samedi, juillet 27, 2024
Recherches Lacan

LX L'angoisse 1962 – 1963 Leçon du 27 mars 1963

Leçon du 27 mars 1963

…[с’est] du fait de notre Lucy Tower que je me trouve l’avoir prise comme exemple, sous un certain biais de ce que j’appellerai les facilités de la position féminine, — ce terme « facilité » ayant une portée ambiguë — quant à son rapport au désir ; disons que ce que je formulais consistait  ans une sorte de moindre implication, ce qui, а quelqu’un, dans la position ana­lytique, lui а permis d’en raisonner, disons, pour nous dans son article dit Article sur le contre-transfert, sinon plus sainement, du moins plus libre­ment. Il est certain, si vous lisez ce texte, que c’est dans la mesure où, par ce que j’appellerai son autocritique interne, elle s’est aperçue que, par l’effet de ce qu’elle appelle, ici assez sainement, son contre-transfert, elle а négligé quelque chose de ce qu’on pourrait appeler la juste appréciation ou axation du désir de son patient, sans qu’elle nous livre à proprement parler ce qu’el­le lui а dit à ce moment-là. Elle ne nous dit rien d’autre, sinon qu’elle est revenue, une fois de plus, sur les exigences transférentielles de ce patient, mais en lui mettant les choses au point elle n’a pu, ce faisant, que lui donner l’impression qu’elle était sensible à ce dont elle-même vient de faire la découverte, à savoir que ce patient, somme toute, s’occupe beaucoup plus de sa femme, est plus ménager de ce qui se passe à l’intérieur du cercle conjugal qu’elle ne l’avait soupçonné. Il semble bien que de ce fait — nous ne pouvons là que nous fier à elle, car c’est ainsi qu’elle s’exprime — que le patient ne peut а cette occasion que traduire cette rectification en ces termes — qui sont ceux de Lucy Tower elle-même — qu’en somme son désir, à lui, le patient, est beaucoup moins dépourvu de prise qu’il ne croyait sur sa propre analyste, qu’effectivement il n’est pas exclu que cette femme qui est son analyste, il ne puisse jusqu’à un certain point en faire quelque chose, la courber — to stoop en anglais ; She stoops to conquer, c’est un titre d’une comédie de Sheridan — de la courber а son désir. C’est tout au moins en propres termes ce que Lucy Tower nous dit. Ceci ne veut pas dire bien sûr, elle nous le souligne également, qu’il soit un instant question que ceci se produise. Elle est, а cet égard, comme elle nous dit, très suffisamment sur ses gardes, ce n’est pas un bébé — d’ailleurs, quand une femme l’est-elle ! — en tout cas too avare of…, c’est le terme qu’elle emploie, elle est bien sur ses gardes. Mais la question n’est pas là. Par cette intervention, cette rectifica­tion qui apparaît а l’analysé ici comme concession, comme ouverture, le désir du patient est vraiment remis а sa place ; ce qui est bien toute la ques­tion, c’est que cette place, il n’a jamais pu la trouver. C’est ça, sa névrose d’angoisse. Ce qu’elle rencontre а ce moment-là, c’est, nous l’avons dit la dernière fois, ce déchaînement chez le patient qui est ce qu’elle exprime, à savoir à partir de ce moment-là, je suis sous une pression qui veut dire que je suis scrutée, scrutinisée comme on dit en anglais to scrutinize, d’une façon qui me donne le sentiment que je ne peux pas me permettre le moindre écart. Si ce sur quoi je suis en quelque sorte mise а l’épreuve, petit morceau par petit morceau, il apparaissait un seul instant que je ne suis pas en mesu­re d’en répondre, eh ! Bien, c’est mon patient qui, lui, va s’en aller en mille morceaux. Ayant donc, elle, cherché le désir de l’homme, ce qu’elle ren­contre comme réponse, ce n’est pas la recherche de son désir, à elle, c’est la recherche de а, de l’objet, du vrai objet, de ce dont il s’agit dans le désir qui n’est pas l’Autre А, qui est ce reste, le а, le vrai objet.

C’est là qu’est la clé, qu’est l’accent de ce que je veux aujourd’hui, entre autres choses, vous démontrer. Qu’elle soutienne cette recherche, c’est ce qu’elle appelle elle-même « avoir plus qu’elle ne croyait de masochisme ». Là — je vous ai dit cela parce qu’elle l’écrit — entendez bien qu’elle se trom­pe, elle n’est pas du tout faite pour entrer dans le dialogue masochiste, comme son rapport avec l’autre patient, l’autre mâle qu’elle loupe si bien, vous allez le voir, le démontre suffisamment. Simplement, elle tient très bien le coup, malgré que ce soit épuisant, elle n’en peut plus, comme je vous l’ai dit la dernière fois, aux approches de ses vacances, heureusement, les vacances sont là. Comme je vous l’ai dit, de la façon qui est pour elle aussi surprenante qu’amusante, amusingly, dans sa soudaineté, suddenly, elle s’aperçoit qu’après tout, tout ça, à partir du moment où ça s’arrête, ça ne dure pas très longtemps. Elle s’ébroue et pense à autre chose, pourquoi ? C’est qu’après tout, elle sait très bien qu’il peut toujours chercher, qu’il n’a jamais été question qu’il trouve. C’est justement de cela qu’il s’agit, c’est qu’il s’aperçoive qu’il n’y а rien а trouver. Il n’y а rien à trouver, parce que ce qui, pour l’homme, pour le désir mâle, dans l’occasion, est l’objet de la recherche, ne concerne, si je puis dire, que lui. C’est ça l’objet de ma leçon d’aujourd’hui.

Ce qu’il recherche, c’est — φ, c’est, si je puis dire, ce qui lui manque, а elle. C’est une affaire de mâle ou d’homme. Elle sait très bien — laissez-moi dire et ne vous emballez pas — elle sait très bien qu’il ne lui manque rien ou plu­tôt, nous у reviendrons tout à l’heure, le mode sous lequel le manque joue dans le développement féminin n’est pas à situer а ce niveau ; c’est là où il est cherché par le désir de l’homme, quand il s’agit proprement, et c’est pour cela que je l’ai accentué d’abord, de cette recherche sadique, faire jaillir ce qui doit être à la place, chez le partenaire, à la place supposée du manque. C’est de cela qu’il faut qu’il fasse son deuil. Je dis cela parce que, dans le texte, elle articu­le fort bien que ce qu’ils ont fait ensemble, c’est ce travail du deuil. Une fois qu’il en а fait son deuil, de cette recherche, à savoir de trouver dans cette occasion, dans son partenaire, en tant qu’elle s’est posée elle-même, sans trop savoir il faut bien le dire ce qu’elle faisait, comme un partenaire féminin. Quand il а fait son deuil de trouver chez ce partenaire son propre manque, — φ, la castration primaire fondamentale de l’homme, telle que je vous l’ai désignée au niveau, ici, de sa racine biologique, des particularités de l’instru­ment de la copulation а ce niveau de l’échelle animale, quand il en а fait son deuil — c’est Lucy Tower qui nous l’a dit — tout va bien marcher, c’est-à­-dire qu’on va, avec ce bonhomme qui n’a jamais jusque la atteint ce niveau, pouvoir rentrer dans ce que vous me permettrez а l’occasion d’appeler la comédie œdipienne. En d’autres termes, on va pouvoir commencer à rigoler, c’est papa qui а fait tout ça ! Car c’est en fin de compte de cela qu’il s’agit, comme on le sait depuis longtemps, rappelez-vous Jones et le moralisches ent­gegenkommen, la complaisance à l’intervention morale, s’il est castré, c’est à cause de la loi. On va jouer la comédie de la loi, on у est autrement à l’aise, c’est bien connu et c’est repéré. Bref, voici le désir de notre bonhomme qui prend les routes toutes tracées, par quoi ? Justement par la loi, démontrant une fois de plus que la norme du désir et la loi sont une seule et même chose. Est-ce que je me fais assez entendre ? Pas assez, car je n’ai pas dit la dif­férence, ce qu’il у avait avant et ce qui est franchi а ce niveau comme étape et grâce à ce deuil. Ce qu’il у avait avant, c’était à proprement parler, la faute, il portait tout le faix, tout le poids de son — ср. Il était — rappelez-vous l’usage que j’ai fait en son temps du passage de Saint Paul — il était déme­surément pêcheur. Je fais donc le pas de plus ; la femme n’a bien, vous le voyez, aucune peine et, disons, jusqu’à un certain point, aucun risque à rechercher ce qu’il en est du désir de l’homme. Mais je ne peux pas moins faire а cette occasion que de vous rappeler le passage célèbre du texte attri­bué а Salomon que j’ai cité depuis longtemps avant ce séminaire, que je vous donne ici en latin où il prend toute sa saveur : Tria sunt difficilia mihi, dit-­il, le roi de la sagesse, et quartum penitus ignoro — il у а quatre choses sur lesquelles je ne peux rien dire, parce qu’il n’en reste aucune trace – ; viam aquilae in coelo, celle du sillage de l’aigle dans le ciel, celui du serpent sur la terre, celui du navire dans la mer, et viam viri in adulescentula, et la trace de 1’homme, 1’accent est mis, même sur la petite fille. Aucune trace. Il s’agit là du désir, et non pas de ce qu’il advient quand c’est l’objet comme tel qui se met en avant. Çа laisse donc de côté les effets, sur 1’adulescentula, de bien des choses, а commencer par l’exhibitionniste, et derrière, la scène primiti­ve. Mais c’est d’autre chose qu’il s’agit.

Alors, où prendre les choses pour concevoir ce qu’il en est chez la femme de cette chose que nous soupçonnons, où aussi elle а son entrée vers le manque ? On nous en rebat assez les oreilles avec l’histoire du penisneid. C’est ici que je crois nécessaire d’accentuer la différence ; bien sûr que pour elle il у a aussi constitution de l’objet а du désir, puisqu’il se trouve que les femmes parlent, elles aussi. On peut le regretter, mais c’est un fait. Elle veut donc, elle aussi, l’objet, et même un objet, en tant qu’elle ne l’a pas. C’est bien ce que Freud nous explique, que pour elle, cette revendication du pénis restera jusqu’à la fin essentiellement liée au rapport а la mère, c’est-à-dire à la demande. C’est dans la dépendance de la demande que se constitue cet objet а pour la femme. Elle sait très bien — si j’ose dire, quelque chose sait en elle — que, dans l’Œdipe, ce dont il s’agit, ce n’est pas d’être plus forte, plus désirable que la mère — cela, dans le fond, elle s’avise assez vite que le temps travaille pour elle — c’est d’avoir l’objet. L’insatisfaction foncière dont il s’agit dans la structure du désir est, si je puis dire, pré-castratioe. S’il arrive qu’elle s’intéresse comme telle à la castration — φ, c’est, pour autant qu’elle va entrer dans les problèmes de l’homme, c’est secondaire, c’est deu­téro-phallique, comme avec beaucoup de justesse l’a articulé Jones et c’est là autour de quoi tourne toute l’obscurité du débat en fin de compte jamais dénoué sur ce fameux phallicisme de la femme, débat dans lequel je dirais tous les auteurs ont également raison, faute de savoir où est véritablement l’articulation. Je ne prétends pas que vous allez la garder soutenue, présen­te et vive et repérable tout de suite dans votre esprit mais j’entends vous mener là tout autour par assez de chemins pour que vous finissiez par savoir là où ça passe et là où on fait un saut quand on théorise. Pour la femme, c’est initialement ce qu’elle n’a pas, comme tel, qui va devenir, qui constitue au départ, l’objet de son désir, alors qu’au départ, pour l’homme, c’est ce qu’il n’est pas, c’est là où il défaille. C’est pour cela que je vous ai fait vous avan­cer par cette voie du fantasme de Don Juan. Le fantasme de Don Juan — et c’est en cela qu’il est un fantasme féminin — c’est ce vœu, chez la femme, d’une image qui joue sa fonction, fonction fantasmatique, qu’il у en а un, d’homme, qui l’a d’abord, ce qui est évidemment, vu l’expérience, une méconnaissance évidente de la réalité mais bien mieux encore : qu’il l’a tou­jours, qu’il ne peut pas le perdre. Ce qui implique justement la position de Don Juan dans le fantasme, c’est qu’aucune femme ne peut le lui prendre, c’est ce qui est essentiel et c’est évidemment — c’est pour cela que j’ai dit que c’est un fantasme féminin — ce qu’il а dans cette occasion de commun avec la femme à qui, bien sûr, on ne peut pas le prendre, puisqu’elle ne l’a pas. Ce que la femme voit dans l’hommage du désir masculin, c’est que cet objet, disons-le, soyons prudents, devienne de son appartenance. Ceci ne veut rien dire de plus que ce que je viens auparavant d’avancer, qu’il ne se perde pas. Le membre perdu d’Osiris, tel est l’objet de la quête et de la garde de la femme. Le mythe fondamental de la dialectique sexuelle entre l’homme et la femme est là, par toute une tradition, suffisamment accentué et aussi bien, ce que l’expérience « psychologique » — entre guillemets au sens qu’a ce mot dans les écrits de Paul Bourget — de la femme ne nous dit pas, qu’une femme pense toujours qu’un homme se perd, s’égare avec une autre femme. Don Juan l’assure qu’il у а un homme qui ne se perd en aucun cas.

Évidemment, il у а d’autres façons privilégiées, typiques, de résoudre ce difficile problème du rapport au а pour la femme, un autre fantasme, si vous voulez. Mais, а la vérité, ça ne coule pas de source, ça n’est pas elle qui 1’а inventé. Elle le trouve ready made. Bien sûr, pour s’y intéresser, il faut qu’elle ait, si je puis dire, une certaine sorte d’estomac. J’envisage, si je puis dire là, dans l’ordre du normal, ce type de rude baiseuse dont Sainte Thérèse d’Avila nous donne le plus noble exemple et dont l’accès, lui, plus imagi­naire, nous est donné par le type de l’amoureuse de prêtre, un cran encore l’érotomane. Leur nuance, leur différence est, si je puis dire, du niveau où se collabe le désir de l’homme avec ce qu’il représente de plus ou moins imaginaire comme entièrement confondu avec le а. J’ai fait allusion а Sainte Thérèse d’Avila, j’aurais pu parler aussi de la bienheureuse Marguerite Marie Alacoque, elle а l’avantage de nous permettre de reconnaître la forme-même du а dans le Sacré Cœur. Pour l’amoureuse de prêtre, il est certain que c’est dans la mesure où quelque chose dont nous ne pouvons pas dire, tout crûment, que c’est la castration institutionnalisée qui suffit à l’éta­blir, c’est tout de même dans ce sens, vous allez le voir, que le petit a, comme tel est mis en avant parfaitement isolé, proposé comme l’objet élu de son désir. Pour l’érotomane, pas besoin que le travail soit préparé, elle le fait elle-même.

Et nous voilà donc ramenés au problème précédent, а savoir ce que nous pouvons articuler des rapports de l’homme — c’est lui, lui seul, qui peut nous en donner la clé — du rapport а ces divers а tels qu’ils se proposent ou s’imposent, ou dont on plus ou moins dispose par rapport à ce qui ne se discerne, ne se définit et ne se distingue comme tel, c’est-à-dire donnant son dernier statut à l’objet du désir, que dans ce rapport à la castration.

Je vous demanderai de revenir un instant а mon stade du miroir. Autrefois, on passait un film qui avait été fait quelque part, en Angleterre, dans une école spécialisée dans son effort pour faire coller ce que pouvait nous donner l’observation de l’enfant par rapport а la génétique psychana­lytique, la valeur de ce document était d’autant plus grande qu’elle était faite vraiment, cette observation, cette prise de vue, sans la moindre idée pré­conçue. Il s’agissait, parce qu’on avait couvert tout le champ de ce qui peut s’observer, de la confrontation du petit baby mâle et femelle avec le miroir. Il s’y confirmait pleinement d’ailleurs les dates initiales et terminales que j’y avais données. Je me souviens que ce film est une des dernières choses qui ait été présentée а la Société Psychanalytique de Paris, avant que nous ne nous en séparions. La séparation était fort proche et on ne l’a peut-être regardé à ce moment-là qu’avec un peu de distraction mais j’avais, je vous assure, toute ma présence d’esprit et je me souviens encore de cette image saisissante où on représentait la petite fille confrontée au miroir. S’il у а quelque chose qui illustre cette référence au non-spécularisaЫe que j’ai mise en avant l’année dernière, c’est bien le geste de cette petite fille, cette main qui passait rapidement sur le gamma de la jonction du ventre et des deux cuisses, comme une espèce de moment de vertige devant ce qu’elle voit.

Le petit garçon, lui, pauvre couillon, regarde le petit robinet probléma­tique. Il se doute vaguement qu’il у а là une bizarrerie. Lui, il faut qu’il apprenne, à ses dépens, vous le savez, que, si l’on peut dire, ce qu’il а là, ça n’existe pas, je veux dire, auprès de ce qu’a papa, de ce qu’ont les grands frères, etc. ; vous connaissez toute la première dialectique de la comparai­son. Il apprendra ensuite que, non seulement ça n’existe pas, mais que ça ne veut rien savoir ou, plus exactement, que ça n’en fait qu’à sa tête. Pour tout dire, ce n’est que pas а pas, dans son expérience individuelle, qu’il doit apprendre à le rayer de la carte de son narcissisme, justement pour que ça puisse commencer à servir à quelque chose. Je ne dis pas que ce soit si simple, ça serait vraiment insensé de me l’attribuer. Bien sûr, naturellement, si je puis dire, plus on l’enfonce, plus ça remonte à la surface ; en fin de compte, ce jeu-là — je ne fais là que vous donner une indication, mais enfin une indication qui rejoindra, je pense, assez ce qu’on а pu vous indiquer de la structure fondamentale de ce qu’on appelle ridiculement la perversion — ce jeu-là, c’est le principe de l’attachement homosexuel. L’attachement homosexuel, c’est je joue а qui perd gagne. А chaque instant, dans l’atta­chement homosexuel, c’est cette castration qui est en jeu et cette castration qui l’assure, l’homosexuel, que c’est bien ça, le — φ, qui est l’objet du jeu. C’est dans la mesure où il perd qu’il gagne.

Alors, j’en viens à illustrer ce qui, à mon étonnement, а fait problème la dernière fois, dans mon rappel du pot de moutarde. Un de mes auditeurs particulièrement attentif m’a dit : « Çа allait bien, ce pot de moutarde, tout au moins, nous étions un certain nombre qui ne nous en offensions pas trop. Mais voilà que vous réintroduisez maintenant la question du contenu. Vous le remplissez à moitié avec quoi ? » Allons-y donc. Le — φ, c’est ça le vide du vase, le même qui définit l’homo faber. Si la femme, nous dit-on, primor­dialement, est une tisserande, c’est l’homme assurément qui est le potier et c’est même le seul biais par où se réalise, dans l’espèce humaine, le fonde­ment de la ritournelle par où, nous dit-on, le fil est pour l’aiguille comme la fille est pour le garçon ; cette espèce de référence qui se prétend naturelle, elle n’est pas si naturelle que ça.

La femme, bien sûr, se présente avec l’apparence du vase. Et évidemment c’est ce qui le trompe, le partenaire, l’homo faber en question, le potier. Il s’imagine que ce vase peut contenir l’objet de son désir. Seulement, voyez bien où ça nous conduit, c’est inscrit dans notre expérience, on l’a épelé pas а pas et c’est ce qui ôte а ce que je vous dis toute espèce d’apparence de déduction, de reconstruction, on s’est aperçu de la chose sans du tout par­tir du bon endroit dans les prémisses. Mais on s’en est aperçu bien avant de comprendre ce que ça voulait dire. La présence fantasmatique du phallus, j’entends du phallus d’un autre homme, au fond de ce vase, est un objet quotidien de notre expérience analytique. Il est bien clair que je n’ai pas besoin de revenir une fois de plus а Salomon pour vous dire que cette pré­sence est une présence entièrement fantasmatique. Bien sûr, il у а des choses qui se trouvent dans le vase, et fort intéressantes pour le désir, 1’œuf par exemple, mais enfin, celui-là, il vient de l’intérieur et nous prouve que si vase il у а, il faut un tant soit peu compliquer le schéma. Bien sûr, l’œuf peut trouver avantage aux rencontres que prépare le malentendu fondamental, je veux dire qu’il n’est pas inutile qu’il у rencontre le spermatozoïde, mais après tout, la parthénogénèse future n’est pas exclue, et en attendant, l’insé­mination peut prendre de toutes autres formes. C’est, si je puis dire, au reste, dans l’arrière-boutique que se trouve le vase, l’utérus, dans cette occa­sion, véritablement intéressant. Il est intéressant objectivement, il l’est aussi psychiquement au maximum, je veux dire que dès que la maternité est là, elle suffit largement à investir tout l’intérêt de la femme et qu’au moment de la grossesse toutes ces histoires de désir de l’homme deviennent, comme chacun sait, légèrement superfétatoires.

Alors, venons-en, puisqu’il faut le faire, à notre pot de l’autre jour, à notre honnête petit pot des premières céramiques et identi­fions-1e а — ср. Laissez-moi, pour la démons­tration, mettre ici, un instant, dans un petit pot voisin, ce qui pour l’homme peut se constituer comme а, l’objet du désir. C’est un apologue, cet apologue est destiné à accentuer que а, l’objet du désir, pour l’homme, n’a de sens que quand il а été reversé dans le vide de la castration primordiale. Ceci ne peut donc se produire sous cette forme, c’est-à-dire constituant le premier nœud du désir mâle avec la castration, qu’à partir du narcissisme secondaire, c’est-à-dire au moment où а se détache, tombe de i (a), l’image narcissique. Il у а là ce que j’appellerai, l’in­diquant aujourd’hui pour у revenir et au reste, je pense que vous vous en souvenez, n’introduisant ici rien que je n’aie déjà accentué, un phénomène qui est le phénomène constitutif de ce qu’on peut appeler le bord. Comme je vous l’ai dit l’année dernière, а propos de mon analyse topologique, il n’y а rien de plus structurant de la forme du vase que la forme de son bord, que la coupure où il s’isole comme vase.

Dans un temps lointain, où s’ébauchait la possibilité d’une véritable logique refaite selon le champ psychanalytique — elle est à faire, encore que je vous en aie donné plus d’une amorce — grande et petite logique, je dis logique non dialectique, au temps où quelqu’un comme Imre Hermann avait commencé à s’y consacrer d’une façon certes très confuse, faute de toute articulation dialectique — mais enfin ceci а été ébauché — le phéno­mène qu’il qualifie de Randbevorzugung, d’élection, de préférence du champ phénoménal analytique pour les phénomènes de bord, avait été déjà, j’y reviendrai devant vous, par cet auteur, articulé.

Ce bord du petit pot, du pot de la castration, est un bord, lui, tout rond, si je puis dire, bien honnête. Il n’a aucun de ces raffinements de complica­tion où je vous ai introduits avec la bande de Moebius, et qu’il est si facile d’ailleurs, comme je vous l’ai montré — vous vous en souvenez, je pense — une fois au tableau, de réaliser avec un vase tout à fait matériel. Il suffit de faire se conjoindre deux points opposés de son bord en retournant en route les surfaces de façon à ce qu’elles se joignent, comme dans le ruban de Mœbius, et nous nous trouvons devant un vase dont, d’une façon surpre­nante, on passera, avec la plus grande aisance, de la face interne à la face externe, sans avoir jamais à franchir le bord. ça, ça se produit au niveau des autres petits pots et c’est là que commence l’angoisse.

Bien sûr, qu’une pareille métaphore ne peut pas suffire à reproduire ce qu’il у а à vous expliquer. Mais que ce petit pot originel ait le plus grand rap­port avec ce dont il s’agit concernant la puissance sexuelle, avec le jaillisse­ment intermittent de sa force, c’est tout ce que je pourrais appeler une série d’images faciles а mettre devant vos yeux d’une éroto-propédeutique, voire même а proprement parler d’une érotique, rend tout а fait facile d’accès. Une foule d’images de ce titre, chinoises, japonaises et autres et, j’imagine, pas difficiles à retrouver non plus dans notre culture, vous en témoignerait. Ce n’est pas ça qui est angoissant. Que le transvasement, ici, nous permet­te de saisir comme le а prend sa valeur de venir dans le pot du — φ, prend sa valeur d’être ici -а, le vase а demi-vide en même temps qu’il est à demi plein, c’est ce que je vous ai dit la dernière fois, il est évident que pour être vrai­ment complet dans mon image, il faut que je souligne que ce n’est pas le phénomène du transvasement qui est essentiel, c’est le phénomène auquel je viens de faire allusion de la transfiguration du vase, c’est-à-dire que ce vase-­là devienne angoissant, pourquoi ? Parce que ce qui vient à demi remplir le creux constitué de la castration originelle, c’est ce petit а en tant qu’il vient d’ailleurs, qu’il n’est supporté, constitué que par l’intermédiaire du désir de l’Autre. Et c’est là que nous retrouvons l’angoisse et la forme ambiguë de ce bord qui, tel qu’il est fait au niveau de l’autre vase, ne nous permet de dis­tinguer ni intérieur, ni extérieur. L’angoisse donc vient se constituer, prendre sa place dans un rapport au-delà de ce vide d’un temps premier, si je puis dire, de la castration. Et c’est pour cela que le sujet n’a qu’un désir quant à cette castration première, c’est d’y retourner.

Je vous parlerai, après l’interruption que nous allons avoir, longuement du masochisme et il n’est pas, bien entendu, question que je l’aborde aujourd’hui. Si vous voulez vous у préparer à m’entendre là-dessus, je donne maintenant — c’est lapsus de ma part si je ne l’ai pas fait plus tôt, quand j’avais commencé de vous en parler — l’indication d’un article, pré­cieux entre tous parce que nourri de l’expérience la plus substantielle, c’est l’article d’un homme qui est bien un de ceux а propos desquels je peux le plus me désoler que les circonstances m’aient privé de sa collaboration, c’est l’article de Grunberger Esquisse d’une théorie psycho-dynamique du maso­chisme dans le numéro d’avril-juin 1954, numéro 2 du tome XVIII de la Revue Française de Psychanalyse. Je ne sache que, même ailleurs, on ait fait à cet article le sort qu’il mérite, mais est-ce au fait qu’il est paru а l’ombre des fastes de la fondation de l’Institut de Psychanalyse à quoi cet oubli soit dû, je ne chercherai point à en trancher. Mais vous у verrez, ce n’est pas là du tout le dernier mot, vous у verrez noté — je ne l’invoque ici que pour vous montrer tout de suite le prix du matériel qu’on peut у prendre — vous у verrez noté, au point du jour, le jour de l’observation de la séance analy­tique, comment le recours à l’image même de la castration, ah, ce que je voudrais qu’on me les coupe, peut venir comme issue apaisante, salutaire à l’angoisse du masochiste. Ce n’est pas là, je le souligne, phénomène qui soit le dernier mot de cette complexe structure. Mais aussi bien ai-je là-dessus assez amorcé ma formule pour que vous sachiez ce que je vise а cette occa­sion, je veux dire quant au lien de l’angoisse au masochisme, en un point tout а fait différent de ce point intérieur à ce que je pourrais appeler l’émoi momentané du sujet. Ce n’est qu’une indication que J’y trouve. Mais ce temps de la castration en tant que le sujet у retourne, en tant qu’il devient un point de sa visée, nous ramène à ce que j’ai déjà accentué à la fin d’un de mes séminaires derniers concernant la circoncision.

Je ne sais pas, Stein, où vous en êtes du commentaire que vous poursui­vez de Totem et tabou et si ceci vous а mené encore а aborder Moise et le monothéisme. Je pense que vous ne pouvez faire que d’y venir et d’y être alors frappé de l’escamotage total du problème, pourtant structurant s’il en est ; s’il faut trouver au niveau de l’institution mosaïque quelque chose qui у reflète le complexe culturel inaugural, de savoir quel fut sur ce point la fonction de l’institution de la circoncision ; vous devez apercevoir qu’en tout cas il у а quelque chose dans cette ablation du prépuce que vous ne pouvez pas manquer de rapprocher de ce drôle de petit objet tortillé que je vous ai, un jour, fait filer entre les mains, matérialisé, pour que vous voyiez comment ça se structure une fois réalisé sous la forme d’un petit bout de carton ; ce résultat de la coupure centrale à ce que je vous ai ici illustré, incarné de la forme du cross-cap, pour vous montrer en quoi cet isolement de quelque chose, qui se définit justement comme une forme incarnant comme telle le non-spécularisaЫe, peut avoir à faire avec la constitution de l’autonomie du а, de l’objet du désir.

Que quelque chose comme un ordre puisse être apporté dans ce trou, cette défaillance constitutive de la castration primordiale, c’est ce que je crois que la circoncision incarne au sens propre du mot. Le circoncis, et la circoncision, а, de par toutes ses coordonnées, toute la configuration rituel­le, voire mythique, les primordiaux accès initiatiques qui sont ceux où elle s’opère, le rapport le plus évident avec la normativation de l’objet du désir. Le circoncis est consacré, consacré moins encore а une loi qu’à un certain rapport а l’Autre, au grand А, et c’est pour cela qu’il s’agit du petit а. Reste que nous sommes, au point où j’entends porter le feu du sunlight, а savoir au niveau où nous pouvons trouver, dans la configuration de l’histoire, quelque chose qui se supporte d’un grand А qui est un peu là, le Dieu de la tradition judéo-chrétienne, reste à voir ce que signifie la circoncision. Il est extrêmement étonnant que, dans un milieu aussi judaïque que le milieu de la psychanalyse, des textes cent mille fois parcourus, depuis les Pères de 1’Е­glise jusqu’aux Pères de la Réforme, c’est-à-dire jusqu’au XVIIIe siècle — et encore, pour vous dire comme périodes fécondes de la Réforme — que ces textes n’aient pas été réinterrogés. Sans doute ce qui nous est dit, au cha­pitre XVII de la Genèse, concernant le caractère fondamental de la loi de la circoncision en tant gиМ1е fait partie du pacte donné par Yahwé dans le buisson, la référence de cette loi au temps д’Abraham — c’est en ceci que consiste ce chapitre XVII, c’est de faire dater д’Abraham l’institution de la circoncision — sans doute ce passage est une addition, semble-t-il а la cri­tique exégétique, est une addition sacerdotale, c’est-à-dire très sensiblement postérieure а la tradition du Jehoviste et de l’Elohiste, c’est-à-dire aux deux textes primitifs, dont se composent les livres de la Loi. Nous avons pour­tant au chapitre XXXIV le fameux épisode qui ne manque pas d’humour, qui concerne, vous le savez, le rapt de Dinah, sœur de Siméon et Lévi, fille de Jacob. Pour l’obtenir — car il s’agit pour l’homme de Sichem qui l’a enle­vée, de l’obtenir de ses frères — Siméon et Lévi exigent qu’il se circoncise « Nous ne pouvons donner notre saur а un incirconcis, nous serions désho­norés ». Nous avons évidemment ici la superposition de deux textes ; on ne sait si c’est un seul homme, ou tous les sichémites qui se font du même coup, dans cette proposition d’alliance qui, bien sûr, ne pouvait se faire au titre seulement de deux familles, mais de deux races, si tous les sichémites se font circoncire ; résultat, ils sont invalides trois jours, ce dont profitent les autres pour venir les égorger. C’est un de ces charmants épisodes qui ne pouvaient entrer dans la comprenoire de Monsieur Voltaire et qui lui ont fait dire tant de mal de ce livre admirable quant а la révélation de ce qu’on appelle, comme tel, le signifiant. Ceci est tout de même fait pour nous faire penser que ce n’est pas seulement de Moïse que date la loi de la circoncision. Je ne fais ici que mettre en valeur les problèmes soulevés à ce propos.

Assurément, tout de même, puisque de Moïse il s’agit et que Moïse, dans notre sphère, serait reconnu pour être égyptien, il ne serait pas tout à fait inutile de nous poser la question de ce qu’il en est, quant aux rapports de la circoncision judaïque avec la circoncision des égyptiens. Ceci me fera excu­ser de prolonger encore, disons de 5 à 7 minutes, ce que j’ai à vous dire aujourd’hui, pour que ce que j’ai écrit au tableau ne vous soit pas perdu. Nous avons l’assurance, par un certain nombre d’auteurs de l’Antiquité et nommément ce vieil Hérodote qui radote sans doute quelque part, mais est souvent bien précieux, en tout cas qui ne laisse aucune espèce de doute qu’à son époque, c’est-à-dire à très basse époque pour les Juifs, les Égyp­tiens dans l’ensemble pratiquaient la circoncision ; il en fait même un état si prévalent qu’il articule que c’est aux Égyptiens que tous les sémites de la Syrie et de la Palestine doivent cet usage. On а beaucoup épilogué là-des­sus ; après tout, nous ne sommes point forcés de l’en croire. Ceci, il l’avan­ce bizarrement а propos des Colchidiens dont il prétendrait que ce serait une colonie égyptienne. Mais laissons. Il en fait, grec comme il est — et après tout, а son époque, ne peut-il guère en voir autre chose — une mesu­re de propreté. Il nous souligne que les égyptiens préfèrent le fait d’être propre, katarrai à celui d’avoir ce qu’on appelle une belle apparence, en quoi Hérodote, grec comme il est, ne nous dissimule pas qu’il lui semble que c’est tout de même toujours un peu se défigurer que de se circoncire.

Nous avons heureusement des témoignages et des supports de la circon­cision des Égyptiens, plus directs. Nous avons deux témoignages que J’ap­pellerai iconographiques — vous me direz que ce n’est pas beaucoup — un est de l’Ancien Empire, il est à Saqqarah dans la tombe du médecin Ank Maror (?). On dit que c’est un médecin parce que les parois de la tombe sont couvertes de figures d’opérations. Une de ces parois nous montre deux figures de circoncision, l’autre est à droite de celle-ci, je vous ai représenté celle qui est а gauche. Je ne sais pas comment j’ai réussi à rendre lisible, ou si j’ai réussi à rendre lisible mon dessin qui а l’ambition de se limiter et d’ac­centuer peut-être un peu а l’occasion les lignes telles qu’elles se présentent. Voici le garçon qu’on circoncit et voici l’organe, un garçon, qui est derrière lui, lui tient les mains, parce qu’il le faut ; un personnage qui est un prêtre, sur la qualification duquel je ne m’étends pas aujourd’hui, est ici ; d’une main, c’est la main gauche, il tient l’organe, de l’autre, cet objet oblong, qui est un couteau de pierre. Ce couteau de pierre, nous le retrouvons dans un autre texte resté jusqu’à présent complètement énigmatique, texte biblique qui dit qu’après l’épisode du buisson ardent, alors que Moïse est avisé que plus personne en Égypte ne se souvient, plus exactement que tous ceux qui se souvenaient du meurtre qu’il а accompli d’un égyptien, ont disparu, qu’il peut rentrer. Il rentre et, sur la route, le texte biblique nous dit — sur la route où il s’arrête, on traduit anciennement dans une hôtellerie, mais lais­sons — Yahwé l’attaque pour le tuer. C’est tout ce qui est dit. Séphora, sa femme, alors, circoncit son fils, qui est un petit enfant et, touchant Moïse, qui n’est pas circoncis, avec le prépuce, le préserve mystérieusement, par cette opération, par ce contact, de l’attaque de Yahwé qui, dès lors, 1’aban­donne et le laisse, cesse son attaque. Il est dit que Séphora circoncit son fils avec un couteau de pierre.

Quarante et quelques années de plus, puisqu’il у а aussi tout l’épisode des ordalies imposées aux Égyptiens et des dix plaies, au moment d’entrer dans la terre de Canaan, Josué reçoit l’ordre : « Prends un couteau de pier­re et circoncis tous ceux qui sont là, qui vont entrer dans la terre de Canaan ». Ce sont ceux et seulement ceux qui sont nés pendant les années du désert, pendant les années du désert, ils n’ont pas été circoncis. Yahwé ajoute : « Maintenant, j’aurai fait rouler de dessus vous » — ce qu’on tra­duit par « levé, suspendu — le mépris des Égyptiens ». Je vous rappelle ces textes, non pas que j’aie l’intention de les utiliser tous, mais pour vous sus­citer au moins le désir, le besoin de vous у reporter. Pour l’instant, je m’ar­rête au couteau de pierre.

Le couteau de pierre indique, en tout cas, à cette cérémonie, une origine très ancienne, ce qui est confirmé par la découverte par Eliot Smith, près de Louqsor, si mon souvenir est bon, probablement а Magadeh (?) qui а tant d’autres raisons d’attirer notre intérêt concernant cette question même de la circoncision, de cadavres de la période préhistorique — c’est-à-dire non pas de cadavres qui soient momifiés selon les normes qui permettent de les dater dans l’histoire de l’Égypte — qui portent la trace de la circoncision. Le couteau de pierre, à lui seul, nous désignerait à cette cérémonie une date, une origine qui est au moins de l’époque qu’on définit comme l’époque néolithique.

Au reste, pour qu’il n’y ait aucun doute, trois lettres égyptiennes, ces trois-ci, qui sont respectivement un S, un В, et un Т, S (e) B (e) T, nous indi­quent expressément qu’il s’agit de la circoncision. Le signe ici marqué est un hapax, on ne le retrouve que là ; il semblerait que ce soit une forme effacée, fruste, du déterminatif du phallus. Nous le trouvons dans d’autres inscrip­tions où vous le voyez beaucoup plus clairement inscrit.

Un autre mode de désigner la circoncision est celui qui est dans cette ligne et qui se lit FâHeT, F, le Н aspiré qui est ici, ce signe qui est ici le plаcenta, et ici le Т qui est le même que vous voyez ici. Ici, un déterminatif qui est le déterminatif du linge, il ne se prononce pas. Je vous prie d’en prendre note aujourd’hui parce que j’y reviendrai. Ici, un autre F désigne il et ici le PaN qui veut dire le prépuce ; PaN veut dire « être séparé de son prépuce ». Ceci а également toute son importance, car circoncision n’a pas а être pris uniquement comme une opération, si je puis dire totalitaire, un signe. Le « être séparé de quelque chose » est dès ce moment-là, dans une inscription égyptienne, а proprement parler, articulé. Je vous l’ai dit, je ne m’avance aussi loin que pour que je n’aie pas écrit ça aujourd’hui d’une façon inutile.

Cette fonction du prépuce et qui est, en quelque sorte, le but, le prix qui, dans ces inscriptions, est donné, si l’on peut dire, au poids du moindre mot, le maintien, si je puis dire, du prépuce comme l’objet de l’opération, tout autant que celui qui la subit, est une chose dont je vous prie de retenir ici l’accentuation, parce que nous le retrouvons dans le texte de Jérémie aussi énigmatique, aussi, jusqu’à présent, ininterprété, que tel auquel je viens de faire allusion devant vous, et nommément celui de la circoncision par Séphora de son fils; j’aurai donc l’occasion d’y revenir.

Je pense avoir déjà suffisamment amorcé la fonction de la circoncision, j’entends non pas seulement, dans ses coordonnées de fête, d’initiation, d’introduction а une consécration spéciale, mais dans sa structure même de référence, pour nous essentiellement intéressante, à la castration, quant à ses rapports avec la structuration de l’objet du désir; je pense avoir suffisam­ment amorcé les choses dans ce sens, pour pouvoir les reprendre efficace­ment plus avant avec vous, au jour ou je vous ai donné notre prochain ren­dez-vous.

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