Leçon du 18 Février 1970
Voilà, alors il doit commencer à vous apparaître que l’envers de la psychanalyse, c’est cela même que j’avance cette année sous le titre du discours du Maître, bien sûr non pas d’une façon arbitraire, ce discours du Maître ayant déjà dans la tradition philosophique, ce que j’appellerai, enfin… ses lettres de crédit. Néanmoins le discours du Maître tel que j’essaie de le dégager, prend ici un accent de ce fait qu’on peut dire qu’à notre époque, il arrive à pouvoir être dégagé dans une sorte de pureté, par quelque chose que nous éprouvons directement, et au niveau de la politique. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il enserre tout, même ce qui se croit révolution. Plus exactement : par ce qu’on appelle romantiquement « Révolution » avec un grand R, le discours du Maître accomplit sa révolution, dans l’autre sens de : « tour qui se boucle ». À l’horizon de cette mise en valeur… un peu aphoristique, j’en conviens, mais qui est faite, comme l’aphorisme s’y destine, qui est faite pour éclairer d’un flash simple …à l’horizon de ceci, il y a ceci qui nous intéresse… je veux dire vous et moi …il y a que ce discours du Maître n’a qu’un contrepoint : le discours analytique, encore si inapproprié. Je l’appelle contrepoint en ceci que sa symétrie… s’il en existe une, et elle existe …sa symétrie n’est pas par rapport à une ligne, ni par rapport à un plan, mais par rapport à un point. En d’autres termes, il est obtenu par quelque chose qui est le bouclage de ce discours du Maître auquel je faisais à l’instant référence.
Maître Analyste
En d’autres termes ce que je n’ai pas pu… parce que ça commence à me fatiguer… réécrire au tableau, à savoir la disposition des S, barré, numérotés, et du (a), telle que je l’ai réinscrit la dernière fois, et dont j’espère que tous, plus ou moins, vous avez encore la transcription sur vos papiers, cette inscription que je n’ai pas eu le temps de faire, partant du fait que je ne peux pas faire toutes les choses, eh bien elle montre assez cette symétrie par rapport à un point, qui fait que ce discours psychanalytique se trouve très précisément au pôle opposé du discours du Maître. Voilà. Quant au discours psychanalytique, il nous arrive de voir certains termes qui servent de Phylum dans l’explication, celui du père par exemple. Il nous arrive de voir quelqu’un tenter d’en rassembler les principales données. C’est un exercice pénible, pénible quand il est fait à l’intérieur de ce qu’on attend, au point où nous en sommes, d’un énoncé et d’une énonciation psychanalytiques, c’est à savoir, d’une référence génétique. On se croit obligé, à propos du père, de partir de l’enfance, des identifications, et alors c’est vraiment quelque chose qui peut aller à un extraordinaire bafouillage, à une contradiction étrange. On nous parlera d’identification primaire comme étant celle qui lie l’enfant à sa mère, ça semble en effet aller de soi. Il est bien curieux que, si nous nous reportons à FREUD, au discours de 1921 celui qui s’appelle Psychologie des masses et analyse du moi, c’est très précisément à l’identification au père que nous nous reporterons comme primaire. Et c’est assurément bien étrange. C’est bien étrange en effet de voir qu’en somme ce que FREUD pointe là c’est que tout à fait primordialement, le père s’avère être celui qui préside à la toute première identification, et en ceci précisément, qu’il est d’une façon élue celui qui mérite l’amour. Ceci est bien étrange assurément, et a à s’opposer, à se mettre – si je puis dire — en contradiction avec tout ce que le développement de l’expérience analytique se met assurément à établir de la primauté du rapport de l’enfant à la mère. Étranges discordances que celles du discours freudien avec le discours des psychanalystes ! Peut-être ces discordances sont-elles le fait de quelque confusion ? Et l’ordre que j’essaie de mettre par référence à des configurations de discours, en quelque sorte primordiales, est là pour nous rappeler qu’il est strictement impensable d’énoncer quoi que ce soit d’ordonné dans le discours analytique, sinon à se souvenir qu’avant d’extraire de quelque chose dont nous savons tellement que c’est le fait d’une collaboration reconstructive avec celui qui est dans la position de l’« analysant »… que nous aidons, auquel nous permettons, en quelque sorte, d’entrer dans sa carrière… il faut nous souvenir que ce qui fonde toute cette reconstruction, cette possibilité même de l’aide sous la forme de l’interprétation, cet effort que nous faisons pour extraire, sous la forme de pensées imputées, ce qui a été en effet vécu par celui qui, en l’occasion, mérite bien en effet le titre de « patient », c’est quelque chose qui pour être efficace, ne doit pas nous faire oublier que la configuration subjective a, par la liaison signifiante, une objectivité parfaitement repérable : là, en tel point de liaison, celui tout à fait premier, du S1 au S2, là est possible que s’ouvre cette faille qui s’appelle le sujet. Et là, les effets de la liaison… de la liaison en l’occasion signifiante, s’opèrent,… que quelque part ce vécu qu’on appelle plus ou moins proprement « pensée » se produise ou non. Là se produit quelque chose qui tient à une chaîne, exactement comme si c’était de la pensée. FREUD, jamais n’a rien dit d’autre, quand il parle de l’inconscient. Cette objectivité, non seulement induit, mais détermine cette position, qui s’appelle position de sujet, en tant que foyer des défenses. Eh bien, ce que j’avance, ce que je vais annoncer de nouveau aujourd’hui, c’est que : en s’émettant vers les moyens de la jouissance qui sont ce qui s’appelle le savoir, le signifiant Maître… je vais revenir sur ce qu’il faut entendre par là… le signifiant Maître non seulement induit, mais détermine la castration. Partons de ce que nous avons avancé du signifiant Maître. Qu’est-ce que ça peut vouloir dire ? Assurément au départ il n’y en a pas, tous les signifiants s’équivalant en quelque sorte, pour ne jouer que sur la différence de chacun à tous les autres, de n’être pas les autres signifiants. C’est aussi par là que chacun est capable de venir en position de signifiant Maître, et très précisément en ceci : que c’est sa fonction éventuelle… c’est ainsi que je l’ai défini de toujours… de représenter un sujet pour tout autre signifiant. Seulement le sujet, le sujet qu’il représente n’est pas univoque : il est représenté, sans doute, mais aussi n’est pas représenté. Quelque chose — à ce niveau — reste caché en relation avec ce même signifiant. C’est là autour, que se joue le jeu de la découverte psychanalytique, qui n’est pas bien sûr… comme n’importe quoi d’autre… sans avoir été en quelque sorte préparée par cette hésitation, qui est plus qu’une hésitation, qui est cette ambiguïté, soutenue, sous le nom de dialectique, par HEGEL, quand il se trouve poser, en quelque sorte au départ, que « le sujet s’affirme comme se sachant ». Quand il ose partir de la Selbstbewußtsein dans son énonciation la plus naïve, à savoir que toute conscience se sait être conscience. Et pourtant de tresser cette même sorte de départ avec une série de crises, d’Aufhebung comme il dit, d’où il résulte que cette Selbstbewußtsein, elle-même figure inaugurale du Maître, trouve sa vérité du travail de l’Autre par excellence, de celui qui ne se sait que d’avoir perdu ce corps, ce corps même dont il se supporte, pour avoir voulu le garder dans son accès à la jouissance, l’esclave autrement dit. Comment ne pas essayer de rompre cette ambiguïté hégelienne ? Comment ne pas y être conduit dans une autre voie de tentative, à partir de ce qui nous est donné d’une expérience où il s’agit… où il s’agit toujours de revenir pour la mieux serrer… l’expérience psychanalytique, et le plus simplement à partir de ceci, qu’il y a un usage du signifiant qui peut se définir de partir essentiellement du clivage d’un signifiant Maître avec ce corps justement dont nous venons de parler, ce corps perdu par l’esclave, pour qu’il ne devienne rien d’autre que celui où s’inscrivent tous les autres signifiants. C’est de cette sorte que nous pourrions imager ce savoir que FREUD définit de le mettre dans cette parenthèse énigmatique de l’Urverdrängt, ce qui veut dire justement : ce qui n’a pas eu à être refoulé parce que ça l’est depuis l’origine, ce savoir sans tête — si je puis dire — qui est bien un fait politiquement définissable en structure. À partir de là, tout ce qui se produit… j’entends au sens propre, au sens plein du mot produire… par le travail, tout ce qui se produit concernant la vérité du Maître… à savoir ce qu’il cache comme sujet… va rejoindre ce savoir en tant qu’il est clivé, Urverdrängt, en tant qu’il est, et que personne n’y comprend rien. Tel est quelque chose qui — j’espère — n’est point pour vous sans écho… sans que vous sachiez d’ailleurs si cet écho vient de droite ou de gauche… et qui d’abord se structure dans ce qu’on appelle le support mythique de sociétés que nous pouvons analyser comme « ethnographiques », c’est-à-dire comme échappant au discours du Maître. Car le discours du Maître commence avec la prédominance du sujet, en tant justement qu’il tend à ne se supporter que de ce mythe ultra-réduit : d’être identique à
son propre signifiant. [S ≡ S1] C’est en quoi je vous ai indiqué la dernière fois ce qu’a de nature affine à ce discours ce qu’on appelle la mathématique. Là « A » s’y représente lui-même, sans avoir besoin d’un discours mythique qui lui donne ses relations partout ailleurs. C’est par là que la mathématique représente le savoir du Maître en tant que constitué sur d’autres lois que le savoir mythique. Le savoir du Maître se produit comme un savoir entièrement autonome du savoir mythique… et c’est ce qu’on appelle la science, et c’est ce dont je vous ai indiqué la dernière fois la figure dans une rapide évocation de ce qu’il en est de la thermodynamique… et plus loin, de toute unification du champ physique, laquelle repose sur ceci : la conservation d’une unité qui n’est rien qu’une constante, toujours retrouvée dans le compte… je ne dis même pas dans la quantification… dans le compte, la manipulation de chiffres qui soit définie de telle sorte qu’elle fasse apparaître en tout cas cette constante dans le compte, voilà ce qui suffit, ce qui seulement supporte ce qui est appelé le fondement de la science physique, l’énergie. Voilà ce qui lui donne aussi un support qui lui permet de prendre aisément ceci, que la mathématique n’est constructible qu’à partir de ceci : « que le signifiant peut se signifier lui-même », que le A que vous avez écrit une fois peut être signifié par sa répétition de A. Position qui est strictement intenable, de ce qu’il en est de la fonction du signifiant : il peut tout signifier, sauf assurément lui-même. C’est de cette infraction dans la règle, de ce postulat initial qu’il faut se débarrasser pour que s’inaugure le discours mathématique. Entre les deux : de cette infraction originelle à la construction du discours de l’énergétique, le discours de la science ne se soutient, dans la logique, qu’à faire de la vérité un jeu de valeurs, qu’à éluder radicalement toute sa puissance dynamique. Comme vous le savez, le discours de la logique propositionnelle… foncièrement, comme on l’a souligné, tautologique… consiste à ordonner des propositions composées de telle sorte qu’elles soient toujours vraies, quelle que soit — vraie ou fausse — la valeur des propositions élémentaires. Est-ce que ce n’est pas dire que c’est se débarrasser de ce que j’appelais à l’instant le dynamisme du travail de la vérité ? Eh bien, la question, la question est proprement de ceci qui spécifie et distingue le discours analytique de poser la question d’à quoi sert cette forme de savoir, celle qui rejette, qui exclut la dynamique de la vérité. La première approximation est ceci : c’est qu’elle sert à refouler ce qui habite le savoir mythique, mais du même coup excluant celui-ci à n’en plus rien connaître que sous la forme de ce que nous retrouvons sous les espèces de l’inconscient, la forme d’un savoir disjoint, d’épave de ce savoir. Il n’est pas vrai que d’aucune façon ce qui va être reconstruit de ce savoir disjoint fasse retour au discours de la science, ni à ses lois structurales. C’est dire qu’ici, je me distingue de ce qu’en énonce Freud. À ce discours de la science, ce savoir disjoint, tel que nous le retrouvons dans l’inconscient, est étranger. C’est justement en cela qu’il est frappant qu’il s’impose. Il s’impose exactement de ceci que j’énonçais l’autre jour… sous cette forme dont il faut croire que, pour l’employer, je n’en trouvais pas de meilleure… « qu’il ne déconne pas », parce que si con qu’il soit, ce discours de l’inconscient, il répond à quelque chose qui tient très précisément à l’institution du discours du Maître lui-même. Et c’est cela qui s’appelle l’inconscient. Il s’impose à la science comme un fait. Cette science faite, c’est-à-dire factice, ne peut méconnaître ce qui lui apparaît comme artefact, c’est vrai ! Seulement, il lui est interdit, justement, d’être science du Maître, de se poser la question de l’artisan, et ceci fera « le fait » d’autant plus « fait ». J’ai pris en analyse très tôt après la dernière guerre — j’étais déjà né depuis longtemps – trois personnes du haut pays du Togo, qui y avaient passé leur enfance. Je n’ai pu avoir, dans leur analyse, de trace des usages et croyances tribales, qu’ils n’avaient pas oubliés, qu’ils connaissaient, mais du point de vue de l’ethnographe… ce qui veut dire, étant donné ce qu’ils étaient : de courageux petits médecins qui essayaient de se faufiler dans la hiérarchie médicale de la métropole, dont nous n’ignorons pas — nous étions encore au temps colonial — que tout était fait pour les séparer… ce qu’ils en connaissaient donc du niveau de l’ethnographe était à peu près celui du journalisme. Mais leur inconscient fonctionnait selon les bonnes règles de l’Œdipe, c’est-à-dire qu’il était l’inconscient qu’on leur avait vendu en même temps que les lois de la colonisation, forme exotique du discours du Maître, tout à fait régressive, face du capitalisme qui est justement ce qu’on appelle impérialisme. Leur inconscient n’était pas celui de leurs souvenirs d’enfance… là ça se touchait… mais leur enfance rétroactivement vécue dans nos catégories, écrivez le mot comme je vous l’ai appris l’année dernière : « femme-il-iales ». Et je défie quelque analyste que ce soit… même à aller sur le terrain… de me contredire. Ce n’est pas la psychanalyse qui peut servir à procéder à une enquête ethnographique, ceci d’ailleurs étant dit, que ladite enquête n’a aucune chance de coïncider avec le savoir autochtone, sinon par référence au discours de la science dont malheureusement, ladite enquête, elle n’a aucune espèce d’idée de cette référence, parce qu’il lui faudrait la relativer. En disant que ce n’est pas par la psychanalyse qu’on peut entrer dans une enquête ethnographique, j’ai sûrement l’accord de tous les ethnographes. Mais je l’aurai peut-être moins en leur disant que justement, pour avoir une petite idée de la relativation du discours de la science, c’est-à-dire pour avoir peut-être une petite chance de faire une juste enquête ethnographique, il faut, je le répète, non pas procéder par la psychanalyse, mais il faudrait peut-être, si cela existe, être un psychanalyste. Ici, au carrefour, nous énonçons que ce que la psychanalyse nous permet de concevoir n’est rien d’autre que sur la voie que le marxisme ouvrait, à savoir que le discours est lié aux intérêts du sujet. C’est ce que MARX appelle à l’occasion l’économie, parce que ces intérêts sont, dans la société capitaliste, entièrement marchands. La marchandise est liée au signifiant Maître, de sorte que ça ne résout rien de le dénoncer ainsi. La marchandise n’est pas moins liée à ce signifiant après la révolution socialiste. Alors ce dont il s’agit de s’apercevoir c’est que les fonctions propres du discours, telles que je les ai énoncées, nous allons maintenant les écrire en toutes lettres : le signifiant Maître, le savoir… Une mise en fonction du discours est définie par ce clivage, par la distinction du signifiant Maître au regard du savoir. Remarquez que c’est la question pour qui voudrait en savoir un peu plus long sur les sociétés entre guillemets « primitives » en tant que je les inscris de n’être pas dominées par le discours du Maître. Il est assez probable que le signifiant Maître y est repérable d’une plus complexe économie. C’est bien à quoi confinent les meilleures recherches, dites sociologiques, sur le champ de ces sociétés. Réjouissons-nous… d’autant plus de ce que ce n’est pas par hasard… que le fonctionnement du signifiant Maître soit plus simple dans le discours du Maître, qu’il soit entièrement maniable de ce rapport S1 à S2 que vous voyez là écrit : Le sujet est très précisément ce qui dans ce discour
s se trouve lié, avec toutes les illusions qu’il comporte, au signifiant Maître, alors que l’insertion dans la jouissance est le fait du savoir. Eh bien, ce que j’énonce, ce que j’apporte cette année est ceci : que ces fonctions propres du discours peuvent trouver des sites différents. C’est ce que définit leur rotation sur ces quatre places, que vous ne voyez ici, en lettres désignées d’aucune façon, si ce n’est par la place, celle que j’appelle en l’occasion : « en haut et à gauche », « en bas et à droite », ici comme ça, un peu sur le tard, pour éclairer quand même, ceux qui les auront désignées de l’effet de leur petite jugeote, c’est à savoir, par exemple : — le désir, — et de l’autre côté, le site de l’Autre. Là se figure ce dont, dans un registre ancien, j’ai parlé, en disant que : « Le désir de l’homme… » au temps où je me contentais d’une pareille approxima-tion «… c’est le désir de l’Autre ». – La place à figurer sous le désir, c’est celle de la vérité. – Sous l’Autre, c’est celle où se produit la perte, la perte, proprement, de jouissance dont vous savez que nous extrayons la fonction du plus de jouir.
Maître Hystérique Analyste Universitaire
C’est là que prend son prix le discours de l’hystérique : il a le mérite de maintenir dans l’institution discursive ce qu’il en est du rapport sexuel, à savoir « comment un sujet peut le tenir », ou pour mieux dire, ne peut pas le tenir. En effet, la réponse à savoir « comment il peut le tenir », est celle-ci : en laissant la parole à l’Autre, et précisément en tant que lieu du savoir refoulé. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est cette vérité : que c’est tout entier étranger à son sujet que se livre ce qu’il en est du savoir sexuel. C’est là ce qu’on appelle originellement, dans le discours freudien, le refoulé. Mais ce qui importe ce n’est pas cela, qui pris tout pur, cela n’a d’autre effet, si l’on peut dire, que d’une justification de l’obscurantisme. Les vérités qui nous importent — et pas peu ! – sont condamnées à être obscures. Il n’en est rien ! Je veux dire que le discours de l’hystérique n’est pas le témoignage que l’inférieur est en bas. Bien au contraire, il ne se distingue pas… comme batterie de fonctions… de celles assignées au discours du Maître. Et c’est ce qui permet de le figurer des mêmes lettres qui nous servent, à savoir : le S, le S1, le S2, le (a).
Simplement, il révèle la relation de ce discours du Maître à la jouissance, en ceci : que le savoir, dans ce discours de l’hystérique, y vient à la place de la jouissance. Le sujet lui-même, hystérique, s’aliène du signifiant-Maître comme étant celui que ce signifiant divise… j’ai dit « celui » au masculin, « celui » représente le sujet… celui que le signifiant-Maître divise, qui se refuse à s’en faire le corps. Car on parle à propos de l’hystérique de complaisance somatique. Encore que le terme soit freudien, ne pouvons-nous pas nous apercevoir qu’il est bien étrange, et que c’est plutôt de refus du corps qu’il s’agit, à suivre l’effet du signifiant-Maître. L’hystérique n’est pas esclave. Et donnons-lui maintenant le genre du sexe sous lequel le plus souvent ce sujet s’incarne : « elle » : – « elle » fait à sa façon une certaine grève, – « elle » ne livre pas son savoir, – « elle » démasque pourtant la fonction du Maître dont « elle » reste solidaire, très précisément en mettant en valeur ce qu’il y a de Maître dans ce qui est l’Un, avec un grand U, dont elle se soustrait à titre d’objet de son désir. C’est là la fonction propre, que nous avons repérée dès longtemps… au moins dans le champ de mon école… sous le titre du « père idéalisé ». Alors n’y allons pas par quatre chemins, réévoquons Dora, qu’il faut bien que je suppose connu par tous ceux qui sont là à m’entendre. Ceux qui ne l’ont pas encore ouvert, tant pis ! Simplement, qu’ils se dépêchent ! Il faut lire Dora, et à travers les interprétations « contournées »… j’emploie le terme exprès que FREUD donne de l’économie de ses maneuvres… ne pas perdre de vue quelque chose dont j’oserai dire que FREUD le couvre de ses préjugés. Je fais une petite parenthèse. Que vous ayez ou non le texte en tête, reportez-vous-y ! Vous verrez de ces phrases qui semblent à FREUD aller de soi : qu’une fille, par exemple, s’arrange toute seule de telles anicroches, à savoir quand un monsieur lui saute dessus. Elle ne va pas en faire des histoires, « une fille bien », bien entendu. Et pourquoi ? Parce que FREUD le pense comme ça. Ou encore, ce qui va plus loin : — qu’une fille « normale » n’a pas à être dégoûtée quand on lui fait une bonne manière. Ça semble aller de soi. Il faut bien reconnaître le fonctionnement de ce que j’appelle « préjugé », dans un certain abord de ce qui est révélé, là, par notre DORA. Et si on lit ce texte, à garder quand même quelques-uns des repères auxquels j’essaie de vous rompre, le mot « contourné » dont j’ai parlé tout à l’heure, vous le verrez, vous apparaîtra… je veux dire que, il ne vous paraîtra pas pas illégitime de le prononcer vous-mêmes. La prodigieuse finesse, astuce, de ces renversements dont FREUD explique les plans multiples, qui se réfractent en quelque sorte, à travers trois ou quatre défenses successives, « la manœuvre », comme je l’appelle, de DORA en matière amoureuse, peut-être, après tout de faire écho à ce dont lui-même a désigné son texte dans la Traumdeutung, vous fera-t-elle paraître que c’est d’un certain mode d’abord que dépendent ces contours. Pourquoi ne pas essayer… conformément à ce que j’ai énoncé au début de mon discours d’aujourd’hui… que la conjoncture subjective de son articulation signifiante reçoit une certaine sorte d’objectivité, et ne pas partir de ceci : que le père, point-pivot de toute l’aventure, ou mésaventure, est proprement un homme châtré… j’entends quant à sa puissance sexuelle… qu’il est manifeste qu’il est à bout de course, très malade. Dans tous les cas des Studien über Hysterie, ce fait lui-même d’appréciation symbolique, remarquez, car après tout, même un malade ou un mourant est ce qu’il est, le considérer comme déficient par rapport à une fonction à laquelle il n’est pas occupé, c’est lui donner, à proprement parler, une affectation symbolique. C’est oublier que le père, ou plus exactement c’est proférer implicitement que « père » n’est pas seulement après tout ce qu’il est, ce que ça veut dire : c’est un titre — comme ancien combattant — c’est ancien géniteur. Il est père, comme l’ancien combattant, jusqu’à la fin de sa vie. C’est impliquer dans le mot « père » quelque chose de toujours en puissance en fait de création, et c’est par rapport à cela, dans ce champ symbolique, qu’il faut remarquer que le père en tant qu’il joue ce rôle-pivot, rôle majeur, ce rôle-maître dans le discours de l’hystérique, c’est celui qui se trouve précisément… sous cet angle de la puissance de création… eh bien il se trouve soutenir sa position par rapport à la femme, tout en étant hors d’état. C’est là ce qui spécifie la fonction, en quelque sorte la relation au père, de l’hystérique. C’est très précisément ceci que nous désignons comme étant le père idéalisé. Remarquons encore pour nous en tenir… j’ai dit que je n’y allais pas par quatre chemins : je prends DORA, et je vous prie, après moi de la relire, pour voir si ce que je dis est vrai. Celui que j’appellerai ici curieusement le troisième homme, Monsieur K., eh bien il s’agit de savoir comment s’ordonne… quoique je l’ai dit depuis longtemps… ce qui en lui convient à Dora. Alors pourquoi, aussi bien, là ne pas s’en tenir à la définition structurale telle que nous pouvons la donner à l’aide du discours du Maître ? Ce qui convient à Dora : c’est l’idée que lui a l’organe. J’ai dit l’organe, hein ! Ça, FREUD le perçoit et l’indique très précisément, que c’est ça qui joue le rôle décisif dans le premier abord, le premier accrochage, si je puis dire, de DORA avec lui, quand elle a quatorze ans, et que l’autre la coince dans une embrasure. Ça n’altère pas du tout les relations entre les deux familles. Personne ne songe, au reste, à s’en étonner. Comme dit FREUD, une fille s’arrange toujours toute seule avec ces choses-là. Ce qu’il y a de curieux, c’est justement qu’il arrive, qu’il arrive qu’elle ne s’arrange plus toute seule et qu’elle veuille mettre tout le monde dans le coup, mais plus tard. Alors, pourquoi ? Certes, c’est l’organe qui fait le prix de ce troisième homme, Monsieur K. : – mais pas pour que Dora en fasse son bonheur, si je puis dire, – pour qu’une autre l’en prive. Ce qui intéresse DORA, ce n’est pas le bijou… même indiscret — c’est, comme le premier rêve… souvenez-vous que cette observation, qui dure trois mois, est tout entière faite pour nous servir de cupule à deux rêves… ce n’est pas le bijou, c’est la boîte. Le rêve dit « de la boîte à bijoux », le premier de ces deux rêves en témoigne : l’enveloppe du précieux organe, voilà seulement ce dont elle jouit. Et elle sait très bien en jouir par elle-même, comme nous en témoigne l’importance décisive chez elle de la masturbation infantile, dont rien au reste ne nous indique dans l’observation de DORA, quel était le mode, sinon qu’il est probable qu’il avait quelque rapport avec ce que j’appellerai le rythme fluide, coulant, dont le modèle est dans l’énurésie, qu’on nous donne très précisément dans son histoire, comme induite sur le tard par celle de son frère, qui, d’un an et demi plus âgé qu’elle, était arrivé jusqu’à l’âge de huit ans, affecté de cette énurésie dont en quelque sorte DORA prend le relais sur le tard. Ceci est tout à fait caractéristique… je parle de l’énurésie… et comme — si l’on peut dire — le stigmate, de la substitution imaginaire de l’enfant au père, justement comme impuissant. J’invoque ici tous ceux, qui de l’enfant et de cet épisode… pour quoi il est assez fréquent qu’on fasse intervenir l’analyste… et de cet épisode peuvent le recueillir de leur expérience
. Alors, jointe à tout cela, la contemplation théorique de Mme K. — si je puis m’exprimer ainsi — telle qu’elle s’épanouit dans le séjour de DORA, béante devant la Madone de Dresde, de celle — Mme K. – qui sait soutenir le désir du père idéalisé, mais aussi contenir, si je puis dire, et du même coup priver DORA du répondant, si je puis dire, qui se trouve ainsi doublement exclu de sa prise. Eh bien, ce complexe est, par là même, la marque de l’identification à une jouissance en tant qu’elle est celle du Maître. Petite parenthèse : il n’est pas rien de rappeler l’analogie qu’on a faite de l’énurésie à l’ambition. Mais confirmons : la condition imposée aux cadeaux de Monsieur K., c’est d’être la boîte. Il ne lui donne pas autre chose qu’une boîte à bijoux, le bijou, c’est elle. Son bijou à lui, indiscret comme je disais tout à l’heure, et ben qu’il aille se nicher ailleurs, et qu’on le sache : d’où la rupture… dont depuis longtemps j’ai marqué la signification… quand Monsieur K. dit : « Ma femme n’est rien pour moi ». C’est vrai qu’à ce moment-là, la jouissance de l’Autre s’offre à elle, et c’est elle qui n’en veut pas, parce que ce qu’elle veut, c’est le savoir comme moyen de la jouissance, mais pour le faire servir à la vérité, à la vérité du Maître qu’elle incarne. Elle l’incarne en tant que DORA. Et cette vérité, pour la dire enfin, c’est que le Maître est châtré. Et en effet, si la jouissance… unique à représenter le bonheur, celle que j’ai définie la dernière fois comme parfaitement close, celle du phallus… le dominait, ce Maître… vous voyez le terme que j’emploie : le Maître justement, elle ne peut le dominer qu’à l’exclure… comment le Maître établirait-il ce rapport au Savoir, qui est tenu par l’esclave, ce rapport au Savoir dont le bénéfice est le forçage du plus de jouir ? Aussi bien, le second rêve marque-t-il que le père symbolique est bien le père mort, qu’on n’y accède que d’un lieu vide et sans communication. Rappelez-vous la structure de ce rêve, et comment après avoir reçu l’annonce par sa mère : « Viens si tu veux »… dit la mère comme en écho à ce que DORA [Lapsus]… à ce que Madame K. lui a dit autrefois, de venir dans l’endroit où doit se produire la rupture avec le mari de ladite, de tous les drames que nous avons dits… « Viens si tu veux, ton père est mort, et on l’enterre ». Et la façon dont elle y va… sans qu’on sache jamais dans le rêve par quel moyen elle est parvenue… dont elle y va, pour arriver à un lieu dont il faut qu’elle demande si c’est bien là qu’habite ce Monsieur, Monsieur son père… comme si elle ne le savait pas !… eh bien, dans la boîte vide de cet appartement déserté… déserté par ceux qui sont partis après l’avoir invitée, de leur côté au cimetière… DORA trouve à ce père aisément son substitut dans un gros livre : le dictionnaire, le dictionnaire où l’on sait, où l’on apprend, ce qui concerne le sexe, marquant bien là que ce qui lui importe… fût-ce au-delà de la mort de son père… c’est ce qu’il produit de savoir… de savoir : pas n’importe lequel… de savoir sur la vérité. C’est ce qui suffira à faire pour elle de l’expérience analytique. Car cette vérité à quoi, précieusement… et c’est ce qui fait qu’il se l’attache… FREUD l’aide, elle aura cette satisfaction de la faire reconnaître par tout le monde, ainsi que ce qu’il en était vraiment des rapports de son père à Madame K., comme des siens à Monsieur K. Tout ce que les autres ont voulu enterrer des épisodes, pourtant parfaitement authentiques, dont DORA se faisait la représentante, ceci s’impose et lui suffit pour elle à clore dignement ce qu’il en est de l’analyse, même si FREUD ne paraît point satisfait de son issue, quant à sa destinée de femme. Il y aurait là au passage quelques petites remarques à faire, qui ne sont pas vaines, étant donné que des choses comme ça, qui passent pour une métaphore, quand FREUD par exemple, s’arrêtant dans l’analyse du rêve, nous dit qu’il ne faut pas oublier que pour qu’un rêve tienne sur ses deux pieds, il ne suffit pas qu’il représente une décision, un vif désir du sujet quant au présent dans l’occasion. Le rêve des bijoux… où il s’agit que DORA s’en aille, quitte les lieux, parce que l’incendie menace… il lui faut à FREUD, il lui faut quelque chose qui donne son appui au rêve dans un désir de l’enfance. Et là, ce qui nous importe c’est la référence qu’il prend… on la prend, je vous dis d’habitude, comme une élégance… de l’entrepreneur… l’entrepreneur de la décision, bien entendu… au capitaliste, dont les ressources accumulées, enfin le capital de libido au capitaliste, qui permettra à cette décision de passer en acte. Est-ce qu’il n’est pas amusant, après ce que je vous ai dit : — de la relation du capitaliste à la fonction du Maître, — du caractère tout à fait distinct de ce qui peut se faire du processus d’accumulation à la présence du plus de jouir, — de la présence de ce plus de jouir elle-même à l’exclusion du bon gros jouir, le jouir simple, le jouir qui se réalise dans la copulation toute nue… est-ce que ce n’est précisément pas de là que le désir infantile prend sa force, sa force d’accumulation au regard de cet objet, de cet objet qui fait la cause du désir, de ce qui de capital de libido s’accumule de par, précisément, la non-maturité infantile, l’exclusion de la jouissance que d’autres appelleront normale. Voilà qui tout d’un coup donne son accent propre à la métaphore freudienne quand il se réfère au capitaliste. Mais d’autre part, si de son courage lucide FREUD s’est trouvé porter au terme un certain succès de DORA, par quoi, dirons-nous, s’indique-t-elle sa maladresse à retenir sa patiente ? Qu’on lise ces quelques lignes où malgré lui, en quelque sorte, FREUD indique je ne sais quel trouble qui est, ma foi, bouleversant, pathétique, au fait que peut-être, à lui montrer plus d’intérêt… et Dieu sait qu’il lui en porte, toute l’observation en témoigne… il aurait réussi sans doute, à lui faire pousser plus loin cette exploration, de laquelle on ne peut pas dire, qu’à son aveu même, il ne l’ait pas conduite sans erreur. Dieu merci, qu’il ne l’a pas fait ! Je veux dire que FREUD en lui donnant ces satisfactions d’intérêt, à ce qu’il ressent comme sa demande, demande d’amour, n’ait pas pris, comme il est d’usage, la place de la mère. Car une chose est certaine, si cette expérience a pu infléchir dans la suite de son attitude, est-ce n’est pas à cela que nous devons le fait qu’en quelque sorte « les bras lui tombent », qu’il se décourage de constater que ce qu’il a pu faire pour les hystériques n’aboutit à rien d’autre qu’à ce qu’il épingle du « Penisneid ». Ce qui veut dire nommément, quand on l’articule : au reproche, par la fille fait à la mère, de ne l’avoir pas créée garçon, c’est-à-dire au report sur la mère, et sous forme de frustration, de ce qui… dans son essence significative, et telle qu’elle donne sa place, sa fonction vive au discours de l’hystérique au regard du discours du Maître… se dédouble en : – d’une part, castration du père idéalisé, qui livre le secret du Maître, – et d’autre part, privation, assomption par le sujet, féminin ou pas, de la jouissance d’être « privé ». Mais pourquoi FREUD s’est-il trompé à ce point, alors qu’en quelque sorte si l’on en croit mon analyse d’aujourd’hui, il n’avait littéralement qu’à brouter ce qu’on lui offrait dans la main ? Pourquoi substitue-t-il au savoir qu’il a recueilli de ces toutes bouches d’or : Anna, Emmy, Dora… ce mythe, le « complexe d’Œdipe » ? Le « complexe d’Œdipe » qui joue le rôle du savoir à prétention de vérité, i
l se situe là quelque part dans cette figure, qui justement n’est pas écrite, qui est celle du discours de l’analyste, à savoir : un certain savoir au site de ce que j’ai appelé tout à l’heure celui de la vérité : Oui, il est étrange qu’il ne soit pas devenu plus rapidement tout à fait clair que si toute l’interprétation s’est engagée du côté : – de la gratification ou de la non gratification, – de la réponse ou non à la demande, – bref, vers une élusion toujours croissante vers la demande, de ce qui est de la dialectique du désir, glissement métonymique dont il s’agit d’assurer l’objet constant… c’est probablement du caractère strictement inutilisable… et en effet : qui l’utilise ?… quelle place tient dans une analyse la référence à ce fameux complexe d’Œdipe ? Je demande ici, à tous ceux qui sont analystes, de répondre : – ceux qui sont de l’Institut, bien sûr, ne s’en servent jamais [Rires], – ceux qui sont de mon École font un petit effort, bien sûr, ça ne donne rien, ça revient au même que pour les autres [Rires]. C’est strictement inutilisable ! Sauf de ce grossier rappel de la valeur d’obstacle de la mère devant tout investissement d’un objet comme cause du désir. Et les extraordinaires élucubrations auxquelles arrivent les analystes concernant le « parent combiné » comme ils disent, ne signifie qu’une chose : édifier un grand A receleur de la jouissance… c’est-à-dire ce qu’on appelle généralement Dieu… avec lequel ça vaut la peine de faire le quitte ou double du plus de jouir, c’est-à-dire ce fonctionnement qu’on appelle le surmoi. Ah, je vous gâte aujourd’hui, hein ! [Rires] Je n’avais pas encore abordé cette histoire du surmoi. J’avais pour ça mes raisons : il fallait que j’en sois arrivé au moins au point où j’en suis, là, pour ce que l’année dernière je vous ai énoncé du pari de PASCAL, puisse devenir opératif, et démontrer que le surmoi, c’est exactement… peut-être certains l’ont-ils deviné… ce que j’ai commencé d’énoncer quand je vous ai dit que la vie, la vie, la vie, la vie provisoire, qui se joue en faveur d’une chance de vie éternelle, c’est le (a), mais que ça ne vaut la peine que si le A n’est pas barré, autrement dit, s’il est tout à la fois. Seulement, le « parent combiné », ça n’existe pas : il y a le père d’un côté, et la mère de l’autre. Comme le sujet aussi, ça n’existe pas : il est également divisé en deux, comme il est barré si on peut dire, et que c’est la réponse que désigne à l’énonciation mon graphe, il en résulte que c’est ça qui met sérieusement en cause qu’on puisse jouer au « quitte ou double » du plus de jouir avec la vie éternelle. Oui, il y a vraiment quelque chose de sensationnel dans ce recours au mythe d’Œdipe. Il est certain que ceci vaut la peine que nous nous y étendions. Je pensais aujourd’hui vous faire sentir ce qu’il y a d’énorme dans FREUD… fût-ce dans cette dernière conférence, par exemple, de celles qui s’appellent : Les Nouvelles Conférences sur la psychanalyse… à croire tranché ce qu’il en est de la question du rejet de la religion de tout horizon recevable, penser que la psychanalyse joue là un rôle décisif, et de croire en avoir fini pour nous avoir dit que le support de la religion n’est rien d’autre que ce père auquel l’enfant recourt dans son enfance, dont il sait qu’il est en quelque sorte « tout amour », qu’il va au-devant, qu’il prévient ce qui chez lui peut se manifester de malaise. Est-ce que ce n’est pas là une chose étrange quand on sait ce qu’il en est en fait de cette fonction du père ? Certes, ce n’est pas que par ce bout que FREUD nous présente un paradoxe. L’idée de le référer à je ne sais quelle jouissance originelle de toutes les femmes, quand il est bien connu qu’un père suffit tout juste à une, et encore, il ne faut pas qu’il se vante ! Un père n’a avec le Maître… je parle du père tel que nous le connaissons, tel qu’il fonctionne… un père n’a avec le Maître que le rapport le plus lointain, puisqu’en somme, dans la société au moins à laquelle FREUD a affaire, c’est lui qui travaille pour tout le monde. Il a charge de la « femme-il » dont je parlais tout à l’heure. N’est-ce pas là assez d’étrangeté pour nous faire suggérer qu’après tout, ce que FREUD préserve en fait — sinon en intention — c’est très précisément ce qu’il désigne comme le plus substantiel dans la religion, à savoir l’idée d’un père « tout amour ». Et c’est bien ce que désigne la première forme, parmi les trois qu’il isole dans l’article que j’évoquais tout à l’heure de l’identification, l’identification de pur amour au père. Le père est amour et ce qu’il y a de premier à aimer en ce monde est le père. Étrange survivance de quelque chose dont FREUD croit que cela va évaporer la religion, alors que vraiment c’en est la substance même qu’il conserve avec ce mythe bizarrement composé du père. Assurément… nous y reviendrons, mais déjà vous pouvez en voir le nerf… que tout ceci aboutisse à l’idée du meurtre… à savoir que le père, le père originel, est celui que les fils ont tué, après quoi c’est de l’amour de ce père mort que procède un certain ordre… est-ce qu’il ne semble pas que ceci… dans ses énormes contradictions, dans son baroque dans sa superfluité n’est autre chose, n’est autre chose que défense contre ceci… que le foisonnement de tous les mythes articule en clair bien avant que FREUD, à faire le choix de celui-ci, les rétrécisse ces vérités… c’est à savoir que ce qu’il s’agit de dissimuler, c’est que le père… dès lors qu’il entre dans ce champ du discours du Maître où nous sommes en train de nous orienter… le père est dès l’origine, castré. Telle est la forme idéalisée qu’en donne FREUD. Que ceci soit complètement masqué… en quoi pourtant, sinon les dires, du moins les configurations que lui offrait l’expérience de l’hystérique, eussent dû mieux le guider ici… que le complexe d’Œdipe soit, au niveau de l’analyse elle-même, comme ce qui suggère que tout est à remettre en cause, de ce qu’il faut de savoir, pour que ce savoir puisse être mis en question au site de la vérité, voilà ce qui fait le but de ce que nous essayons de vous dérouler cette année.