’aliénation. Dès qu’il y en a trois, le glissement devient circulaire : passé du deuxième au troisième, il revient au premier, mais non pas au deuxième. L’effet d’aphanisis qui se produit sous l’un des deux signifiants est lié à ceci que ce en quoi se définit, disons pour employer le langage de la mathématique moderne, un ensemble de signifiants, c’est que c’est un ensemble tel que si nous le réduisons à deux (il n’en ‘existe’ comme on dit dans la théorie avec un grand E inversé ($), $ pour la notation, il n’en existe que deux) le phé­nomène de l’aliénation se produit, à savoir que le signifiant est ce qui représente le sujet pour l’autre signifiant. D’où il résulte qu’au niveau de l’autre signifiant — si l’autre signifiant est au niveau d’un autre — le sujet s’évanouit.

C’est pourquoi aussi j’ai éprouvé aujourd’hui, et ceci en raison de la relecture que j’ai faite du travail d’un de mes élèves auquel j’ai fait allu­sion la dernière fois… Je vous ai indiqué l’erreur qu’il y a dans une certaine traduction de ce Vorstellungsrepräsentanz qui est le signifiant S2 du couple. Il faut ici articuler ce dont il s’agit et ce qui, dans ce texte dont je parle, a été pressenti mais exprimé à côté et d’une façon qui prête à l’erreur, pour précisément y omettre le caractère fondamental de la fonction du sujet dans cette articulation. Il y est parlé sans cesse du rapport du signifiant et du signifié, ce qui est là se tenir dans ce que j’appellerai le B A BA de la question, ce qu’il a bien fallu, en effet, qu’un jour je mette au tableau noir pour montrer de quoi je partais, quel appui je prenais dans quelque chose qui avait été formulé à la raci­ne du développement saussurien — mais ce dont, tout de suite, j’ai montré que ce n’était efficace et maniable qu’à y inclure la fonction du sujet au stade originel. Il ne s’agit pas simplement de dire, cette chose est vraiment à la portée de la plus mince expérience, que de réduire la fonction du signifiant au signifié, à la nomination, à savoir une éti­quette collée sur une chose, c’est laisser échapper toute l’essence du langage. Je dois dire que ce texte, dont j’ai dit la dernière fois qu’il fai­sait preuve d’infatuation, fait preuve aussi d’ignorance crasse, en lais­sant entendre que c’est de cela qu’il s’agit, au niveau de l’expérience pavlovienne!

Même, un instant dans les idées de Pavlov, ce que Pavlov ‘désire’, pour l’appeler du terme dont nous venons désigner ici la fonction dont il s’agit, il le sait (et le sait-il lui-même ?) mais assurément, s’il y a quelque chose qui puisse se situer au niveau de l’expérience du réflexe condi­tionné, ça n’est assurément pas d’associer un signe à une chose.

Comme je vous l’ai dit la dernière fois, c’est proprement, que Pavlov le reconnaisse ou non, associer un signifiant qui est caractéristique de toute condition d’expérience, en tant qu’elle est d’expérience instituée avec en effet quelque chose que j’ai appelé la coupure qu’on peut faire dans l’organisation organique d’un besoin, ce quelque chose qui se désigne par une manifestation au niveau d’un cycle de besoins interrom­pus et que désigne, au niveau de l’expérience pavlovienne, ce que nous retrouvons ici comme étant la coupure du désir. Et comme on dit « voilà pourquoi votre fille est muette !», c’est pourquoi l’animal n’apprendra jamais à parler, — au moins par cette voie, parce qu’évidemment, il est d’un temps en retard. Ceci peut provoquer en lui toutes sortes de désordres, toutes sortes de troubles, mais il n’est [pas] prédestiné, il n’est pas appelé, n’étant pas jusqu’à présent un être parlant, à mettre en ques­tion le désir de l’expérimentateur qui, aussi bien, si on l’interrogeait lui-même, serait bien embarrassé pour répondre…

Il n’en reste pas moins qu’à l’articuler ainsi, cette expérience a l’inté­rêt en effet essentiel de nous permettre de situer, comme je l’ai fait la der­nière fois en réponse aux questions qui m’ont été posées, de situer ce qui [est], à proprement parler, à concevoir de l’effet psychosomatique.

Ceci peut aller infiniment plus loin, de façon de formuler ainsi la for­mule à quatre termes qui est ici représentée en bas, je pense que vous la reconnaissez, malgré sa complication d’aujourd’hui, qui se justifie par ce que je vais vous dire maintenant. C’est que c’est pré­cisément dans la mesure où il n’y a pas l’intervalle entre S1 et S2, où le pre­mier couple de signifiants se solidifie, ‘s’holophrase’ si je puis m’exprimer ainsi, que nous avons le modèle de toute une série de cas qui peuvent l’illustrer, encore que dans chacun le sujet n’y occupera pas la même place.

C’est pour autant, par exemple, que l’enfant, l’enfant débile sur lequel notre collègue Maud Mannoni vient de sortir un livre dont je vous conseille à tous la lecture, prend la place en bas et à droite de ce S, au regard de ce quelque chose à quoi la mère le réduit à n’être plus que le support de son désir dans un terme le plus obscur, que s’introduit dans la manœuvre de l’éducation du débile, cette dimension psychotique —précisément ce que le livre de Maud Mannoni essaie de désigner à ceux qui d’une façon quelconque peuvent être commis à en lever l’hypo­thèque.

De même, c’est assurément quelque chose du même ordre dont il s’agit dans la psychose. Cette solidité, cette prise en masse, de la chaîne signifiante primitive, c’est ce qui interdit cette ouverture dialectique qui se manifeste dans le phénomène de la croyance. Au fond de la paranoïa, de la paranoïa elle-même qui nous paraît pourtant toute animée de croyance, au fond règne ce phénomène de l’Unglauben qui n’est pas le ‘n’y pas croire’, mais l’absence d’un des termes de la croyance, de cet endroit où se désigne la division du sujet. S’il n’est pas en effet de croyance qui soit, si l’on peut dire, pleine et entière, c’est même qu’il n’est pas de croyance qui ne suppose dans son fond que la dimension dernière qu’elle a à révéler est strictement corrélative du moment où c est son sens qui va s’évanouir.

Toutes sortes d’expériences sont là pour en témoigner, dont l’une d’entre elles, un jour, me fut donnée très humoristiquement à propos d’une mésaventure de Casanova, par Mannoni, ici présent, et qui [fait] là-dessus des considérations, à la fois les plus amusantes et les plus démonstratives. Car c’est au terme d’une mystification qui réussit au point d’émouvoir les forces célestes, de déchaîner autour de lui un orage qui, à la vérité, le terrifie, que le personnage, qui jusque-là a pour­suivi l’aventure la plus cynique avec une petite oie qui lui donne le motif de tout ce autour de quoi il entraîne tout un cercle d’imbéciles et pour avoir vu, si l’on peut dire, en quelque sorte, sa mystification prendre son sens, s’incarner, se réaliser, que le personnage lui-même entre dans cette sorte d’effondrement, comique à surprendre au niveau d’un Casanova qui défie la terre et le ciel au niveau de son désir, de tom­ber dans l’impuissance comme si vraiment il avait rencontré la figure de Dieu pour l’arrêter.

Entendons donc bien ici que, quand par exemple on me présente comme quelque chose de rebattu, encore dans ce texte dont je vous par­lais tout à l’heure, c’est tout juste si la personne ne s’excuse pas de reprendre une fois de plus le fort-da, sur lequel chacun s’est essuyé les pieds…! Vous savez de quoi il s’agit, fort-da, l’opposition phonématique où Freud surprend le jeu initial de l’instauration chez le petit enfant du rapport à la présence et à l’absence. Le texte en question, pour le reprendre comme un exemple de la symbolisation primordiale et, je vous dis, en s’excusant d’une chose qui est maintenant passée dans le domai­ne [public], eh bien n’en fait pas moins une erreur et une erreur grossiè­re, car ce n’est pas de leur opposition, le fort et le da, pur et simple [aller] et retour, qu’il tire sa force inaugurale, que son essence répétitive [s’]explique. Et dire qu’il s’agit simplement pour le sujet de s’instituer dans une fonction de maîtrise est une sottise.

C’est dans la mesure où ici, dans les deux phonèmes, s’incarnent les mécanismes proprement de l’aliénation qui s’expriment, si paradoxal que cela vous paraisse, au niveau du fort. Pas de fort sans da et, si l’on peut dire, sans Dasein… Mais justement, contrairement à ce qu’essaie de saisir, comme le fondement radical de l’existence, toute la Daseinanalyse, toute une certaine phénoménologie, il n’y a pas de Dasein avec le fort. C’est-à-dire qu’on n’a pas le choix et que si le petit sujet peut s’exercer à ce jeu du fort-da, c’est justement qu’il ne s’y exerce pas du tout, car nul sujet ne peut saisir cette articulation radicale: il s’y exerce à l’aide d’une petite bobine, c’est-à-dire avec l’objet a. Et le poids, la fonction de cet exercice avec cet objet se réfère à une aliénation et non pas à une quel­conque et supposée maîtrise dont on voit mal ce qui l’augmenterait dans une répétition indéfinie, alors que la répétition indéfinie dont il s’agit, exprime, manifeste, [met] au jour la vacillation radicale du sujet.

Comme à l’habitude, il me faut interrompre les choses dans une cer­taine limite. Pourtant je veux désigner, ne serait-ce qu’en termes brefs, ce qui maintenant, va faire l’objet de ce que nous pourrons dire la prochai­ne fois. J’en ai marqué au tableau, sous la forme de deux schémas, la dif­férence essentielle.

Quand, au niveau du texte sur les Triebe et les Triebschicksale, Sur les pulsions et les vicissitudes de la pulsion, Freud met l’amour, à la fois au niveau du réel, au niveau du narcissisme, au niveau du principe du plai­sir dans sa corrélation avec le principe de réalité, et en déduit la fonction d’ambivalence comme absolument différente de ce qui se produit dans la Verkehrung, dans le mouvement circulaire, bref au point, au niveau où il s’agit de l’amour, nous avons le schéma, le schéma dont Freud nous dit qu’il s’étage en deux temps

Premièrement un Ich, un Ich défini objectivement par le fonctionne­ment solidaire de l’appareil système nerveux central avec les conditions d’homéostase, à un certain niveau, le plus bas possible, à conserver, des tensions. Autour de cela, nous dit-il, primitivement, nous pouvons concevoir ce qu’il y a hors de ça, si tant est qu’il y ait un hors, comme indifférence — et à ce niveau, puisqu’il s’agit de tensions, indifférence veut dire simplement [inexistence]. Et puis, qu’est-ce qu’il nous dit qu’il nous donne après ? C’est que la règle de cet auto-érotisme n’est pas, non pas l’inexistence des objets, mais le fonctionnement des objets uniquement en rapport avec cette règle. Dans cette zone d’indifférence, se dif­férencient ce qui apporte Lust et ce qui apporte Unlust. Et chacun depuis toujours n’a-t-il pas vu l’ambiguïté du terme de Lustprinzip? Puisque aussi bien certains l’écrivent Unlustprinzip .Que quelque chose apporte le plaisir, c’est encore trop pour l’équilibre.

Et chacun le sait, comment figurer donc ce stade, tel que je vous l’ai mis ici à gauche ? Il répondra à certaines questions qui m’ont été posées ici, [sur] la fonction spéculaire dans le rapport du sujet à l’autre. Nous ne sommes pas, ici, au niveau du rapport du sujet à l’autre, nous sommes dans cet Ich hypothétiqué où se motive la première construction d’un appareil fonctionnant comme un psychisme. Qu’est-ce que nous pou­vons y donner comme figure la plus proche et la plus exacte à la faire fonctionner ? C’est ceci, à gauche, avec ses grandes lettres: ICH, ce Ich en tant qu’il est appareil tendant à une certaine homéostase. Et chacun sait qu’elle ne peut pas être la plus basse puisque ce serait la mort, et que d’ailleurs la chose a été, par Freud, envisagée en second temps. Mais il s’agit de comprendre si c’est à ce niveau-là ou à un autre qu’elle a été évoquée.

Le Lust est bel et bien un objet, un objet qui n’est pas dans ce cercle du Ich, un objet qui est reconnu, qui est miré dans cet Ich comme étant objet de Lust. Le Lust-Ich purifié dont parle Freud, c’est l’image en miroir, c’est la correspondance point par point, c’est la connotation bi­univoque de quelque chose qui est au niveau de l’objet et [de] quelque chose qui, dans l’Ich, s’en satisfait, en tant que Lust.

Ce qui est inassimilable, ce qui est irréductible, au principe du plaisir, ce qui est Unlust fondamental, Freud nous le dit, c’est cela à partir de quoi va se constituer le non-moi. Mais le non-moi se constitue à l’inté­rieur du cercle du moi primitif, et ce qui dans cet objet mord, c’est ce que le fonctionnement de l’Ich n’arrivera jamais à étaler [?]. C’est là l’origi­ne de ce que nous retrouverons plus tard, dans la fonction dite du mau­vais objet.

Vous le voyez donc ici, ce qui articule ce niveau du fonctionnement, c’est quelque chose d’abord qui donne l’amour à une possible articula­tion de l’aliénation. Car, en fin de compte, ce qui est du champ du Lust, c’est, dit [Freud], dans la zone extérieure à l’Ich, c’est quand même quelque chose dont il faut s’occuper. Il y a quelque chose où la parfaite tranquillité de l’Ich choit. Mais ceci ne comporte pas l’exigence de la dis­parition de l’appareil, bien au contraire ! Ici l’écornure ou l’écornage dont je parle dans la dialectique du sujet à l’Autre se produit dans l’autre sens.

La formule de ceci, c’est le ‘pas de bien sans mal’, ‘pas de bien sans souffrance’, et qui garde à ce bien, ce mal, son caractère d’alternance, de dosage possible, qui est en effet celui où l’articulation que je donnais tout à l’heure du couple des signifiants va se réduire — et faussement car, pour reprendre les choses au niveau de ce bien et de ce mal primitif, de l’hédonisme dont chacun sait qu’il échoue, qu’il dérape pour expliquer la mécanique du désir, c’est qu’à passer à l’autre registre, à l’articulation aliénante, ceci s’exprime tout différemment. Et je rougis presque ici d’agiter ces chiffons avec lesquels les imbéciles font joujou depuis si longtemps, ‘au-delà du bien et du mal’, sans savoir exactement de quoi ils parlent. Il n’en reste pas moins qu’il faut articuler ce qui se passe au niveau de l’articulation aliénante, comme un ‘pas de mal sans qu’il en résulte un bien’, et quand le bien est là, ‘il n’y a pas de bien qui [ne?] tienne avec le mal’.

C’est pour ça qu’à se situer dans le registre pur et simple du plaisir, l’éthique échoue, et que très légitimement Kant lui objecte que le Souverain bien ne saurait en être aucunement conçu d’infinitisation d’un petit bien quelconque. Car, comme il l’observe, il n’y a pas de loi pos­sible à donner, de ce qui peut être bien dans les objets.

Le Souverain bien, si tant est que ce terme qui fait confusion doive être maintenu, ne peut se retrouver qu’au niveau de la loi, et j’ai démon­tré dans mon article Kant sur Sade… Kant avec Sade, que ceci veut dire qu’au niveau du désir, passivité, narcissisme, ambivalence, telles sont les caractéristiques qui gouvernent la dialectique du plaisir au niveau du tableau de gauche. Son terme est à proprement parler ce qu’on appelle l’identification.

Les caractères de ce qui se produit, de ce qu’introduit l’activité de la pulsion… Qui permet de construire avec la plus grande certitude le fonctionnement dit ‘division du sujet ou aliénation’ avec ses consé­quences ? C’est la reconnaissance de la pulsion et comment a-t-elle été reconnue ? Elle a été reconnue en ceci que loin que nous puissions limi­ter la dialectique de ce qui se passe dans l’inconscient du sujet à la réfé­rence au champ du Lust, aux images des objets bénéfiques, des objets bienfaisants, des objets favorables, nous avons trouvé la fonction privi­légiée d’un certain type d’objets qui en fin de compte ne peuvent servir à rien. Ce sont les objets a, les seins, les fèces, le regard, la voix. C’est autour de cette expérience nouvelle, de cette introduction d’un terme nouveau que toute dialectique amène que gît le point expérimental, le point démonstratif, qui introduit la dialectique du sujet en tant que sujet de l’inconscient.

C’est là que je poursuivrai la prochaine fois et que je retrouverai la suite de ce qui est à développer dans le sujet du transfert.

 

M. Safouan — Je ne peux poser de question car je trouve toujours une difficulté à saisir la différence entre l’objet dans la pulsion et l’objet dans le désir. Maintenant qu’il s’agit de voir la différence du ça et l’objet dans la pulsion, je perds [le fil].

Lacan — Ecoutez, là, il s’agit mon cher d’une question de terminolo­gie. C’est très gentil de votre part de peser une question même si elle témoigne d’un embarras parce que ça peut servir à tout le monde.

Je ne suis pas le premier, je pense, à prendre le partie par exemple, de dire qu’au sens du déterminé, je veux dire, d’un génitif objectif, désir de quelque chose, je ne suis pas le premier à dire, prenez même M Sartre, le désir est une passion inutile, ça n’est pas ce qu’il a l’air de désirer qu’il désire, il faut s’entendre, il n’en reste pas moins qu’il y a un tas de choses très agréables, disons que nous croyons désirer, pour autant que nous sommes sains, nous ne pouvons pas en dire plus que ceci, c’est que nous croyons les désirer, il a des choses, enfin, d’un niveau, il me semble, enfin, tout à fait transmissibles, ce n’est pas de la théorie analytique.

Les objets qui sont là dans le champ de la Lust et qui ont ce rapport si fondamentalement narcissique avec le sujet qu’en fin de compte le sys­tème de la prétendue régression de l’amour dans l’identification […] c’est simplement en raison de la symétrie de ces deux champs que je vous ai désignés par Lust et lustich de l’autre côté. Ce qu’on ne peut pas gar­der au-dehors, on en a toujours l’image au dedans. C’est aussi bête que ça l’identification à l’objet d’amour. Et je ne vois pas pourquoi ça a fait tant de difficultés et même pour Freud lui-même. C’est l’objet d’amour, ça, mon cher. D’ailleurs, quand il s’agit d’objets qui n’ont pas cette valeur, pulsionnelle, à proprement parler, que vous soulevez en pariant de l’objet de la pulsion, vous dites quoi, alors comme Freud le fait remarquer «j’aime bien ça, j’aime bien le ragoût de mouton». C’est exactement la même chose que quand vous dites : «J’aime Mme une telle», à cette différence que j’aime Mme une telle, vous le lui dites à elle, ce qui change tout.

Vous lui dites pour des raisons que je vous expliquerai la prochaine fois. Il n’en reste pas moins que vous aimez le ragoût de mouton. Vous n’êtes pas sûr de le désirer. Prenez l’expérience de la belle bouchère, elle aime le caviar, seulement elle n’en veut pas. C’est pour ça qu’elle le dési­re. Alors l’objet du désir, c’est la cause du désir, et cet objet cause du désir, c’est l’objet de la pulsion, ce qui veut dire, c’est l’objet autour de quoi tourne la pulsion. Nous sommes là au niveau d’un dialogue que quelqu’un qui a tout de même assez travaillé mes textes pour que je puis­se m’exprimer dans des formules algébriques resserrées. Il y a l’objet de la pulsion, l’objet de la pulsion, c’est de ce dont il s’agit dans son carac­tère déterminant […] non pas du tout que le désir s’y accroche, le désir en fait le tour, en tant qu’il est agi dans la pulsion. Tout désir n’est pas forcément agi dans la pulsion. Il y a aussi des désirs vides, des désirs fous, qui partent justement de ceci, il ne s’agit que du désir, par exemple, de ce qu’on vous a défendu quelque chose, du fait qu’on vous l’a défen­du, vous ne pouvez pas faire, pendant un certain temps, autrement qu’y penser. C’est encore du désir. Mais vous voyez bien, là comme ailleurs, l’existence de l’objet au niveau du déterminé […] désir. Chaque fois que vous avez affaire à un objet de bien, […] vous pourriez m’objecter comme objet de désir, nous le désignons, c’est une question de termino­logie, mais c’est une terminologie justifiée, nous le désignons comme objet d’amour. Et c’est justifié en ceci que vous verrez la prochaine fois comment j’essaierai pour vous d’articuler le rapport qu’il y a entre l’amour, le transfert, le désir. La fonction de l’amour, là où nous pouvons le voir vivre où Le Banquet, je pense, pendant une année, m’a permis de vous faire entendre comment ça jouait.

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