samedi, juillet 27, 2024
Recherches Lacan

LXIV La logique du fantasme 1966 – 1967 Leçon du 12 avril 1967

Leçon du 12 avril 1967

 

Non licet omnibus adire… p… que personne ne finit :… Corintho. J’ai prononcé à la latine le premier mot, pour vous suggérer cette traduction que “ce n’est pas l’omnibus pour aller à Corinthe”. L’adage qui nous a été transmis en latin d’une formule grecque signifie plus, je pense, que la remarque qu’à Corinthe les prostituées étaient chères ! Elles étaient chères, parce qu’elles vous initiaient à quelque chose. Ainsi dirai-je qu’il ne suffit pas de payer le prix ; c’est plutôt ce que voulait dire la formule grecque.

Il n’est pas ouvert à tous, non plus, de (guillemets) : “devenir psychanalyste”.

Ainsi en est-il, depuis des siècles, pour ce qui est d’être géomètre : Que seul entre ici… vous savez la suite celui qui est géomètre. Cette exigence était inscrite au fronton de l’école philosophique la plus célèbre de l’Antiquité et elle indique bien ce dont il s’agit : l’introduction à un certain mode de pensée, que nous pouvons préciser, d’un pas de plus, à savoir qu’il s’agit de catégories (au pluriel).

Catégories veut dire (comme vous le savez), en grec, l’équivalent du mot “prédicaments” en latin : ce qui est le plus radicalement prédicable pour définir un champ.

Voilà ce qui emporte avec soi un registre spécifié de démonstration. C’est pour cela qu’on a entendu, dans la suite de l’exigence platonicienne, se manifester de façon réitérée la prétention de démontrer more geometrico ; ce qui témoigne combien le dit mode de démonstration représentait un idéal. On sait — on souhaite que vous sachiez, je vous l’indique autant que je peux, c’est-à-dire dans les limites du champ qui m’est, à moi, réservé — que la métamathématique vient maintenant, sur l’éventail des réfections catégorielles qui ont scandé historiquement les conquêtes du géométrique, que cette métamathématique — dis-je — vient à radicaliser plus encore le statut du démontrable.

Comme vous le savez, de plus en plus la géométrie s’éloigne des intuitions qui la fondent — spatiales par exemple — pour s’attacher à n’être plus qu’une forme spécifiable et d’ailleurs diversement étagée — de démonstration —. Au point qu’au terme, la métamathématique ne s’occupe plus que de l’ordre de cet étagement, dans l’espoir d’en arriver, pour la démonstration, aux exigences les plus radicales.

SUPPOSONS une science qui ne peut commencer que par ce qui est — dans les réfections, ainsi évoquées, d’un certain champ — leur point terminal. Inutile pour une telle science d’y balbutier un arpentage, d’abord, où s’ordonnerait une première familiarité au mesurable, voir la transmission des formules les plus grosses d’avenir, émergeant singulièrement sous l’aspect du secret de calculs ; je veux dire : inutile pour elle, à tout le moins trompeur et vain, de s’arrêter à l’étape babylonienne de la géométrie. Ceci, parce que tout étalon de mesure, rencontré au départ, y emporte la souillure d’un mirage impossible à dissiper.

C’est ce que nous avons pointé d’abord dans notre enseignement, en dénonçant — sans le nommer encore de son terme, tel que nous l’avons épinglé, comme l’imaginaire — les tromperies du narcissisme, quand nous avons établi la fonction du stade du miroir. De rencontrer un tel obstacle, ce fut le lot de beaucoup de sciences, en effet. C’est même là que se situe le privilège de la géométrie.

Ici, bien sûr, s’offre à nous, presque d’emblée, la pureté de la notion de grandeur. Qu’elle ne soit pas ce qu’un vain peuple pense n’a pas ici à nous retenir. Pour la science que nous supposons, c’est une tout autre tablature : ce n’est pas seulement que l’étalon de mesure y soit inopérant, c’est que la conception même de l’unité y boite, tant qu’on n’a pas réalisé la sorte d’égalité où s’institue son élément, c’est-à-dire l’hétérogénéité qui s’y cache.

Qu’on se rappelle l’équation de la valeur, aux premiers pas du Capital (… de Marx pour ceux qui l’ignoreraient… on ne sait jamais, il y a peut-être des distraits !) Dans son écrit patent, à cette équation, c’est la proportion qui résulte des prix de deux marchandises : tant de tant égale tant de tant : rapport inverse du prix à la quantité obtenue de marchandise. Or, il ne s’agit point du patent, mais de ce qu’elle recèle, de ce que l’équation retient en elle, qui est la différence de nature des valeurs ainsi conjointes et la nécessité de cette différence.

Ce ne peut être, en effet, la proportion, le degré d’urgence, par exemple, de deux valeurs d’usage, qui fonde le prix, non plus de celle et pour cause ! — de deux valeurs d’échange. Dans l’équation des valeurs, l’une intervient comme valeur d’usage et l’autre comme valeur d’échange. On sait qu’on voit se reproduire un piège semblable, quand il s’agit de la valeur du travail.

L’important, c’est qu’il soit démontré, dans cette oeuvre “critique” (comme elle s’intitule elle-même), que constitue le Capital, qu’à méconnaître ces pièges toute démonstration reste stérile ou se dévoie.

La contribution du marxisme à la science — ce n’est certes pas moi qui ai fait ce travail — c’est de révéler ce latent comme nécessaire au départ — au départ même, j’entends — de l’économie politique.

C’est la même chose pour la psychanalyse, et cette sorte de latent, c’est ce que j’appelle — ce que j’appelle, quant à moi — c’est ce que j’appelle : la STRUCTURE.

Mes réserves étant prises du côté de tout effort de noyer cette notion — à serrer, des départs nécessaires dans un certain champ qui ne peut se définir autrement que le champ critique — de noyer ceci dans quelque chose que j’identifie mal sous le nom vague de “structuralisme”, il ne faut pas croire que ce latent manque dans la géométrie, bien sûr ! Mais l’histoire prouve que c’est à sa fin maintenant qu’on peut se contenter de s’en apercevoir, parce que les préjugés sur la notion de la grandeur, qui proviennent de son maniement dans le réel, n’ont pas fait tort par hasard à son progrès logique. Encore n’est-ce que maintenant qu’on peut le savoir, en constatant que la géométrie qui s’est faite n’a plus aucun besoin de la mesure, de la métrique ni même de l’espace dit réel.

Il n’en va pas ainsi, je vous l’ai dit, pour d’autres sciences et la question : pourquoi en est-il qui ne sauraient démarrer sans avoir élaboré ces faits ? Je dis ces faits, qu’on peut dire derniers, comme étant de structure — peut-être en pouvons-nous poser dès maintenant la question comme pertinente, si nous savons la rendre homologue à ces faits.

À la vérité, nous y sommes prêts, puisque cette structure, nous l’avons notée autant que pratiquée, à la rencontrer dans notre expérience psychanalytique, et que nos remarques — si nous les introduisons de quelque vue, d’ailleurs triviales (j’enfonce là des portes ouvertes), sur l’ordre des sciences -, nos remarques ne sont pas sans viser à de tels résultats qu’il faille bien, enfin, que cet ordre — je dis : l’ordre des sciences — s’en accomode.

La structure enseignais-je, depuis que j’enseigne — non depuis que j’écris, depuis que j’enseigne — la structure, c’est que le sujet soit un fait de langage ; soit un fait DU langage.

Le sujet ainsi désigné est-ce à quoi est généralement attribuée la fonction de la parole.

Il se distingue d’introduire un mode d’être qui est son énergie propre (j’entends : au sens aristotélicien du terme* énergie), ce mode est l’acte où il se tait. Tacere n’est pas silere, et, pourtant, se recouvrent à une frontière obscure.

Écrire, comme on l’a fait, qu’il est vain de chercher dans mes Écrits quelque allusion au silence, est une sottise. Quand j’ai inscrit la formule de la pulsion — au haut à droite du graphe — comme S barré poinçon de D (la demande) $  D : c’est quand la demande se tait, que la pulsion commence.

Mais si je n’ai point parlé du silence, c’est que, justement sileo n’est pas taceo. L’acte de se taire ne libère pas le sujet du langage. Même si l’essence du sujet, dans cet acte, culmine — s’il agit l’ombre de sa liberté — ce se taire reste lourd d’une énigme, qui a fait lourd, si longtemps, la présence du monde animal. Nous n’en avons plus trace que dans la phobie, mais souvenons-nous que, longtemps, on y put loger des dieux.

Le silence éternel de quoi que ce soit — de tout ce que vous savez — ne nous effraie plus qu’à moitié, en raison de l’apparence que donne la science à la conscience commune, de se poser comme un savoir, qui refuse de dépendre du langage ; sans que pour autant cette prétendue conscience soit frappée de cette corrélation : qu’elle refuse — du même coup de dépendre du sujet.

Ce qui a lieu, en vérité, ça n’est pas que la science se passe du sujet : c’est qu’elle le “vide” du langage (j’entends : l’expulse), c’est qu’elle se crée ses formules d’un langage vidé du sujet. Elle part d’une interdiction sur l’effet de sujet du langage. Ceci n’a qu’un résultat, c’est de démontrer, en effet, que le sujet n’est qu’un effet — et du langage, mais que c’est un effet de vide.

Dès lors, le vide le cerne au plus strict de son essence, c’est-à-dire : le fait apparaître comme pure structure de langage et c’est là le sens de la découverte de l’inconscient.

L’inconscient, c’est un moment où parle — à la place du sujet — du PUR LANGAGE : une phrase dont la question est toujours de savoir qui la dit.

L’inconscient, son statut — qu’on peut bien dire scientifique, puisqu’il s’origine du fait de la science — c’est que le sujet… c’est que c’est le sujet qui, rejeté du symbolique, reparaît dans le réel ; y présentifiant ce qui est maintenant fait dans l’histoire de la science — j’entends dire accompli -, y présentifiant son seul support : le langage lui-même. C’est le sens de l’apparition, dans la science de la nouvelle linguistique.

De quoi parle le langage lui-même, quand il est ainsi désarrimé du sujet — mais, par cela, le représentant dans son vide structural, radicalisé?

Ceci nous le savons, en gros il parle… il parle du sexe. D’une parole dont — ce que je vais aborder : l’acte sexuel, pour l’interroger — dont l’acte sexuel représente le silence. C’est-à-dire — vous allez le voir : combien nécessairement — d’une parole tenace, obstinée, ce silence, et pour cause, à le forcer.

Je prendrais le temps, quand même… (le Dr Lacan souffle, à part : “Faites passer ma montre — Gloria”)… Je prendrais le temps… (de même : “merci”)… de dissiper ici, d’une façon que je ne crois pas inutile, le premier préjugé à se présenter — il n’est pas neuf, bien sûr, mais l’éclairer d’un jour nouveau a toujours sa portée — le premier préjugé à se présenter dans le contexte psychologisant : la différence — à la constituer par référence à l’énonciation que nous venons d’en faire, la seule vraie — de l’inconscient, pourrait se formuler, de la chute, dans notre énoncé, d’un indice essentiel à la structure : non du sexe, comme je l’ai dit, parlerait-il, cet inconscient ; ici, la tête frivole — et Dieu sait qu’elle abonde ! — avale ce du : “l’inconscient parle sexe”, il brame,- il râle, il roucoule, il miaule ! Il est de l’ordre de tous les bruits vocaux de la parole : c’est une “aspiration sexuelle”… Tel est le sens, en effet, que suppose au meilleur cas, l’usage qui est fait du terme d’instinct de vie, dans la rumination psychanalytique.

Tout usage erroné du discours sur le sujet a pour effet de le ravaler — ce discours même — au niveau de ce qu’il fantasme à la place du sujet. Ce discours psychanalytique dont je parle est lui-même : râle. Il râle à appeler la figure d’un Éros qui serait puissance unitive et encore : dans un impact universel. Tenir pour de la même essence ce qui retient ensemble les cellules d’un organisme et — j’entends de la même essence — la force supposée pousser l’individu ainsi composé, à copuler avec un autre, est proprement du domaine du délire, en un temps pour lequel la méiose, je pense, se distingue suffisamment de la mitose, au moins au microscope !…. je veux dire pour tout ce que supposent les phases anatomiques du métabolisme qu’elles représentent.

L’idée d’Éros comme d’une âme aux fins contraires de celles de Thanatos et agissant par le sexe, c’est un discours de “midinette au printemps”; comme s’exprimait autrefois le regretté Julien Benda, bien oublié de nos jours, mais enfin qui a représenté, un temps, cette sorte de bretteur qui résulte d’une intelligentsia devenue inutile.

S’il fallait quelque chose pour replacer les égarés dans l’axe de l’inconscient structuré comme un langage, ne suffit-il pas de l’évidence fournie par ces objets qu’on n’avait jamais encore appréciés comme nous pouvons le faire le phallus, les différents objets partiels ?

Nous reviendrons sur ce qui résulte de leur immixtion dans notre pensée, sur le tour qu’ont pris les fumées de telle ou telle vague philosophie contemporaine, plus ou moins qualifiée d’existentialisme. Pour nous, ces objets témoignent que l’inconscient ne parle pas la sexualité, non plus qu’il ne la chante, mais qu’à produire ces objets il se trouve — justement ce que j’ai dit — : en parler. Puisque c’est d’être à la sexualité dans un rapport de métaphore et de métonymie que ces objets se constituent.

Si fortes, si simples que soient ces vérités, il faut croire qu’elles engendrent une bien grande aversion ; puisque c’est à éviter qu’elles restent au centre, qu’elles ne puissent être désormais plus que le pivot de toute articulation du sujet, que s’engendre cette sorte de liberté falote, à laquelle j’ai déjà fait allusion plus d’une fois dans ces dernières phrases et que caractérise le manque de sérieux.

Que dire de ce que dit — de l’acte sexuel — l’inconscient ?

Je pourrais dire, si je voulais faire ici du Barbey d’Aurevilly : “Quel est” — un jour, imagina-t-il de faire dire a un de ces prêtres démoniaques qu’il excellait à feindre — “Quel est le secret de l’Église ?” Le secret de l’Église, vous le savez, bien fait pour effrayer de vieilles dames provinciales : “C’est qu’il n’y a pas de Purgatoire”.

Ainsi, m’amuserai-je à vous dire ce qui, peut-être, vous ferait quand même un certain effet, et après tout ce n’est pas pour rien que je scande ce que je vais dire de cette étape Le secret de la psychanalyse, le grand secret de la psychanalyse, c’est qu’IL N’Y A PAS D’ACTE SEXUEL.

Ceci serait soutenable — et illustrable !…. À vous rappeler ce que j’ai appelé l’acte, à savoir ce redoublement d’un effet moteur aussi simple que “je marche”, qui fait simplement qu’à se dire seulement, d’un certain accent, il se trouve répété et, de ce redoublement, prend la fonction signifiante qui le fait pouvoir s’insérer dans une certaine chaîne pour y inscrire le sujet.

Y a-t-il, dans l’acte sexuel, ce quelque chose où — selon la même forme — le sujet s’inscrirait comme sexué, instaurant du même acte sa conjonction au sujet du sexe qu’on appelle opposé ?

Il est bien clair que tout, dans l’expérience psychanalytique, parle là-contre ; que rien né de cet acte, qui ne témoigne que ne saurait s’en instituer qu’un discours où compte ce tiers, que j’ai tout à l’heure suffisamment annoncé par la présence du phallus et des objets partiels, et dont il nous faut maintenant articuler la fonction, d’une façon telle qu’elle nous démontre quel rôle elle joue — cette fonction — dans cet acte. Fonction toujours glissante, fonction de substitution, qui équivaut presque à une sorte de jonglage et qui, en aucun cas, ne nous permet de poser dans l’acte- j’entends : dans l’acte sexuel — l’homme et la femme opposés en quelque essence éternelle.

Et pourtant… J’effacerai ce que j’ai dit du “grand secret” comme étant qu’il n’y a pas d’acte sexuel, justement en ceci que ce n’est pas un grand secret ! que c’est patent, que l’inconscient ne cesse de le crier à tue-tête et que c’est bien pour cela que les psychanalystes disent : “fermons lui la bouche, quand il dit cela ; parce que, si nous le répétons avec lui, on ne viendra plus nous trouver !” À quoi bon, s’il n’y a pas d’acte sexuel ?

Alors, on met l’accent sur le fait qu’il y a de la sexualité.

En effet, c’est bien parce qu’il y a de la sexualité qu’il n’y a pas d’acte sexuel ! Mais l’inconscient veut peut-être dire qu’on le manque ! En tout cas, ça a bien l’air !….

Seulement, pour que ceci prenne sa portée, il faut bien accentuer, d’abord, que l’inconscient le dit.

Vous vous rappelez l’anecdote du curé qui prêche, hein ? Il a prêché sur le péché. Qu’est-ce qu’il a dit ? Il était contre…- (rires) eh bien, l’inconscient, qui prêche lui aussi, à sa façon, sur le sujet de l’acte sexuel, eh bien, il est pas pour !….

C’est de là, d’abord, pour concevoir ce dont il s’agit quand il s’agit de l’inconscient, qu’il convient de partir. La différence de l’inconscient avec le curé mérite quand même d’être relevée à ce niveau : c’est que le curé dit que le péché est le péché, au lieu que, peut-être l’inconscient, c’est lui qui fait de la sexualité un péché. Il y a une petite différence…

Là-dessus, la question va être de savoir comment se propose à nous ceci : que le sujet a à se mesurer avec la difficulté d’être un sujet sexué.

C’est ce pourquoi j’ai introduit dans mes derniers propos logistiques, cette référence dont, je pense, j’ai suffisamment souligné ce qu’elle vise : d’établir le statut de l’objet petit a, celle qui s’appelle le Nombre d’or, en tant qu’il donne proprement, sous une forme aisément maniable, son statut à ce qui est en question, à savoir : l’incommensurable.

Nous partons de l’idée, pour l’introduire, que dans l’acte sexuel il n’est aucunement question que ce petit a, où nous indiquons ce quelque chose qui est en quelque sorte la substance du sujet… (si vous entendez cette substance, au sens où Aristote la désigne dans l’ousia, à savoir — ce qu’on oublie — c’est que ce qui la spécifie est justement ceci qu’elle ne saurait d’aucune façon être attribuée à aucun sujet, le sujet étant entendu comme l’ upokeimenon)… Cet objet petit a, en tant qu’il nous sert de module pour interroger celui qui en est supporté, n’a pas à chercher son complément à la dyade — ce qui lui manque pour faire deux — ce qui serait bien désirable… C’est que la solution de ce rapport, grâce à quoi peut s’établir le deux, tient tout entière dans ce qui va se passer de la référence du petit a, le Nombre d’or, au Un en tant qu’il engendre ce manque, qui s’inscrit ici d’un simple effet de report et, du même coup, de différence, sous une forme : un moins a qui, au calcul (un fort simple calcul que j’ai déjà assez inscrit sur ce tableau pour vous prier de le retrouver vous-mêmes), se formule par a au carré, 1-a = a2.

Je ne le rappelle, ici, que pour mettre — à l’orée de ce que je veux introduire, sur ce qui essentiel à articuler, pour vous, comme je l’ai dit tout à l’heure — d’abord, au départ de notre science, à savoir ce qui introduit nécessairement (quoique paradoxalement), à ce nœud sexuel, où se dérobe et nous fuit l’acte qui fait pour l’instant notre interrogation. Le lien de ce petit a — en tant qu’ici, vous le voyez, il représente — darstellt -, supporte et présentifie d’abord le sujet lui-même, que c’est là le même qui va apparaître dans l’échange, dont nous allons maintenant montrer la formule, comme pouvant servir de cet objet que nous touchons dans la dialectique de la cure, sous le nom de l’objet partiel — le rapport, donc, de ces deux faces de la fonction petit a, avec cet indice, cette forme de l’objet qui est au principe de la castration.

Je ne clorai pas ce cycle aujourd’hui. C’est pourquoi je veux l’introduire par deux formules répondant à une sorte de problème que nous posons a priori : quelle valeur faudrait-il donner à cet objet petit a — s’il est bien là comme devant représenter, dans la dyade sexuelle, la différence — pour qu’il produise deux résultats entre lesquels est suspendue aujourd’hui notre question?

Question qui ne saurait être abordée que par la voie où je vous mène en tant qu’elle est la voie logique. J’entends : la voie de la logique. La dyade et ses suspens, c’est ce que depuis l’origine, si l’on sait en suivre la trace, élabore la logique elle-même.

Je ne suis pas fait pour vous retracer ici l’Histoire de la logique, mais qu’il me suffise ici d’évoquer, à l’aurore de l’Organon aristotélicien, qui est bien autre chose qu’un simple formalisme, si vous savez le sonder : au premier point de la logique du prédicat, s’édifie l’opposition entre les contraires et les contradictoires. Nous avons fait, vous le savez, bien des progrès depuis, mais ça n’est pas une raison pour ne pas nous intéresser à ce qui fait l’intérêt et le statut de leur entrée dans l’Histoire.

Ce n’est d’ailleurs pas… (je le dis aussi entre parenthèses, pour ceux qui ouvrent quelquefois les bouquins de logique) pour nous interdire, quand nous reprenons à la trace ce qu’a énoncé Aristote — en même temps ! Même pas en marge d’introduire ce dont, par exemple, Lukasiewicz l’a complété depuis. Je dis cela, Darce que dans le livre, d’ailleurs excellent, des deux Kneale ; j’ai été frappé d’une protestation, comme ça, qui s’élevait au tournant d’une page, parce que pour dire ce que dit Aristote, M. Lukasiewicz, par exemple, vient à distinguer ce qui tient au principe de contradiction du principe d’identité et du principe de bivalence ! Voilà !

Le principe d’identité, c’est qu’A est A. Vous savez que ce n’est pas clair que A soit A. Heureusement, Aristote ne le dit pas, mais qu’on le fasse remarquer a tout de même un intérêt !

Deuxièmement : qu’une chose puisse être à la fois, en mima temps, être A et non A, c’est encore tout autre chose ! Quant au principe de bivalence, à savoir qu’une chose doit être vraie ou être fausse, c’est encore une troisième chose 1

Je trouve que, de le faire remarquer éclaire plutôt Aristote et que de faire remarquer qu’Aristote n’a jamais sûrement pensé à toutes ces gentillesses, n’a rien à faire avec la question ! Car c’est précisément ce qui permet de donner son intérêt à ce dont je repars maintenant, à cette grossière affaire des contraires, d’abord, en tant que, pour nous — je veux dire pour ce qui n’est pas dans Aristote, mais ce qui est déjà indiqué dans mon enseignement passé — nous le désignerons par le pas sans. (Ça nous servira plus tard. Ne vous inquiétez pas ! Laissez-moi un petit peu vous conduire.)

Les contraires et c’est ça qui soulève toute la question logique de savoir si, oui ou non, la proposition particulière implique l’existence. Ça a toujours énormément choqué. Dans Aristote, elle l’implique incontestablement : c’est même là-dessus que tient sa logique. C’est curieux que la proposition universelle ne l’implique pas !

Je peux dire : “tout centaure a six membres”. C’est absolument vrai. Simplement, il n’y a pas de centaures. C’est… une proposition universelle. Mais si je dis, dans Aristote ! ; “il y a des centaures qui en ont perdu un”., ça implique que les centaures existent, pour Aristote. J’essaie de reconstruire une logique qui soit un peu moins boiteuse, du côté du centaure !…. Mais ceci ne nous intéresse pas, pour l’instant.

Simplement, il n’y a pas de mâle, sans femelle. Ceci est de l’ordre du réel. Ça n’a rien à faire avec la logique. Tout au moins de nos jours.

Et puis, il y a le contradictoire, qui veut dire ceci si quelque chose est mâle, alors ça n’est pas non-mâle, rien d’autre.

Il s’agit de trouver notre chemin dans ces deux forma les distinctes. La seconde est de l’ordre symbolique ; elle est une convention symbolique, qui a un nom, justement : le tiers exclu.

Ceci doit suffisamment nous faire sentir que ce n’est pas de ce côté-là que nous allons pouvoir nous arranger ; pu : que, au départ, nous avons suffisamment accentué la fonction d’une différence, comme étant essentielle au statut de la diade sexuelle. Si elle peut être fondée — j’entends : subjectivement — nous aurons besoin de ce tiers.

Essayons, n’essayons pas… ne faisons pas la vilaine grimace de prétendre tenter ce que nous avons introduit déjà à savoir le statut logique du contraire. Du contraire en tan qu’ici le l’un et l’autre s’opposent au l’un ou l’autre de là. Ce l’un et, l’autre, c’est l’intersection — j’entends l’intersection logique — mâle et femelle. Si nous voulons inscrire comme il convient ce l’un et l’autre sous la forme de l’intersection de l’algèbre de Boole, ceci veut dire : cette petite lunule de recouvrement spatial… (Lacan dessine deux cercles se recoupant, dessinant une intersection), dont je suis absolument consterné de devoir, une fois de plus, vous présenter la figure ! Car, bien entendu, vous voyez bien qu’elle ne vous satisfait à aucun degré ! Ce que vous voudriez, c’est qu’il en ait un qui soit le mâle et l’autre la femelle, et que, de temps en temps, ils se marchent sur les pieds ! Ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Il s’agit d’une multiplication logique.

L’importance de vous rappeler cette figure booléenne, c’est de vous rappeler, à la différence d’ici, qui est ce lieu très important du jeu de pile ou face (à quoi j’essaye de former ceux qui me suivaient les premières années, au moins pendant un trimestre, histoire de leur faire entend ce que c’était que le signifiant), à l’opposé du jeu de pile ou face qui s’inscrit tout uniment en une succession de plus ou de moins, le rapport de l’un et l’autre s’inscrit sous la forme d’une multiplication, j’entends d’une multiplication logique, d’une multiplication booléenne.

Quelle valeur — puisque c’est de cela qu’il s’agit pouvons-nous supposer à l’élément de différence, pour que le résultat soit, tout net, la dyade ? Mais, bien sûr, c’est vraiment à la portée de tout le monde de le savoir. Vous avez tous au moins gardé ceci de teinture des mathématiques qu’on a vous a enseignées si stupidement, pour peu que vous ayez plus de 30 ans, puis, si vous avez 20 ans, vous avez peut-être eu des chances d’en entendre parler d’une façon un peu différente, qu’importe ! Vous êtes tous sur le même pied, concernant la formule (a + b) multiplié par (a — b). Voilà la différence il y en a un qui l’a en plus,        l’autre qui l’a en moins ; si vous les multipliez, ça fait a2 — b2. Qu’est-ce qu’il faut pour que a2 — b2 soit — tout net — égal à deux, à la dyade ? C’est très facile : il suffit d’égaler ce qui est écrit ici : b, à racine de moins un. C’est-à-dire à une fonction numérique qu’on appelle nombre imaginaire et qui intervient maintenant dans tous les calculs, de la façon la plus courante, pour fonder ce qu’on appelle — extension des nombres réels — le nombre complexe.

a, s’il s’agit de le spécifier de deux façons opposées, avec plus quelque chose et avec moins quelque chose, et qu’il en résulte 2, il suffit de l’égaler à i. C’est ainsi que, d’habitude, on écrit, d’une façon abrégée, et d’ailleurs beaucoup plus commode, cette fonction dite imaginaire du -1.

Ne croyez pas que ça doive nous servir à rien du tout, ce que je vous explique là ! Je l’introduis ici, à l’orée de ce que j’ai à vous indiquer, parce que cela nous servira dans la suite et que ceci éclaire un rapprochement : ce qui s’offre à nous comme l’autre possibilité, à savoir : si nous nous demandons à l’avance ce qu’il convient d’obtenir… — ce qui a : peut-être aussi, pour nous, son intérêt !- car il est très intéressant aussi de savoir pourquoi, pourquoi, dans l’inconscient — concernant l’acte sexuel — eh bien, justement, ce qui serre, ce qui marque la différence au premier rang de quoi est le sujet lui-même ; eh bien ! Non seulement nous sommes bien forcés de dire que ça reste à la fin, mais il est exigé, pour que ce soit un acte sexuel, que ça reste à la fin ! Autrement dit : que (a + b) multiplié par (a — b) égale… a !

Pour que ceci égale a… (quand a, bien sûr, naturellement ce n’est pas ce A d’ici dont je parle)

Le A d’ici — nous allons le faire (comme tout à l’heure, quand il s’agissait d’obtenir 2) nous allons le faire égal à 1. Il est bien entendu que c’est (1 + i) (1 — i) qui est égal à 2.

(1 + a) (1 — a) donne a, à condition que a soit égal à ce Nombre d’or — c’est le cas de le redire — dont je me sers pour introduire, pour vous, la fonction de l’objet petit a.

Vérifiez : quand petit a est égal au Nombre d’or le produit de (1 + a) (1 — a) est égal à a. (1)

C’est ici que je suspends pour un temps, le temps de la leçon que j’ai à finir, ce dont j’ai voulu, pour vous, proposer la grille logique.

Venons maintenant à considérer ce dont il s’agit, concernant l’acte sexuel.

Ce qui va nous servir à nous en occuper, est ce qui justifie le fait que, tout à l’heure, j’ai introduit la formule de Marx.

Marx nous dit, quelque part dans les Manifestes philosophiques, que l’objet de l’homme n’est rien d’autre que son essence même prise comme objet ; que l’objet aussi auquel un sujet se rapporte, par essence et nécessairement, n’est rien d’autre que l’essence propre de ce sujet non objectivé.

Des gens, parmi lesquels j’ai quelques-unes des personnes qui m’écoutent, ont bien montré le côté, je dirais primaire, de cette approximation marxiste. Il serait curieux que nous soyons très en avance sur cette formulation.

Cet objet dont il s’agit, cette essence propre du sujet, mais objectivé, est-ce que ce n’est pas nous qui pouvons lui donner sa véritable substance ?

Partons de ceci — où nous avons dès longtemps, pris appui — qu’il y a un rapport entre ce qu’énonce la psychanalyse sur le sujet de la loi fondamentale du sexe : interdiction de l’inceste, — pour autant que, pour nous, elle est un autre reflet, et déjà combien suffisant, de la présence de l’élément tiers dans tout acte sexuel, en tant qu’il exige présence et fondation du sujet.

Aucun acte sexuel — c’est là l’entrée dans le monde de la psychanalyse — qui ne porte la trace de ce qu’on appelle, improprement la scène traumatique ; autrement dit d’un rapport référentiel fondamental au couple des parents.

Comment se présentent les choses à l’autre bout, vous le savez : Lévi-Strauss : Structures élémentaires de la parenté, l’ordre d’échange sur lequel s’institue l’ordre de la parenté, c’est la femme qui en fait les frais, ce sont les femmes qu’on échange. Quelle qu’elle soit : patriarcale, matriarcale, peu importe ! ce que la logique de l’inscription impose à l’ethnologue, c’est de voir comment voyagent les femmes entre les lignées.

Il semble que, de l’un à l’autre, il y ait là quelque béance. Eh bien, c’est ce que nous allons essayer, aujourd’hui d’indiquer : comment cette béance, pour nous, s’articule ; autrement dit : comment, dans notre champ, elle se comble.

Nous avons tout à l’heure marqué que l’origine du démasquage, de la démystification économique, est à voir dans la conjonction de deux valeurs de nature différente. C’est bien ici ce à quoi nous avons affaire. Et toute la question est celle-ci, pour le psychanalyste : de s’apercevoir que ce qui, de l’acte sexuel, fait problème, n’est pas social, puisque c’est là que se constitue le principe du social, à savoir dans la loi d’un échange.

Echange des femmes ou non, ceci ne nous regarde pas encore. Car si nous nous apercevons que le problème est de l’ordre de la valeur, je dirai que, déjà, tout commence à s’éclairer suffisamment, de lui donner son nom ; au principe de ce qui redouble — de ce qui dédouble en sa structure — la valeur au niveau de l’inconscient, il y a ce quelque chose qui tient la place à la valeur d’échange, en tant que, de sa fausse identification à la valeur d’usage, résulte la fondation de l’objet-marchandise. Et même on peut dire plus : qu’il faut le capitalisme pour que cette chose, qui l’antécède de beaucoup, soit révélée.

De même, il faut le statut du sujet, tel que le forge la science, de ce sujet réduit à sa fonction d’intervalle, pour que nous nous apercevions que ce dont il s’agit, de l’égalisation de deux valeurs différentes, se tient ici entre valeur d’usage — et pourquoi pas ? nous verrons ça tout à l’heure !…. — et valeur de jouissance.

Je souligne : valeur de jouissance joue-là le rôle de la valeur d’échange.

Vous devez bien sentir tout de suite que ça a vraiment quelque chose qui concerne le COEUR MEME de l’enseignement analytique, cette fonction de valeur de jouissance. Et que, peut-être, c’est là ce qui va nous permettre de formuler d’une façon complètement différente, ce qu’il en est de la castration. Car enfin, si quelque chose est accentué, dans la notion même, si confuse soit-elle encore, dans la théorie, de maturation pulsionnelle, c’est bien quand même ceci, qu’il n’y a d’acte sexuel — j’entends au sens où je viens d’articuler sa nécessité — qui ne comporte (chose étrange !) : la castration. Qu’appelle-t-on la castration ?

Ca n’est tout de même pas, comme dans les formules si agréablement avancées par le petit Hans, qu’on “dévisse le petit robinet” ! Car il faut bien qu’il reste à sa place. Ce qui est en cause, c’est ce qui s’étale partout d’ailleurs dans la théorie analytique : c’est qu’il ne saurait prendre sa jouissance en lui-même.

Je suis à la fin de ma leçon d’aujourd’hui. De sorte que là, n’en doutez pas, j’abrège. J’y reviendrai la prochaine fois. Mais c’est pour accentuer simplement ceci, d’où je voudrais partir ; c’est à savoir ce que cette équation des deux valeurs — dites d’usage et d’échange — a d’essentiel en notre matière.

Supposez l’homme réduit à ce qu’il faut bien dire (on ne l’a jamais encore réduit institutionnellement) : à la fonction qu’a l’étalon dans les animaux domestiques. Autrement dit, servons-nous de l’anglais, où comme vous le savez, on dit une she-goal, pour dire une chèvre, ce qui veut dire un elle-bouc. Eh bien, appelons l’homme comme il convient : un he-man. C’est tout à fait concevable — instrumentalement. En fait, s’il y a quelque chose qui donne une idée claire de la valeur d’usage, -c’est de ce qu’on fait quand on fait venir un taureau Dour un certain nombre de saillies. Et il est bien singulier que personne n’ait imaginé d”inscrire les structures élémentaires de la parenté dans cette circulation du tout-puissant phallus !

Chose curieuse : c’est nous qui découvrons que cette valeur phallique, c’est la femme qui le représente !

Si la jouissance — j’entends : la jouissance pénienne — porte la marque dite de la castration, il semble que ce soit pour que, d’une façon que nous appellerons avec Bentham, “fictive”, ce soit la femme qui devienne ce dont on jouit. Prétention singulière ! qui nous ouvre toutes les ambiguïtés propres au mot de, jouissance, pour autant que dans les termes du développement juridique qu’il comporte à partir de ce moment, il implique : possession.

Autrement dit, que voici quelque chose de retourné ça n’est plus le sexe de notre taureau — valeur d’usage — qui va servir à cette sorte de circulation où s’instaure l’ordre sexuel ; c’est la femme, en tant qu’elle est devenue à cette occasion, elle-même, le lieu de transfert de cette valeur soustraite au niveau de la valeur d’usage, sous la forme de l’objet de, jouissance.

C’est très curieux !…. C’est très curieux, parce que ça nous entraîne : si j’ai introduit tout à l’heure, pour vous, le he-man, me voilà… -et d’ailleurs, d’une façon très conforme au génie de la langue anglaise, qui appelle la femme Roman et Dieu sait si la littérature a fait des gorges chaudes sur ce tao, qui n’indique rien de bon (rires) — je l’appellerai : she-man, ou encore, en langue française, de ce mot — qui va prêter, à partir du moment où je l’introduis, à quelque gorges chaudes et, je suppose, à énormément de malentendus : l — apostrophe — homme-elle.

J’introduis ici l’homme-elle !…. (rires) Je vous la présente, je la tiens parle petit doigt ; elle nous servira beaucoup. Toute la littérature analytique est là pour témoigner que tout ce qui s’est articulé de la place de la femme dans l’acte sexuel, n’est que pour autant que la femme joue la fonction d’homme-elle.

Que les femmes ici présentes ne sourcillent pas, car à la vérité, c’est précisément pour réserver, où elle est, la place de cette Femme (grand F), dont nous parlons depuis le début, que je fais cette remarque.

Peut-être que tout ce qui nous est indiqué, concernant la sexualité féminine — où d’ailleurs, conformément ä l’expérience éternelle, joue un rôle si éminent la mascarade, à savoir la façon dont elle use d’un équivalent de l’objet phallique, ce qui la fait depuis toujours la porteuse de bijoux — “les bijoux indiscrets”, dit Diderot, quelque part : nous allons peut-être savoir les faire enfin parler.

Il est très singulier que, de la soustraction quelque part d’une jouissance qui n’est choisie que pour son caractère bien maniable — si j’ose désigner ainsi la jouissance pénienne — nous voyions s’introduire ici, avec ce que Marx et nous-mêmes appelons le fétiche à savoir cette valeur d’usage, extraite, figée — un trou quelque part — le seul point d’insertion nécessaire à toute l’idéologie sexuelle.

Cette soustraction de jouissance quelque part, voilà le pivot.

Mais ne croyez pas que la femme — là où elle est l’aliénation de la théorie analytique et celle de Freud lui-même qui, de cette théorie, est le père assez grand pour s’être aperçu de cette aliénation dans la question qu’il répétait : “. Due veut la femme ?” — ne croyez pas que la femme, sur ce sujet, s’en porte plus mal !…. je veux dire que sa jouissance elle, elle reste en disposer d’une façon qui échappe totalement à cette prise idéologique.

Pour faire l’homme-elle, elle ne manque jamais de ressources et c’est en ceci que même la revendication féministe ne comporte rien de spécialement original ; c’est toujours la même mascarade qui continue, au « pût du jour, tout simplement. Là où elle reste inexpugnable, inexpugnable comme femme, c’est en dehors du système dit de l’acte sexuel.

C’est à partir de là que nous devons jauger de la difficulté de ce dont il s’agit, concernant l’acte, quant au statut respectif des sexes originels ; l’homme et la femme, dans ce qu’institue l’acte sexuel — pour autant que c’est un sujet qui pourrait s’y fonder — les voici portés au maximum de leur disjonction, par le point où je vous ai menés aujourd’hui.

Car si     je vous   ai parlé d’homme -elle… l’homme -il, lui, disparu ! Hein ! Il n’y en a plus ! Puisqu’il est précisément, comme tel, extrait de la valeur d’usage.

Bien sûr, ça ne l’empêche pas de circuler réellement. L’homme, comme valeur pénienne, ça circule très bien. Mais c’est clandestin ! Quelle que soit la valeur, certainement essentielle, que cela joue dans l’ascension sociale. Par la main gauche, généralement !

Je dirai plus : Nous ne devons pas omettre ceci : que si l’homme-il n’est pas reconnu dans le statut de l’acte sexuel au sens où il est, dans la société, fondateur, il existe une “société protectrice” de l’homme-il. C’est même ce que l’on appelle l’homosexualité masculine. C’est sur ce point, en quelque sorte marginal et humoristiquement épinglé, que je m’arrêterai aujourd’hui, simplement parce que l’heure met un terme à ce que j’avais, pour vous, préparé.

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