samedi, juillet 27, 2024
Recherches Lacan

LV LES FORMATIONS DE L'INCONSCIENT 1957-1958 Leçon du 26 Mars 1958

Leçon du 26 Mars 1958

J’écris cela au tableau pour commencer, pour éviter que je ne l’écrive incorrectement ou incomplètement quand j’aurai à m’y référer. J’espère au moins pouvoir éclairer l’ensemble de ces trois formules d’ici la fin de notre discours d’aujourd’hui. Pour reprendre les choses un petit peu où je les ai laissées la dernière fois, j’ai pu constater, non sans satisfaction, que certains de mes propos n’avaient pas été sans provoquer quelque émotion. Nommément pour ce que je semblais avoir pu endosser des opinions de tel ou tel psychanalyste féminin qui avait cru devoir avancer cette opinion que certaines analyses de femmes ne gagnaient pas forcément à être poussées jusqu’à leur terme pour la raison, par exemple, que le progrès même de l’analyse pouvait… lesdits sujets en analyse… les priver, jusqu’à un certain point, de leurs relations proprement sexuelles. Je veux dire que la suite ou l’avancement de l’analyse pouvait menacer une certaine jouissance conquise et acquise. À la suite de quoi on m’a demandé si j’endossais cette formule, à savoir si l’analyse devait en effet s’arrêter en un certain point pour des raisons en quelque sorte qui seraient situées en dehors des lois de son progrès même. Je répondrai à ceci que tout dépend de ce qu’on considère comme étant le but de l’analyse. Non pas son but externe, mais ce qui la règle, si l’on peut dire, théoriquement. Il est bien certain qu’une perspective de l’analyse qui est celle d’un ajustement à la réalité… cet ajustement à la réalité étant considéré comme quelque chose qui est impliqué dans la notion même du développement de l’analyse, je veux dire qu’il serait donné dans la condition de l’homme ou de la femme qu’une pleine élucidation de cette condition doive le conduire obligatoirement à une adaptation en quelque sorte préformée, harmonieuse… c’est une hypothèse, et une hypothèse qu’à la vérité rien dans l’expérience ne vient justifier. Autrement dit… pour éclairer ma lanterne et employer des termes qui sont ceux mêmes qui reviendront aujourd’hui, cette fois dans un sens tout à fait concret puisqu’il s’agit de la femme… et à la vérité, c’est là un point tout à fait sensible de la théorie analytique, à savoir celle de son développement, de son adaptation propre à un certain ordre, et assurément qui est de l’ordre humain… ne semble – t – il pas tout de suite bien certain qu’il convient, pour ce qui est de la femme, de ne pas confondre : ce qu’elle désire… je donne à ce terme « désir » son sens plein… avec ce qu’elle demande, de ne pas non plus confondre ce qu’elle demande avec ce qu’elle veut, au sens où l’on dit que : « ce que femme veut, Dieu le veut ». Ces simples rappels, sinon d’évidence du moins d’expérience, peuvent être destinés à montrer que la question que l’on pose de savoir ce qu’il s’agit de réaliser dans l’analyse n’est pas quelque chose qui soit simple. La dernière fois… si ceci est venu en quelque sorte latéralement dans notre discours, ce dont nous parlions, ce à quoi je désirais vous mener, ce sur quoi je vais vous ramener aujourd’hui pour en donner une formule plus généralisée et qui me servira dans la suite de repère dans la critique des identifications fondamentales, normatives précisément, de l’homme et de la femme… ce que je vous ai amené la dernière fois, c’était un aperçu sur ce que nous devons considérer comme étant cette sorte d’identification qui produit l’idéal du moi en tant qu’il est le point d’issue, le point pivot, le point d’aboutissement de cette crise de l’œdipe : autour de laquelle s’est initiée l’expérience analytique, et autour de laquelle elle ne cesse plus de tourner, encore qu’elle prenne des positions de plus en plus centrifuges. Et j’ai insisté sur quelque chose qui pouvait se dire ainsi : que toute identification du type idéal du moi était une certaine mise en rapport du sujet à certains signifiants dans l’Autre… ce que j’ai appelé insignes… et que ce rapport venait en somme à se greffer lui – même sur un autre désir que sur celui qui avait confronté les deux termes du sujet et de l’Autre en tant qu’il est porteur de ces insignes. Voilà à peu près à quoi cela se résumait. Ce qui, bien entendu, n’a pas satisfait tout le monde, encore que, parlant à tel ou tel, je n’avais donné comme référence que ceci. Ne voyez – vous pas par exemple… ce qui d’ailleurs est indiqué comme un fait de premier plan par FREUD aussi bien que par tous les auteurs… que c’est dans la mesure où une femme fait une identification à son père, que dans ses rapports avec son mari, elle lui fait tout le grief qu’elle avait fait à sa mère ? Voici quelque chose… et il ne s’agit pas simplement de se fasciner sur cet exemple, il y a, bien entendu, d’autres formes sous lesquelles nous retrouverons la même formule… mais voilà quelque chose d’exemplaire qui illustre ce que je viens de vous dire : c’est dans la mesure où l’ identification s’est faite par l’assomption de certains signes, de signifiants caractéristiques des rapports d’un sujet avec un autre, que ceci vient recouvrir et implique la montée au premier plan des rapports de désir entre ce sujet et un tiers. Vous retrouvez le S sujet, le grand A et le petit a. Où est le grand A, où est le petit a, ici ? Peu importe ! L’important est qu’ils soient deux. Repartons de cette remarque à laquelle j’essaie de vous ramener et qui est quelque chose dont on pourrait dire qu’elle participe de la maxime de LA ROCHEFOUCAULD concernant les choses qu’on ne saurait regarder en face : le soleil et la mort. Dans l’analyse, il y a des choses comme celles – là. Il est assez curieux que ce soit justement le point central de l’analyse que l’on regarde de plus en plus obliquement, et que l’on regarde par l’intermédiaire de lorgnettes théoriques de plus en plus lointaines. Le complexe de castration est de ceux – là. Observez ce qui se passe et ce qui s’est passé depuis les premières appréhensions que FREUD a eues. Il y avait là quelque chose de pivot, quelque chose d’essentiel dans la formation du sujet : à savoir cette chose étrange – il faut bien le dire – et que l’on n’avait jamais promue jusque – là, jamais articulée, à savoir que dans la formation du sujet se passe quelque chose autour d’une menace tout à fait précise, particularisée, paradoxale, archaïque, voire provoquant l’horreur. À proprement parler, c’est un moment décisif, sans doute pathogène, mais aussi normatif, tourné autour d’une menace qui n’est pas, là, isolée, qui est cohérente avec ce rapport qui s’appelle le rapport œdipien entre « le sujet, le père, la mère » : le père faisant ici office de porteur de la menace, la mère, objet du but, de visée d’un désir lui – même profondément caché. Vous retrouvez là, tout à fait à l’origine, ce qu’il s’agit précisément d’élucider. C’est que c’est dans ce rapport tiers que va se produire l’assomption de ces rapports à certains insignes déjà indiqués en somme dans ce complexe de castration, mais d’une façon énigmatique puisqu’en quelque sorte ces insignes sont eux – mêmes mis, par rapport au sujet, dans un rapport singulier. Ils sont – dit – on – menacés, et en même temps c’est tout de même eux qu’il s’agit de recueillir, de recevoir, et ceci dans un rapport de désir concernant un tiers terme qui est celui de la mère. Au début, c’est bien cela que nous trouvons, et quand nous avons dit cela, nous sommes précisément devant une énigme, devant quelque chose qui est à articuler, qui est à coordonner là – dessus par les praticiens. Nous avons ce rapport complexe par définition et par essence, complexe à saisir, à articuler, et que nous rencontrons dans la vie de notre sujet. Qu’allons – nous trouver ? Mille formes, mille réflexions, une sorte d
e dispersion d’images, de rapports fondamentaux pour nous permettre d’en saisir toutes les incidences, tous les reflets psychologiques, toutes les multiples tâches psychologiques qui sont portées dans l’expérience du sujet névrotique. Et alors, que se passe – t – il ? Il se passe ce phénomène que j’appellerai celui de la motivation psychologisante qui fera que pour rechercher dans l’individu, dans le sujet lui – même, l’origine, le sens de cette crainte de la castration, nous arrivons à une série de déplacements, de transpositions dans l’articulation de cette crainte de la castration qui ne font à peu près… je vais me résumer… que s’étager ainsi : cette trace de la castration, qui est d’abord en relation avec l’objet du père, la crainte du père, nous sommes d’abord amenés à la considérer dans son incidence et à nous apercevoir de son rapport avec une tendance, un désir du sujet : celui de son intégrité corporelle. Et c’est autour de la notion de crainte narcissique que celle de la crainte de la castration va être promue. Puis, suivant toujours, dans une ligne qui est forcément génétique… c’est – à – dire qui remonte aux origines à partir du moment où nous cherchons dans l’individu lui – même la genèse de ce qui ensuite se développe… nous trouvons, promue, mise au premier plan… parce qu’on a toujours du matériel, bien sûr, clinique pour saisir les incarnations si l’on peut dire d’un certain effet… nous trouvons la crainte de l’organe féminin, d’une façon d’ailleurs ambiguë : soit que ce soit lui qui devienne le siège de la menace contre l’organe incriminé, soit au contraire qu’il soit le modèle de la disparition de cet organe. Plus loin, ce que nous allons trouver à l’origine de la crainte de castration… par un recul toujours plus grand où, vous allez le voir, au dernier terme il me semble tout à fait frappant et singulier dans son aboutissement… c’est ce qui va être craint comme avant la castration. Au dernier terme… c’est celui auquel nous sommes arrivés pro-gressivement et je ne vous referai pas aujourd’hui la liste des auteurs que nous trouvons mais, pour le dernier, vous savez que c’est Mélanie KLEIN… ce qui est à l’origine de la crainte de la castration, c’est le phallus lui – même, caché au fond de l’organe maternel, et perçu par l’enfant, tout à fait aux origines, comme le phallus paternel, comme ayant son siège à l’intérieur du corps maternel. C’est lui qui est redouté par l’enfant et par le sujet. Et – croyez – vous – c’est déjà assez frappant de voir apparaître… en quelque sorte en miroir… en face de l’organe menacé, cet organe menaçant, et d’une façon de plus en plus mythique à mesure qu’elle est plus reculée. Mais là, pour que le dernier pas soit franchi, il faut en somme que l’organe paternel, à l’intérieur du sexe maternel, soit considéré comme menaçant. C’est parce que le sujet lui – même en a fait… aux sources de ce qu’on appelle ses tendances agressives primordiales, ses tendances sadiques primordiales… en a fait l’arme idéale. Et tout revient, au dernier terme, à une sorte de pur reflet de l’organe phallique, considéré comme le support d’une tendance primitive qui est celle de la pure et simple agression, le complexe de castration s’isolant, en somme, se réduisant à l’isolement d’une pulsion agressive primordiale partielle, en même temps déconnectée, semble – t – il dès lors. Et en effet, c’est bien tout l’effort des auteurs, ce qu’ils ont eu la plus grande peine, à partir de ce moment à réintégrer : ce qui concerne le complexe de castration dans son contexte de complexe, à savoir de cela d’où il est parti, et qui profondément motivait son caractère central dans l’économie subjective dont il s’agissait à l’origine de l’exploration des névroses. Et bien entendu, on sait à quels efforts les auteurs seront conduits pour restituer quand même, resituer à sa place, ce qui apparaît en fin de compte, quand nous regardons les choses, comme un pur, simple et vain tour sur lui – même d’un système, d’un ensemble de concepts. Car en fin de compte, si nous examinons attentivement l’économie de ce que Mélanie KLEIN articule comme se passant au niveau de cet œdipe précoce… ce qui est encore une sorte de contradiction dans les termes, c’est une façon de dire : « l’œdipe pré – œdipien », « l’œdipe en tant qu’il est l’œdipe avant qu’aucun des personnages de l’œdipe ne soit apparu »… ce que nous trouvons simplement articulé dans les signifiants interprétatifs dont elle se sert pour donner un nom à ces pulsions qu’elle rencontre ou qu’elle croit rencontrer au dernier terme chez l’enfant, c’est qu’elle implique dans ses propres signifiants à elle exactement toute la dialectique dont il s’agit à l’origine… à savoir la question dont il s’agit et qu’il faut reprendre au départ et dans son essence… qui est ceci : si la castration a ce caractère essentiel, si nous la prenons pour autant qu’elle est promue par l’expérience et la théorie analytiques et par FREUD… ceci depuis son départ… sachons maintenant voir ce qu’elle veut dire. Avant d’être crainte, avant d’être vécue, avant d’être psychologisable, qu’est – ce que cela veut dire ? La castration n’est pas une castration réelle. Cette castration est liée, avons – nous dit, à un désir. Elle est même liée à l’évolution, au progrès, à la maturation du désir chez le sujet humain. Si elle est castration, il est bien certain d’autre part que le lien à cet organe, si difficile, d’ailleurs dans la notion de complexe de castration, à bien centrer, ce n’est pas une castration s’adressant aux organes génitaux dans leur ensemble. C’est bien pour cela d’ailleurs que chez la femme elle ne prend pas l’aspect d’une menace contre les organes génitaux en tant que tels mais en tant qu’autre chose, justement en tant que phallus. De même chez l’homme, on a pu légitimement poser la question de savoir s’il fallait… dans cette notion de complexe de castration… isoler le pénis comme tel ou y comprendre le pénis et les testicules ? À la vérité, bien entendu, c’est bien ce qui désigne que ce dont il s’agit est autre chose que ceci ou cela : c’est quelque chose qui a un certain rapport avec les organes mais un certain rapport dont le caractère justement signifiant déjà, dès l’origine, ne fait pas de doute. Et c’est ce caractère signifiant qui domine. Disons qu’à tout le moins, un minimum doit être retenu dans ce qu’est, dans son essence, le complexe de castration : le rapport d’un désir, d’une part, avec d’autre part, ce que j’appellerai dans cette occasion, une marque. Pour que le désir… nous disent l’expérience freudienne et la théorie analytique… traverse heureusement certaines phases, arrive à maturité, il faut que quelque chose d’aussi problématique à situer, que le phallus soit marqué de ce quelque chose qui fait qu’il n’est maintenu, conservé que pour autant qu’il a traversé la menace de castration à proprement parler. Et ceci doit être maintenu comme le minimum essentiel au – delà duquel : nous partons dans les synonymies, nous partons dans les glissements, nous partons dans les équivalences, nous partons aussi, du même coup, dans les obscurités. Littéralement, nous ne savons plus ce que nous disons si nous ne retenons pas ces caractéristiques pour essentielles. Et ne vaut – il pas mieux, d’abord et avant tout, se diriger vers le rapport de ces deux pôles, disons, du désir à la marque, avant d’essayer d’aller le chercher dans les diverses façons dont cela, pour le sujet, s’incarne, dans la raison d’une liaison qui, à partir du moment où nous quittons ce point de départ, va devenir de plus en plus énigmatique, de plus en plus problématique, et bientôt de plus en plus éludée ? J’insiste sur ce caract
ère de marque qui a d’ailleurs… dans toutes les autres manifestations que les manifestations analytiques, interprétatives, significatives, et bien certainement dans tout ce qui l’incarne cérémoniellement, rituellement, sociologiquement… ce caractère d’être le signe de tout ce qui supporte cette relation castratrice dont nous avons commencé à apercevoir l’émergence anthropologique par l’intermédiaire de l’analyse. N’oublions pas, jusque – là les signes… les incarnations religieuses par exemple, où nous reconnaissons ce complexe de castration : la circoncision par exemple, pour l’appeler par son nom, ou encore telle ou telle forme d’inscription, de marque dans les rites de puberté, de tatouage… de tout ce qui produit les marques, imprime sur le sujet, en liaison avec une certaine phase qui, d’une façon non ambiguë, se présente comme une phase d’accession à un certain niveau, à un certain étage du désir, tout cela se présente toujours comme marque et impression. Et vous me direz : « Voilà, nous y sommes ! La marque, pas difficile de la rencontrer ! » Déjà dans l’expérience, quand on a des troupeaux, chaque berger a sa petite marque de façon à distinguer ses brebis de celles des autres, et ce n’est pas une remarque si bête. Il y a bien un certain rapport, ne serait – ce que de ceci : c’est qu’en tout cas nous y saisirions déjà que la marque se présente tout de même dans une certaine transcendance par rapport à la constitution du troupeau. Est – ce que cela doit nous suffire ? C’est bien vrai d’une certaine façon, par exemple que la circoncision se présente comme constituant un certain troupeau, le troupeau des élus, fils de Dieu. Est – ce que nous ne faisons que retrouver cela ? Sûrement pas ! Ce que l’expérience analytique, et ce que FREUD, au départ, nous apportent : c’est qu’il y a un rapport étroit, intime, entre le désir et la marque, c’est que la marque n’est pas simplement là comme signe de reconnaissance pour le berger… dont nous aurions de la peine à savoir où il est dans l’occasion… mais quand il s’agit de l’homme, ceci veut dire que l’être vivant marqué, a ici un désir qui n’est pas sans un certain rapport intime avec cette marque. Il ne s’agit pas de s’avancer trop vite, ni de dire que c’est cette marque qui modifie le désir. Il y a peut – être dès l’origine dans ce désir une béance qui permet à cette marque de prendre son incidence spéciale, mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’il y a le rapport le plus étroit entre ce qui caractérise ce désir chez l’homme et l’incidence, le rôle et la fonction de la marque. Nous retrouvons cette confrontation du signifiant et du désir qui est ce autour de quoi doit porter toute notre interrogation ici. Je ne voudrais pas m’éloigner trop, mais ici quand même une petite parenthèse : n’oublions pas que la question ici débouche bien évidemment sur la fonction de signifiant chez l’homme, et que ce n’est pas ici que vous en entendez parler pour la première fois. Si FREUD a écrit Totem et tabou, si cela a été pour lui un besoin et une satisfaction essentielle que d’articuler ce Totem et tabou… reportez – vous au texte de JONES pour bien voir l’importance que cela avait pour lui, et qui n’était pas simplement une importance de psychanalyse appliquée… de retrouver, agrandi aux dimensions du ciel, le petit animal humain auquel il se trouvait avoir affaire dans son cabinet : ce n’est pas « le chien céleste » par rapport au « chien terrestre » comme dans SPINOZA, c’est que c’est un mythe tellement essentiel que pour lui ce n’est pas un mythe. Cela veut dire quoi le Totem et tabou ? C’est que nous sommes nécessairement amenés… si nous voulons comprendre quelque chose qui est l’interrogation particulière de FREUD au niveau de cette expérience de l’œdipe chez ses malades… c’est que nous sommes amenés nécessairement à ce thème du « meurtre du père ». Bien entendu vous savez, là, que FREUD ne s’interroge pas. Qu’est – ce que cela peut signifier que pour concevoir en somme un passage, qui est le passage de la nature à l’humanité, il faille qu’on passe par le meurtre du père ? Selon sa méthode, qui est une méthode d’observateur, de naturaliste, il groupe… il fait foisonner autour de cette sorte de point de concours, de carrefour auquel il arrive… tous les documents, tout ce que lui apporte l’information ethnologique. Et bien entendu, que voyons nous foisonner au premier chef ? La contribution particulière de son expérience rencontre le matériel ethnologique. Peu importe qu’il soit plus ou moins désuet maintenant, cela n’a aucune importance. Le fait que ce soit la fonction de la phobie… avec le thème du totem, qui soit là le point où il se retrouve, où il se satisfait, où il voit se conjuguer les signes dont il suit la trace… tout cela nous montre bien que ceci est absolument indiscernable d’un progrès qui met au premier plan cette fonction du signifiant. La phobie, c’est un symptôme où vient au premier plan – d’une façon isolée, et promu comme tel – le signifiant. Je passais l’année dernière à vous l’expliquer, à vous montrer à quel point le signifiant d’une phobie est quelque chose qui a trente-six mille significations pour le sujet. C’est le point clé : c’est le signifiant qui manque pour que les significations puissent se tenir – au moins pour un temps – un peu tranquilles. Sans cela le sujet en est littéralement submergé. De même, le totem est bien cela aussi : le signifiant à tout faire, le signifiant – clé, le signifiant grâce auquel tout s’ordonne, et principalement le sujet, car dans ce signifiant le sujet trouve ce qu’il est. Et c’est au nom de ce totem que pour lui s’ordonne aussi ce qui est interdit. Mais qu’est – ce que ceci, si l’on peut dire, nous voile, nous cache au dernier terme ? C’est ce « meurtre du père » lui – même, pour que ce soit autour de lui que puisse se faire la conversion, la révolution grâce à quoi les jeunes mâles de la horde vont voir s’ordonner quelque chose qui va être la loi primitive, c’est – à – dire l’interdiction de l’inceste. Ceci nous cache simplement ce lien étroit qu’il y a entre : la mort, et l’apparition du signifiant. Car n’oubliez quand même pas ceci, c’est que dans son train ordinaire, chacun sait que la vie ne s’arrête guère aux cadavres qu’elle fait… les grands poissons mangent les petits, ou même, les ayant tués, ne les mangent pas… mais il est certain que le mouvement de la vie nivelle ce qu’elle a devant soi à abolir, et c’est déjà là tout le problème, de savoir en quoi une mort est mémorisée, même si cette mémorisation est quelque chose qui reste en quelque sorte implicite, c’est – à – dire si, comme tout nous le laisse apparaître, il est de sa nature, à cette mémorisation, que ce soit oublié par l’individu, qu’il s’agisse du « meurtre du père » ou du meurtre de MOÏSE. Il est essentiellement de sa nature d’oublier ce qui reste absolument nécessaire comme la clé, comme le point pivot autour duquel doit tourner notre esprit : c’est qu’un certain lien a été fait signifiant, qui fait que cette mort existe autrement qu’à proprement parler dans le réel, dans le foisonnement de la vie. Il n’y a pas d’existence de la mort, il y a des morts, et voilà tout ! Et quand ils sont morts, personne dans la vie n’y fait plus attention. En d’autres termes, qu’est – ce qui fait : et la passion de FREUD quand il écrit Totem et tabou, et l’effet fulgurant de la production d’un livre qui apparaît et qui est très généralement rejeté et vomi ? C’est – à – dire que chacun se met à dire : Qu’est – ce qu’il nous raconte celui-là ? D’où vient – il ? De quel droit nous raconte – t – il cela ? Nous, ethnographes, nous n’avons jamais vu cela ! Ce qui n’empêche pas que c’est un des évé
nements tout à fait capitaux de notre siècle, et qu’autour de cela effectivement toute l’inspiration du travail critique, ethnologique, littéraire, anthropologique, en est profondément transformée. Qu’est – ce que cela veut dire, si ce n’est que FREUD y conjugue deux choses : il conjugue le désir avec le signifiant. Il les conjugue comme on dit qu’on conjugue un verbe. Il fait entrer la catégorie de cette conjugaison au sein d’une pensée qui jusqu’à lui, concernant l’homme, reste une pensée que j’appellerai une pensée académisante, désignant par là une certaine filiation philosophique antique qui, depuis le platonisme jusqu’aux sectes stoïciennes et épicuriennes et, passant à travers le christianisme, tend profondément : à oublier, à éluder ce rapport organique du désir avec le signifiant, à le situer, à l’exclure du signifiant, à le réduire, à l’expliquer, à le motiver dans une certaine économie du plaisir, à éluder ce qu’il y a en lui d’absolument problématique, irréductible, et à proprement parler pervers, à éluder ce qui est le caractère essentiel, vivant, des manifestations du désir humain, au premier plan duquel nous devons mettre ce caractère non seulement inadapté, inadaptable mais fondamentalement perverti, marqué. C’est la situation de ce lien… entre le désir et la marque, entre le désir et l’insigne, entre le désir et le signifiant,… que nous sommes ici en train de nous efforcer de faire. Voici les trois petites formules que je vous ai écrites : Je veux simplement aujourd’hui les introduire, vous dire ce qu’elles veulent dire, parce que nous ne pourrons pas aller plus loin. Mais ces formules sont – à mon gré – celles autour desquelles vous pourrez, non seulement essayer d’articuler quelque chose du problème que je viens de vous proposer, mais articuler toutes les vagations, voire même les divagations de la pensée analytique concernant ce qui reste toujours notre problème fondamental. En fin de compte n’oublions pas qu’il est le problème du désir. Commençons d’abord par dire ce que veulent dire les lettres qui sont là : le d est le désir, le S c’est le sujet, le petit a c’est le petit autre, c’est l’autre en tant qu’il est notre semblable, l’autre en tant que son image [i (a)] nous retient, nous captive, nous supporte, et autour de laquelle nous constituons ce premier ordre d’identification que je vous ai défini comme l’identification narcissique qui est m, le moi. Cette première ligne vous met dans un certain rapport dont les flèches vous indiquent qu’il ne peut pas être parcouru jusqu’au bout en partant de chaque extrémité, qu’il s’arrête – en partant de chaque extrémité – au point précis où la flèche directrice elle – même en rencontre une autre de signe opposé, mais met dans un certain rapport l’identification moïque ou narcissique avec d’autre part la fonction du désir. Je vais en reprendre le commentaire. La deuxième ligne concerne ce sur quoi j’ai articulé tout mon discours au début de cette année, et pour autant que j’ai essayé de vous faire voir dans le trait d’esprit, un certain rapport fondamental du désir, non pas avec le signifiant comme tel, mais avec la parole, c’est à savoir, la demande. Le D, ici écrit, veut dire la demande. Le A qui suit, c’est le grand Autre, le grand Autre en tant qu’il est le lieu, le siège, le témoin auquel le sujet se réfère dans son rapport avec un a quelconque comme étant le lieu de la parole. Il n’est pas besoin ici de rappeler combien, depuis longtemps et en y revenant sans cesse, j’ai articulé la nécessité de ce grand Autre comme le lieu de la parole articulée comme telle. Ici, on retrouve le petit d. Ici, vous rencontrez un signe pour la première fois, c’est le petit s. Le petit s a ici la même signification qu’il a d’habitude dans nos formules à savoir celle du signifié. Le s (A) veut dire : « ce qui dans l’Autre est signifié, ce qui dans l’Autre, pour moi sujet, prend valeur de signifié à l’aide du signifiant », c’est – à – dire à proprement parler ce que nous avons appelé tout à l’heure les insignes. C’est en relation avec ces insignes de l’Autre que se produit l’identification qui a pour fruit et résultat la constitution dans le sujet de I qui est l’idéal du moi. Rien déjà que par la constitution de ces formules vous avez présentifié qu’il n’y a d’accession de signes à l’identification de l’idéal du moi que quand le terme du grand Autre est entré en ligne de compte. Vous retrouvez ici le petit d. La troisième ligne, autrement dit Δ : est celle qui concerne le problème que j’essaie d’articuler aujourd’hui devant vous, c’est à savoir qu’elle essaie d’articuler en une chaîne repère comme les précédentes, ceci : le Δ c’est précisément ce sur quoi nous nous interrogeons, à savoir ce ressort même par quoi le sujet humain est mis dans un certain rapport au signifiant, ceci dans son essence de sujet, de sujet total, de sujet dans son caractère complètement ouvert, problématique, énigmatique, et c’est ce qu’exprime cette formule. Vous voyez ici le sujet de nouveau revenir dans son rapport avec le fait que son désir passe par la demande, qu’il le parle, et que cela a certains effets, c’est simplement ce qui est symbolisé ici. Ici, vous avez le grand S qui est, comme d’habitude, la lettre par laquelle nous désignons le signifiant. Cette formule S (A) explique que S est quelque chose que je vais essayer de vous dire, et précisément ce que Φ, le phallus, réalise. Autrement dit, que le phallus est ce signifiant qui introduit dans A quelque chose de nouveau, et qui ne l’introduit que dans A et au niveau de A, et qui est ce grâce à quoi cette formule va prendre son éclairage des effets de signifiant en ce point précis d’incidence sur l’autre. C’est à savoir, ce que cette formule va nous permettre d’éclairer de ce qui arrive de par l’existence des rapports qui sont ainsi articulés. Reprenons maintenant ce dont il s’agit. Le rapport de l’homme au désir n’est pas un rapport pur et simple de désir, ce n’est pas en soi un rapport à l’objet. Si ce rapport à l’objet était d’ores et déjà institué, il n’y aurait pas de problème pour l’analyse. Les hommes… comme sont présumés aller la plupart des animaux… iraient à leur objet, il n’y aurait pas ce rapport second, si je puis dire, de l’homme au fait qu’il est animal désirant, et dont tout ce qui se passe au niveau que nous appelons pervers consiste en ceci : qu’il jouit de son désir. Si toute l’évolution des origines du désir tourne autour de ces faits vécus qui s’appellent la relation, disons masochiste… c’est celle qu’on nous fait, dans l’ordre génétique, sortir la première, mais on y vient par une sorte de régression si je puis dire… celle qui s’offre comme la plus exemplaire, comme la plus « pivot », c’est le rapport dit sadique, ou le rapport scoptophillique. Mais il est tout à fait clair que c’est par une réduction, un maniement et une décomposition artificielle, seconde de ce qui est donné dans l’expérience, que nous les isolons sous forme de pulsions qui se substituent l’une à l’autre et qui s’équivalent. Le rapport scoptophillique, en tant qu’il conjugue exhibition et voyeurisme, est toujours ambigu : le sujet se voit être vu, ou voit le sujet comme vu, mais non pas, bien entendu, le voit purement et simplement. C’est dans la jouissance, dans l’espèce d’irradiation ou de phosphorescence qui se dégage du fait que le sujet se trouve dans une position venue d’on ne sait quelle béance primitive en quelque sorte extraite de son rapport d’implication à l’objet. Et de là il se saisit fondamentalement comme patient dans cette relation. D’où le fait que nous trouvons, au fond de cette exploration analytique du désir, le masochisme. Le masochisme, c’est que le sujet se saisit comme souffrant, si l’on peut dire, da
ns son existence d’être vivant, comme, là, souffrant comme étant sujet du désir. Où est maintenant le problème ? Ceci, c’est le côté qui ne restera à tout jamais que caractère irréductible, côté tout à fait faux du désir humain, par rapport à aucune réduction et adaptation, et aucune expérience psychanalytique – elle – n’ira contre. Le sujet ne satisfait pas simplement un désir, il jouit de désirer, et c’est une dimension essentielle de sa jouissance. Omettre cette sorte de donnée primitive, à laquelle, je dois dire, l’investigation dite existentialiste a apporté certaines lumières, a remis dans un certain éclairage ce que je vous articule là comme je peux, en pensant simplement que vous vous référez assez à notre expérience de chaque jour pour que ceci ait un sens qui est développé, tout au long de pages diversement magistrales, par Monsieur SARTRE dans L’Être et le Néant. Ce n’est pas toujours d’une absolue rigueur, philosophiquement parlant, mais c’est sûrement d’un talent littéraire incontestable. Le frappant, c’est que des choses de cet ordre n’aient pu être articulées et développées avec tellement d’éclat que depuis justement que l’analyse a, en quelque sorte, donné droit de cité à cette dimension du désir. Monsieur JONES… dont l’utilité et la fonction dans l’analyse aura été en fonction directement proportionnelle avec ce qu’il ne comprenait pas… a très vite essayé d’articuler le complexe de castration en lui donnant un équivalent. Pour tout dire, le signifiant phallique a fait pour lui… et tout au long de son existence d’écrivain et d’analyste… l’objet de ce qu’on pourrait appeler chez lui une véritable phobie. Car vraiment ce qu’il a écrit de meilleur… qui culmine dans son article sur la phase phallique… consiste précisément à essayer d’articuler, à dire : pourquoi ce sacré phallus qu’on trouve là sous nos pas à tout instant, pourquoi ce privilège pour cet objet d’ailleurs inconsistant alors qu’il y a des choses tout aussi intéressantes, le vagin par exemple ? Et en effet, il a raison cet homme : il est bien clair que cet objet n’a pas moins d’intérêt que le phallus et nous le savons ! Seulement ce qui l’étonne, c’est que l’un et l’autre n’ont pas la même fonction. Il était strictement condamné à ne rien y comprendre, dans la mesure même où dès le départ, dès qu’il essayait d’articuler ce que c’était, ce complexe de castration chez FREUD, il a éprouvé le besoin de lui donner un équivalent. Déjà, on voit le départ du premier jet, qui surgit là au lieu de retenir ce qu’il y a peut – être de coriace, d’irréductible dans le complexe de castration, à savoir le signifiant phallus. Il n’y était pas sans une certaine orientation. Il n’avait peut – être qu’un tort, c’est de penser que cette phrase par laquelle il termine son article sur la Phallic phase, à savoir « Dieu les créa homme et femme »…  c’est là – dessus qu’il conclut, montrant bien les origines bibliques de sa conviction… et puisque Dieu les a créés « homme et femme », c’est donc que c’est bien fait pour aller ensemble. Et il faut que ce soit tout de même à cela que ça aboutisse, ou que ça dise pourquoi. Or justement, nous sommes dans l’analyse pour nous apercevoir que quand on demande que « ça dise pourquoi », on entre dans toutes sortes de complications. Et c’est pour cela qu’au départ il a substitué au terme de castration ce terme d’ἀϕάνισις [aphanisis], qu’il a cherché dans le dictionnaire grec… il faut bien dire qu’il ne se présente pas comme un mot des plus employés chez les auteurs… et qui veut dire disparition. Disparition de quoi ? Disparition du désir. C’est ce que le sujet redoute-rait dans le complexe de castration, au dire de Monsieur JONES. Et alors de son petit pas allègre de personnage shakespearien, il ne semblait pas du tout se douter que c’était déjà un énorme problème qu’un être vivant puisse se douter comme d’un danger, non pas de la disparition du manque, du sevrage de son objet, mais de son désir, car il n’y a pas d’autre moyen de faire d’ἀϕάνισις [aphanisis] un équivalent du complexe de castration, que de le définir comme il le définit, à savoir : « la disparition du désir ». N’y a – t – il donc pas là quelque chose qui soit absolument infondé ? Mais que ce soit déjà quelque chose de deuxième ou de troisième degré par rapport à ce que nous pouvons appeler un rapport convenable en termes de besoin, c’est ce qui semble ne pas être douteux et ce dont il n’a pas l’air le moins du monde de se douter. Ceci dit, en admettant même déjà que soient résolues toutes les complications que suggère la simple position du problème en ces termes, il reste que le problème est de savoir comment dans ce rapport à l’Autre… en tant que c’est dans l’Autre et dans le regard de l’Autre… ce n’est pas pour rien que je mets au cœur la position scoptophillique : c’est parce qu’effectivement elle est au cœur de cette position, mais aussi bien dans l’attitude de l’Autre. Je veux dire qu’il n’y a pas de position sadique qui, d’une certaine façon, ne s’accompagne… pour être qualifiable à proprement parler de sadique… d’une certaine identification masochiste. Donc le problème est de savoir ce qui… dans ce rapport de son être à lui – même détaché où est le sujet humain… le met dans cette position tout à fait particulière vis – à – vis de l’Autre… où ce qu’il saisit, où ce dont il jouit, c’est d’autre chose que du rapport à l’objet, mais d’un rapport à son désir… il s’agit en fin de compte de savoir ce que le phallus comme tel vient faire là – dedans. C’est là qu’est le problème, et avant de chercher à l’engendrer, à l’imaginer par une reconstitution génétique fondée sur des références qui sont ce que j’appellerai des références fondamentales de l’obscurantisme moderne, à savoir des formules comme celle – ci… qui sont, à mon avis, excessivement plus imbéciles que tout ce que vous pouvez trouver dans ces petits livres qu’on vous apprend sous le terme d’instruction religieuse ou de catéchisme… à savoir : « l’ontogenèse reproduit la phylogénèse ». Quand nos arrière – petits – enfants sauront que de notre temps cela suffisait à expliquer des tas de choses, ils se diront : « C’est tout de même une drôle de chose que l’homme ! » Et ils ne s’apercevront d’ailleurs pas de ce qu’ils auront à la place à ce moment-là. Il s’agit donc de savoir ce que le phallus vient faire là. Posons pour aujourd’hui ceci : que l’existence de cette troisième ligne, à savoir que le phallus en effet, est quelque chose qui joue un certain rôle, un rôle de signifiant. Qu’est – ce que cela veut dire ? Partons de la deuxième ligne, qui veut dire ceci : que s’il y a un certain rapport de l’homme au petit autre qui est structuré, constitué comme ce que nous venons d’appeler le désir humain… au sens où ce désir est déjà fondamentalement quelque chose de pervers… toutes ses demandes seront marquées d’un certain rapport. C’est là le sens de ce que nous voyons dans ce nouveau petit symbole losangique que vous retrouvez sans cesse dans cette formule et qui implique simplement que tout ce dont il s’agit ici est commandé par quelque chose qui est justement ce rapport quadratique que nous avons mis depuis toujours au fondement de notre articulation du problème et qui dit qu’il n’y a pas de S concevable ni articulable, ni possible, sans ce rapport ternaire a → a’→ A. C’est tout ce que cela veut dire. Pour que la demande, si l’on peut dire, existe, ait une chance, soit quelque chose, il faut qu’il y ait donc un certain rapport entre A en tant que lieu de la parole, et ce désir tel qu’il est structuré : S  a, tel qu’il est structuré dans la première ligne. Ce que la compos
ition de ces lignes implique est ceci : de même que l’identification narcissique, à savoir ce qui constitue le moi du sujet, se fait dans un certain rapport dont nous avons vu toutes les variations, toutes les différences, toutes les nuances de prestige, de prestance, de domination, dans un certain rapport avec l’image de l’autre : i (a), il y a là le correspondant, le corrélatif de ce qui, de l’autre côté du point de révolution de ce tableau… à savoir la ligne d’équivalence double qui est là au centre… met en rapport cette possibilité même de l’existence d’un moi avec le caractère fondamentalement désirant et lié aux avatars du désir qui est ici articulé dans la première partie de la ligne. De même toute identification qui soit identification aux insignes de l’Autre : s (A)… c’est – à – dire du tiers en tant que tel… dépend – de quoi ? – de la demande. De la demande et des rapports de l’Autre au désir : A à d. Ceci est tout à fait clair et évident, et c’est ce qui permet de donner sa pleine valeur au terme dont FREUD, lui, appelle ce que nous appelons d’une façon très impropre… je réarticulerai, je reviendrai sur ce pourquoi ce terme est très impropre… du terme de frustration – il s’agit de Versagung. Nous savons par expérience que c’est dans la mesure où quelque chose est versagen qu’il se produit chez le sujet ce phénomène de l’identification secondaire ou de l’identification aux insignes de l’Autre : s (A). Qu’est – ce que cela implique ?

Ceci implique que pour qu’il y ait quelque chose qui puisse même s’établir – j’entends pour le sujet – entre :   le grand Autre comme lieu de la parole,   et ce phénomène de son désir, qui se place sur un plan tout à fait hétérogène puisqu’il y a rapport avec le petit autre en tant que             le petit autre est son image [ image du sujet : i(a) ]  …il faut que quelque chose introduise dans l’Autre…  dans l’Autre en tant que lieu de la parole …ce même rapport au petit autre qui est exigible,  qui est nécessaire, qui est phénoménologiquement tangible, pour expliquer le désir humain en tant que désir pervers.  C’est la nécessité du problème que nous avons proposé aujourd’hui. Cela peut vous sembler obscur.  Je ne vous dirai qu’une seule chose, c’est qu’à ne rien poser du tout, non seulement nous allons nous rendre compte que ça devient de plus en plus obscur, mais en plus tout s’embrouille au lieu que ce qu’il s’agit de savoir, c’est que si nous posons cela,  nous allons pouvoir faire sortir un peu d’ordre.  Nous posons que Φ, le phallus, est ce signifiant  par lequel est introduit dans A… en tant que lieu de la parole : le grand A …par où est introduit le rapport à l’autre, petit(a)…  en tant que petit autre …par où ce rapport est introduit – ce n’est pas tout – en tant que le signifiant y est pour quelque chose. Voilà. Cela a l’air de se mordre la queue mais il faut que cela se morde la queue. Il est clair que le signifiant y est pour quelque chose, puisque ce signifiant nous le ren-controns  à tous les pas.  Nous l’avons rencontré d’abord à l’origine :  il n’y aurait pas d’origine… non pas de la culture, mais de ce qui est d’ailleurs la même chose si nous distinguons culture et société  …il n’y aurait donc pas d’entrée de l’homme dans la culture si ce rapport au signifiant n’était pas à l’origine. Ce que nous voulons dire ici, c’est que :   de même que nous avons défini le signifiant paternel comme le signifiant qui, dans le lieu de l’Autre, pose, autorise le jeu des signifiants,   il y a cet autre signifiant privilégié qui est  le signifiant qui a pour effet d’instituer dans l’Autre ceci, qui le change de nature,  à savoir que c’est pour cela qu’il est barré  cet Autre : S(A).  Ceci qui le change de nature, à savoir qu’il n’est pas purement et simplement le lieu de la parole,  mais qu’il est quelque chose qui, comme le sujet,  est impliqué dans cette dialectique située sur le plan phénoménal de la réflexion à l’endroit du petit autre et qui pose que l’Autre est impliqué dans ceci,  et qui y ajoute…  c’est purement et simplement  comme signifiant que cela y ajoute  …que ce rapport existe pour autant que c’est le signifiant qui l’inscrit. Je vous prie… quelque difficulté que ceci vous fasse  de garder dans l’esprit ceci …de vous en tenir là pour aujourd’hui.  Je vous montrerai par la suite ce que ceci  nous permet d’articuler et d’illustrer.

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