samedi, juillet 27, 2024
Recherches Lacan

LXX ENCORE Leçon du 20 Mars 1973

Leçon du 20 mars 1973

Moi, j’aimerais bien que — de temps en temps – j’aie une réponse, voire une protestation. J’ai pas beaucoup d’espoir puisqu’une des personnes qui m’a donné autrefois cette satisfaction… il est vrai que je ne l’ai suppliée de tenir ce rôle qu’il y a une demi-heure… me prie d’y renoncer. Mais s’il y avait quelqu’un, par hasard qui, dans ce que j’ai dit la dernière fois… la dernière fois dont, dont je suis sorti moi-même, disons seulement, assez inquiet pour ne pas dire plus, et ce qui se trouve — à ma relecture — s’avérer pour moi-même tout à fait supportable, disons. C’est ma façon à moi de dire que c’était très bien… je ne serais pas mécontent si quand même quelqu’un pouvait me donner le témoignage d’en avoir entendu quelque chose. Il suffirait qu’une main se lève pour qu’à cette main, si je puis dire, je donne la parole. Je vois qu’il n’en est rien, de sorte qu’il faut donc que je continue. Ça sera peut-être moins bien cette fois-ci. Je voudrais partir d’une remarque, de quelques remarques, dont les deux premières vont consister à rappeler ce qu’il en est du savoir. Et puis à essayer de faire le joint, à ce que pour vous aujourd’hui j’écrirais volontiers de l’« hainamoration » qu’il faut écrire : h. a. i. n. a. m. o. r. a. t. i. o. n. C’est le relief, vous le savez, qu’a su introduire la psychanalyse pour situer… pour y situer la zone de son expérience, c’est de sa part un témoignage, si je puis dire, de bonne volonté. Si l’hainamoration, justement, elle avait su l’appeler d’un autre terme que de celui, bâtard, de l’ambivalence, peut-être, peut-être aurait-elle mieux réussi à réveiller le contexte de l’époque où elle s’insère. Peut-être aussi est-ce modestie de sa part. Et en effet, si j’ai terminé sur quelque chose… ce quelque chose grâce à quoi peut faire qu’aborder ce qui m’avait polarisé pendant toute mon énonciation de la dernière fois… j’avais énoncé de ce dernier paragraphe qu’il y avait un nommé EMPÉDOCLE, et j’avais fait remarquer que ce n’est pas pour rien que FREUD s’en arme : que pour EMPÉDOCLE, Dieu devait être le plus ignorant de tous les êtres… ce qui nous conjoint à la question du savoir… et ceci très précisément — disais-je — de ne point connaître la haine. J’y ajoutais que les chrétiens plus tard ont transformé cette « non-haine » de Dieu en une marque d’amour. C’est là que l’analyse du corrélat qu’elle établit entre haine et amour nous incite, nous incite à ce quelque chose d’un rappel, où je reviendrai tout à l’heure et qui est exactement celui-ci : qu’on ne connaît point d’amour sans haine. C’est à dire que, s’il y a connaissance de quelque chose, si cette connaissance nous déçoit… qui a été fomentée au cours des siècles et qui fait qu’il nous faut rénover la fonction du savoir… c’est bien peut-être que la haine n’y a point été mise à sa place. Il est vrai que là-dessus, ce n’est point non plus ce qu’il semble le plus désirable d’évoquer. Et c’est pour ça que j’ai terminé de cette phrase : on pourrait dire que plus l’homme prête à la femme de le confondre avec Dieu… c’est à dire ce dont elle jouit, rappelez-vous mon schéma de la dernière fois, je vais pas le refaire… moins il hait… et du même coup disais-je d’avoir équivoqué sur le h. a. i. t. , et le est (e. s. t.) en français… c’est à dire que dans cette affaire, aussi bien, moins il aime. Je n’étais pas très heureux d’avoir terminé là-dessus, qui est pourtant une vérité. C’est bien ce qui me fera aujourd’hui m’interroger une fois de plus sur ce qui se confond apparemment du vrai et du réel, tel que j’en ai apporté la notion, telle qu’elle s’esquisse dans l’expérience analytique, et ce qu’il y a, bien en effet, à ne pas confondre.      Bien sûr que le vrai s’affirme comme visant le réel. Mais ce n’est là énoncé que comme fruit d’une longue élaboration, et je dirai plus : d’une réduction des prétentions à la vérité. Partout où nous la voyons se présenter, s’affirmer elle-même comme d’un idéal de quelque chose dont la parole peut être le support, nous voyons que la vérité n’est pas quelque chose qui s’atteigne si aisément. Dirai-je que si l’analyse se pose d’une présomption, c’est qu’il puisse s’en constituer un savoir sur la vérité. Dans le schéma, le petit gramme que je vous ai donné du discours analytique, le (a) s’écrit en haut à gauche, qui se soutient de cet S2 : savoir en tant qu’il est à la place de la vérité. C’est là où l’interpelle le S prié de dire ce « n’importe quoi » qui doit aboutir à la production du S1, du signifiant dont puisse se résoudre — quoi ? – justement son rapport à la vérité. La vérité, disons, pour trancher dans le vif, est d’origine ἀλήθεια [aleteia]…sur laquelle tant a spéculé HEIDEGGER…אמת [emet], le terme hébreu, qui comme tout usage de ce terme de vérité, a origine juridique : de nos jours encore, le témoin est prié de dire « la vérité, rien que la vérité… et qui plus est toute… s’il peut… comment hélas pourrait-il ?… toute la vérité » sur ce qu’il sait. Mais ce qui est cherché, et justement plus qu’en tout autre dans le témoignage juridique, c’est quoi ? C’est de pouvoir juger ce qu’il en est de la jouissance, et je dirai plus loin : c’est que la jouissance s’avoue, et justement en ceci qu’elle peut être inavouable, que la vérité cherchée c’est justement, celle-là plus que toute autre, en regard de la loi qui — cette jouissance — la règle.           C’est aussi bien en quoi, aux termes de KANT, le problème s’évoque, s’évoque de ce que doit faire l’homme libre au regard du tyran, du tyran qui lui propose toutes les jouissances en échange de ceci : qu’il dénonce l’ennemi dont le tyran redoute qu’il soit — en ce qui est de la jouissance — celui qui la lui dispute. Comment ne se voit-il pas que la question d’ailleurs que… qui s’évoque de cet impératif, au nom de rien de ce qui est de l’ordre du pathique ne doit diriger le témoignage, de ce qui s’en évoque après tout, et si ce dont l’homme libre est prié de dénoncer l’ennemi, le rival, si c’était vrai, doit-il le faire ? Est-ce qu’il ne se voit pas, rien qu’à ce problème évoqué, que s’il est quelque chose qui assurément nous inspire toute la réserve… qui est bien celle que nous avons toutes, que nous avons tous… c’est que « toute la vérité » c’est ce qui ne peut pas se dire. C’est ce qui ne peut se dire qu’à condition de… de ne la pas pousser jusqu’au bout, de ne faire que la mi-dire.

Il y a autre chose qui nous ligote quant à ce qui en est de la vérité, c’est que la jouissance c’est une limite.  C’est quelque chose qui tient à la structure même qu’évoquaient au temps où je les ai construits pour vous mes quadripodes : c’est que la jouissance ne s’interpelle, ne s’évoque, ne se traque, ne s’élabore qu’à partir d’un semblant.  L’amour lui-même – ai-je souligné la dernière fois – s’adresse du semblant.  Il s’adresse du semblant et aussi bien…s’il est bien vrai que l’Autre ne s’atteint qu’à s’accoler – comme je l’ai dit la dernière fois – au (a) cause du désir…c’est aussi bien au semblant d’être qu’il s’adresse.  Cet être, là n’est pas rien : il est supposé à ce quelque chose, à cet objet qu’est le (a), mais ici, ne devons-nous pas retrouver cette trace, qu’en tant que tel il réponde à quelque imaginaire ?Assurément cet « i-maginaire », je l’ai désigné expressément de l’i, du petit i, mis ici isolé du terme imaginaire, et que c’est à ce en quoi ce n’est que de l’habillement…de l’habillement de l’image de soi qui vient envelopper l’objet cause du désir que se soutient le plus souvent…c’est l’articulation même de l’analyse…que se soutient le plus souvent le « rapport objectal ». Cette affinité du (a) à cette enveloppe, c’est là le joint – il faut le dire : un de ces joints, majeurs à avoir été avancés par la psychanalyse, et qui pour nous est le point, le point de suspicion qu’elle introduit essentiellement. C’est là, que ce qui peut nous venir à dire du réel, se distingue, car le réel…si vous le prenez tel que j’ai cru, au cours des temps, temps qui sont ceux de mon expérience…le réel ne saurait s’inscrire que d’une impasse de la formalisation.  Et c’est en quoi, c’est en quoi j’ai cru pouvoir en dessiner le modèle de la formalisation mathématique, en tant qu’elle est l’élaboration la plus poussée qu’il nous ait été donné de produire, l’élaboration la plus poussée de la signifiance.  D’une signifiance dont en somme… je parle de la formalisation mathématique…on peut dire qu’elle se fait au contraire du sens.  J’allais presque dire à contre-sens.  Le « ça ne veut rien dire » concernant les mathématiques, c’est ce que disent de notre temps les philosophes des mathématiques, fussent-ils mathématiciens eux-mêmes : j’ai assez souligné les Principia de RUSSELL. Et pourtant, peut-on pas dire que ce réseau si loin poussé de la logique mathématique précisément… pour autant qu’au regard de ce qui a trouvé sa pointe d’une philosophie bien forcée de sortir de ses propres retranchements, le sommet c’est HEGEL …peut-on pas dire qu’au regard de cette plénitude des contrastes dialectisés dans l’idée d’une progression historique…dont il faut dire que rien ne nous atteste la substance…peut-on pas dire qu’au regard de cela, ce qui s’énonce de cette formalisation…si bien faite à ne se supporter que de l’écrit…soit quelque chose qui ne nous sert…ne nous servirait s’il le fallait dans le procès analytique…que de ce qu’y désigne, que de ce que s’y désigne ça qui retient les corps invisiblement ?           Et s’il m’était permis d’en donner une image, je la prendrais aisément de ce qui, dans la nature, paraisse le plus s’en rapprocher de ce qui fait que l’écrit exige en quelque sorte, cette réduction aux dimensions – dimensions deux – de la surface, et qui d’une certaine façon se trouve supporté, dirais-je, dans la nature de ce quelque chose dont déjà s’émerveillait SPINOZA…c’est à savoir le travail de texte qui sort du ventre de l’araignée.  La toile d’araignée, fonction vraiment miraculeuse à voir en quelque sorte s’en supporter déjà en ce point opaque de cet étrange être, les paraîtres de la surface elle-même, celle qui pour nous permet le dessin de la trace de ces écrits qui sont, en fin, le seul point où nous trouvions saisissables ces limites, ces points d’impasse, de « sans-issue » qui – le réel – le font entendre comme s’accèdant du symbolique à son point le plus extrême. C’est en cela que je ne crois pas vain qu’après un travail d’élaboration, dont je n’ai point à rappeler la date ici, ni maintenant, j’en sois venu à l’écriture de ce (a), de ce grand S du signifiant, du grand A en tant que barré S(A) et du grand Φ.  Leur écriture même constitue le support qui va au-delà de la parole qui pourtant ne sort pas des effets même du langage, et où se désigne ce quelque chose où, à centrer le symbolique, quelque chose qui importe, à condition bien sûr de savoir s’en servir.  Mais s’en servir pour quoi ? Pour retenir une vérité congrue.  Non pas cette vérité qui se prétend d’être toute, celle justement, celle à laquelle nous avons affaire d’un mi-dire, celle qui s’avère se mettre en garde d’aller jusqu’à l’aveu – l’aveu qui serait le pire – celle qui se met en garde dès la cause du désir.  Elle le présume – ce désir – inscrit d’une contingence corporelle.  Je vous rappelle la façon dont je supporte ce terme de contingence.  On peut dire que le phallus…tel que dans l’expérience analytique il s’aborde comme le point-clé, le point extrême de ce qui s’énonce comme cause du désir…on peut dire que l’expérience analytique ne cesse pas de l’écrire.  Or, si je l’appelle contingence, c’est pour autant que c’est là que l’expérience analytique rencontre son terme, que tout ce qu’elle peut produire, c’est ce S1, ce signifiant, ce signifiant dont la dernière fois, je pense que vous avez encore le souvenir de la rumeur que j’ai réussi à produire de cet auditoire en le qualifiant comme signifiant de la jouissance même la plus idiote, et – on me l’a fait remarquer -…dans les deux sens du terme : celle de l’idiot d’une part, qui a bien ici sa fonction de référence, et celle aussi qui est la plus singulière. C’est dans ce « ne cesse pas de s’écrire » que réside la pointe de ce que j’ai appelé contingence.  La contingence, si comme je le dis elle s’oppose à l’impossible, c’est pour autant que le nécessaire c’est le « ne cesse pas de ne pas s’écrire » [ lapsus ]… je vous demande pardon, c’est le nécessaire qui ici nous introduit ce « ne cesse pas », mais le « ne cesse pas » du nécessaire, c’est le « ne cesse pas de s’écrire ».

Or, c’est bien là l’apparente nécessité à quoi nous mène l’analyse de la référence au phallus.  Le « ne cesse pas de ne pas s’écrire » que j’ai dit par lapsus à l’instant c’est l’impossible, l’impossible tel que je le définis de ce qu’il ne puisse en aucun cas s’écrire.  C’est en quoi je désigne ce qu’il en est du rapport sexuel : il ne cesse pas de ne pas s’écrire, mais la correction que de ce fait il nous permet d’apporter à l’apparente nécessité de la fonction phallique, c’est ceci : c’est que c’est réellement en tant que mode du contingent, c’est-à-dire que le « ne cesse pas de s’écrire » doit s’écrire : « cesse – justement – de ne pas s’écrire ».  C’est comme contingence, contingence en quoi se résume tout ce qu’il en est de ce qui, pour nous, soumet le rapport sexuel à n’être pour l’être parlant que le régime de la rencontre, c’est en ce sens… c’est en ce sens qu’on peut dire que par la psychanalyse, le phallus, le phallus réservé aux temps antiques aux « mystères », a cessé de ne pas s’écrire, rien de plus.  Il n’est pas entré dans le « ne cesse pas », dans le champ d’où dépendent : – la nécessité d’une part, – et plus haut, l’impossibilité. Le vrai donc, ici, témoigne qu’à mettre en garde comme il le fait contre l’imaginaire, il a beaucoup à faire avec l’a-natomie. C’est en fin de compte de ces trois termes, ceux que j’inscris du (a), du S(A) et du grand Φ, c’est sous un angle dépréciatif que je les apporte.  Ce que nous démontre la conjonction de ces trois termes, c’est justement ce qui s’inscrit de ce triangle, de ce triangle constitué de l’imaginaire, du symbolique et du réel, et où se désigne de leur jonction quoi ?  À droite le peu de réalité dont se supporte ce principe qu’a promu FREUD comme étant celui qui s’élabore d’un progrès, lequel serait dans son fond celui du principe du plaisir, le peu de réalité, c’est-à-dire ceci : que tout ce qu’il nous est permis d’aborder de réalité reste enraciné dans le fantasme. D’autre part S(A), qu’est-ce d’autre que l’impossibilité de dire tout le vrai dont je parlais tout à l’heure ?Et enfin, troisième terme ceci, ceci par quoi le Symbolique, à se diriger vers le Réel, nous démontre la vraie nature de cet objet(a)que tout à l’heure j’ai qualifié de semblant d’être, non par hasard, c’est bien de ce qu’il semble nous donner le support de l’être.  C’est bien aussi de ce qui se confirme de tout ce qui s’est élaboré comme tel, et quoi que ce soit de l’être, de l’être et même de l’essence que nous pouvons, à le lire à partir de l’expérience analytique, à lire ARISTOTE par exemple, voir que ce dont il s’agit c’est de l’objet(a), que la contemplation par exemple aristotélicienne est le fait de ce regard tel que je l’ai défini dans Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse comme représentant un… un des 4 supports qui font la cause du désir.  [ sein, fèces, voix, regard ]C’est donc d’une des « graphicisations » pour ne pas parler de graphe, puisqu’aussi bien un graphe c’est un terme qui a un sens très précis dans la logique mathématique…dans cette « graphicisation » que se montrent… que se montrent ces correspondances qui font du réel un ouvert entre le semblant qui résulte du symbolique et la réalité telle qu’elle se supporte dans le concret de la vie humaine : – dans ce qui mène les hommes, dans ce qui les fait foncer toujours par les mêmes voies, dans ce qui les fait encore produire d’autres hommes, dans ce qui fait que – à jamais – « l’encore  à naître »  ne donnera  rien  que  l’encorné.  De l’autre côté, ce (a), ce (a) qui – lui – d’être dans la bonne voie somme toute, nous ferait prendre pour être, au nom de ceci qu’il est apparemment bien quelque chose, se résout en fin de compte que de son échec, que de justement ne pouvoir s’inscrire d’aucune façon, complètement, à l’abord du réel.

Le vrai alors, le vrai alors, bien sûr c’est cela, à ceci près que ça ne s’atteint jamais que par des voies tordues, et que tout ce à quoi enfin le vrai, auquel couramment nous sommes amenés à faire appel, c’est simplement à rappeler ceci : qu’il ne faut pas se tromper, qu’il ne faut pas croire qu’on est déjà même dans le semblant, qu’avant le le semblantdont en effet tout se supporte pour rebondir dans le fantasme…qu’avant cela, il y a à faire une distinction sévère de l’imaginaire et du réel, qu’il ne faut pas croire que ce semblant, ce soit d’aucune façon nous-mêmes qui le supportions même.  Nous ne sommes même pas semblant.  Nous sommes, à l’occasion, ce qui peut en occuper la place et y faire régner – quoi ? – ce qui assurément… pour nous en tenir à cet immédiat d’aujourd’hui…nous permet de dire qu’après tout, l’analyste, dans tous les ordres de discours qui sont ceux en tout cas qui se soutiennent actuellement…et ce mot « actuellement » n’est pas rien si nous donnons à « l’acte » son plein sens aristotélicien…de tous les discours qui se soutiennent actuellement, c’est bien l’analyste qui, à mettre l’objet(a) à la place du semblant, est dans la position la plus convenable à faire ce qu’il est juste de faire, à savoir interrogerinterroger comme du savoir ce qu’il en est de la vérité. Qu’est-ce c’est que le savoir ? Il est étrange que mis à part DESCARTES… dont ce n’est pas pour rien qu’il est, à l’orée de la science moderne, pas le seul mais qu’il l’est tout de même…qu’avant DESCARTES, la question du savoir n’ait jamais été posée.  Qu’il ait fallu en quelque sorte ce quelque chose qu’est l’analyse et qui est venu nous annoncer : « qu’il y a du savoir qui ne se sait pas », et que c’est à proprement parler, un savoir qui se supporte du signifiant comme tel : qu’un rêve ça n’introduit à aucune expérience insondable, à aucune mystique, que ça se lit dans ce qui s’en dit.  Et qu’on pourra même aller plus loin : à en prendre les équivoques au sens le plus anagrammatique du mot, que c’est à ce point du langage où un SAUSSURE se posait la question de savoir si même dans les vers saturniens où il trouvait les plus étranges ponctuations d’écrit, c’était ou non intentionnel.  C’est là où SAUSSURE, en quelque sorte, attend FREUD.  C’est là que se renouvelle la question du savoir.      Si vous voulez bien ici pardonner quelque chose que j’emprunterai à un tout autre registre, celui des vertus inaugurées par la religion chrétienne…mais vous verrez que ce n’est pas déplacé puisque il faudra bien que nous en venions à en parler de la dite religion…il y a là une sorte… une sorte d’effet tardif, de rejet, de surgeon de charité.  Qu’est-ce qui a bien pu, si ce n’est je ne sais quelle parenté, affinité avec ce qui…dans le genre de cet animal qui est parlant …participe du don – comme on dit – je ne le vois pas ailleurs que dans ce don de FREUD.  Nous avoir dit que l’inconscient, ça avait au moins ce petit degré d’amorçage grâce à quoi la misère pouvait se dire qu’il y avait quelque chose qui là vraiment…et non pas comme on l’avait dit jusque-là …transcendait ? Rien d’autre que ce langage qu’elle habite – cette espèce – rien d’autre que ce langage et que de ce langage, elle se trouvait en somme avoir, dans ce qu’il en est de sa vie quotidienne, support de plus de raison qu’il n’en pouvait apparaître, à savoir que cette poursuite vaine d’une sagesse « inatteingible » et toujours vouée à l’échec : il y en avait déjà là.  Mais alors, est-ce qu’il faut tout ce détour pour poser la question, la question du savoir, sous la forme : « qu’est-ce qui sait » ? Se rend-on compte que c’est l’Autre, l’Autre avec un grand A tel qu’au départ je l’ai posé comme rien d’autre que le lieu où le signifiant se pose, et sans lequel rien ne nous indique qu’il n’y ait nulle part une dit-mansion de vérité…« dit-mansion » en deux mots : la résidence du dit…le dit dont le savoir pose l’Autre comme lieu.

Le statut du savoir implique comme tel qu’il y en a déjà du savoir, et dans l’Autre, qu’il est à prendre en deux mots, c’est pourquoi il est fait d’apprendre en un seul mot. Le sujet résulte de ce qu’il doive être appris, ce savoir, et même « mis à prix » (p. r. i. x. ), c’est-à-dire que c’est son coût qui l’évalue non pas comme d’échange mais comme d’usage.  Le savoir vaut juste autant qu’il coûte beau coût… en deux mots et c. o. û. t.  avec accent grave… beau coût de ce qu’il faille y mettre de sa peau, de ce qu’il soit difficile – difficile de quoi ? – et bien : moins de l’acquérir que d’en jouir. Là dans le jouir, sa conquête – à ce savoir – sa conquête se renouvelle dans le « chaque fois » que ce savoir est exercé, le pouvoir qu’il donne restant toujours tourné vers sa jouissance.  Il est étrange que ceci n’ait jamais été mis en relief, que le sens de « savoir » soit tout entier là, que la difficulté de son exercice lui-même, c’est cela qui re-hausse celle de son acquisition.  C’est de ce que à chaque exercice de cette acquisition se répète, qu’il ne fait pas question de laquelle de ces répétitions, de laquelle est à poser comme première, dans son appris.        Bien sûr qu’il y a des choses qui courent et qui ont tout à fait l’air de marcher comme des petites machines… on appelle ça des ordinateurs…mais qu’est-ce qui va dire… qu’un ordinateur pense, moi je le veux bien…mais qu’il sache, qu’est-ce qui va le dire ? La fondation d’un savoir c’est ce que je viens de dire, c’est que la jouissance de son exercice, c’est la même que celle de son acquisition.  C’est ainsi, puisque – comme vous le voyez – là se rencontre de façon sûre, plus sûre que dans MARX lui-même, ce qu’il en est d’une valeur d’usage, puisqu’aussi bien dans MARX, elle n’est là que pour faire point idéal par rapport à la valeur d’échange où tout se résume.  Et justement parlons-en de cet « appris » qui ne repose pas sur l’échange, du savoir d’un MARX lui-même, puisque je viens de l’évoquer…et bien du savoir d’un MARX lui-même dans la politique qui n’est pas rien, eh ben on ne fait pas « Commarxe » si vous me permettez, pas plus qu’on ne peut, de celui de FREUD, faire fraude.  Il n’y a qu’à regarder pour voir – hein ! – que partout où ne les retrouve pas ces savoirs, se les être fait entrer dans la peau – hein ! – par de dures expériences – hein ! – eh ben ça retombe sec : ça ne s’importe ni ne s’exporte.  Il n’y a pas « d’information » qui tienne, sinon de la mesure d’un « formé à l’usage ».

Ainsi se déduit – du fait que le savoir est dans l’Autre – qu’il ne doive rien à l’être, si ce n’est que celui-ci en ait véhiculé la lettre.  D’où il résulte que l’ être puisse tuer là où la lettre re-produise, mais re-produise jamais le même, jamais le même être de savoir. Je pense que vous sentez là – hein ? – quant au savoir la fonction que je donne à la lettre.  C’est celle…à propos de quoi je vous prie de ne pas trop vite glisser du côté des prétendus messages…c’est celle qui la fait analogue d’un germen.  Germen que nous devons si sévèrement…si nous sommes dans la ligne de la physique moléculaire… de la physiologie moléculaire…que nous devons si sévèrement séparer des corps auprès desquels il véhicule vie et mort tout ensemble.

MARX et LÉNINE… FREUD et LACAN… ne sont pas couplés dans l’être, c’est par la lettre qu’ils ont trouvée…trouvée dans l’Autre…que comme être de savoir, ils procèdent deux par deux dans un Autre supposé.  Le nouveau de leur savoir, c’est que n’en est pas supposé – quoi ? – que l’Autre en sache rien ! Non pas bien sûr « l’être qui y a fait lettre » car c’est bien de l’Autre qu’il a fait lettre à ses dépens, au prix de son êtreau prix de son être – mon Dieu ! – pour chacun : pas de «  rien du tout » mais non plus pas de « très beaucoup ».        Pour dire la vérité, ces êtres, ces êtres d’où se fait à la lettre, je vais vous faire sur eux une petite confidence : je pense pas…malgré tout ce qu’on a pu raconter par exemple de LÉNINE…que la haine ni l’amour, que « l’hainamoration », que ça en ait vraiment étouffé aucun.  Qu’on ne me raconte pas d’histoires à propos de Madame FREUD : là-dessus j’ai le témoignage de JUNG, il disait la vérité, c’était même son tort, il ne disait que ça.  Ceux qui arrivent à faire ces sortes de rejets d’être encore, c’est plutôt ceux qui participent du mépris, que je vous ferai écrire cette fois… puisqu’aujourd’hui je m’amuse avec l’a-prix et le reste…m. é. p. r. i. x.  Ça fait Uniprix.   Nous sommes quand même au temps des « supermarkets », alors il faut savoir ce qu’on est capable de produire, même en fait d’être.  Ouais…

L’embêtant est ceci : c’est que l’Autre, le lieu, lui – comme je vous l’ai dit – ne sache rien.  On peut plus haïr Dieu, si lui-même ne sait rien, rien de ce qui se passe notamment.  Quand on pouvait le haïr, on pouvait croire qu’il nous aimait, puisqu’il nous le rendait pas.  C’était pas apparent, malgré que dans certains cas on y a mis toute la gomme. Enfin comme j’arrive au bout de ces discours que j’ai le courage de poursuivre devant vous, je voudrais…puisque c’est là une idée qui me vient et qu’après tout c’est une idée aussi à laquelle j’ai un tout petit peu réfléchi, n’est-ce pas…c’est que le Christ en somme, dont on nous explique le malheur par une idée de sauver les hommes, je trouve plutôt que c’est de sauver Dieu qu’il s’agissait, en redonnant, enfin, un peu de présence, d’actualité à cette haine de Dieu, sur laquelle bien sûr nous sommes, et pour cause, plutôt mous.  C’est de là que je dis que l’imputation de l’inconscient n’est-ce pas, est un fait de charité incroyable : ils savent, ils savent, les sujets… mais enfin tout de même, ils ne savent pas tout.  Au niveau de ce pas tout, il n’y a plus que l’Autre à ne pas savoir.  C’est l’Autre qui fait le pas tout, justement en ce qu’il est la part du « pas savant du tout » dans ce pas tout.

Alors – momentanément, bien sûr – ça peut être commode de le rendre responsable, de le rendre responsable de ceci…à quoi aboutit l’analyse n’est-ce pas, à quoi aboutit l’analyse de la façon la plus avouée à part ceci que personne ne s’en aperçoit, n’est-ce pas…c’est qu’en somme, si le désir, la libido, est masculine, eh bien la chère femme, c’est justement que de là où elle est toute…c’est-à-dire d’où la voit l’homme…et rien que là, qu’elle peut avoir un inconscient, n’est-ce pas… Et à quoi ça lui sert ? Ben ça lui sert – comme chacun sait – à faire parler l’être parlant, ici réduit à l’homme, c’est-à-dire… je sais pas si vous l’avez bien remarqué dans la théorie analytique…à n’exister que comme mère.  Elle a des effets d’inconscient, mais son inconscient à la limite, où elle est pas responsable, enfin de l’inconscient de tout le monde n’est-ce pas, c’est-à-dire au point où l’Autre à qui elle a affaire – le grand Autre – où l’Autre fait qu’elle ne sait rien, parce que lui l’Autre, c’est trop clair, sait d’autant moins que c’est très difficile de soutenir son existence, n’est-ce pas, eh ben on ne peut pas dire que tout ceci lui fasse la part belle.  Ouais…J’ai joué en somme la dernière fois, comme je me le permets, sur l’équivoque un peu tirée par les cheveux de « il hait » et « il est ».  Je n’en jouis pas, sinon à poser la question que, elle soit digne de la paire de ciseaux.  C’est justement de quoi il s’agit dans la castration.  Que l’être provoque la haine comme telle, n’est disons pas exclu.  Parce que si toute l’affairesi toute l’affaire d’ARISTOTE ça a été de concevoir l’être comme étant ce par quoi les êtres « moins êtres » participent au plus haut des êtres, c’est formidable ! C’est formidable que Saint THOMAS a réussi à réintroduire ça dans une tradition chrétienne qui bien entendu pour s’être répandue chez les Gentils, enfin, était bien forçée de s’y être toute entière formée, de sorte qu’il avait qu’à tirer sur les ficelles pour que ça remarche.  Mais enfin se rend-on compte que dans la tradition juive la coupure ne passe pas du plus parfait au moins parfait, que le moins parfait est tout simplement ce qu’il est, à savoir radicalement imparfait, et qu’il n’y a strictement qu’à obéir au doigt et à l’œil…si j’ose m’exprimer ainsi…à celui qui porte un nom : Jahvé, avec d’ailleurs quelques autres noms dans l’entourage, qui ne sont pas exclus comme tels, mais celui-ci a fait le choix de son peuple et il y a pas à aller contre.  Est-ce que là ne se dénude pas que c’est bien mieux que de « l’être-haïr », de le trahir à l’occasion ? Et ce dont, bien évidemment, les juifs ne se sont pas privés, ils ne pouvaient pas en sortir autrement.

Nous en sommes… sur ce sujet de la haine…si étouffés que personne ne s’aperçoit qu’une haine, une haine solide ça s’adresse à l’être, à l’être même de quelqu’un qui n’est pas forcément Dieu.  On en reste…et c’est bien en quoi j’ai dit que le (a) est un semblant d’être…on en reste à la notion…et c’est là que l’analyse comme toujours, enfin, est un petit peu boiteuse…on en reste à la haine jalouse, celle qui jaillit de la « jalouissance », de celle qui « s’imageaillisse » du regard de Saint AUGUSTIN, qui l’observe le petit bonhomme – hein ? – il est là en tiers, il observe le petit bonhomme et il voit que : pallidus, enfin il en pâlit d’observer, suspendu à la têtine, son conlactaneum suum.  Oui, heureusement que c’est la jouissance substitutive, première n’est-ce pas dans l’énonciation freudienne, le désir évoqué d’une métonymie, qui s’inscrit d’une demande, supposée adressée à l’Autre, de ces noyaux de ce que j’ai appelé « Ding » dans mon article… dans mon séminaire sur la psychanalyse, sur L’éthique de la psychanalyse La chose freudienne , en d’autres termes.  Le prochain même…que FREUD se refuse à aimer au-delà de certaines limites, n’est-ce pas …l’enfant regardé : lui l’a, le (a) ! Est-ce qu’avoir l’(a), c’est l’être ? Voilà la question sur laquelle je vous laisse aujourd’hui, et si vous voulez lire…d’ici la prochaine fois que je vous verrai, c’est-à-dire si mon souvenir est bon le dix avril…ce que j’ai écrit sur la Bedeutung des phallus, sur La signification du phallus en français, si vous voulez le lire, vous verrez à quoi conduit la dernière question sur laquelle je vous laisse.

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