15 – 26 janvier 1980
le texte de ce séminaire a été publié au journal Le Monde, le 26 janvier 1980.
– Lettre au journal le Monde datée du 24 janvier 1980
Je remets au Monde le texte de cette lettre avec mon séminaire du 15, s’il veut bien le publier entier. Afin qu’il se sache que nul n’a auprès de moi appris rien, de s’en faire valoir. Oui, le psychanalyste a horreur de son acte. C’est au point qu’il le nie, et dénie, et renie — et qu’il maudit celui qui le lui rappelle, Lacan Jacques, pour ne pas le nommer, voire clame haro sur Jacques Alain Miller, odieux de se démontrer l’au-moins-un à le lire. Sans plus d’égards qu’il faut aux analystes établis. Ma passe les saisit-elle trop tard, que je n’en aie rien qui vaille ? Ou est-ce d’en avoir confié le soin à qui témoigne n’avoir rien aperçu de la structure qui la motive ? Que les psychanalystes ne pleurent pas ce dont je les allège. L’expérience, je ne la laisse pas en plan. L’acte, je leur donne chance d’y faire face.
Séminaire du 15 janvier 1980
Je suis dans le travail de l’inconscient.
Ce qu’il me démontre, c’est qu’il n’y a de vérité à répondre du malaise que particulière à chacun de ceux que j’appelle parlêtres.
Il n’y a pas là d’impasse commune, car rien ne permet de présumer — que tous confluent.
L’usage de l’un que nous ne trouvons que dans le signifiant ne fonde nullement l’unité du réel. Sauf à nous fournir l’image du grain de sable. On ne peut dire que, même à faire tas, il fasse tout. Il y faut un axiome, soit une position de le dire tel.
Qu’il puisse être compté, comme le dit Archimède, n’est là que signe du réel, non d’un univers quelconque.
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Je n’ai plus d’École. Je l’ai soulevée du point d’appui (toujours Archimède) que j’ai pris du grain de sable de mon énonciation.
Maintenant j’ai un tas — un tas de gens qui veulent que je les prenne. Je ne vais pas en faire un tout.
Pas de tout.
Je n’ai pas besoin de beaucoup de monde, ai-je dit, et c’est vrai — mais à quoi bon le dire, s’il y a beaucoup de monde qui a besoin de moi ?
Au moins, qui le croit (avoir besoin de moi). Qui le croit assez pour me le dire par écrit.
Et pourquoi ne le croirais-je pas, moi aussi ? Puisque je me compte au nombre des dupes, comme chacun sait.
Je n’attends rien des personnes et quelque chose du fonctionnement. Donc, il faut bien que j’innove, puisque cette École, je l’ai loupée, d’avoir échoué à produire des Analystes d’icelle (A.E) qui soient à la hauteur.
Auquel des élus de mon jury d’agrément aurai-je conseillé de voter pour lui-même si d’aventure il s’y était, au titre de passant, aujourd’hui présenté ?
Aussi point ne me hâte de refaire école.
Mais, “sans que je tienne compte des positions prises dans le passé à l’endroit de ma personne” — citation de 1964, — celui qui, m’ayant déclaré poursuivre avec moi, le fait en des termes qui à mon gré ne le démentent point par avance, je l’admets à s’associer à celui qui fait de même.
Qui est qui, point ne préjuge, mais m’en remets à l’expérience à faire, freudienne s’il se peut.
Tel le rendez-vous célèbre des amoureux lors d’un bal à l’Opéra. Horreur quand ils laissèrent glisser leur masque : ce n’était pas lui, elle non plus d’ailleurs.
Illustration de mon échec à cette Hétérité — pardonne-m’en l’Ubris — qui m’a déçu assez pour que je m’en délivre de l’énoncé qu’il n’y a pas de rapport sexuel.
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Freud, lui, part de sa cause phallique, pour en déduire la castration. Ce qui ne va pas sans bavure, que je m’emploie à éponger.
Contrairement à ce qui se dit, de la jouissance phallique, “la” femme, si j’ose dire puisqu’elle n’existe pas, n’en est pas privée.
Elle ne l’a pas moins que l’homme à quoi s’accroche son instrument (organon). Si peu qu’elle-même en soit pourvue (car reconnaissons que c’est mince), elle n’en obtient pas moins l’effet de ce qui en limite l’autre bord de cette jouissance, à savoir l’inconscient irréductible.
C’est même en cela que “les” femmes, qui, elles, existent, sont les meilleures psychanalystes — les pires à l’occasion.
C’est à la condition de ne point s’étourdir d’une nature antiphallique, dont il n’y a pas trace dans l’inconscient, qu’elles peuvent entendre ce qui de cet inconscient ne tient pas à se dire, mais atteint à ce qui s’en élabore, comme leur procurant la jouissance proprement phallique.
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L’Autre manque. Ça me fait drôle à moi aussi. Je tiens le coup pourtant, ce qui vous épate, mais je ne le fais pas pour cela.
Un jour d’ailleurs auquel j’aspire, le malentendu m’épatera tant de venir de vous que j’en serai pathétique au point de n’y plus tenir.
S’il arrive que je m’en aille, dites-vous que c’est afin d’être Autre enfin.
On peut se contenter d’être Autre comme tout le monde, après une vie passée à vouloir l’être malgré la Loi.