Leçon du 15 avril 1975
Comme ça, j’ai imaginé ce matin, à mon réveil, deux petits dessins, les deux qui sont dans le haut [Au tableau], tout à droite. J’ai donc imaginé deux petits dessins de rien du tout – vous avez pu voir le mal que j’ai eu simplement à les reproduire. Il s’agit dans ces deux dessins [figures X1 et 2], ceux du haut, de deux triangles, et en plus, deux triangles du type le plus ordinaire enfin, ils n’ont même pas des côtés courbes; deux triangles qui s’entrecroisent.
Il y a quand même, je pense que ça vous sera sensible pour vous qui regardez ça, tel que je l’ai fabriqué, qu’il y en a à deux (ceux de gauche, les rouges, c’est pour ça que j’ai mis les autres en noir) qui sont noués en chaîne, qui font à eux deux tous seuls, une chaîne, qui sont de ce fait, en tout comparables à ce dont je parlerai tout à l’heure : deux tores, dont l’un passerait par le trou de l’autre. Les deux autres ne sont pas noués.
Ils peuvent se retirer l’un de l’autre. C’est comme un tore qui serait aplati pour jouer, non plus du tout se nouer, mais jouer dans le trou de l’autre.
Le cas est le même (c’est pour ça que je l’ai mis aussi en noir) pour ces deux triangles qui sont dessinés dessous, à ceci près que un de ces triangles est en somme plié autour de ce qui se présente comme, – mais bien sûr ça ne veut plus rien dire ce niveau-là – un des côtés de l’autre, je dis côté parce qu’on s’imagine qu’un triangle à trois côtés.
C’est simplement pour vous mettre dans le bain d’une géométrie, pour vous mettre dans la dit-mansion d’une géométrie qui répugne au mot géométrie; et ceci, non pas sans raison, puisque ce n’est pas une géométrie, c’en est radicalement distinct. Une topologie est ce qui, au départ, indique comment ce qui n’est pas noué deux par deux peut néanmoins faire nœud.
Nous appelons nœud borroméen ce qui se constitue de façon telle qu’à soustraire un de ces éléments que j’ai là figurés, (je dis figurés, parce que ce n’en est qu’une figure, ce n’en est pas la consistance) chacun dans les couples de deux que j’ai faits, il suffise de rompre – qu’est-ce que veut dire rompre ? Nous essaierons de le dire tout à l’heure – qu’il suffise de rompre un de ces éléments pour que tous les autres soient également dénoués de chacun; et ceci peut se faire pour un nombre aussi grand qu’on peut en énoncer.
Vous savez qu’il n’y a pas de limite à cette énonciation. C’est en cela qu’il me semble que peut se supporter d’une façon dicible – terme que je commenterai tout à l’heure – c’est en cela que peut se supporter le terme de non-rapport sexuel (sexuel, en tant, je ne peux que répéter, qu’il se supporte essentiellement d’un non-rapport de couple). Est-ce que le nœud en chaîne suffit à représenter le rapport de couple ?
Dans un temps où la plupart d’entre vous n’étaient pas mon séminaire, puisque c’était le temps où je faisais surgir ce qu’il en est de la demande et du désir, j’ai illustré de deux tores le lien à faire entre la demande et le désir, deux tores, c’est-à-dire deux cycles orientables.
Je vais quand même vous les faire ces deux tores ou tout au moins vous les indiquer. C’est quelque chose qui commence à se dessiner comme ça.
[Au tableau] Vous voyez, en plus on s’embrouille. Évidemment, je suis pas très doué, mais vous l’êtes pas plus que moi. Voilà comment ça se dessine, si on veut faire quelque chose de complet. Comme j’ai fait là un trait qui est faux, je vais en indiquer que il y a sur ce tore, ce tore particulier, quelque chose qui, de son tour, vient entrer dans le trou de l’autre tore; c’est en figurant sur chacun de ces tores quelque chose qui tourne en rond que j’ai montré ce qui fait enroulement sur celui-ci, se décalque sur l’autre par une série d’enroulements autour du trou central du tore.
Qu’est-ce que ça veut dire sinon que la demande et le désir, eux, sont noués. Ils sont noués dans la mesure où un tore, ça représente un cycle, donc orientable.
Vous le savez, parce que quand même vous en avez entendu parler de ça, de ce qui fait la différence des sexes, que ça se situe au niveau de la cellule, et spécialement au niveau du noyau cellulaire ou dans les chromosomes qui, pour être microscopiques, nous paraissent assurer un niveau défini de Réel.
Mais pourquoi diable vouloir que ce qui est microscopique soit plus réel que ce qui est macroscopique! Quelque chose, d’habitude, différencie le sexe qui, de chaque espèce, se situe comme mâle de celui qui est le femelle, c’est que dans un cas, il y a un homozygotisme, c’est-à-dire un certain gène qui fait la paire avec un autre gène, sans qu’on sache jamais à l’avance comment dans chaque espèce ça se répartit, je veux dire, si c’est le mâle ou la femelle qui est homozygote. La différence avec l’autre sexe, c’est que dans l’autre sexe, il y a hétérozygotisme quelque part, c’est-à-dire que il y a deux gènes qui ne font pas la paire, la paire voulant dire qu’ils sont h-o-m-o, homozygotes, qu’ils sont semblables.
C’est le cas de donner tout son poids à ce dont André Gide dans Paludes fait grand état, à savoir du fameux proverbe : «Numero deus impare gaudet » qu’il traduit: «le numéro deux se réjouit d’être impair », comme je l’ai dit depuis longtemps, il a bien raison, car rien ne le réaliserait ce deux, s’il n’y avait pas l’impair. Cet impair en tant qu’il commence au nombre trois, ce qui, bien entendu, ne se voit pas tout de suite, et ce qui rend nécessaire pour l’étaler au jour des nœuds plus développés, nommément ce que j’appelle le nœud borroméen.
Avec le nœud borroméen, ce que nous avons à notre portée, c’est ceci pour nous essentiel, crucial pour notre pratique que nous n’avons aucun besoin du microscope pour qu’apparaisse la raison, la raison de ce que j’ai énoncé comme vérité première, à savoir que l’amour est hain(e) amoration, h-a-i-n-a-m-o-r-a-t-i-o-n. Pourquoi l’amour n’est pas « velle bonum alicui », comme l’énonce Saint Augustin, si le mot bonum a le moindre support, c’est-à-dire s’il veut dire le bien-être ? Non pas certes qu’à l’occasion l’amour ne se préoccupe pas un petit peu, le minimum, du bien-être de l’autre, mais il est clair qu’il ne le fait que jusqu’à une certaine limite, dont je n’ai rien trouvé de mieux, jusqu’à ce jour, que le nœud borroméen, pour cette limite, la représenter. La représenter, entendez bien qu’il ne s’agit pas d’une figure, d’une représentation, il s’agit de poser que c’est le Réel dont il s’agit, que cette limite n’est concevable que dans les termes d’ek-sistence, qui, pour moi, dans mon vocabulaire, ma nomination à moi, veut dire le jeu, le jeu permis à l’un des cycles, à l’une des consistances, permis par le nœud borroméen. A partir de cette limite, l’amour s’obstine parce qu’il y a du Réel dans l’affaire, l’amour s’obstine, tout le contraire du bien-être de l’autre. C’est bien pourquoi j’ai appelé ça l’hainamoration, avec le vocabulaire substantifié de l’écriture dont je le supporte.
Cette notion de limite implique donc une oscillation, un oui ou non, c’est vouloir le bien de quelqu’un, ou vouloir strictement le contraire, c’est tout de même quelque chose qui nous suggère l’idée d’une sinusoïde. Alors, comment est-elle cette sinusoïde ? S’il y a une limite, c’est un cercle. La sinusoïde, c’est comme ça : [figure X-5].
Est-ce que cette sinusoïde s’enroule ? Est-ce qu’elle fait nœud ou non à être enroulée ou pas ? C’est la question que pose la notion de consistance, plus nodale, si je puis dire que celle de ligne, puisque le nœud y est sous-accent. Il n’y a pas de consistance qui ne se supporte du nœud. C’est en cela que du nœud l’idée même de Réel s’impose. Le Réel est caractérisé de se nouer. Encore ce nœud faut-il le faire.
La notion de l’inconscient se supporte de ceci que ce nœud, non seulement on le trouve déjà fait, mais on se trouve fait en un autre accent du terme : « On est fait! ». On est fait de cet acte X par quoi le nœud est déjà fait. Il n’y a pas d’autre définition à mon sens, possible de l’inconscient. L’inconscient, c’est le Réel, je mesure mes termes. Si je dis c’est le Réel en tant qu’il est troué, je m’avance. je m’avance un petit peu plus que je n’en ai le droit, puisqu’il n’y a que moi qui le dis, qui le dis encore, bientôt tout le monde le répétera et, à force qu’il pleuve dessus, ça finira par faire un très joli fossile.
Mais, en attendant, c’est du neuf! Mais jusqu’à présent, il y a que moi qui ai dit qu’il n’y avait pas de rapport sexuel, et que ça faisait trou en un point de l’être, du parlêtre. Le parlêtre, c’est pas répandu hein! Mais, quand même, c’est comme la moisissure, ça a tendance à l’expansion. Alors, contentons de dire que l’inconscient c’est le Réel en tant qu’il est affligé… (Vous vous en allez, vous avez bien raison. Comment est-ce qu’on peut supporter ce que je raconte!). Que l’inconscient, c’est le Réel, en tant que chez le parlêtre, il est affligé de la seule chose qui fasse trou, qui du trou nous assure, c’est ce que j’appelle le Symbolique, en l’incarnant dans le signifiant, dont en fin de compte il n’y a pas d’autre définition que c’est ça, le trou. Le signifiant fait trou.
C’est en ça, je l’avance, je l’ai déjà dit : le nœud n’est pas un modèle. Non seulement ce qui fait nœud n’est pas imaginaire, n’est pas une représentation, mais sa caractéristique est justement ceci, c’est en ça que ça échappe à une représentation, et que je vous assure que c’est pas de faire des grimaces, qu’à chaque fois que j’en représente un, je fais un trait de travers; comme je ne me crois pas moins imaginatif qu’un autre, ça démontre déjà quel point le nœud, ça nous répugne comme modèle. Il n’y a pas d’affinité du corps avec le nœud, même si dans le corps, ça joue pour les analystes une sacrée fonction. Le nœud n’est pas le modèle, il est le support. Il n’est pas la réalité, il est le Réel. Ce qui veut dire que s’il y a une distinction entre le Réel et la réalité, c’est le nœud, [non pas] qui en donne le modèle, jusqu’à ce que bien entendu enfin, la fossilisation arrivant, vous passez votre temps à faire des nœuds entre vos doigts. C’est souhaitable. Ça vous suggérerait un peu plus d’ingéniosité.
En rabattant l’inconscient sur le Symbolique, c’est-à-dire sur ce qui du signifiant fait trou, je fais quelque chose, mon Dieu, qui se jugera à son effet, sa fécondité. Ça me paraît s’imposer de notre pratique même, qui est loin de pouvoir se contenter d’une référence obscure à l’instinct, comme on s’obstine à traduire en anglais le mot Trieb. L’instinct à son émergence et qui, bien entendu, est immémoriale, (et comment même savoir ce que ça pouvait vouloir dire, avant Fabre) qui ne le supporte que d’une chose: comment diable un petit insecte peut-il savoir (car, ce savoir on le constate à la précision de ses gestes), comment il faut en tel point du corps de tel autre insecte, en telle jointure, (en plus puisqu’il s’agit d’insecte en se faufilant en-dessous de ce qu’on appelle carapace) et qui, bien sûr, n’est que mythologie figurative parce qu’il faut bien que quelque part il y ait quelque chose à percer, pour atteindre quoi? Tel point précis de ce que nous savons maintenant qui vient de l’ectoderme, à savoir la partie invaginée qu’on appelle système nerveux et là, rompe quelque chose qui fait que l’autre insecte sera bon à être mis en conserve.
Qu’est-ce que c’est que ce savoir? Quel intérêt y a-t-il ? En quoi c’est-il explicatif de le transporter dans un comportement qui est celui que nous voyons de l’être humain, tous les jours, et qui, manifestement, n’a aucun savoir instinctuel, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, mais qui, lui aussi, d’une autre source, se trouve savoir faire des tas de machins, et nommément, enfin, sait faire, c’est une façon de parler, dire qu’il sait faire l’amour, c’est probablement très exagéré. Ça pousse quand même cette idée, je l’ai énoncée, bien sûr, parce que moi je m’aventure comme ça, ça pousse cette idée que, celle à laquelle j’en suis venu, comme ça par petits pas, que le Réel c’est pas tout et quand je dis que c’est pas tout, ça met beaucoup de choses en cause. Du même coup ça implique que la science, ben ! c’est peut-être que des petits bouts de ce Réel qu’elle arrache, qu’elle arrache manifestement jusqu’à présent avec l’idée d’univers, qui lui est, semble, bien indispensable, (mais pourquoi ?) pour ce qu’elle arrive à assurer, à rendre sûr. Manifestement elle arrive à rendre sûres certaines choses, quand il y a nombre, et ça, c’est vraiment toute l’affaire : comment se fait-il que le langage véhicule un certain nombre de nombres pour qu’on en soit arrivé enfin à qualifier de nombre réel des nombres proprement insaisissables et qui ne se définissent pas autrement, à savoir qu’ils ne sont pas dans la série, qu’ils ne peuvent même pas y être, qu’ils en sont fondamentalement exclus. Ça en dit long sur le sujet de savoir comment ces nombres un, deux, trois, quatre, ont bien pu venir l’idée. Moi, j’ai pris comme ça un certain parti, poussé par, par quoi ? Je ne dirai pas par mon expérience parce qu’une expérience ça ne veut rien dire qu’une chose, c’est à savoir qu’on s’y engage, et je vois pas pourquoi mon engagement serait préférable : si j’étais le seul par exemple, tout ce que je dirais n’aurait aucune portée. C’est bien parce qu’il y a quelque chose que j’essaie de situer, sous la forme, sous les espèces du discours psychanalytique, à savoir que je suis pas seul à faire cette expérience, que grâce au fait que je suis comme tout le monde, je suis parlêtre, que grâce à ce fait je suis amené à formuler ce qui peut rendre compte de ce discours analytique, d’une certaine façon, bon!
Il y a quelqu’un qui, on m’a rapporté ça comme ça, c’est un connard de la plus belle eau; il a dit que, je sais pas, que ma théorie, elle était morte! Elle est pas encore si morte que ça, elle finira bien par le devenir, n’est-ce pas, avec l’encroûtement dont je parlais tout à l’heure. En attendant, le type qui évidemment n’est pas de mon bord, ça fait partie des types qui parlent de… qui parlent comme ça… ils parlent… ils savent pas ce qu’ils disent! qui parlent de réalité psychique! Oui! Moi J’appellerai pas quoique ce soit d’un terme pareil, parce que la psyché, justement c’est ce que tout le monde essaie d’éviter, ça fait des difficultés incroyables, ça entraîne un monde de suppositions, ça suppose tout, ça suppose Dieu en tout cas. Où est-ce qu’il y aurait de l’âme s’il n’y avait pas de Dieu, et si Dieu en plus ne nous avait pas expressément créés pour en avoir une? C’est inéliminable de toute psychologie.
Ce que je fais, ce que j’essaie tout au moins de faire, c’est de parler d’une réalité opératoire. Naturellement c’est beaucoup plus court, mais ça s’impose, me semble-t-il, du fait que la simple parole, le bla-bla… (Le bla-bla de mon connard de tout à l’heure, qui dit que ma théorie est morte enfin, il ne sait littéralement pas ce qu’il dit, ça veut dire qu’il ne fait que parler, il blablate, et je suis sûr que dans ses analyses, ça opère). Ça opère avec une certaine limitation, bien sûr, mais je suis sûr que ça fonctionne, sans ça, il ne continuerait pas à être analyste. Même la parole de ceux qui croient à la réalité psychique opère. Oui! Malgré vous, pour vous, et c’est ça que, je sais pas, j’aimerais un petit peu vous faire saisir, c’est que pour vous, pour vous si simplement vous éprouvez un peu les choses, la structure du monde, si je puis m’exprimer ainsi, pour parler de ce qui est immonde, la structure du monde, je vous prie de tâcher de saisir les points, les points où vous pouvez saisir que pour vous la structure du monde consiste à vous payer de mots. Et que c’est même en quoi le monde est plus futile, je veux dire qui fuit, est plus futile que le Réel, ce Réel que j’essaie de vous suggérer, dans sa dit-mansion, dit di-t, mansion, demeure du dit, que j’essaie de vous faire saisir par ce dit qui est le mien, à savoir par mon dire.
C’est fou ce qu’on fait de bruit autour de cette histoire psychanalytique, et ce qu’on lit mal. Il y a des gens très sérieux, il y a des gens très sérieux qui s’occupent du rêve chez l’animal. Ils peuvent pas bien sûr, il n’y a aucun moyen de savoir si l’animal rêve, je vous demande pardon, ils peuvent pas bien sûr savoir si l’animal rêve, mais vraiment ils savent qu’il en à toutes les apparences, n’est-ce pas, du rêve; l’animal dort et puis, il est manifeste que s’il se remue, c’est parce que il y a quelque chose qui le traverse, et comme bien sûr, naturellement, personne ne doute que les idées, ce ne soient des images, rien de plus, ça veut même dire ça; enfin, ce qu’il y a de merveilleux, c’est que le langage est toujours là comme un témoin. Alors, il y a des images donc il a des idées, ce qui ne veut pas dire qu’il les nomme. Alors, il y a des types comme ça qui s’excitent autour de l’idée que le rêve c’est pas là, comme le dit Freud, pour protéger le sommeil. L’ennui, c’est que Freud dit pas ça. Le sommeil ça ne peut avoir en soi, en tant que sommeil, désigner que ce qu’on appelle un besoin, le besoin de dormir. Ce que Freud dit, c’est que le rêve chez le parlêtre… (parce que lui, il a pas expérimenté sur les rats, ni sur quoi que ce soit comme ça dont nous ayons des preuves qu’il rêve, personne ne sait si une mouche rêve, ni un rat, on peut se l’imaginer parce que on est tous un petit peu rat par quelque côté, on est surtout raté! Et les expérimentations en question le sont plus que les autres, ils sont ratifiés, ce sont des hommes-auxrats. Enfin, on est habité par des tas d’hommes-aux-rats, quand on est homme. En tout cas, on a les hommes au ras de la science). Freud dit que le rêve protège, pas le besoin, le désir de dormir. Il est bien certain que cette seule dit-mansion ajoute à ce Réel comme ça à ce Réel falot enfin, supposé scientifique, on imagine des besoins. Mais par contre, s’il y a une chose que Freud fait bien sentir, et ça il faudrait suivre le texte, et s’apercevoir que lui, il sait ce qu’il dit, c’est que le rêve protège quelque chose qui s’appelle un désir. Or un désir n’est pas concevable sans mon nœud borroméen.
Ça, c’est simplement enfin une remarque, par quoi j’essaie de montrer que mon dire est quand même lui, orienté. Et qu’à dire ce que je dis n’est que conditionné par le fait que – je ne dirai pas que la parole agit dans le discours analytique – que la parole seule agit. Im Anfang war die Tat qu’il dit l’autre, et il croit qu’il a fait là une invention! Oui enfin, c’est pas si mal, il croit que c’est contradictoire avec das Wort, mais s’il y a pas de das Wort avant la die Tat, eh ben ! il y a pas de « Tat » du tout. Alors que l’analyse saisisse un point, bien sûr très limité, un point très limité où la parole a une Wirklichkeit. Bien sûr, elle fait ce qu’elle peut, elle en peut peut-être pas des tas, mais enfin c’est quand même un fait, un fait d’autant plus exemplaire, que ça nous donne l’espoir d’avoir une petite lumière sur ceci qui est manifeste, qu’il n’y a pas d’action qui ne s’enracine – je ne dirai même pas dans la parole – dans le wawah dans das Wort, das Wort c’est ça, c’est de faire ouah-ouah. Seul l’inconscient permet de voir comment il y a un savoir, non dans le Réel, [mais supporte du symbolique]. C’est déjà beaucoup qu’il soit supporté de ce Symbolique que j’ai essayé de vous faire sentir comme concevable, non pas à la limite, mais par la limite, comme étant fait d’une consistance exigible pour le trou, et l’imposant de ce fait. Le Symbolique, c’est certain, tourne en rond, et il ne consiste que dans le trou qu’il fait. Alors tout ce qu’on a dit de l’instinct, ça ne veut dire que ceci, c’est qu’il a fallu qu’on aille à du Réel, à du Réel supposé, qu’on aille à du Réel pour avoir un pressentiment de l’inconscient. Et au sens où corps veut dire consistance, l’inconscient dans une pratique donne corps à cet instinct. Si nous voulons que corps veuille dire consistance il n’y a que l’inconscient à donner corps à l’instinct.
Oui! Bien sûr, pourquoi tout ça ne serait-il pas un débat vain entre spécialistes, hein! Mais enfin, ça supporte un dire, un dire qui pourrait avoir des conséquences, si les analystes disaient quelque chose, mais en dehors des ragots, c’est un fait qu’ils ne disent rien. Vous avez déjà vu quelque chose sortir de l’Institut Psychanalytique de Paris, par exemple? Quelque chose de lisible, c’est quand même drôle, ouais! Vous me direz qu’il y a mon École. Bien sûr que mon École, je viens d’en avoir une expérience comme ça, dans les Journées qui m’ont même, c’est ça qu’il y a de merveilleux, qu’est-ce que c’est que la fatigue! Pourtant j’étais tout heureux, j’étais là comme un poisson dans l’eau. Tout le monde disait des choses qui prouvaient qu’on m’avait lu et je n’en revenais pas. Non seulement qui prouvaient qu’on m’avait lu, mais même ma foi qu’on était capable d’en sortir comme ça des pseudopodes qui prouvaient que mon dire se prolongeait. Même je veux dire d’en tirer un certain nombre de conséquences et qui n’étaient pas rien du tout. Faut pas vous figurer que c’est parce quand ici je les interroge, ils ne mouftent pas. Ils ne mouftent pas pour des raisons qui tiennent à la fonction du dire, qui tiennent à l’ek-sistence, c’est-à-dire au nœud, en fin de compte. Mais ça existait rudement bien dans ces journées. Moi, j’ai naturellement tendance à penser que ce que je dis, à savoir ce discours fondé sur un trou, seul trou qui soit sûr, trou constitué par le Symbolique, – car il y a une chose dont la démonstration, tout ce qui est là au tableau est fait pour en faire la démonstration, un trou pour peu qu’il soit consistant, c’est-à-dire cerné, un trou suffit pour nouer un nombre strictement indéfini de consistances. Et ça commence à deux comme le manifeste ce nœud borroméen qui est ici [figure IX-21]; que ça commence à deux en donne l’assurance. C’est en quoi le deux ne se supporte que du trou fondamental du nœud. Chose frappante, le quatre [figure X-6], à savoir comment il se fait qu’un trou, celui-ci par exemple, suffise à nouer trois consistances que vous pouvez faire rectilignes – car il est clair qu’ici, je puis réduire cette boucle à être parallèle à celle qui est ici, et que, dans l’occasion, j’ai désignée de petit b.
même… J’y regarde à deux fois, je ne manque pas de tout bon sens, j’y regarde à deux fois avant de faire mauvais effet. Quelqu’un m’a demandé récemment au nom de quoi le Jury d’Accueil procédait pour allonger sa main bénéfique sur un certain nombre de gens dans l’École. C’est simplement ça, ils ne feront pas mauvais effet, ils ne feront pas mauvais effet tout de suite, ils le feront plus tard quand ils auront pris de la bouteille, conquis un peu d’autorité.
Bon, ben ! le couple, bien sûr, qu’il était nouable, quelles que soient les paroles pleines qui l’ont fondé. Ce que l’analyse démontre, n’est-ce pas, ce qu’elle démontre, d’une façon tout à fait sensible, c’est qu’il est malgré ça noué. Il est noué par quoi, hein ? Par le trou. Par l’interdit de l’inceste. Oui, il n’y a pas tellement de gens qui ont mis ça en valeur. Il faut tout de même le dire, dans la religion juive, il y avait un truc quand même que je voulais vous dire là comme ça, au passage – pourquoi est ce qu’ils n’ont pas bonne presse, hein, ces juifs ? Ben, je vous mets ça dans votre poche, parce que ça remet les choses au point. C’est parce qu’ils sont pas gentils. S’ils étaient gentils, ben ! ils seraient pas juifs quoi. Ça arrangerait tout! – C’est l’interdit de l’inceste. Il y a quand même des gens qui sont parvenus à faire émerger ça dans des mythes, et même, les Hindous sont après tout vraiment les seuls qui ont dit qu’il fallait quand on avait couché avec sa mère, qu’on s’en aille, je ne sais plus vers l’Orient ou vers le Couchant, je crois que c’est vers le Couchant, vers le Couchant avec sa propre queue dans ses dents, après l’avoir tranchée bien entendu!
Ouais! Nous ne considérons pas le fait de l’interdit de l’inceste comme historique. Il est bien entendu historique, mais il faut tellement le chercher dans l’histoire que, comme vous voyez, j’ai fini par trouver ça chez les Hindous, et on peut dire que là on en tient un bout hein! C’est pas historique, c’est structural. C’est structural, pourquoi ? Parce qu’il y a le Symbolique. Ce qu’il faut arriver à bien concevoir c’est le trou du Symbolique en quoi consiste cet interdit. Il faut du Symbolique pour qu’apparaisse individualisé dans le nœud ce quelque chose que, moi, je n’appelle pas tellement le complexe d’Œdipe, c’est pas si complexe que ça. J’appelle ça le Nom-du-Père. Ce qui ne veut rien dire que le Père comme Nom, ce qui ne veut rien dire au départ, non seulement le père comme nom, mais le père comme nommant. Ça, on ne peut pas dire que là-dessus les juifs soient pas gentils hein! ils nous ont bien expliqué que c’était le Père, le Père qu’ils appellent, le Père qu’ils foutent en un point de trou qu’on ne peut même pas imaginer n’est-ce pas je suis ce que je suis, ça c’est un trou, non! Ben ! c’est de là, que par un mouvement inverse car un trou ça, si vous en croyez mes petits schèmes, un trou ça tourbillonne, ça engloutit plutôt hein, puis il y a des moments où ça recrache. Ça recrache quoi? Le Nom. C’est le Père comme Nom.
Évidemment, il faut quand même avoir une petite idée de ce que ça comporte, à savoir que l’interdit de l’inceste, ça se propage. Ça se propage du côté de la castration, comme les autres gentils, enfin là les Grecs nous l’ont tout de même bien montré dans un certain nombre de mythes, à savoir que là où ils ont fait une généalogie uniquement fondée sur le Père, (Ouranos, Chronos, et patati et patata, jusqu’au moment où Zeus, après avoir beaucoup fait l’amour, s’évanouit, s’évanouit devant quoi ? devant un souffle) il y a quand même un pas de plus à faire sans quoi on ne comprend rien au lien de cette castration avec l’interdit de l’inceste, c’est de voir que le lien c’est ce que j’appelle le non-rapport sexuel.
Quand je dis le Nom-du-Père, ça veut dire qu’il peut y en avoir, comme dans le nœud borroméen, un nombre indéfini. C’est ça le point vif. C’est que ce nombre indéfini en tant qu’ils sont noués tout repose sur un; sur un, en tant que trou il communique sa consistance à tous les autres, d’où le fait que, vous comprenez, l’année où je voulais parler des Noms-du-père, j’en aurais quand même parlé d’un peu plus de deux ou trois hein! et qu’est-ce que ça aurait fait comme remue-ménage chez les analystes, s’ils avaient eu enfin, toute une série de Noms-du-père! Vous pensez bien que j’aurais pas pu en énoncer un nombre indéfini. Un petit peu plus de deux ou trois que j’avais préparés, je suis bien content quand même de les laisser secs, à savoir de n’avoir jamais repris ces Noms-du-père, que, comme l’année dernière, sous la forme des Non-dupes, des Nons-dupes-qui-z’errent. Évidemment, ils ne peuvent qu’errer parce que plus il y en aura, plus ils s’embrouilleront, et je me félicite certainement de n’en avoir pas sorti un seul.
Mais, c’est bien pourquoi je me suis trouvé en fin de ces journées avoir à répondre de quelque chose à laquelle personne bien sûr n’avait fait attention dans l’École, à savoir de ce qui constituait ce qu’on appelle un cartel. Un cartel, pourquoi ? C’est la question que j’ai posée, et – dont miracle à quoi j’ai obtenu des réponses indicatives, des pseudopodes comme je disais tout à l’heure, des choses qui faisaient un tout petit peu nœud, n’est-ce pas! Pourquoi est-ce que j’ai posé très précisément qu’un cartel, ça part de trois plus-une personne, ce qui en principe fait quatre, et que j’ai donné comme maximum ce cinq, grâce à quoi ça fait six. Est-ce que ça veut dire que je pense que comme le nœud borroméen, il y en a trois qui doivent incarner le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel. La question pourrait se poser après tout, je pourrais être dingue! Est-ce que vous avez entendu parler, (j’ai pas posé la question hier, aux journées, parce que je voulais surtout recevoir, m’instruire) est-ce que vous avez entendu parler de l’identification ? L’identification dans Freud, c’est tout simplement génial. Ce que je souhaite, c’est quoi ? L’identification au groupe. Parce que c’est sûr que les êtres humains s’identifient à un groupe. Quand ils ne s’identifient pas à un groupe, ils sont foutus, ils sont à enfermés. Mais, je ne dis pas par là à quel point du groupe ils ont à s’identifier. Le départ de tout nœud social se constitue, dis-je, du non-rapport sexuel comme trou. Pas de deux, au moins trois, et ce que je veux dire, c’est que même si vous n’êtes que trois, ça fera quatre. La plus-une [personne] sera là, même si vous n’êtes que trois, comme le montre très précisément ce schéma-là [figure IX-7], ceci donnant l’exemple de ce que ça ferait un nœud borroméen [figure X-7], si on partait de l’idée du cycle, tel qu’il se fait à deux noués [figure X-6] Même si vous n’êtes que trois, ça fera quatre, d’où mon expression plus-une. Et c’est en en retirant une, réelle, que le groupe sera dénoué. Il faut pour ça qu’on puisse en retirer une réelle pour faire la preuve que le nœud est borroméen et que c’est bien les trois consistances minimales qui le constituent. De trois, on ne sait jamais laquelle des trois est réelle, c’est bien pour ça qu’il faut qu’ils soient quatre parce que le quatre, c’est ce qui dans cette double boucle [figure IX-7] supporte le Symbolique de ce pourquoi en effet il est fait, à savoir le Nom-du-Père. La nomination, c’est la seule chose dont nous soyons sûrs que ça fasse trou. Et c’est pourquoi j’ai dans le cartel donné ce chiffre quatre comme donnant le minimum, non sans considérer qu’on peut quand même avoir un petit peu de jeu sur ce qui ek-siste et que peut-être un jour, pourquoi pas l’année prochaine, du train dont je persiste, j’essaierai de vous montrer ce que tout de même des Noms-du-père… si je l’accouple ce Nom-du-Père au Symbolique, pour en faire le plus un, dont s’assure manifestement…, alors qu’ici [Au tableau] [figure IX-2] aux trois il y a quelque chose qui ne se voit pas tout de suite dans le fait que ni a ni b ne franchissent le trou et ne font chaîne. Quand il y en a deux [figure IX-6], on voit que même à un ce n’est aucun des deux trous qu’il franchit, que le trou est entre les deux. C’est bien en ça que le couple n’ek-siste pas. Mais peut-être, ces Noms-du-père, pouvons-nous spécifier qu’il n’y a pas après tout que le Symbolique qui en ait le privilège, qu’il n’est pas obligé que ce soit au trou du Symbolique que soit conjointe la nomination. je l’indiquerai l’année prochaine.
Mais pour en revenir, car je veux terminer sur quelque chose qui ait substance, est-ce que Freud n’a pas proprement énoncé que dans l’identification, (il l’a dit, personne n’en voit le support, c’est-à-dire la portée) il n’y a d’amour que de l’identification portant sur ce quatrième terme, à savoir le Nom-du-Père. Est-ce qu’il n’est pas étrange que d’identification, il ne nous en énonce que trois, et que dans ces trois, il y a tout ce qu’il faut pour lire mon nœud borroméen. C’est à savoir qu’il va jusqu’à désigner proprement la consistance comme telle, en tant que dans ce nœud, elle est partout. Que ça fasse trou ou pas, la consistance est la base à savoir, vous voyez, le triskel, à savoir ceci [figure X-7] par exemple, puisque je n’en ai que là l’exemple, le triskel qui n’est pas un nœud. Il ne s’inscrit que de la consistance, il a appelé ça le trait unaire, on ne pouvait pas mieux dire! ce qui fait composante du nœud, non sans avoir mis en tête qu’il n’y a d’amour, je dirai, que de ce qui du Nom-du-Père fait boucle entre les trois, fait boucle des trois du triskel. Ce terme triskel, je pense que ça dit peut-être quelque chose à un certain nombre d’entre vous. C’est strictement ça, en tant que prolongé vous y voyez quoi ? Trois fusils qui font faisceaux, qui se supportent à 3 les uns des autres, c’est ce que, vous le savez peut-être, et c’est de ça que le nom est tiré, les Bretons ont pris pour faire leurs armes, les armes de la Bretagne moderne.
Ça nous sort de la croix, c’est déjà ça, enfin. Ouais! A part qu’on peut dire que la croix de Lorraine, à sa façon si on la dessine, de la bonne façon ça fait triskel aussi. Et qu’est-ce que Freud y a ajouté ? Il y a ajouté l’identification minimale pour que ce terme d’identification se supporte au regard du nœud borroméen.
Je vous le répète, précise, [Au tableau] c’est en tant que le Nom-du-Père est ce qui fait nœud ici, et s’il s’agit du triskel, le Nom-du-Père, ici, du triskel fait nœud, c’est en tant donc que le triskel ek-situe qu’il peut y avoir identification, identification à quoi ? A ce qui dans tout nœud borroméen, je vous le rappelle, dans tout nœud borroméen, je vous le rappelle… Allez, vous voyez, voilà mon triskel ici, dans tout nœud borroméen il fait le cœur, le centre du nœud. Et où est-ce que je vous ai marqué que déjà se situe le désir, le désir qui est aussi une possibilité d’identification? C’est ici, à savoir là, où je vous ai situé la place de l’objet a comme étant celui qui domine ce dont Freud fait la troisième possibilité d’identification, le désir de l’hystérique.