RSI Annexes
Annexe I Introduction à cette publication
Une gageure qui est celle de mon enseignement, pourquoi ne pas la tenir à l’extrême, en ceci que quelque part note en a été prise, et ne pas l’imprimer telle quelle?
L’hésitation n’y est pas forcément mienne. Mon rapport au public composite qui m’écoute la motive amplement.
Que je témoigne d’une expérience laquelle j’ai spécifiée d’être l’analytique et la mienne, est supposé pour vérace.
Voir où cette expérience me conduit par son énoncé, a valeur de contrôle (je sais les mots que j’emploie).
Les « catégories » du symbolique, de l’imaginaire et du réel sont ici mises à l’épreuve d’un testament. Qu’elles impliquent trois effets par leur nœud, si celui-ci s’est découvert à moi ne pouvoir se soutenir que de la relation borroméenne, ce sont effet de sens, effet de jouissance et effet… que j’ai dit de non-rapport à le spécifier de ce qui semble suggérer le plus l’idée de rapport, à savoir le sexuel.
Il est clair que ces effets sont implications de mes catégories elles-mêmes : lesquelles peuvent être futiles même si elles semblent bien être inhérentes à la « pensée ».
J’explique dans la mesure de mes moyens ce que le nœud, et un nœud tel que la mathématique s’y est encore peu vouée, peut ajouter de consistance au ras de l’imaginaire prend ici valeur de la distinguer dans une triade qui garde sens, même à démontrer que le réel s’en exclut.
C’est le type de problème qu’à chaque tournant je retrouve (sans le chercher, c’est le cas de la dire).
Mais la mesure même des effets que je dis ne peut que moduler mon dire. Qu’on y ajoute la fatigue de ce dire lui-même ne nous allège pas du devoir d’en rendre compte : au contraire.
Une note en marge comme page 971, peut être nécessitée pour compléter un circuit élidé au séminaire. Ce n’est pas le fignolage qui est ici « futile », mais, comme je le souligne, le mental même, si tant est que ça ex-siste.
Jacques Lacan
Annexe II A la lecture du 17 décembre
Je parle ici de la débilité mentale des systèmes de pensée qui supposent (sans le dire, sauf aux temps bénis du Tao, voire de l’ancienne Égypte, où cela s’articule avec tout l’abêtissement nécessaire), qui suppose donc la métaphore du rapport sexuel, non ex-sistant sous aucune forme, sous celle de la copulation, particulièrement «grotesque» chez le parlêtre, qui est censée «représenter» le rapport que je dis ne pas ex-sister humainement.
La mise au point qui résulte d’une certaine ventilation de ladite métaphore, élaborée sous le nom de philosophie, ne va pas pour autant bien loin, pas plus loin que le christianisme, fruit de la Triade qu’en «l’adorant » il dénonce dans sa vraie « nature»; Dieu est le pas-tout qu’il a le mérite de distinguer, en se refusant à le confondre avec l’idée imbécile de l’univers. Mais c’est bien ainsi qu’il permet de l’identifer à ce que je dénonce comme ce à quoi aucune ex-sistence n’est permise parce que c’est le trou en tant que tel – le trou que le borroméen permet d’en distinguer (distinguer de l’ex-sistence comme définie par le nœud lui-même, à savoir l’ex-sistence d’une consistance soumise à la nécessité = ne cessant pas de s’écrire) de ce qu’elle ne puisse entrer dans le trou sans nécessairement en ressortir, et dès « la fois » suivante (« la fois » dont le croisement de sa mise à plat fait foi).
D’où la correspondance que je tente d’abord du trou avec un réel qui se trouvera plus tard conditionné de l’ex-sistence. Comment en effet ménager l’approche de cette vérité à un auditoire aussi maladroit que m’en témoigne la maladresse que je démontre à moi-même à manier la mise à plat du nœud, plus encore son réel, c’est-à-dire son ex-sistence ?
Je laisse donc ça là, sans le corriger, pour témoigner de la difficulté de l’abord d’un discours commandé par une toute nouvelle nécessité (cf. plus haut).
Ce qu’il me faut démontrer en effet, c’est qu’il n’y a pas de jouissance de l’Autre, génitif objectif, et comment y parvenir si je frappe d’emblée si juste que le sens étant atteint, la jouissance y consonne qui met en jeu le damné phallus (= l’ex-sistence même du réel, soit à prendre mon registre : R à la puissance deux) ou encore ce à quoi la philosophie vise à donner célébration.
C’est dire que j’en suis tout empêtré encore, je parle de la philo, no du phallo. Mais il y a temps pour quoi il ne faut pas se hâter, faute de quoi ce n’est seulement de rater qu’il s’agit, mais plutôt de l’erre irrémédiable, c’est-à-dire d’« aimer la sagesse », nécessité de l’Homme. À corriger.
Ce pourquoi il faut la patience à quoi m’exerce le D.A. (lire; discours analytique). Il reste toujours le recours à la connerie religieuse, à quoi Freud ne manque jamais : ce que je dis au passage quoique poliment (nous le lui devons tout).
Jacques Lacan
ANNEXES III à VI Recueil des quatre textes de Soury et Thomé distribués à la demande de Lacan dans le séminaire R.S.I. les 18 mars et 8 avril 1975
Annexe III Le nœud borroméen orienté
Le problème
Voici 16 figures, qui sont 16 nœuds borroméen orientés aplatis. Pourquoi s’intéresser à ces 16 figures ? Ce n’est pas justifié ici.
Le problème, c’est : « ces 16 nœuds orientés aplatis définissent combien de nœuds orientés ? » La solution c’est : « ces 16 nœuds orientés aplatis définissent un seul nœud orienté ». La démonstration, c’est d’avoir assez de transformations pour assurer le passage de n’importe lequel parmi les 16 à n’importe quel autre.
Les transformations en question doivent changer le nœud orienté aplati, et ne pas changer le nœud orienté.
Caractérisation des 16 figures
Ces 16 figures sont 8. Certaines figures sont dessinées trois fois, trois fois qui ne diffèrent que par le haut et le bas du papier. Les figures dessinées trois fois sont celles où tous les ronds n’ont pas le même sens.
Chaque figure est levo ou dextro, selon que la zone centrale est levo ou dextro. C’est la GIRATION.
Chaque rond est orienté dans le plan, ou bien dans le sens positif ou bien dans le sens négatif. C’est le SENS du ROND.
La giration et les trois sens des trois ronds, sont des caractéristiques suffisantes pour distinguer et caractériser ces 8 figures, ces 8 nœuds borroméen orientés aplatis.
Quelles transformations ?
– Il y a le retournement du plan, qui inverse le sens des ronds, et qui conserve la giration.
– Il y a le retournement du rond, qui conserve le sens de deux ronds, inverse le sens d’un rond, et qui inverse la giration.
Ces transformations-là suffisent à assurer le passage de n’importe lequel parmi les 16 à n’importe quel autre.
Je vais donner plus de transformations, soit au total
– Il y a le retournement du plan, qui inverse le sens des ronds, et qui conserve la giration.
– Il y a l’échange interne-externe, qui inverse le sens des ronds, et qui inverse la giration.
– Il y a le retournement de bande, qui conserve le sens de deux ronds, et qui inverse la giration.
– Il y a le retournement de rond, qui conserve le sens de deux ronds, inverse le sens d’un rond, et inverse la giration
Le retournement de bande sera défini de deux façons différentes.
Définition des transformations. Trois transformations d’écheveau aplati, le retournement du plan, l’échange interne-externe, le retournement de bande.
Ce sont des transformations qui sont possibles pour n’importe quel écheveau aplati. La définition de la transformation est générale. Les effets de la transformation sont donnés pour le cas présent, le cas des nœuds borroméen orientés aplatis.
– Il y a le retournement du plan. Ca inverse le sens des ronds et ça conserve la giration.
– Il y a l’échange interne-externe. C’est le même échange que l’échange des deux raboutages d’une tresse. [figure A-2]
Ce sens inverse le sens des ronds et ça inverse la giration.
– Il y a le retournement de bande. Ca consiste, l’écheveau étant porté par une bande, à échanger les deux faces de la bande, sans déplacer le rond porteur de la bande. [figure A-3]
Ca conserve le sens des ronds, et ça inverse la giration.
Définition des transformations. Une façon spéciale d’assurer le retournement de bande dans le cas du nœud borroméen aplati.
Le passage de 1 à 7 en passant par 2 3 4 5 6, est équivalent au retournement de bande. Ca conserve le sens des ronds, et ça inverse la giration.
(Voir à la fin, les deux pages de dessins numérotés de 1 à 7).
Définitions des transformations. Le retournement de rond.
Voir [figure A-4] Ca inverse le sens d’un rond, ça conserve le sens de deux ronds, et ça inverse la giration.
Annexe IV Un ratage dans l’établissement d’une figure de nœud, ou un méfait de perspective
Annexe V Une propriété non démontrée
Avec trois, il suffit de couper un des nœuds pour que tous les autres soient libres. Vous pouvez en mettre un nombre absolument infini, ce sera toujours vrai. La solution est donc absolument générale, et l’enfilade aussi longue que vous voudrez.
Dans cette chaîne, quelle qu’en soit la longueur, un premier et un dernier se distinguent des autres chaînons – alors que les ronds médians, repliés, ont tous, comme vous le voyez sur la figure 4, forme d’oreilles, les extrêmes, eux sont ronds simples.
Rien ne nous empêche de confondre le premier et le dernier, en repliant l’un et le prenant dans l’autre. La chaîne dès lors se ferme, figure 6
La résorption en un des deux extrêmes laisse pourtant une trace – dans la chaîne des médians, les brins sont affrontés deux à deux, alors que, là où elle se boucle sur le rond simple, unique maintenant, quatre brins sont de chaque côté affrontés à un, celui du cercle.
Cette trace peut certes être effacée, vous obtenez alors une chaîne homogène de ronds pliés.
Voici deux nœuds aplatis coloriés orientés Chacun d’eux définit un nœud colorié.
Problème : définissent-ils le même nœud colorié orienté ou bien définissent-ils deux nœuds coloriés orientés différents ?
Autrement dit
Problème : existe-t-il oui ou non, une déformation dans l’espace qui fasse passer de l’un à l’autre ?
Le problème posé est un problème de reconnaissance. Les nœuds ne sont connus que par leurs présentations. Soit deux présentations de nœuds, définissent-elles le même nœud ou deux nœuds différents ? C’est un problème de reconnaissance.
Un algorithme de reconnaissance, c’est un algorithme qui résout tous les problèmes de reconnaissance. Un algorithme de reconnaissance des nœuds, c’est un algorithme qui, à partir de deux présentations quelconques de nœuds, arrive à décider si elles définissent oui ou non, le même nœud. On ne connaît pas d’algorithme de reconnaissance des nœuds.
Solution du problème posé
Propriété (non démontrée) : les deux nœuds aplatis coloriés orientés, donnés plus haut, définissent deux nœuds coloriés orientés distincts.
Voici maintenant une reformulations de la propriété non démontrée.
Les deux nœuds aplatis coloriés orientés, donnés plus haut, définissent le même nœud. (Par leur présentation même, ils ne diffèrent que par l’orientation, ils définissent le même nœud aplati colorié).
Ce nœud est appelé le nœud borroméen.
Whitten en 1969 a défini ainsi la propriété d’ « inversibilité » d’un nœud «An oriented, ordered link K of m components tamely imbedded in the oriented 3-sphère S will be called inversible if and only if there is an orientationpreserving autohomeomorphism of S which takes each component of L into itself with reversal of orientation. »
Traduction : « Un lien ordonné orienté L à m composantes plongé non-sauvagement dans la 3-sphère orientée S sera appelé inversible si et si seulement il existe un auto homéomorphisme conservant l’orientation de S qui transforme chaque composante de L sur elle-même en inversant l’orientation. »
Avec ce langage-là, la propriété non démontrée est équivalente à :
Propriété (non démontrée) : au sens de Whitten, 1969, le nœud borroméen n’est pas réversible.
L’inversibilité a été définie par Fox en 1962 pour le nœuds à un seul rond, et pas Whitten 1969 pour les nœuds à plusieurs ronds. En 1962, on ne connaissait pas de nœuds non inversibles. La première propriété de non inversibilité a été fournie et démontrée par Trotter en 1964.
Le problème de l’inversibilité, oui ou non, d’un nœud est un cas spécial de problème d’invariances. Dans le cas du nœud borroméen colorié orienté, il y a 96 automorphismes 48 invariants et deux exemplaires automorphes.
Ce n’est pas immédiat.
Références
Fox 1962, Some problèmes of knot theory.
Trotter 1964, Non-inversible knots exist.
Whitten 1969, A pair of non-invertible links.
Annexe VI Les binaires et la liaison des binaires
Qu’est-ce qu’un binaire? C’est un couple, comme (GAUCHE, DROI
TE), comme (DESSUS, DESSOUS), comme (BLANC, NOIR), COMME (YIN, YANG), comme (ALLUMER, ÉTEINDRE).
Ce texte va présenter une notion de liaison, une notion de liaison des binaires entre eux. Et ceci grâce deux cas, le cas du jeu de pile ou face, et le cas du va et vient électrique.
Le cas du jeu de pile ou face
Le fonctionnement est connu, il ne s’agit ici que de la mise en place d’un langage pour en parler.
Je vais introduire cinq binaires.
– Il y a deux joueurs. Il n’y a pas d’empêchement à les appeler JE et TU. – Il y a deux positions, gagner et perdre,
elles seront appelées GAGNE et PERD.
– Il y a deux éventualités, qui ne sont pas simples à définir, parce que elles ont chacune une définition double. JE GAGNE est équivalent à TU PERD. JE PERD est équivalent TU GAGNE.
L’éventualité BLANC, c’est ou bien JE GAGNE ou aussi bien TU PERD.
L’éventualité NOIR, c’est ou bien JE PERD ou aussi bien TU GAGNE.
Ainsi
Les binaires en général
Un binaire a deux éléments, c’est un couple, c’est un couple de contraires ou encore c’est un couple d’inverses. L’inverse ou le contraire d’un élément, c’est l’autre élément.
N’importe quel couple est-il un binaire? Non. Il vaut mieux réserver l’appellation de binaire ceux qui sont vraiment un couple de contraires. Comment distinguer? Un critère, c’est de considérer comme un binaire, un couple qui figure dans une liaison de binaires. Ça fait des surprises, ça révèle comme couple de contraires des couples qui à première vue font baroque hétéroclite.
Quand il y a plusieurs binaires, une liaison entre ces binaires, c’est un liaison entre éléments de ces binaires qui est invariante par inversion paire. Qu’est-ce qu’une inversion paire? C’est défini par l’exemple de la page deux. Qu’est-ce qu’une liaison entre éléments de binaires ? Ce n’est pas défini. Dans le cas du jeu de pile ou face, ce sont des formules vraies où les éléments de binaires figurent comme mots. Qu’est-ce que l’invariance d’une liaison par une transformation ? Ce n’est pas défini. Dans le cas du jeu de pile ou face, c’est le fait que par la transformation une formule vraie devient une formule vraie.
Il y a dans ce texte des phrases où figurent des éléments de binaires et qui ne sont pas invariantes par inversion paire. Toutes les formules numérotées sont invariantes par inversion paire. Certaines formules numérotées expriment l’invariance par inversion paire d’autres formules. Et elles-mêmes ont l’invariance par inversion paire.
Exprimer la liaison des éléments de plusieurs binaires est malaisé, redondant, encombrant. L’habitude ce sujet-là est mauvaise, c’est, pour limiter la redondance et l’encombrement, de ne conserver que quelques représentants de la liaison des éléments. C’est stérilisant. La liaison des binaires permet d’échapper à l’encombrement sans perdre les invariances. Mais ça permet aussi d’échapper à la difficulté d’exprimer la liaison des éléments.
Le cas du va et vient électrique
C’est un montage électrique courant. Ça s’appelle un « va et vient ».
Soit n un entier. Il y a n commutateurs à deux positions. Il y a un appareil électrique, par exemple une lampe, qui peut être allumé ou éteint. Le montage fait que il peut être allumé ou éteint à partir de n’importe lequel des n commutateurs.
Quels sont les binaires ? Il y en a (n +1).
– (ALLUME, ÉTEINT), pour la lampe.
– les deux positions, pour chaque commutateur.
L’usage courant, c’est d’utiliser un seul commutateur la fois, les autres restant comme ils sont, et alors en inversant ce commutateur, si la lampe était allumée elle s’éteint, et si la lampe était éteinte elle s’allume.
Un autre usage serait d’inverser deux commutateurs la fois, et de vérifier que la lampe ne change pas d’état.
Les (n +1) binaires, correspondant à n commutateurs et une lampe, sont liés. Les n binaires correspondant aux n commutateurs sont indépendants, c’est-à-dire qu’on peut placer les commutateurs dans n’importe quelle position indépendamment les uns des autres.
En fait, n binaires quelconques, pris parmi les (n +1), sont indépendants.
Le va et vient électrique le plus courant, c’est une lampe et deux commutateurs. Ça fait trois binaires qui sont liés et deux à deux indépendants.