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Recherches Lacan

LXXVII Dissolution 1979 – 1980 15 avril 1980

15 avril 1980

Que la lumière soit ! Et que croyez-vous qu’il arriva ? La lumière fut ! Il est proprement incroyable que cela fasse d’abord entrer dans l’Écriture. Cela, c’est ce que j’appellerai un symptôme type du réel. Car c’est bien de la lumière dans son réel que s’est fait le frayage de la science, pas seulement certes, mais entre autres. Vous savez aussi que lu lumière, la notion de sa vitesse précisément, est seule à nous donner du réel un absolu mesurable, et c’est du même coup que s’en démontre la relativité.

Quel coup de pot pour les croyants que cet incroyable. Pourtant, cela ne suscite pas forcément chez eux, on le sait, un goût particulier des lumières, au sens d’Aufklärung. Ne vous laissez pas trop impressionner par ce coup de pot. Pour vous en remettre, constatez seulement ce dont s’éclaire après coup, une totale méconnaissance de la différence radicale du dit luminaire du soleil au regard de ladite lumière. Ce qui m’embête le plus, c’est que l’accent mis sur la parole créative va dans mon sens, seulement, attribuer l’importance de la lumière à la parole est une gageure, ça ne va pas du tout dans mon sens.

Ce que l’inconscient démontre, c’est tout à lait autre chose, à savoir que la parole est obscurantiste. J’impute assez de méfaits à la parole pour lui rendre ici grâce de cet obscurantisme, c’est son bienfait le plus évident. J’ai déjà pointé, dans un premier temps de mon enseignement, la fonction du frayage dans le symbolique, de ces lucioles, les étoiles. Elles ne donnent pas beaucoup de lumière, c’est pourtant d’elles que les hommes se sont éclairés, ce qui leur a permis de percer le bonheur qu’ils éprouvent dans la nuit transparente.

L’obscurantisme propre à la parole se redouble de la croyance dans la révélation qui impute à Dieu le « Que la lumière soit ! ». Quand il se triple de philanthropie et se quadruple de progressisme c’est nuit noire. Quand les étoiles s’éteignent, ça donne çà.

«Le désir des hommes est de se secourir les uns les autres pour mieux être », çà, je l’ai reçu par la poste. J’avais demandé qu’on m’écrive, eh bien, c’est bien fait pour moi. Il faut dire qu’à la personne qui m’écrit ça, je n’avais rien demandé puisqu’elle ne vient pas à mon séminaire depuis longtemps. C’est Françoise Dolto. C’est une petite lettre pour dissiper le malentendu. Elle m’aime tellement qu’elle ne peut supporter que l’École soit dissoute et pourquoi, je vous-le-donne en mille parce que l’École, c’est moi ! C’est son axiome, alors, forcément, dissoudre l’École serait m’annuler, moi, et c’est ce qu’elle ne veut pas.

Il y a une paille, c’est que c’est moi qui dissous l’École. Ça ne l’arrête pas, et d’ailleurs, rien ne l’arrête, elle s’imagine que je m’autodétruis, c’est pourquoi, conformément à son principe philanthropique, elle vient à mon secours. Vous voyez comme cela se tient, c’est logique cela se voit.

Si c’était vrai, ça ferait de moi un type du Genre de Socrate. Socrate l’a désirée, sa mort, et obtenue de la main de ceux sur qui il avait répandu ses bienfaits. Ça ne lui a pas mal réussi puisque par sa mort, il est devenu exemplaire.

Heureusement, je n’ai jamais dit, l’École Freudienne, c’est moi, j’aurais aussi bien pu dire que Madame Dolto, c’est moi. Il y en a, paraît-il qui le croient.

Eh bien, c’est une erreur, je ne m’identifie pas du tout à Françoise Dolto, et pas davantage à l’École Freudienne. Ce qui me justifie de m’atteler dare dare à construire la Cause, la
Cause Freudienne. Ce qui en existe déjà suffit déjà à me désidentifier de l’école.

Je n’ai jamais eu d’autre visée, quant à mon enseignement, que de le maintenir à son niveau. Je fais maintenant ce qu’il faut pour préserver ce qu’il est capable de donner à ceux qui se mettent dans son sillage.

Mais déjà mon acte démontre que le réel en jeu dans l’expérience n’est pas limité de principe à la seule subsistance de la Société Psychanalytique. La finesse de mon procédé tient à ceci que non seulement je n’exclus personne, mais encore que j’accueille le tout-venant.

Ai-je à déplorer que mon signifiant s’avère apte à véhiculer n’importe quelle blague ? J’en suis comblé, bien au contraire, puisque je ne dis pas autre chose. Mais la plaisanterie est d’autant meilleure qu’elle est courte ce qui m’a inspiré d’abréger ce qui, s’agrégeant de malentendu stagnait en impasse, voire se pétrifiait comme fraude.

Outre que je n’en ai pas le goût, je n’ai pas besoin d’anathématiser ceux qui crient qu’ils m’aiment l’injure à la bouche. Pour la bonne raison, que la fraude comme telle est source d’angoisse sinon toujours ni chez ses agents ni ses victimes mais chez ses descendants.

L’expérience psychanalytique donne une place éminente à la fonction de la tromperie de se supporter du Sujet supposé savoir, ce qui explique que si la tromperie vire à la fraude, on n’en revient pas.

J’ai tissé dans le cours de ce que j’ai dit mes réponses à plusieurs de ceux qui m’ont écrit et qui se reconnaîtront. Il y a encore quelqu’un qui me demande si je ne m’imaginerais pas, par hasard, être infaillible. Ce que je réponds, c’est que je ne suis pas de ceux qui reculent devant le sujet de leur certitude. C’est ce qui m’a permis de rompre avec ce qui s’était gelé de la pratique de Freud dans une tradition dont il est clair qu’elle tamponnait toute transmission. Là, j’ai inventé. Ce qui vous a ouvert un accès à Freud que je ne veux pas voir se refermer. Je ne ferai pas la fine bouche à me reconnaître comme infaillible, mais comme tout le monde, soit au niveau de La vérité qui parle et non du savoir. Je ne me prends pas pour le sujet supposé-savoir. Il en est pour qui il faut bien que je le rappelle que c’est moi qui ai inventé ça, et précisément pour que le psychanalyste, dont c’est le naturel, cesse de se croire je veux dire identique à lui. Le sujet supposé savoir, n’est pas tout le monde ni personne, il n’est pas tout sujet mais pas non plus un sujet nommable, il est quelque sujet. C’est le visiteur du soir ou mieux il est de la nature du signe tracé d’une main d’ange sur la porte, plus assuré d’exister de n’être pas ontologique et à venir d’on ne sait – z- où.

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