LXXIV L'insu que sait de l'une bévue s'aile à mourre 1976 – 1977 Leçon du 18 janvier 1977
Leçon du 18 janvier 1977
C’est plutôt pénible, alors voilà, à la vérité, ici, c’est plutôt le témoignage, le témoignage d’un échec, à savoir que je me suis épuisé pendant quarante-huit heures, à faire ce que j’appellerais, contrairement à ce qu’il en est de la tresse, je me suis épuisé pendant quarante-huit heures, à faire ce que j’appellerais une « quatresse ». Voilà, [Fig. V-2].
La tresse est au principe du nœud borroméen, c’est à savoir qu’au bout de six fois, 011 trouve, pour peu qu’on croise de la façon convenable ces trois fils,… bon, alors, ceci veut dire qu’au bout de six manœuvres de la tresse, vous retrouvez dans l’ordre, à la sixième manœuvre, le 1, le 2 et le 3. C’est ceci qui constitue le nœud borroméen [Fig. V-3]. Si vous en avez, si vous procédez douze fois, vous avez de même un autre nœud borroméen qui chose curieuse, cet autre nœud borroméen n’est pas visualisé immédiatement [Fig. V-4]. Il a pourtant ce caractère que, contrairement au premier nœud borroméen qui, comme vous avez vu tout à l’heure, passe au-dessus de celui qui est au-dessus, puisque vous le voyez, le ronge est au-dessus du vert, au-dessous de celui qui est au-dessous : voilà le principe dont découle le nœud borroméen. C’est en fonction de cette opération que le nœud borroméen tient. De même, dans une opération a quatre, vous mettrez un au-dessus, l’antre au-dessous, et de même opérerez-vous avec au-dessous celui qui est au-dessous, vous aurez ainsi un nouveau nœud borroméen qui représente celui a douze croisements.
Que penser de cette tresse ? Cette tresse petit être dans l’espace. Il n’y a aucune raison, en tout cas au niveau de la « quatresse », que nous ne puissions la supposer entièrement suspendue. La tresse pourtant est visualisable pour autant qu’elle est mise à plat. J’ai passé une autre époque, celle qui était prétendument réservée aux vacances, a m’épuiser de même à essayer de mettre en fonction un autre type de nœud borroméen, c’est à savoir celui qui se serait fait obligatoirement dans l’espace puisque ce dont je partais, ça n’était pas le cercle comme vous le voyez là, c’est-à-dire de quelque chose qu’on met d’habitude à plat, niais de ce qu’on appelle un tétraèdre.
Un tétraèdre, ça se dessine comme ça. Grâce a ça, il y a I, 2, 3, 4, 5, 6 arêtes. Je dois dire que les préjugés que j’avais — car il s’agit de rien de moins — m’ont poussé a opérer avec les 4 faces, et non pas avec les 6 arêtes, et qu’avec les 4 faces c’est tout à fait difficile, c’est impossible de faire un tressage. II y faut les 6 arêtes pour faire un tressage correct et j’aimerais que, ces boules, je les vois revenir (houles lancées à la salle) portant le tracé du schéma. Le fait est que vous y constaterez que le tressage, non pas à 6, niais à 12, est tout à fait fondamental. Je veux dire que, ce qui se produit, c’est qu’on ne saurait mettre en exercice ce tressage des tétraèdres sans partir, puisque de tétraèdres, il n’y en a que trois, sans partir de la tresse. C’est un fait qui m’a été découvert sur le tard, et dont vous verrez ici pour peu que je vous passe ces boules dont, je le répète, j’aimerais les voir revenir, parce que je ne les ai pas, loin de là, pleinement élucidées. Je vais donc, comme je fais d’habitude, vous les envoyer pour que vous les examiniez.
J’aimerais les voir revenir toutes les quatre. En effet, elles ne sont pas semblables. Il y en a quatre, ce n’est pas sans raison. C’est une raison que je n’ai pas même encore maîtrisée. Il est préférable, quoi que bien entendu ça prendrait trop de temps, il serait préférable que, d’une de ces boules à l’autre, on les compare, car elles sont effectivement différentes. J’aimerais que, de cette tresse à trois qui est basale dans l’opération de ces nœuds borroméens tétraédriques auxquels, je vous le répète, je me suis attaché sans y parvenir complètement, j’aimerais que vous tiriez une conclusion. C’est que, même pour les tétraèdres en question, on procède aussi à ce que j’appellerais une mise à plat pour que ce soit clair. Il faut la mise à plat, dans l’occasion sphérique, pour qu’on touche du doigt, si je puis dire, que les croisements en question, les croisements tétraédriques, sont bien du même ordre, c’est à savoir que le tétraèdre qui est en-dessous, le troisième tétraèdre, passe en-dessous, et que le tétraèdre qui est en-dessus, le troisième tétraèdre passe en-dessus. C’est bien a cause de ça que nous en sommes la encore au nœud borroméen.
Ce qu’il y a de fâcheux pourtant, c’est que même dans l’espace, même à partir d’un présupposé spatial, nous soyions contraints aussi dans ce cas-là à supporter — puisqu’en fin de compte, c’est nous qui supportons — à supporter la mise à plat. Même a partir d’un présuppose spatial, nous sommes forcés de supporter cette mise a plat, très précisément sous la forme de quelque chose qui se présente comme une sphère [Fig. V-5b]. Mais, qu’est-ce a dire, si ce n’est que, même quand nous manipulons l’espace, nous n’avons jamais vue que sur des surfaces, des surfaces sans doute qui ne sont pas des surfaces banales puisque nous les articulons comme mises à plat. A partir de ce moment, il est, sur les boules, manifeste que la tresse fondamentale, celle qui s’entrecroise douze fois, il est manifeste que cette tresse fondamentale fait partie d’un tore. Exactement ce tore que nous pouvons matérialiser au niveau de ceci, a savoir de la tresse à douze, et que nous pourrions d’ailleurs aussi bien matérialiser au niveau de ceci, c’est-à-dire de la tresse à 6 [Fig. V-3 et Fig. V-4].
A la vérité cette fonction du tore est tout à fait manifeste au niveau des boules que je viens de vous remettre, parce que il n’est pas moins vrai qu’entre les deux petits triangles, si nous faisons — je vous prie de considérer ces boules — si nous faisons passer un fil polaire, nous aurons exactement de la même façon un tore ; car il suffit de faire un trou au niveau de ces deux petits triangles pour constituer du même coup un tore. C’est bien en quoi la situation est homogène, dans le cas du nœud borroméen, tel que je viens de le dessiner ici, est homogène entre ce nœud borroméen et le tétraèdre.
Il y a donc quelque chose qui fait qu’il n’est pas moins vrai pour un tétraèdre que la fonction du tore y règle ce qu’il y a du « nodal » dans le nœud borroméen. C’est un fait, et c’est un fait qui n’a strictement jamais été aperçu, c’est à savoir que tout ce qui concerne le nœud borroméen, ne s’articule que d’être torique.
Un tore se caractérise tout à fait spécifiquement d’être un trou. Ce qu’il y a de fâcheux, c’est que le trou c’est difficile à définir. C’est que le nœud du trou avec sa mise à plat est essentiel, c’est le seul principe de leur comptage — et qu’il n’y a qu’une seule façon, jusqu’à présent, en mathématiques, de compter les trous : c’est de passer par, c’est-à-dire de faire un trajet tel que les trous soient comptés. C’est ce qu’on appelle le groupe fondamental. C’est bien en quoi la mathématique ne maîtrise pas pleinement ce dont il s’agit.
Combien de trous y a-t-il dans un nœud borroméen ! C’est bien ce qui est problématique puisque, vous le voyez, mis à plat, il y en a quatre [Fig. V-6]. Il y en a quatre, c’est-à-dire que il n’y en a pas moins que dans le tétraèdre qui a quatre faces dans chacune des faces duquel on peut faire un trou. A ceci près qu’on peut faire deux trous, voire trois, voire quatre, en faisant un trou dans chacune des faces et que, dans ce cas-là, chaque face se combinant avec toutes les autres et pouvant même repasser par soi, nous voyons mal comment compter ces trajets qui seraient constituants de ce qu’on appelle le groupe fondamental. Nous en sommes donc réduits à la constance de chacun de ces trous, qui, de ce fait, s’évanouit d’une façon tout à fait sensible, puisqu’un trou, ce n’est pas grand chose.
Comment des lors distinguer ce qui fait trou et ce qui ne fait pas trou ? Peut-être la quatresse peut nous aider à le saisir.
qu’il s’agit en effet dans la quatresse de quelque chose qui solidarise ce qui se trouve, ce dont il se trouve que j’ai qualifié trois cercles, c’est à savoir que, comme vous le voyez ici dans ce premier dessin [Fi,. V-1], ces trois cercles forment nœud borroméen. Ils forment nœud borroméen, non pas que les trois premiers fassent nœud borroméen puisque, comme c’est impliqué dans le fait que la quatrième libérée, si je puis dire, le quatrième élément libéré doit laisser chacun des trois, libre. La quatresse lie pourtant, à partir de celui qui est le plus en-dessus (noir), à condition de passer par-dessus celui qui est le plus en-dessus, il se trouvera à passer, sur celui qui dans la mise à plat est intermédiaire (vert), à passer dessous, il se trouvera lier les trois. C’est bien en effet ce dont nous voyons ce qui se passe [FIg. V-7], c’est à savoir que, à condition que vous voyiez ça comme équivalent à ceci, je pense que vous voyez ici qu’il s’agit d’une représentation du Réel pour autant que c’est ici que vous en avons l’appréhension, de l’Imaginaire, du Symptôme et du Symbolique, le Symbolique dans l’occasion étant très précisément ce qu’il nous faut penser comme étant le signifiant. Qu’est-ce à dire ? C’est que le signifiant dans l’occasion est un symptôme, le corps, à savoir l’Imaginaire étant distinct du signifié. Cette façon de faire la chaîne nous interroge sur ceci : c’est que le Réel, à savoir ceci dans l’occasion qui est marqué là, c’est que le Réel serait suspendu tout spécialement au Corps.
Voyons, tâchons ici de voir ce qui résulterait de ceci, c’est à savoir que cet X qui est là à cette place, s’ouvrirait et que l’Imaginaire se continuerait dans le Réel. C’est bien en effet ce qui se passe, puisque les corps ne sont produits, de la façon la plus futile, que comme appendices de la vie, autrement dit de ce sur quoi Freud spécule quand il parle du germen.
Nous trouvons la, autour de la fonction parlante, quelque chose qui, si l’on peut dire, isole l’homme, dont Il faudrait à ce moment-là marquer que ce n’est qu’en fonction de ceci qu’il n’y a pas de rapport sexuel, que ce que nous pouvons appeler dans l’occasion le langage, si je puis dire, y suppléerait. C’est un fait que le bla-bla meuble, meuble ce qui se distingue de ceci qu’il n’y a pas de rapport.
Oui, il faudrait dans ce cas que le Réel, sans que nous puissions savoir où il s’arrête, que le Réel, nous le mettions en continuité avec l’Imaginaire. En d’autres termes, ça commence là quelque part au beau milieu du Symbolique. Ça expliquerait que l’Imaginaire, ici tracé en rouge, effectivement se reploie dans le Symbolique, mais qu’il en est d’autre part étranger, comme en témoigne le fait qu’il n’y a que l’homme à parler. Vous voyez ici que le Réel est dessiné en vert.
Oui, j’aimerais que quelqu’un m’interpelle à propos de ce que j’ai aujourd’hui, pour vous, péniblement essayé de formuler de cette façon très peu symbolique; c’est quelque chose qui n’est pas facile à exprimer. Je pense que, pour ce qui est de cette tresse à quatre [Fig. V-2], elle me semble reproduire, reproduire très exactement ce qui est ici [Fig. V-1], c’est à savoir que c’est d’une façon de la représenter comme tresse dont il s’agit. Si je n’y ai pas effectivement réussi d’emblée, c’est parce qu’il ne faut pas croire que ce soit aisé de faire une tresse à 4; il y faut partir d’un point qui sectionne les entrecroisements, si je puis dire, d’une façon appropriée et il se peut que les choses soient telles qu’à partir d’un de ces points, on ne trouve pas moyen de faire la tresse.
C’est bien à ça que je me suis si longuement attardé, si longuement attardé qu’il en est résulté plus qu’un dommage pour ce que j’avais à vous dire aujourd’hui. Si donc quelqu’un veut bien me donner la réplique, à savoir m’interroger sur ce que j’ai voulu dire aujourd’hui, je lui en serais reconnaissant.
– X : Je me permets de vous poser une question… Je voulais vous demander, parce que vous avez dit, « le présupposé espace », et je n’ai jamais très bien compris – et je l’avoue humblement devant cette noble assemblée – que vous disiez « ek-siste » ou « existe ». J’ai le droit d’avoir mes faiblesses. Mais pourquoi ne pourriez-vous pas dire : le « père espace» ?
– Lacan: Oui
– X :je me demande, et puis vous avez dit le « présupposé tétraèdre qui est à trois dans l’espace forme tresse». Je ne suis pas au cirque, mais je me souviens puisque nous parlons de sphère, avec ces balles que vous avez envoyées qui sont si différentes, on peut la tresser.
– Lacan: On peut?
-X: On peut la tresser sur l’île Borromée. On peut faire la tresse dans l’espace comme le jongleur.
Lacan: Ouais…
– X : C’est ce que vous avez dit qui est difficile à plat, vous l’avez avoué vous-même. Personne ne vous l’a dit?
– Lacan : Oui, oui c’est vrai. Bien, est-ce que quelqu’un d’autre a une question à poser?
– Y : Est-ce que l’ouverture du Réel et de l’Imaginaire avec le Symbolique replié sur lui-même suppose que vous passiez du domaine de l’homme au domaine de la vie et des vivants ?
– Lacan : Il n’est certainement pas le seul à vivre.
-X: Vous ne m’entendez pas parce que justement je n’ai pas de micro. La technique est faite ainsi qu’il y a des micros. Pourquoi est-ce que vous ne vous en servez pas? Est-ce que c’est pour donner plus de valeur à ce que vous dites?
– Lacan : Certainement pas. Je m’excuse d’avoir dû aller au tableau plus d’une fois.
– X : Alors, si la fonction parlante isole l’homme, qu’en est-il d’une manifestation préverbale, c’est-à-dire de l’ouverture possible du Réel – je relis : le Réel en continuité avec l’Imaginaire – comment voyez-vous par exemple des manifestations préverbales qui sont toutes celles de l’art par exemple.
– Lacan : Celles de?
-X:… l’art, la musique, l’art entre guillemets, la peinture, la musique, enfin tous les arts qui sont, qui ne passent pas par la talking-cure qui ne passent pas par le parler ?
Alors, si vous mettez le Réel en continuité avec l’Imaginaire par une ouverture ici, je crois, d’une expérience qui est la mienne de la peinture que la continuité ici dessinée par vous au tableau par une ouverture est en acte – je dis bien en acte – cette fois par le corps, qui est comme vous l’avez défini et comme Freud le définit par le germen, comme le corps étant là appendice, je pense que là au niveau de la peinture se passe justement un jeu d’appendice pré-verbal, c’est-à-dire et alors là, je vous demande d’enchaîner justement, non pas que je ne sais pas la suite, mais que j’attends votre riposte.
– Lacan: Oui
– X :je vois dans ce graphe, qui est la représentation d’une coupure, mais où il y a la possibilité d’une ouverture, en acte qui est l’acte de la peinture, qui est justement là le fait d’une ouverture, mais par une continuité qui serait, excusez-moi, une sorte de…, un peu comme quand vous prenez du caramel, ça fait des fils; alors cette fois il n’y a pas la coupure entre le sujet et le lieu de l’Autre, il n’y a pas cette aliénation qui nous a été décrite dans la musique, la fois dernière, où le petit a s’évanouit, disons qu’entre le Sujet et le lieu de l’Autre ça fait des fils. C’est comme quand on fait du caramel. A partir du compulsionnel du Sujet jusqu’au lieu de l’Autre, moi, je vois une possibilité curieuse du langage de la peinture, qui est la mienne, et qui est un langage où au niveau du dénoté, c’est-à-dire au niveau de ce qui est le dictionnaire et de ce qui est mis en abîme et qui est en fonction de l’heure dans votre étude sur le langage à partir de la cure, ici dans le fait pictural il y a une sorte d’insistance et comme Lacan dit que le sens ne consiste pas en ce qu’il signifie au moment même, effectivement il y a toujours cette glissade et ce jeu des signifiants comme dans le Séminaire de la Lettre volée, ici il y aurait un processus de continuité, de curieuse insistance, à un premier niveau qui serait un niveau du dénoté, qui existerait en poésie, qui existe en ce qui me concerne moi, dans une expérience picturale où à ce moment-là il y a une première mise en scénario, en scène; les signes sont scénoengraphés et vont insister à un niveau où le primaire passe dans le secondaire et si vous voulez, fait une première mise en forme de signes qui eux-mêmes seront après mis en condition d’abîme par le jeu d’une sorte d’engrenage scénique.
-Lacan : Moi, je crois que votre pré-verbal en l’occasion est tout à fait modelé par le verbal. Je dirais presque que c’est un hyper-verbal. Ce que vous appelez dans l’occasion par exemple ces filaments, c’est quelque chose qui est profondément motivé par le symbole et par le signifiant.
-X: Oui, je le crois aussi d’ailleurs. Mais, disons que la voie est autre et ne passe par tout le processus du Symbolique et c’est pas du tout pour mettre en doute ou en défaut votre enseignement, bien que je ne suis pas là pour…
– Lacan: Il n’y a aucune raison qu’on ne puisse pas mettre mon enseignent en défaut.
-X: Non mais disons qu’au niveau de ce qui n’est plus…
-Lacan : J’essaye de dire que l’art dans l’occasion est au-delà du symbolisme. L’art est un savoir-faire et le Symbolique est au principe de faire. Je crois qu’il y a, qu’il y a plus de vérité dans le dire de l’art que dans n’importe quel bla-bla. Ça ne veut pas dire que ça passe par n’importe quelle voie.
– X : Oui, j’ai seulement voulu dire que les choses…
– Lacan : Ce n’est pas un pré-verbal. C’est un verbal à la seconde puissance. Voilà.