samedi, juillet 27, 2024
Recherches Lacan

LI LES ÉCRITS TECHNIQUES DE FREUD 1953 – 1954 Annexe 2 L'homme aux loups

Annexe 2 L’homme aux loups

 

L’inconscient psychanalytique : c’est le fruit du refoulement lié à certaines phases du développement infantile centrées sur le complexe d’Oedipe.

Dans ce cas, on peut dire que le complexe d’Oedipe a été inachevé parce que le père est carent. Le complexe d’Oedipe n’a donc pas pu se réaliser dans sa plé­nitude au bon moment : le malade reste avec seulement des amorces du com­plexe d’Oedipe.

L’érotisme urétral est lié au trait de caractère ambitieux. Le langage en rend compte et dit : « Il vise plus haut qu’il ne peut pisser »…

La passion ambitieuse a un caractère relatif : l’ambitieux veut toujours aller plus haut que l’autre, sa passion ambitieuse est donc toujours insatisfaite. Rapport à deux de la phase de latence préœdipienne : rapport de dominance ou de soumission.

La honte ne s’inscrit que dans un rapport à l’autre.

L’homme aux loups permet électivement de mettre en relief les relations entre le développement du Moi et l’évolution de la libido. Le conflit à base de super ego est tout à fait au second plan dans cette observation. Le conflit est du registre des aspirations sexuelles mâles et femelles.

On ne peut pas comprendre et englober tous les cas du refoulement si on ne met pas en lumière les rapports du narcissisme et de la libido.

Chez l’animal, l’activation des fonctions sexuelles n’est pas du tout déliée de toute espèce d’activités et de références à l’autre et au semblable (pigeonne et miroir, pariade et son rapport avec la parade).

Chez l’homme, il existe des rapports de connaissance – comme homme et femme – entre individus. Chez les animaux, le rapport du sujet est un rapport à deux. Dans un rapport à deux va se constituer la référence femelle à mâle connaissance du partenaire. Mais chez l’homme, il se connaît avant ses réfé­rences au spectacle déterminant, l’individu a déjà au moins cette connaissance de lui-même (stade du miroir).

En raison de cet accent mis dans l’expérience de ses exigences proprement narcissiques, il se révèle chez l’individu une sorte de prévalence d’un besoin de maîtrise qui va dans le sens contraire du choix instinctuel de l’objet et cela donne, dans le cas de L’homme aux loups, une situation très particulière. Le sujet fait un choix partial et contrarié et cela l’amène à la méconnaissance de son partenaire féminin.

L’accent est mis et soutenu sur la dimension agressive du rapport narcissique et cela provoque l’éclatement de sa libido et sa vie instinctuelle en est réduite à des explosions compulsionnelles quand il rencontre une certaine image : celle de la servante accroupie, et il peut alors réaliser. Il est donc dans la position du maître (au sens hégélien), c’est-à-dire qu’il est séparé de ses objets, dépossédé de son objet sexuel. Celui-ci étant constitutif du caractère et du monde humain normaux.

S’il n’arrive pas au rapport à trois c’est parce que le complexe d’Oedipe n’a pas été réalisé chez lui.

L’expérience scoptophilique est passivante.

Dans le refoulement, Freud distingue le conflit, à l’intérieur du sujet, de la bi-sexualité (lutte narcissique pour maintenir sa virilité et réprimer, refouler la tendance homosexuelle).

Le Moi prend parti : investissement narcissique de la force virile.

Il peut aussi y avoir conflit entre le Moi et quelque chose venant des instincts sexuels : c’est un cas plus large que le premier (qui est un sous-cas).

Chez L’homme aux loups le complexe d’Oedipe est inversé et ce, malgré la moins value de l’image paternelle.

Il y a schisme entre la vie intellectuelle et la vie instinctuelle de sujet. Il y a des rapports hétérosexuels qu’il vit d’une manière compulsionnelle, irruptive dans sa vie et qui est liée à un stéréotype (image de la servante), et dépourvue des sentiments que comporte normalement cette situation sexuelle; c’est un processus à deux, du maître à esclave.

La scène ravageante est survenue à la fin du stade du miroir : elle est passi­vante et cette passivité constitue la fixation homosexuelle inconsciente La phobie : la peur de la castration est inséparable de l’image du père alors que la menace n’est pas exprimée par le père, mais au contraire par des femmes. Mais il est intervenu quelque chose qui a suppléé à l’absence du père et qui l’a fait sous la forme de l’initiation religieuse.

Il y a superposition d’un petit noyau hystérique d’une formation infantile de névrose obsessionnelle et d’une structure paranoïaque de la personnalité.

Le père introduit un nouveau mode de référence à la réalité; c’est parce que la jouissance du sujet lui est d’une certaine façon ravie, qu’il peut se situer lui-même. C’est le rôle du complexe d’Oedipe.

Dans la rivalité, il y a deux faces : une face de lutte, une face d’idéal et de modèle.

Toute la difficulté pour l’être humain, avant la sexualité proprement génitale, est d’être un Moi qui se reconnaît et s’aliène dans l’autre. La sexualité demande l’intervention d’un plan culturel. Par rapport au père, le sujet va avoir à se situer.

Dans la phobie il y a intervention de l’animal. A ce sujet, Freud fait interve­nir les faits du totémisme, drame du meurtre du père.

Ce que l’on appelle la sublimation c’est la socialisation des instincts.

Dans le refoulement, il y a exclusion de la conscience d’un certain rela­tionnel qui n’en continue pas moins à dominer le sujet.

Le refoulement entraîne l’attraction propre d’une situation exclue de la conscience et la méconnaissance, l’aveuglement dans le système conscient sub­jectif et tout ce qui est coordonné à cette situation tend à rejoindre la masse du refoulé : c’est le système de l’inconscient qui a une inertie propre et qui conti­nue à attirer dans cette sphère d’amnésie tout ce qui y est connexe et gêne la réa­lisation du sujet (comme par exemple ayant vécu telle situation oedipienne). Tout ceci est assez électivement localisé autour du rapport au père et à la mère chez un sujet névrosé.

Le complexe d’Oedipe a aussi une fonction normativante à côté de ses inci­dences sur la genèse des névroses.

L’homme aux loups – n’ l

En étudiant le cas Dora, nous avons vu que le transfert était lié à des antici­pations subjectives chez l’analyste, et que le contre-transfert pouvait être consi­déré comme la somme des préjugés de l’analyste.

Il faut essayer de voir ce qu’apporte et ce que signifie ce texte de L’homme aux loups.

L’homme aux loups est un personnage dont une partie de son drame est son insertion pourrait-on dire « désinserrée » dans la société. Il présente un certain trouble névrotique qui a été qualifié, avant que Freud ne le voit, d’état maniaco-dépressif. Pour Freud, il ne s’agit pas d’une telle classifica­tion nosographique, ce que présente L’homme aux loups doit être considéré comme un état qui est celui suivant la guérison spontanée d’une névrose obsessionnelle.

Après l’analyse faite par Freud, ce personnage a présenté un comportement psychotique.

Il faut noter que très précocement cet homme fut séparé de tout ce qui pou­vait, sur le plan social, constituer pour lui un modèle… Toute la suite de son his­toire doit se voir et se situer sur ce contexte.

Freud a donc publié L’homme aux loups comme l’histoire d’une névrose infantile. Cette névrose de l’enfance a eu des manifestations variées et diverses dans leur structure. Si on y regarde de près, on voit que ce sur quoi l’observa­tion de Freud est concentrée c’est sur la recherche passionnée, détaillée, contre les faits pourrait-on dire, de l’existence ou de la non existence d’événements traumatisants dans la prime enfance.

Dans ses écrits Freud a souvent insisté sur la difficulté qu’il eut à maintenir ses idées sur ce sujet, idées tirées de son champ d’expérience. Même dans son propre groupe il y eut des tentatives pour diminuer et rendre plus acceptables au commun ces idées. Et de là naquirent les scissions inaugurées par Jung et Adler.

Bien avant la déviation jungienne, dès le début des recherches sur l’hystérie, on fut frappé par la régularité d’apparition d’histoires de séduction et de viol s’avérant comme purement fantasmatiques. Ceci n’est pas une objection abso­lument valable contre la réalité d’événements traumatiques de la prime enfance. Une objection plus grave est le caractère stéréotypé de la scène primitive : il s’agit d’un coïtus a tergo. Et il y a là quelque chose de très problématique : est­ ce là un schéma, une image phylogénique ressurgissant dans la reviviscence ima­ginaire ? (Voir chapitre V de l’observation).

Dans une analyse il est essentiel de ne pas détourner le sujet de la réalisation de ce qui est recherché. Il est important que le sujet fasse la réalisation pleine et entière de ce qui a été son « histoire ».

Qu’est-ce qu’une analyse ? c’est quelque chose qui doit permettre au sujet d’assumer pleinement ce qui a été sa propre histoire.

Dans l’analyse de L’homme aux loups Freud n’a jamais pu obtenir la rémi­niscence à proprement parler de la réalité dans le passé de la scène autour de laquelle tourne pourtant toute l’analyse du sujet.

La réalité de l’événement est une chose, mais il y a quelque chose d’autre c’est l’historicité de l’événement, c’est à dire quelque chose de souple et de déci­sif qui fut une impression chez le sujet et qui domina et qui est nécessaire à expli­quer la suite de son comportement. C’est cela qui reste l’importance essentielle de la discussion de Freud autour de l’événement traumatique initial. Celui-ci fut reconstitué très indirectement grâce au rêve des loups. C’est Freud qui apprend au sujet à lire son rêve. Ce rêve se traduit comme un délire. Il n’y a qu’à l’in­verser pour le traduire : « Les loups me regardent immobiles, très calmes : je regarde une scène particulièrement agitée ». On peut y ajouter: « Ces loups ont des belles queues, gare à la mienne! »

C’est ce rêve qui amène à la scène reconstruite et qui est ensuite assumée par le sujet.

A noter à propos de l’interprétation de ce rêve l’attention porté par Freud au travail du rêve : pour lui la signification d’un rêve se lit dans son travail d’éla­boration, de transformation.

Cet événement traumatique permet de comprendre tout ce qui s’est passé ensuite et tout ce qui est assumé par le sujet : son histoire.

A ce propos, il n’est pas inutile de se demander qu’est-ce que c’est que l’his­toire. Les animaux ont-ils une histoire ? L’histoire est-elle une dimension pro­prement humaine?

L’histoire est une vérité qui a cette propriété que le sujet qui l’assume en dépend dans sa constitution de sujet même et cette histoire dépend aussi du sujet lui-même car il la pense et la repense à sa façon.

Une psychanalyse est-elle achevée seulement quand l’analysé est capable d’avoir pleine conscience de lui-même ? L’expérience de Freud exige que le sujet qui parle réalise sur un certain champ – celui des rapports symboliques – une intégration difficile : celle de sa sexualité qui est une réalité qui lui échappe en

partie dans la mesure où il a échoué à symboliser d’une façon humaine certains rapports symboliques.

L’expérience psychanalytique se situe pour le sujet sur le plan de « sa vérité ». La psychanalyse est une expérience « en première personne ».

Dans le cas de L’homme aux loups, pendant des mois et des années des séances n’apportent rien. C’est un sujet isolé par sa position de riche : son Moi est un Moi fort (comme tout Moi de névrotique). L’homme aux loups n’arrive seulement pas à assumer sa propre vie. Sa vie instinctuelle est «incluse», « enkystée » : tout ce qui est d’ordre instinctuel survient comme un raz de marée si il rencontre une femme jouant du chiffon à laver par terre, ou du balai, et qui montre son dos et ses fesses.

Pendant des années donc cet homme parle et n’apporte rien, il se mire seule­ment dans la glace : la glace c’est l’auditeur, c’est a dire Freud en l’occurrence. Le langage n’est pas seulement un moyen de communication, quand un sujet parle, une part de ce qu’il dit a part de révélation pour un autre.

Le progrès d’une analyse se juge quand on sait à quel moment le « vous » équilibre le « je » dont il s’agit.

Dans l’analyse de L’homme aux loups, l’accent reste très longtemps sur le Moi et sur un Moi irréfutable. C’est alors que Freud fait intervenir un élément de pression temporelle. Et à partir de ce moment là, l’analyse se déclenche L’homme aux loups prend son analyse en première personne : c’est «Je » qui parle et non plus « Moi ».

A se rappeler

1 – l’évidence saisissable dans l’instant d’un regard

2 – Étape : celle du problème : travail de cogitation du working through 3 – Etape : le moment de conclure. Élément de hâte et d’urgence propre à toute espèce de choix et d’engagement.

L’homme aux loups- n°2

La question qu’il faut poser est celle des rapports du Moi et de l’instinct sexuel qui, chez l’homme, aboutit à l’instinct génital. L’observation de L’homme aux loups est significative et instructive à cet endroit. L’homme aux loups a une vie sexuelle réalisée, apparente, à caractère « inclus » (« compulsionnelle » pour Freud). Il s’agit d’un cycle de comportement qui, une fois déclenché, va jus­qu’au bout et qui est « entre parenthèses » par rapport à l’ensemble de la per­sonnalité du sujet. Cette sorte de parenthèse est frappante à côté de la confidence d’une vie à caractère également clos et fermé. L’homme aux loups a honte de sa vie sexuelle, néanmoins elle existe et ponctue sa vie d’adulte ravagé par une dépression narcissique.

L’homme aux loups a eu avec sa sueur des rapports proprement génitaux. Il n’y a pas d’arriération instinctive à proprement parler chez lui. Il a des réactions instinctives très vives et prêtes à pénétrer à travers l’opacité qui fixe et fait stag­ner sa personnalité dans un état proprement narcissique. On trouve une virilité de structure narcissique (termes adlériens presque affleurants).

On peut partir du schéma classique de refoulement : le refoulement est lié à la rivalité avec le père et qui est inassumable (rival tout puissant) et sanctionné par un contrainte, une menace, celle de la castration. Il y a donc dissociation entre la sexualité et le Moi, processus double face et ayant un résultat normatif et heureux (période de latence). Mais le retour du refoulé provoque les névroses infantiles survenant dans la période de latence.

Ici la rivalité avec le père est loin d’être réalisée et est remplacée par une rela­tion qui, dès l’origine, se présente comme une affinité élective avec le père L’homme aux loups aimait son père qui était très gentil avec lui : il y a une pré­férence affective. Le père n’est pas un castrateur ni dans ses notes, ni dans son être (il est vite bien malade, plus châtré que castrateur). Et pourtant Freud nous dit que la peur de la castration domine toute l’histoire de ce malade. Freud se demande si c’est en fonction d’un schéma phylogénique.

La relation d’ordre symbolique que le sujet cherche à conquérir car elle lui apporte sa satisfaction propre, est la suivante : Tout se passe comme si, sur le fondement d’une relation réelle, l’enfant, pour des raisons liées à son entrée dans la vie sexuelle, recherchait un père castrateur : qui soit le géniteur, le per­sonnage qui punit: il cherche le père symbolique (pas son père réel) ayant avec lui des rapports punitifs (et cela juste après le séduction de sa sœur). L’enfant a une attitude provocatrice et il recherche une satisfaction: être puni par son père. La différence entre ce père symbolique et le père réel n’est pas chose rare. Une autre chose est également importante pour éclairer notre recherche; c’est l’instruction religieuse qui est donnée par une femme (Freud considère cette instruction religieuse comme un facteur d’apaisement).

Dans le langage de Freud la sublimation a un sens différent de l’image vul­gaire qu’on s’en fait : c’est à dire le passage d’un instinct à un registre plus sublime. Pour Freud, c’est l’initiation d’un sujet à un symbole plus ou moins socialisé et objet de croyance universelle.

Pendant un certain temps, l’enfant est calmé grâce à cela. Pour Freud la reli­gion est une illusion car sa structure dogmatique lui paraît mythique.

Pour Freud la satisfaction du désir de l’homme exige d’être reconnue. Cette reconnaissance devient l’objet même du désir de l’homme. Quand le petit d’homme ne trouve pas la forme d’une religion, il s’en fait une: c’est la névrose obsessionnelle, et c’est ce que la religion évite. Ce que l’instruction religieuse apprend à l’enfant c’est le nom du Père et du Fils. Mais il manque l’esprit: c’est à dire le sentiment du respect. La religion traçait les voies par lesquelles on pou­vait témoigner l’amour pour le père, « sans le sentiment de culpabilité insépa­rable des aspirations amoureuses individuelles » (Freud). Mais, pour L’homme aux loups, il manquait une voix pleinement autorisée. Un père qui incarne le bien, le père symbolique. Et la révolte liée au masochisme se manifeste (critique religieuse que fait l’enfant). Quand apparaît le répétiteur qui peut incarner la fonction de père et qui dit: « la religion c’est des blagues », tout cela ne tient pas longtemps. Car, dans ce cas, il n’y a pas de super-ego : l’enfant n’a pas pu s’iden­tifier à une image proprement paternelle remplissant la fonction symbolique du Père. Pour cela et du même coup il n’a pas pu réaliser non plus le complexe d’Oedipe normativant. Ses relations, dans le triangle oedipien le montrent iden­tifié à la mère. L’objet de ses désirs est le père. On le sait grâce au rêve d’angoisse. Dans ses antécédents immédiats se trouve l’attente du double don pour le jour de Noël. Le « double don » manifeste sa duplicité par rapport au père (le cadeau de Noël manifeste la transcendance de l’enfant par rapport à l’adulte). L’enfant est l’étranger échappant à l’ordre où on se reconnaît; l’enfant sent qu’il y a tout un monde organisé du côté de l’adulte et auquel il n’est pas initié à proprement parler. Le rapport enfant -adulte est d’amour mais cet amour est aussi repoussé l’enfant pige tout et d’un autre côté ne sait pas tout. Et ceci explique que l’en­fant s’introduise d’un seul coup dans un système complet de langage en tant que système d’une langue et non épellation de la réalité.

L’homme aux loups voulait donc son cadeau de Noël et celui de son anniver­saire. Pour lui, qui se considère comme le fils de son seul Père, il veut aussi un don d’amour réel. Et autour de cela se cristallise le rêve-cauchemar essentiel C’est un rêve d’angoisse. Celle-ci n’est pas toujours liée au retour du refoulé dans la conscience (le refoulé étant quelque chose qui n’a pas été mémorisé sym­boliquement).

Il y a deux mémoires à distinguer. L’enfant se souvient de quelque chose qui a existé et qui ne peut pas être remémoré sur le plan symbolique. Et cela déter­mine pourtant tout son comportement ultérieur qui donne cette « sexualité fen­due en éclats » : c’est le drame du développement de cet enfant.

Dans l’analyse de ce rêve il y a deux plans

1- Les mythes qui sont dans le registre de sa tentative d’assumer les mythes socialisant (le conte à une valeur de satisfaction saturante qui introduit l’en­fant dans un moyen de communication qui le satisfait).

2 – Après ça, il n’y a plus rien et c’est Freud seul qui interprète ce rêve qui à la valeur de l’irruption de la scène primitive elle-même dans la conscience noc­turne.

Pour le comprendre il faut l’inverser, ce rêve. La réalité visée a été abolie par ce renversement : fenêtre ouverte : c’est l’inverse du voile qui enveloppe le sujet c’est un miroir où il va se voir lui-même regardant (sous la forme de ces animaux qui le regardent) – une scène agitée : le père et la mère ayant un coitus a tergo. Ceci entraîna un relâchement sphinctérien dû à la terreur. (Ceci représentant un cadeau organique du bébé). Le malade a oublié cette scène qui est inintégrable à sa mémoire consciente. Elle ressurgit quand il tente de médiatiser son désir en créant un rapport symbolique avec le père. Dans son inconscient il s’agit d’un rapport homosexuel passif. Mais celui-ci est refoulé par une exigence narcis­sique. Qu’est-ce que le narcissisme? Une relation libidinale avec le corps propre ? Le rapport narcissique est centré par une réflexion : une image spécu­laire, narcissique et une identification à l’autre. Il y a une ambiguïté totale, le sujet est à la fois lui et l’autre. Autre chose: il y a un rôle de l’image imprégnante dans l’érotisation de l’image de l’autre. Là se posent toutes les questions de la bisexua­lité. Féminisé dans l’inconscient, sujet, sur le plan du Moi, choisit avec la dernière énergie la position justement opposée. Comment expliquer cela? En se référant aux rapports qui, dans la nature existent entre la parade et la pariade : il y a rela­tion à une certaine image dont l’affrontement est réalisé de façon assez contin­gente. Il s’établit une réaction de parade: c’est une sorte d’épreuve qui donne un changement dans l’attitude des partenaires et l’un et l’autre, et l’un par rapport à l’autre, se reconnaissent. Par là se complète une sorte de schéma inné et les rôles sont fixés, répartis une fois pour toutes. Peut-on dire qu’il y a quelque chose d’analogue dans la référence imaginaire aux personnages dans la scène primitive ? D’où conflit entre une impression féminisante et une expérience du corps com­plet; spéculaire (voir la leçon de Freud sur la féminité). Le rapport à une image univoque et phallique nous met en présence du phénomène qui, dans l’expé­rience clinique garde un caractère original. Tout se passe comme si un phéno­mène de relation imaginaire à lui-même recouvrait, éteignait tout ce qui est de l’autre registre. D’où l’identification à la mère dans la scène primitive est rejetée l’image de l’identification féminine est du côté de l’image du corps morcelé, en arrière pour le malade. Et c’est pourquoi la libido narcissique, confirmation nar­cissique, doit amener une dénégation absolue de sa teneur (ou teinte – le mot manque dans le texte) homosexuelle : il y a prévalence de l’image complétée (phallique) du corps. La révocation de l’image morcelée du corps provoque la résurgence d’un état antérieur du Moi et cela donne de l’angoisse. Ainsi s’ex­plique le caractère narcissique de l’affirmative virile du sujet et, de là, vient aussi la difficulté pour atteindre un objet hétérosexuel.

L’identification à la sœur est certaine (il y a un an et demi de différence entre eux – bonne différence : « note sensible » au sens que cela a en musique). A ce point que quand la sueur est morte, elle est comme résorbée en lui-même. Il ne peut pas pour cela accepter les premières avances de sa sueur qui lui auraient donné accès à un stade proprement génital.

Pour que l’identification se produise chez l’homme, ce doit être par l’inter­médiaire d’un modèle réalisé: adulte, féminin ou masculin (il y a une différence avec les animaux : chez eux l’épreuve est passivante pour l’un, activante pour l’autre).

L’homme s’anticipe dans son image complétée avant qu’il l’ait atteinte. D’où fantasmes de castration : le pénis peut être pris ou enlevé.

L’identification narcissique est fragile et toujours menacée.

L’école française a touché à quelque chose de juste en liant l’oblativité à la maturation de la fonction génitale. Mais ce lien est très complexe. Le sens véri­table de l’oblativité se trouve dans une relation de don constitutive d’un accès plein à la sexualité humaine. (L’altruisme est différent qui est lié à une identifi­cation narcissique de l’autre).

L’oblativité véritable est une relation symbolique qui fait que le désir de l’homme se reconnaît et se médiatise par le désir de l’autre: sorte de capture du désir de l’autre.

L’homme aux loups- n° 3

Nous explications ont montré que l’observation de L’homme aux loups per­mettait de poser des questions et d’apporter des lumières sur la question du transfert. Dans ce cas, comme nous l’avons vu dans l’étude de l’historicité, nous pouvons ouvrir le problème d’une façon qui dépasse de beaucoup l’observation. Dans l’observation de Ruth Mac Brunswick une chose est claire : ce qui reste est plus qu’un résidu morbide, ce qui est au centre de la cure avec R. M. Brunswick c’est le transfert.

Pendant toute la période de cure avec R. M. Brunswick il ne s’agit plus du malade, on ne parle que de Freud. Par le don de la parole quelque chose est changé dans la position réciproque de ceux qui se sont parlé. Ce que Freud a été pour le patient est donc tout le temps là au premier plan.

Il n’est donc pas douteux qu’on voit se poser dans la seconde partie de l’his­toire de L’homme aux loups le transfert comme intermédiaire entre l’analysé et l’analyste. R. M. Brunswick se pose la question de savoir ce qui a été la cause de la seconde poussée morbide, c’est à dire la détermination de la seconde maladie. Et c’est le transfert. Elle pense que c’est une sorte de tendance qui est tout à fait fondamentale dans les relations affectives du sujet : elle l’exprime en termes d’affectivité.

Quand le patient est revenu voir Freud pour la seconde fois, Freud dit avoir alors analysé le transfert. R. M. Brunswick dit qu’il s’agit de la passivité pri­mordiale du sujet et porte la lumière sur le fait que Freud l’a coincé sur une date, une échéance. Les patients retiennent jusqu’à la dernière limite quelque chose. Dans ce cas, on peut penser que si le sujet a été ainsi « forcé », il a dû gar­der une position. Là est le ressort du transfert non liquidé. Mme. Mac Brunswick dit aussi qu’il y a quelque chose de curieux. Il n’y a pas d’exemples que, au cours d’une analyse profonde, toutes les attitudes possibles d’un sujet ne se révèlent. La psychanalyse de L’homme aux loups fut totale et épuise le matériel et pourtant jamais une attitude paranoïaque ne se manifeste. (ainsi donc l’explication par « un moyen resté pas atteint » n’est pas une explication valable).

Il faut s’attacher à voir les différentes relations paternelles de ce sujet, toutes celles dont il est capable. Dans la dernière phase de la maladie on voit s’incar­ner les différents types de relations paternelles. Les dentistes et les dermato­logues forment deux séries de personnages très différents.

La recherche de la punition, de la castration paternelle par le sujet est diffé­rente de l’identification elle-même. Donc il y a deux séries

D’une part : les pères castrateurs, représentés par les dentistes : ils arrachent les dents bonnes ou mauvaises et le malade ne leur en veut pas. Ceci montre ce que recherche le sujet : plus ils lui en feront, mieux cela vaudra pour lui. Avec eux, son mode de relation est spécial: c’est de la méfiance, méfiance qui ne l’em­pêchera pas de leur faire confiance : plus il se méfie et plus il se confie…

D’autre part, un autre type paternel : les Pères mortifères : sur le plan de la relation imaginaire la plus primitive, contre laquelle le Moi du sujet fuit et se dérobe avec une sorte de panique. Ce type est lié à l’image de la scène primitive il identifie le sujet à cette attitude passive cause de suprême angoisse, car elle équivaut au morcelage primitif. D’où rénovation de ce malaise et désordre pri­mordial. Le danger vient alors de l’intérieur et il faut choisir : refouler ou tout remettre en question : c’est une menace mortelle : le contrecoup ambivalent d’une agressivité radicale.

Pour L’homme aux loups, le nez représente un symbole senti, imaginaire: le trou que tous les autres pourraient voir. A mesure que se développe l’analyse de R. M. Brunswick, on voit entre le personnage castrateur et l’autre (le professeur X, son plus mortel ennemi) se passer des phases successives.

Pour L’homme aux loups, il était le « fils favori de Freud ». La réaction type, celle qui correspond à la méfiance, c’est l’hypocondrie: signe émergent. Il cacha à Freud (qui lui a versé une rente) qu’il avait pu récupérer quelques bijoux et quelques ressources alors que, jusque là, il était considéré à juste titre comme un honnête homme. Est-ce qu’il voit dans la rente un gage d’amour qui lui est dû ? ou est-ce plus lié à la réalité ? Freud l’ayant empêché de retourner en Russie récupérer ses biens quand cela était encore possible, ceci est-il sourd grief com­pensé par le fait qu’il croit que Freud lui a donné ce mauvais conseil par amour, pour le garder? Quoi qu’il en soit, il considère que cela lui est dû, ce don d’ar­gent.

Le destin sert Madame Mac Brunswick et lui permet de pénétrer dans les positions du malade. Au moment de la mort du professeur X, elle marque en effet un premier pas en avant dans les défenses du patient qui sur l’heure, der­rière le symptôme hypocondriaque, révèle : « Il est mort, je ne pourrai donc plus le tuer». C’est là le fantasme qui sort d’abord et qui est suivi du contenu persécutif longtemps mijoté : délire de persécution. La disparition même de l’objet supprime la saturation dans une relation qui peut rester sous forme de tension. C’est alors que R. M. Brunswick interprète : « Le professeur X, c’est Freud »… Le sujet nie car, la relation à laquelle il se tient, en ce qui concerne Freud, est celle de fils favori. Autre face du délire qui apparaît alors, celle du délire de grandeur (dit L. R. B.). C’est la même chose sous une forme différente (ex : le professeur X apparaît dans un rêve comme l’analyste). Que va être le pas suivant ? R. M. Brunswick le pousse assez dans ses retranchements pour démanteler sa position de « fils favori ». Et alors, les choses sont abordées sur le plan de la réalité actuelle de l’analyste. Dans quelle mesure Freud y est-il réellement présent? R. M. Brunswick lui montre que Freud ne s’intéresse pas à son cas. Alors, le sujet se comporte comme un fou. Freud apparaît tout de suite après dans un rêve spectaculaire. Rêve du père malade ressemblant à un musicien ambulant etc. C’est un rêve en miroir: Le père est lui-même et Freud contre qui il apporte la revendication; « il a refusé sa vieille musique, c’est un juif, un sale juif ». Qu’est-ce que ce don qu’il y a entre eux? C’est la remise en question de toutes les relations qu’il a eues avec Freud et ces relations sont à peine des relations à un objet et sont essentiellement agressives. Le sujet est alors à l’acmé de son désordre mais la suite des rêves montre des progrès dans le sens d’un retour à la réalité. Le fond de la question, c’est « son sens à lui », à savoir les loups. Dans un rêve l’origine instinctuelle de ses troubles est de l’autre côté d’une muraille à la limite de laquelle se trouve R. M. Brunswick. Lui est d’un côté, les loups de l’autre : c’est la symbolisation du rôle, dans la détermination de sa psychose, de son désir, que ses désirs soient reconnus par l’autre et trouvent ainsi leur sens.

Un autre tournant est marqué par le rêve de la destruction des icônes: celles­-ci représentent le ressort, la signification fondamentale par rapport au dogme chrétien : Le Dieu incarné dans un homme; repousser les images saintes c’est nier l’incarnation. Au moment de sa névrose infantile, la religion a failli socia­liser ses difficultés (ébauche de guérison). Mais cela à achoppé dans le dogme de l’incarnation. Les rapports entre Dieu Père et Fils sont sentis comme masochiques et le renvoyaient à son angoisse fondamentale devant la passivation absolue de la scène primitive. Tout son Moi n’est rien d’autre que la négation de sa passivité fondamentale. Son type d’identification est fondé sur le rapport symbolique humain et culturel qui définit le Père, non seulement comme le Géniteur, mais aussi comme maître à pouvoir souverain : rapport de maître à esclave. Toute l’histoire du sujet est scandée par la recherche d’un Père symbo­lique et punisseur, mais sans succès. Le père réel est très gentil et, en outre, dimi­nué. Ce que Freud a vu de plus clair dans le transfert paternel, c’est la crainte d’être mangé.

On doit rappeler la conception dialectique de l’expérience analytique. Dans le rapport de la parole elle-même, tout les modes de rapport possibles entre les êtres humain se manifestent. Il y a une différence entre un sujet qui dit « je suis comme ça » et un sujet qui dit « je vous demande de me dire qui je suis ». Il y a une fonction de la parole que ce soit une fonction de méconnais­sance ou de mensonge délibéré, il existe néanmoins un certain rapport avec ce qu’elle est chargée de faire reconnaître en le niant. Autour de ce don de la parole, d’établi une certaine relation de transfert. Donc, ce qui se passe entre le sujet et son analyste est un don : celui de la parole. Le sujet ne se fait donc reconnaître qu’à la fin. Le don va du sujet à l’analyste. Et plus, le sujet donne de l’argent. Pourquoi ? Il y a là un paradoxe apparent. Le don d’argent n’est pas une pure et simple rétribution (le mot d’honoraires en témoigne du reste). Pour le comprendre ce don d’argent, on doit le comparer aux prestations des primitifs qui sacralisaient les choses. Le don d’argent à l’analyste a la même signification que le don que fait le disciple au maître mais cela constitue le maître comme garant de cette parole et assure qu’il ne l’échange pas, qu’il continuera à en prendre soin.

Quelle a donc été la fonction de l’argent dans l’ensemble de l’histoire du sujet ? C’est un sujet qui a une structure mentale de « riche ». Le mode de rela­tion dialectique entre le Fils et le Père dans l’Oedipe entraîne une identification à un père qui soit un vrai père : un maître ayant des risques et des responsabi­lités. Il y a quelque chose de tout différent entre cela et la structure bourgeoise qui gagne actuellement Ce qui ce transmet c’est alors le patrimoine. Il en résulte que chez ce sujet le caractère. aliénant de ce pouvoir incarné par la richesse est évident. Cela a recouvert cette relation qui ne put jamais être autre que narcissique avec son Père. Et la mort de sa sueur a ce sens : « je suis le seul à hériter ».

Si un malade comme celui-là vient trouver Freud cela montre que dans sa misère, son abjection de riche, il veut quelque chose. Il tente d’établir quelque chose de nouveau. Freud est un maître auquel il demande secours. Le ressort de la relation qu’il tente d’établir est qu’elle est la voie par où il veut établir une relation paternelle. Il n’y arrive pas car Freud était un peu trop un maître. Son prestige personnel tendait à abolir entre lui et le malade un certain type de transfert : Freud fut trop identifié à un père trop suprême pour pouvoir être efficace. Cela laisse le sujet dans son circuit infernal. Il n’a jamais eu de père qui symbolise et incarne le Père, on lui a donné le « nom du Père » à la place. Au départ, il y avait une relation d’amour réelle avec le père mais cela entraînait la réactivation de l’angoisse de la scène primitive. La recherche du père symbo­lique entraîne la peur de la castration et cela le rejette au père imaginaire de la scène primitive. Ainsi s’établit un cercle vicieux. Avec Freud, il n’a jamais pu assumer ses relations avec lui. C’était «un père trop fort» et Freud a dû faire agir la contrainte temporelle et lui « donner le mot de son histoire ». Mais lui, le malade, ne l’a pas conquis ni assumé. Le sens reste aliéné du côté de Freud qui en reste le possesseur.

Toute la question d’argent est sur le même plan. Freud fit payer L’homme aux loups comme un malade très riche et pour un tel malade très riche cela n’avait pas de signification (à la fin seulement, cela représentait une sorte de cas­tration). Là se retrouve la dialectique du double don et il en est ainsi tout au long de l’observation. Quand le sujet revoit Freud pour un symptôme hystérique (constipation) Freud lève ce symptôme assez facilement, mais sur l’autre plan il se passe une jolie catastrophe : Freud se laisse impliquer dans une sorte de cul­pabilité à l’envers : il lui fait une rente ; le sujet est maintenant passé au rang de momie psychanalytique alors que déjà il n’arrivait pas à l’assomption de sa per­sonne. Le paranoïaque se croit l’objet de l’intérêt universel et le sujet construit son délire narcissique. La réalisation narcissique est aidée et soutenue par l’ac­tion de Freud qui a renversé le don d’argent.

Si le génie de R. M. Brunswick fut grand, elle ne le formula pas toujours bien. Si elle a pu faire quelque chose c’est dans la mesure où, par position, elle coïn­cidait avec le personnage de la sueur. Elle était objectivement entre Freud et le malade, subjectivement Freud vint toujours entre le malade et elle. Elle réussit là où la sueur avait échoué. Le père était trop près du malade, la sueur aussi (elle avait fait son identification au père et elle est active dans leur relation et d’une façon traumatique, trop proche, qui entraînait la même panique de la passiva­tion que devant le père. Elle est identifiée au père par le malade). Au lieu de ça, R. Mac Brunswick sut à la fois participer d’une certaine dureté propre au per­sonnage paternel, d’un autre côté, elle se soumet à là réalité du sujet : il y a une sorte de retour à l’école du sujet par ce que les Chinois appellent «la douceur malléable de la femme ». Elle sait lui montrer qu’elle n’est pas adhérente à Freud, donc pas identifiée au père et «pas trop forte». Le sujet est ré-enfanté par elle et, cette fois, de la bonne façon.

La gratuité du traitement n’a pas joué le même rôle que dans les rapports avec Freud (et par là elle se distingue de la sueur) et ce qui se passe entre eux n’est pas du même ordre que ce qui se passe dans une analyse : c’est plus une psycho­pédagogie où l’on discute de la réalité qu’une analyse proprement dite.

Dans la mesure où le sujet s’est décollé de l’image du Père tout puissant et qu’il voit que ce père ne l’aime pas tant que ça, l’issue fut favorable. Le sujet accepte de ne pas être un maître et il n’est plus entre deux chaises.

Disons enfin que son analyse fut influencée par la recherche de Freud à pro­pos de la réalité ou de la non-réalité des scènes primitives et on voit, là aussi, les rapports étroits du transfert et du contre-transfert.

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