samedi, juillet 27, 2024
Recherches Lacan

LXXV LE MOMENT DE CONCLURE Leçon XI, 18 avril 1978

Le moment de conclure

Leçon XI, 18 avril 1978

Αu début de cette leçon, Lacan invite Jean Claude Terrasson à dessiner au tableau ce qu’il lui a fait parvenir dans le courant de la semaine; ces dessins sont reproduits à côté de l’exposé de J. C Terrasson à qui Lacan donne la parole dans la deuxième moitié de la séance.

En ce qui concerne le discours de Lacan dans cette leçon et son rapport aux dessins, ils s’avèrent tout-à fait problématiques. C’est pourquoi nous donnons des dessins reconsti­tués à partir du commentaire de Lacan qui nous semblent illustrer correctement son dire. Venez un peu, parce que vous m’avez envoyé des choses.

Je voudrais que, les choses que vous m’avez envoyées, vous les com­mentiez comme ça, une par une, parce que ça ne νa pas. Je vous signale que ce que je vous ai dessiné la dernière fois, sous la forme de cette bande que j’ai faite du mieux que j’ai pu, si on la coupe en deux, le résultat – si on la coupe en deux comme ceci – le résultat est ce qu’on appelle un nœud à trois, c’est-à-dire quelque chose qui se présente comme ça.

 

C’est, bien entendu, tout à fait frappant. Ici [figure ΧΙ-3], c’est ce qu’on appelle une bande de Moebius. Je la redessine parce que ça vaut la peine de s’apercevoir que, grâce à ce qu’on appelle l’élasticité… la bande de Moebius se dessine comme ça. En d’autres termes, on retourne ce qui apparaît sous cette forme.

 

Et il y a ce que très légitimement Jean-Claude Terrasson qui est là et qui m’aide, ce que très légitimement Jean-Claude Terrasson appelle une demi-torsion et là, sous la forme où j’ai fait fonctionner la dernière fois – puisque c’est ce que je vous ai dessiné la dernière fois – il y a trois demi-torsions. Par contre, il est pos­sible de faire une seule torsion. C’est ce qui est manifesté dans la figure 2, [figure ΧΙ-5] où il y a effectivement une seule torsion. La figure 2 peut également se figurer ainsi [figure ΧΙ­3].

Ça c’est une figure à une seule torsion, [figure ΧΙ-7] elle est équiva­lente à la figure suivante…, c’est pas commode,… c’est-à-dire que ceci… si nous figurons l’intérieur ici, ceci est réalisé communément parce qu’on l’appelle le tore. Si nous fai­sons ici une boucle, ce qui vient ici vient sous la forme de quelque chose qui vient au-delà de ce que j’appelle l’axe du tore, c’est ça qui vient dans l’axe du tore et c’est ça qui fait le tour du tore. Je vous prie, à cette occasion de le vérifier, et vous verrez que la torsion, la torsion complète dont il s’agit est exactement équiva­lente à ce que Jean-Claude Terrasson appelle une torsion, une torsion complète.

C’est ce qui est réalisé dans le tore dont nous n’avons évidemment…

 

La torsion complète est tout ce qu’on peut faire sur un tore, ce qui n’est bien entendu pas surprenant, parce que il n’y a aucun moyen d’opérer autrement sur un tore. Si sur un tore vous… vous dessinez quelque chose qui coupe, bien sûr, qui coupe en passant ce qu’on appelle… derrière le tore, qui revient en avant et qui repasse derrière le tore, ce que vous obte­nez, c’est quelque chose qui est comme ça et qui s’achève de la façon sui­vante… c’est-à-dire que cela redouble le nœud qui s’entoure autour du tore. En d’autres termes ce qui vient ici, est très précisément ce qui … ce qui passe autour de ce que j’appelle l’axe. Donc ceci équivaut à deux tor­sions. Ici une torsion et là deux torsions.

 

Je vais prier maintenant Jean-Claude Terrasson, de bien vouloir prendre la parole pour nous commenter ses figures, ses figures qu’il a faites là.

Ceci est une bande de Moebius

 

-J. C Terrasson : Alors on peut poser le problème de savoir comment on pourrait paver l’espace, ou paver le plan régulièrement avec des bandes de Moebius aplaties, c’est-à-dire mises à plat. Alors le problème, c’est comment est-ce que je pourrais paver régulièrement le plan en aplatissant des bandes de Moebius… enfin des bandes, c’est-à-dire on peut commen­cer par la bande à zéro torsion qui est…

 

Si on dessine uniquement les bords, on les dessine comme ça, ils ne sont liés que par le fait que la bande a une certaine matérialité pour lier ces deux bords. Bon alors, pour mettre cette figure à plat, pour l’aplatir et obtenir quelque chose qui pave régulièrement le plan, c’est-à-dire un polygone régulier – enfin, il n’y en a pas des masses, il y a que l’hexa­gone, le carré et le triangle équilatéral – pour ça j’ai une solution très simple qui est de coller les deux bords ensemble, enfin coller un bord, accoler un bord à lui-même et aplatir, c’est-à-dire que si je fais hachurer ce qui vient là où la surface vient deux fois l’une sur l’autre, bon c’est ça. Donc j’obtiens un carré, bon là ce n’est pas un carré, mais ça pourrait être, à condition que ma bande ait le double de longueur que de largeur et j’obtiens un carré.

Α partir de une demi-torsion, là le problème va être plus compliqué; mais ce qu’on remarque déjà, c’est que chaque fois, on obtiendra, enfin jusqu’à cinq, on obtiendra un polygone régulier, sans trou, c’est-à-dire ce qui est le trou de la bande trouve un moyen de se résorber pour obtenir un polygone régulier et ça sera même le seul que je pourrai obtenir. Bon, alors là, cette figure-là, si j’en dessine le bord, c’est ça, c’est-à-dire on voit que ça ne tient noué… que comme la première figure, le bord ne tient dans sa position de torsion que par rapport au fait que la bande ait une maté­rialité aussi.

 

Ce ne sera plus vrai à partir de ces bandes-là où les bords se tiennent par eux-mêmes en dehors de toutes matérialité de la bande. Alors ça, c’est la mise à plat du tore [sic] à une demi-torsion. Alors là je dessine le bord de la bande et en pointillé évidemment, là où il passe dessous et en hachu­ré l’endroit où la surface se recouvre. Bon alors cette bande comme toutes celles qui seront des hexagones, pour obtenir un hexagone régulier, il faut que les proportions ça soit : largeur je prends 1 de largeur, la longueur ça sera racine de 3 :l= 1 < = > L = V3. Bon, on ne va pas entrer là-dedans.

 

Bon alors, ce qui se passe à la bande à deux demi-torsions, c’est-à-dire à une torsion, c’est-à-dire une bande à deux bords, voilà la manière dont les bords du trou, les bords de la bande se nouent entre eux, c’est-à-dire que là ils n’ont plus besoin de la matérialité de la bande pour maintenir leur nouage, c’est bien pour ça qu’on passe au tore, comme disait Lacan tout à l’heure. Alors cette figure-là se remet à plat dans le carré. Mais pour rendre ces figures plus lisibles… là aussi le bord vient s’accoler à lui-même, c’est-à-dire là il est deux fois, alors il faudrait que je le dessine avec un petit écartement pour rendre la chose visible. En dessinant, en hachu­rant toujours là où ça se recouvre, voilà avec un petit écartement pour voir comment le trou, les bords du trou se nouent entre eux. Ιl y a cette figure qui est donc recouverte, où la surface se recouvre dans la totalité, cette figure est un carré et à partir de ce moment-là, ce n’est plus ce carré-là, mais c’est un carré qui est obtenu avec une bande dont la longueur est quatre fois la largeur, L = 4l.

 

Alors quand on passe à trois demi-torsions, c’est-à-dire que là le dessin du bord de la bande, c’est ça. Je peux encore mettre à plat cette figure-là, cette bande-là, bon c’est pareil, je dessine le bord visible du trou, et j’ob­tiens cette figure-là; c’est-à-dire que je le fais avec une bande qui a les mêmes, les mêmes proportions que celles-là, toujours.

 

La bande à quatre, c’est la bande à quatre demi-torsions, c’est-à-dire à deux torsions, bon, elle noue ses deux bords de cette manière-là, c’est-à­-dire comme ça, c’est le deuxième nœud… Et on pourrait dire également que c’est le tore à deux trous et celle-là, je peux encore l’aplatir. C’est pareil, il faudrait que je dessine les bords du trou. Voilà comment ça va se nouer, et vous voyez que c’est la même figure que celle-là. Et cette figure-­là est identique à elle-même si on la retourne.

 

Là je n’ai pas dessiné le tore à cinq demi-torsions, mais il est évident que le tore à cinq demi-torsions ne va pas faire un polygone régulier pavant l’espace; ça il n’y aura plus moyen. Mais si on retournait à celui à 6, on pourrait encore refaire un figure régulière pavant l’espace.

J. Lagarrigue : Avec une demi-torsion et avec trois demi-torsions, tu as toujours un point virtuel, un trou virtuel, qui est un point là qui est tout comme un petit triangle, mais en fait ce n’est pas obligatoire pour une seule torsion et tu peux la réduire à la dimension d’un triangle… Je vais le représenter.

 

Tu as cette représentation là actuellement et tu as le bord qui décrit un schéma là, comme ça, avec le bord qui est ici, qui passe derrière et tu as le bord là qui repart devant, et qui fait ce schéma. Mais enfin on peut rédui­re ces trois bords à n’être plus rien. Alors si tu réduis ces trois bords à n’être plus rien, tu obtiens une forme qui est triangulaire que je ne fais pas tout à fait triangulaire pour que ce soit plus facilement représentable et où tu as ce bord en fait qui va… ce n’est pas facile à représenter, et où tu as en fait ce bord-là, qui viendra ici comme ça, puis ça va passer derrière, là comme ça et puis ça va revenir sur le devant; ce bord-ci, là, il va là, ce petit côté-là qui se réduit à rien, il est ici, ça repasse derrière et ça rejoint ce bord-là, celui-là va se trouver donc en haut et puis ça va revenir ici pour repasser derrière et ça va rejoindre… ici… le troisième. Et alors là il y a une bande de Moebius réduite à sa plus simple expression et qui n’est plus réductible et qui a la forme d’un triangle à trois sections successives avec une première qui est représentée par cette bande qui passe comme ça, puis la seconde -là ça va passer derrière – et puis la seconde qui repasse et

qui se replie une troisième fois pour repasser derrière. Et en fait ce dalla­ge que tu fais ici avec un hexagone, tu peux le faire avec des triangles. Mais c’est une autre forme beaucoup plus simple en fait de dallage. Et où tu as la disparition que tu supposais presque obligatoire de ce trou virtuel qui disparaît avec cette représentation-là. Voilà, c’est ce que je voulais dire. C’est une autre représentation.

J. C. Terrasson : Pourquoi j’ai fait ces représentations-là et pas celle-là ? C’est parce qu’ici, j’ai au maximum une double épaisseur et une simple épaisseur et que ça, je peux évidemment le représenter, comme ici d’ailleurs, par des pavés dont je peux paver le plan. Et alors ça me…

J. Lagarrigue : Ici [figure ΧΙ-11], tu n’as pas de trou virtuel qui tra­verse le plan, vu que le seul trou est un trou qui est vertical comme ça, comme une manche et ici, à cette représentation comme ici tu as toujours un trou qui est virtuel, qui est ici, tu as un point par lequel tu peux passer une aiguille, une épingle, et qui disparaît dans cette représentation où tu as les trois qui se recouvrent absolument [figure ΧΙ-17] et qui est la forme en fait la plus réduite possible d’une bande de Moebius avec une seule demi­e torsion et qui est une représentation qui est beaucoup plus réduite que celle-ci parce que tu élimines en fait cet effet d’hexagone, qui est un effet artificiel si on peut dire, qui n’a pas de raison d’être particulière. Sa seule raison d’être de forme de la bande de Moebius à une seule demi-torsion, c’est en fait la forme triangulaire et c’est celle-là. Et cette forme-là, tu ne peux pas l’obtenir avec la seconde bande de Moebius qui est la bande de Moebius à trois torsions, trois demi-torsions où là l’existence de ce trou virtuel central est absolument obligatoire. Ça se fabrique très bien, ça, d’ailleurs, avec une bande de papier…

Lacan : L’intérêt de cette réflexion est que, également pour la bande de Moebius, ce que j’ai dessiné la dernière fois, l’amincissement de ce dont il s’agit, permet de maintenir la forme qui aboutit au nœud à trois et ceci, je veux dire la bande de Moebius, comme il est bien connu, la bande de Moebius divisée en deux fait un huit; si mon souvenir est bon, ce huit recoupé en deux fait une forme comme ceci, c’est-à-dire quelque chose d’enlacé, si mon souvenir est bon.

Je crois que mon souvenir n’est pas bon.

 

-J. Lagarrigue : Je crois que ça donne une formation qui a des caracté­ristiques comme ça. Lorsqu’on divise deux fois une bande de Moebius, on obtient une bande qui ressemble à ça, qui est de ce type-là, avec une bande comme ça qui est nouée par une sorte de tissage et qui n’est pas un simple…

 

Lacan : Je crois en effet que ce sont deux anneaux séparés qu’on obtient avec la bande de Moebius. Ιl y a quelque chose qui me paraît pour­tant pas clair, c’est votre double torsion, comment obtenez-vous cette figure là ?

J. C. Terrasson : En aplatissant une bande de Moebius [?], une bande à une torsion, en l’aplatissant, c’est-à-dire en faisant une demi-torsion à chaque fois, elle prend cette forme-là.

[Discussion inaudible].

Lacan : En quoi ici les deux bords font-ils enlacement ? Car en fait, c’est un fait qu’il font enlacement… Ils font enlacement.

-J. C. Terrasson : C’est la première bande dont les bords s’obtiennent par eux-mêmes, c’est-à-dire en dehors du fait de l’existence du sort de la bande…

Lacan: Ouais…

La salle : On aimerait bien participer.

Lacan : Les deux bords font enlacement.

J. C. Terrasson : C’est le premier enlacement de bords. On peut conti­nuer. Ιl y a toute la série des enlacements.

Lacan : Hein ?

J. Lagarrigue : Ιl y a toute la série des enlacements de bords…

Lacan : Je vous fais mes excuses. Ιl y a un moyen de faire un nœud borroméen avec le nœud à 3. Pourtant la question est de savoir s’il y a un autre moyen de faire un nœud borroméen avec le nœud à 3. Si on groupe les 3, il est bien évident que ce qu’on obtiendra ce sera la même chose… ça sera la même chose… que ce qu’on obtient avec la bande de Moebius. Est-ce qu’il y a moyen, en décalant… en décalant… ce nœud à trois – c’est à ça que je me suis escrimé ce matin – en décalant ce nœud à 3, est ce qu’il y a un moyen en déplaçant ce nœud à 3… de faire qu’on puisse passer sous le second nœud à 3 qui est légèrement décalé, qu’on puisse passer sous, puisque c’est ça la définition du nœud borroméen, qu’on puisse passer sous celui qui est dessous, et sur celui qui est dessus. C’est ce que je vous propose de mettre à l’épreuve, puisque je n’ai pas pu le mettre à l’épreuve moi-même ce matin. Ιl faut, d’autre part, bien se dire que ce nœud à 31ui-même se divise en 2, je veux dire qu’il est susceptible d’être coupé, et que… coupé par le milieu, et que ça donne un certain effet que je vous propose également de mettre à l’épreuve.

Ceci nous promet pour la séance du 9 mai quelques résultats auxquels je m’efforcerai moi-même de donner une solution.

 

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