samedi, juillet 27, 2024
Recherches Lacan

LXIV La logique du fantasme 1966 – 1967 Leçon du 7 Décembre 1966

 Leçon du 7 Décembre 1966

 

Vous avez pu, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés ici, entendre ce que vous a proposé Jacques-Alain Miller.

Je n’ai pu y ajouter beaucoup d’observations en raison du temps.

Je pense que vous avez pu remarquer, dans cet exposé — marqué d’une sûre connaissance de ce qui, à proprement parler, a été inauguré, nous pouvons dire, dans l’ensemble, comme logique moderne, par le travail et l’œuvre de Boole — (Il n’est peut-être pas indifférent de vous faire savoir que Jacques-Alain Miller, qui n’avait pas été présent à mon dernier… cours, disons, qui n’avait ou, non plus, en avoir communication, puisque moi-même je n’en ai eu le texte qu’il y a deux jours, se trouvait donc, de par la voie et l’exposé qu’il avait choisis… et vous avez pu aussi très bien sentir, je pense, au moment où je l’avais annoncé à mon dernier cours, que je n’étais pas très fixé sur le sujet qu’il avait choisi — ces remarques ont leur intérêt, précisément, en raison de l’extraordinaire convergence, disons, ou encore si vous voulez, réapplication de ce qu’il a ou énoncer devant vous, sans doute, bien-sûr, en connaissance de cause, c’est-à-dire : sachant quels sont les principes et, si je puis dire, les axiomes autour desquels tourne pour l’instant mon développement…) il est néanmoins frappant, qu’à l’aide de Boole — chez qui, bien-sûr, est absente cette articulation majeure : qu’AUCUN SIGNIFIANT NE SAURAIT SE SIGNIFIER LUI-MEME — qu’en partant de la logique de Boole…

(c’est-à-dire de ce moment de virage où, en quelque sorte, on s’aperçoit, à avoir voulu formaliser la logique classique, que cette formalisation elle-même permet non seulement de lui apporter des extensions majeures, mais se révèle être l’essence cachée sur laquelle cette logique avait pu s’orienter et se construire, en croyant suivre quelque chose qui n’était pas vraiment son fondement — en croyant suivre ce que nous allons essayer de cerner aujourd’hui Pour, en quelque sorte, l’écarter du champ où nous allons procéder, Pour autant que nous avons annoncé logique du fantasme.)

… La surprenante aisance avec laquelle, des champs en blanc de la logique de Boole, Miller a retrouvé la situation, la place, où le signifiant dans sa fonction propre y est en quelque sorte élidé, dans ce fameux (-1), dont il a admirablement détaché l’exclusion dans la logique de Boole — la façon dont, Par cette élision — même, il indiquait la Place où ce que j’essaie d’articuler ici se situe, est là quelque chose qui, je crois, a son importance, non Pas du tout que je lui en fasse ici compliment, mais qui vous Permet de saisir la cohérence, la droite ligne, dans laquelle s’insère cette logique que nous sommes obligés de fonder au nom des faits de l’inconscient et qui, comme il faut s’y attendre — si nous sommes ce que nous sommes, c’est-à-dire : rationalistes — ce à quoi il faut s’attendre, c’est, bien évidemment, non Pas que la logique antérieure en soit en quelque sorte renversée, mais qu’elle ne fasse qu’y retrouver ses propres fondements.

Aussi bien vous avez vu, au passage, marquer qu’en ce point qui nécessite pour nous la mise en jeu d’un certain symbole, ce quelque chose qui correspond à ce (-1) dont Boole n’use pas ou s’interdit l’usage, dont il n’est pas sûr que ce soit ce (-1) qui soit le meilleur à l’usage. Car le propre d’une logique, d’une logique formelle, c’est qu’elle opère, et ce que nous avons à dégager cette année, ce sont de nouveaux opérateurs dont l’ombre, en quelque sorte, déjà s’est profilée, dans ce qu’à la mesure des oreilles à qui je m’adressais, j’ai déjà essayé d’articuler d’une façon maniable — maniable pour ce qu’il y avait à manier, qui n’était autre, en l’occasion, que la praxis analytique — mais ce que, cette année, nous portons sur ses limites, sur ses bords à proprement parler, nous contraint de donner des formulations plus rigoureuses pour cerner ce à quoi nous avons affaire et qui mérite sous certaines faces à être pris, entrepris, dans l’articulation la plus générale qui nous soit donnée pour l’instant en matière de logique, à savoir : ce qui se centre de la fonction des ensembles.

Je quitte ce sujet, de ce que Miller a donc apporté la dernière fois, moins comme articulation à ce que je développe devant vous, que comme confirmation, assurance, cadrage, en marge. Il n’est pas inintéressant de vous pointer, qu’en désignant, chez Sartre, sous l’appellation de la “conscience thétique de soi”, la façon qu’il a en quelque sorte d’occuper la place où réside cette articulation logique-qui est notre tâche cette année — il ne s’agit bien là que de ce qu’on appelle un tenant lieu — très proprement- à savoir : ce à quoi, ce dont nous n’avons à nous occuper, nous autres analystes, que d’une façon strictement équivalente à celle dont nous nous occupons des autres tenant-lieu, quand nous avons à manier ce qui est effet de l’inconscient.

C’est bien en quoi l’on peut dire que d’aucune façon ce que je Deux énoncer sur la structure ne se situe par rapport à Sartre, puisque ce point fondamental, autour duquel tourne le privilège qu’il tente de maintenir du sujet, est proprement cette sorte de tenant-lieu qui ne peut d’aucune façon m’intéresser, sinon dans le registre de son interprétation.

Logique, donc, du fantasme… Il faudrait presque aujourd’hui rappeler — mais nous ne pouvons le faire que très rapidement à la façon dont, touchant du bout du doigt une cloche, on la fait un instant vibrer — vous rappeler là-dessus la vacillation non éteinte de ce qui se rattache à la tradition, que le terme “d’universitaire” épinglera ici, (si nous donnons à ce sens non pas quoi que ce soit qui désigne ou honnisse un point géographique, mais ce sens d’ Universitas litterarum ou un cursius classici, disons), il n’est pas inutile au passage d’indiquer que — quels que soient les autres sens bien-sûr, beaucoup plus historiques, qu’on peut donner à ce terme “d’université” — il y a là quelque allusion à ce que j’ai appelé l’Univers du discours. Du moins n’est-il pas vain de rapprocher les deux termes.

Or, il est clair que dans cette hésitation (rappelez-vous-en la valse) que le professeur de philosophie — dans l’année où vous y passâtes à peu près tous autant que vous êtes, je pense — faisait autour de la logique, (à savoir : de quoi s’agit-il ? des lois de la pensée ou de ses normes ? de la façon dont ça fonctionne et. que nous allons extraire, scientifiquement, dirons-nous, ou de la façon dont il faut que ça soit conduit ?)…- admettez que pour qu’on en soit encore à n’avoir pas tranché ce débat, peut-être un soupçon nous peut venir, que la fonction de l’Université au sens où je l’articulais tout à l’heure, est peut-être précisément d’en écarter la décision.

Tout ce que je veux dire c’est que cette décision, peut-être, est plus intéressée — je parle de logique — dans ce qui se passe au Vietnam, par exemple, que ce qu’il en est de la pensée, si tant est qu’elle reste encore ainsi suspendue, dans ce dilemme entre ses lois… ce qui dès lors nous laisse à nous interroger si elle s’applique au “monde”, comme on dit, disons plutôt : au réel, autrement dit : si elle ne rêve pas ? (Je ne perds mas ma corde psychanalytique. Je parle de choses qui nous intéressent, nous analystes, parce qu’à nous, analystes, de savoir si l’homme qui pense rêve, c’est une question qui a un sens des plus concrets), (Pour vous mettre en appétit, pour vous tenir en haleine, sachez que j’ai bien l’intention de poser la question cette année, de ce qu’il en est de l’éveil… Normes de la pensée, à l’autre opposé, voilà bien qui nous intéresse aussi ! et dans sa dimension non-réduite par ce petit travail de ponçage par lequel généralement, le professeur, quand il s’agit de logique dans la classe de philosophie, finira par faire -que — ces lois et ces normes — ça finisse par se présenter avec la même “lisse”, qui permette de filer du doigt de l’une sur l’autre, autrement dit de manier tout ça à l’aveugle.

Pour nous, n’a pas perdu son relief. (je dis : nous analystes), cette dimension qui s’intitule : celle du vrai. Pour autant qu’après tout, elle ne nécessite pas, n’implique pas en elle-même le support de la pensée, et que si à interroger ce que c’est, le vrai dont il s’agit, à propos de quoi est suscité le fantasme d’une norme, assurément, il apparaît bien- d’origine- que ce n’est pas immanent à la Pensée.

Si je me suis permis, pour toucher les oreilles qu’il fallait bien faire vibrer, d’écrire un jour, dressant une figure qu’il ne m’était pas d’ailleurs bien difficile de faire vivre — celle de la vérité, sortant du Puits, comme on la peint depuis toujours -pour lui faire dire : “Moi, la vérité, je Parle”, c’est bien en effet Pour Pointer ce relief où il s’agit pour nous de maintenir ce à quoi, à proprement parler, s’accroche notre expérience et qui est absolument impossible à exclure de l’articulation de Freud. Car Freud y est mis,        tout de suite, au pied du mur- et on n’est pas forcé d’intervenir Pour cela : il s’y était mis lui-même.

La question de la façon dont se présume le champ de l’interprétation, le mode sur lequel la technique de Freud lui offre occasion, l’association litre autrement dit, nous porte au cœur de cette organisation formelle d’où s’ébauchent les premiers pas d’une logique mathématique, qui a un nom dont, tout de même, il n’est pas Possible que le chatouillement ne soit Pas venu à tous à vos oreilles, qu’on appelle réseau – oui et l’on précise, mais ce n’est pas ma fonction aujourd’hui de préciser et de vous rappeler ce qu’on appelle treillis ou lattis (transposition anglaise du mot : treillis)- C’est de ça qu’il s’agit, dans ce que Freud, aussi bien dans ses premières esquisses d’une nouvelle psychologie, que dans la façon dont ensuite il organise le maniement de la séance analytique comme telle, c’est ça qu’il construit avant la lettre, si je puis dire. Et quand l’objection lui est faite, en un point précis de la Traumdeutung (il se trouve que je n’ai pas apporté aujourd’hui l’exemplaire où je vous avais repéré la page), il a à répondre à l’objection : “bien-sûr, avec votre façon de procéder, à tout carrefour, vous aurez bien l’occasion de trouver un signifié qui fera le pont entre deux significations et avec cette façon d’organiser les ponts, vous irez toujours de quelque part à quelque part” ; … (Ce n’est pas pour rien que j’avais mis la petite affichette extraite de l’Aurus Apollo, comme par hasard, à savoir d’une interprétation au XVIème siècle des hiéroglyphes égyptiens, sur une revue maintenant vaporisée qui s’appelait “La Psychanalyse” : l’Oreille et le Pont) C’est de cela qu’il s’agit dans Freud et chaque point de convergence de ce réseau ou lattis, où il nous apprend à fonder la première interrogation, c’est en effet un petit pont. C’est comme ça que ça fonctionne et ce qu’on lui objecte c’est qu’ainsi tout expliquera tout.

Autrement dit, ce qui s’oppose fondamentalement à l’interprétation psychanalytique, ce n’est aucune espèce de “critique scientifique” (entre guillemets) – comme on l’imagine de ce qui est ordinairement le seul bagage que les esprits qui entrent dans le champ de la médecine ont encore de leur année de philosophie, à savoir que le scientifique, ça se fonde sur l’expérience ! Bien entendu, on n’a pas ouvert Claude Bernard, mais on connaît encore le titre…. – ça n’est pas une objection scientifique, c’est une objection qui remonte à la tradition médiévale, où on savait ce que c’était que la logique. C’était beaucoup plus répandu que de notre temps, malgré les moyens de diffusion qui sont les nôtres.

( Les choses en sont d’ailleurs au point que, ayant laissé glisser récemment dans une des interviews dont je vous ai parlé, que mon goût du commentaire, je l’avais pris d’une vieille pratique des scolastiques, j’ai prié qu’on gratte ça, Dieu sait ce que les gens en auraient déduit ! (rires).

Enfin, bref, au Moyen-âge on savait que : Ex falso sequitur quod libet. Autrement dit, qu’il est de la caractéristique du faux de rendre tout vrai. La caractéristique du faux, c’est qu’on en déduit du même pas, du même pied, le faux et le vrai. Il n’exclut pas le vrai. S’il excluait le vrai, ça serait trop facile de le reconnaître ! Seulement pour s’apercevoir de ça, il faut précisément avoir fait un petit nombre minimum d’exercices de logique, ce qui jusqu’à maintenant, que je sache, ne- fait pas partie des études de médecine, et c’est bien regrettable ! Et il est clair que la façon dont Freud répond, nous porte tout de suite sur le terrain de la structure du réseau. Il ne l’exprime pas, bien-sûr, dans tous les détails, les précisions modernes que nous pourrons lui donner. Il serait intéressant d’ailleurs de savoir comment il a pu et comment n’a pas pu profiter de l’enseignement de Brentano, qu’il n’ignorait sûrement pas, nous en avons la preuve dans son cursus universitaire. La fonction de la structure du réseau, la façon dont les lignes- d’association précisément – viennent se recouvrir, se recouper, converger en des points élus d’où se font des redéparts électifs, voilà ce qui est indiqué par Freud. On sait assez, par toute la suite de son oeuvre, l’inquiétude, dirons-nous, le véritable souci pour être plus précis, qu’il avait de cette dimension qui est bien à proprement parler celle de la vérité. Car du point de vue réalité, on est à l’aise ! même à savoir que peut-être le traumatisme n’est que fantasme. D’une certaine façon, c’est même plus sûr, un fantasme, comme je suis en train de vous le montrer, c’est structural, mais ça ne laisse pas Freud – qui était fort capable d’inventer ça aussi bien que moi, vous le pensez – ça ne le laisse pas plus tranquille. Où est là, demande-t-il, le critère de vérité ? Et il n’aurait pas écrit L’homme au loups , si ce n’était pas sur cette piste, sur cette exigence propre est-ce que c’est vrai, ou pas ?

“Est-ce que c’est vrai” ? Il supporte ceci de ce qui se découvre à interroger la figure fondamentale qui se manifeste dans le rêve à répétition de L’homme aux loups. Et “est-ce que c’est vrai” ? ne se réduit pas à savoir si oui ou non et à quel âge il a vécu quelque chose qui a été reconstruit à l’aide de cette figure du rêve. L’essentiel – il suffit de lire Freud pour que vous vous en aperceviez – c’est de savoir comment le sujet, L’homme aux loups , a pu, cette scène, la vérifier – la vérifier de tout son être. C’est par son symptôme. Ce qui veut dire – car Freud ne doute pas de  la réalité de la scène originelle – ce qui veut dire : comment il a pu l’articuler en termes proprement de signifiant ? Vous n’avez à vous rappeler que la figure du cinq romain par exemple, en tant qu’elle y est en cause, et qu elle reparaît partout, dans les jambes écartées d’une femme, ou le battement d’ailes d’un papillon, pour savoir, pour comprendre que ce dont il s’agit c’est du maniement du signifiant.

Le rapport de la vérité au signifiant, le détour par où l’expérience analytique rejoint le procès le plus moderne de la logique, consiste justement en ceci : c’est que ce rapport du signifiant à la vérité peut court-circuiter toute pensée qui le supporte. Et de même qu’une sorte de visée se profile à l’horizon de la logique moderne -qui est celui qui réduit la logique à un maniement correct de ce qui est seulement écriture – de même pour nous, la question de la vérification, concernant ce à quoi nous avons affaire, passe par ce fil direct du jeu du signifiant, pour autant qu’à lui-seul reste suspendu à la question de la vérité.

Il n’est pas facile de mettre en avant un terme comme celui du vrai, sans faire résonner immédiatement tous les échos ou viennent se glisser les “intuitions” (entre guillemets) les plus suspectes et sans aussitôt produire les objections, fait de vieilles expériences, de ceux qui s’engagent dans ces terrains ne savent que trop, qu’ils peuvent, chats échaudés, craindre l’eau froide. Mais qui vous dit que parce que je vous fais dire : “Moi, la Vérité, je parle”, que par là j’ouvre sa rentrée au thème de l’Etre, par exemple ? Regardons-y au moins pour le savoir, à deux fois. Contentons-nous de ce nœud très exprès que je viens de faire entre la vérité – et je n’ai indiqué par-là nulle personne, sinon celle à qui j’ai fait dire ces mots “Moi, la Vérité, je parle” ; nulle personne, divine ou humaine, n’est intéressée en dehors de celle-là – à savoir LE POINT D’ORIGINE DES RAPPORTS ENTRE LE SIGNIFIANT ET LA VERITE. Quel rapport entre ceci et le point dont je suis parti tout à l’heure ? Est-ce à dire, qu’à vous porter sur ce champ de la logique la plus formelle, j’aie oublié celui où se joue, à mon dire de tout à l’heure, le sort de la logique?

Il est tout à fait clair que Monsieur Bertrand Russel s’intéresse plus que Monsieur Jacques Maritain à ce qui se passe au Vietnam. Ceci à soi tout seul, peut nous être une indication. Au reste, en évoquant ici “Le paysan de la Garonne” – c’est son dernier habillement – je ne prends pas pour cible… (Vous ne savez pas que c’est paru, “Le paysan de la Garonne” ? Eh bien, allez vous le procurer…) (rires). C’est le dernier livre de J. Maritain, auteur qui s’est beaucoup occupé des auteurs scolastiques pour autant que s’y développe l’influence de la philosophie*de Saint Thomas qui, après tout n’a pas de raisons de ne pas être évoquée ici, dans la mesure où une certaine façon de poser les principes de l’être n’est tout de même pas sans incidence sur ce qu’on fait de la logique. On ne peut pas dire que ça empêche le maniement de la logique, mais ça peut à certains moments y faire obstacle. En tout cas je tenais à préciser – je m’excuse de cette parenthèse – que si j’évoque ici Jacques Maritain et si donc par conséquent, implicitement, je vous incite à trouver, non pas que sa lecture est méprisable mais qu’elle est loin d’être sans intérêt, je vous prie tout de même de vous y reporter dans cet esprit, du paradoxe qui s’y démontre, du maintien chez cet auteur, parvenu à son grand âge (comme il le souligne lui-même), de cette sorte de rigueur qui permet d’y voir mousser vraiment jusqu’à une impasse caricaturale, dans un repère très exact de tout le relief du développement moderne de la pensée, le maintien des espoirs les plus impensables concernant ce qui devrait se développer soit à sa place, soit dans sa marge, et pour que pût se maintenir ce qui est son adhésion centrale, à savoir ce qu’il appelle “l’intuition de l’être”. Il parle à ce propos “d’Eros philosophique” et à la vérité, je n’ai pas à répudier – avec ce que j’avance devant vous du désir – l’usage d’un tel terme, mais son usage en cette occasion- à savoir : pour, au nom de la philosophie de l’être, espérer la renaissance, corrélativement au développement de la”‘science moderne, d’une philosophie de la nature -participe d’un “Eros”, me semble-t-il, qui ne peut se situer que dans le registre de la comédie italienne!.. (rires). Ceci n’empêche nullement, bien-sûr, qu’au passage, pour en prendre ses distances et pour les répudier, ne soient pointées quelques remarques, plus d’une, et à la vérité tout au long du livre – quelques remarques aiguës, et pertinentes, concernant ce qu’il en est, par exemple, de la structure de la science. Qu’effectivement notre science ne comporte rien de commun avec la dimension de la connaissance, voilà qui, en effet, est fort juste mais qui ne comporte pas en soi-même un espoir, une promesse de cette renaissance de la connaissance, au sens antique et rejeté qu’il comporte dans notre perspective.

Donc, je reprends donc, après cette parenthèse, ce qu’il s’agit pour nous d’interroger. Nulle nécessité pour nous à reculer devant l’usage de ces tableaux de vérité par où les logiciens introduisent, par exemple, un certain nombre de fonctions fondamentales de la logique des propositions.

Ecrire que la conjonction de deux propositions implique – un tableau, je vous le rappelle, je ne vais pas vous les faire tous, c’est à la portée de tout le monde de le voir – implique que si des deux propositions nous mettions ici les valeurs, à savoir de la proposition P , la valeur vraie et la valeur fausse (à savoir qu’elle peut être ou vraie, ou fausse) et de la proposition Q , la valeur vraie et la valeur fausse, et que dans ce cas, ce qu’on appelle conjonction, à savoir ce qu’elles sont, réunies ensemble , ne sera vraie que si les deux sont vraies. Dans tous les autres cas, leur conjonction donnera un résultat faux. Voilà le type de tableau dont il s’agit et que je n’ai pas à faire varier devant vous parce qu’il suffit que vous ouvriez le début de n’importe quel volume concernant la logique moderne, pour trouver comment se définira différemment, par exemple, la disjonction, ou encore l’implication, ou encore l’équivalence.

Et ceci peut être, pour nous, support, mais n’est que support et appui, à ce que nous avons à nous demander, à savoir : est-il licite – ce que nous manions, si je puis dire, par la parole, ce que nous disons à dire qu’il y a vérité – est-il licite d’écrire ce que nous disons, pour autant que de l’écrire va être pour nous le fondement de notre manipulation ?

En effet, la logique, la logique moderne (je viens de le dire et de le répéter),entend s’instituer- je n’ai pas dit d’une convention – mais d’une règle d’écriture laquelle règle d’écriture, bien sûr, se fonde sur quoi ? Sur ce fait qu’au moment d’en constituer l’alphabet, nous avons posé un certain nombre de règles, appelées axiomes, concernant leur manipulation correcte et que ceci est en quelque sorte une parole qu’à nous-mêmes nous nous sommes donnée.

Avons-nous le droit d’inscrire dans les signifiants le V et le F du vrai et du faux, comme quelque chose de maniable logiquement ? Il est sûr que quel que soit le caractère en quelque sorte introductif, prémissiel, de ces tableaux de vérité, dans les menus traités de logique qui peuvent vous tomber sous la main -il est sûr que tout l’effort du développement de cette logique, sera tel que de construire la logique propositionnelle sans partir de ces tableaux, dût-on d’ailleurs, après avoir construit autrement les règles de leur déductibilité, y revenir. Mais nous, ce qui nous intéresse, c’est aussi de savoir, disons :au moins ce que ça voulait dire qu’on s’en soit servi, je dis ici tout spécialement, dans la logique stoïcienne. Tout à l’heure, j’ai fait allusion à l’ Ex falso sequitur quod li Let …        C’est bien-sûr quelque chose qui a dû apparaître depuis fort longtemps, mais il est clair que ça n’a été articulé avec une telle force, nulle part mieux que chez les stoïciens.

Sur le vrai et le faux, les stoïciens se sont interrogés par cette voie logique, à savoir : qu’est-ce qu’il faut pour que le vrai et le faux aient un rapport avec la logique au sens propre où nous le plaçons ici, à savoir où le fondement de la logique n’est pas à prendre ailleurs que dans l’articulation du langage, dans la chaîne signifiante. C’est pourquoi leur logique était une logique de propositions et non pas de classes. Pour qu’il y ait une logique des propositions, pour que ça puisse même opérer, comment faut-il que les propositions s’enchaînent au regard du vrai et du faux ? Ou cette logique n’a rien à faire avec le vrai et le faux, ou si elle a à .faire, le vrai doit engendrer le vrai. C’est ce qu’on appelle la relation d’implication au sens où elle ne fait rien intervenir d’autre que deux temps propositionnels : la protase (je dis “protase” pour ne pas dire “hypothèse” qui va tout de suite éveiller chez vous l’idée qu’on se met à croire à quelque chose, il ne s’agit pas de croire, ni de croire que c’est vrai, il s’agit de poser : “protase”, c’est tout. C’est-à-dire que ce qui est affirmé est affirmé comme vrai). Et la seconde proposition “apodose”. Nous définissons l’implication comme quelque chose où il peut y avoir, rien de plus, une protase vraie et une apodose vraie : ceci ne peut donner que quelque chose que nous mettons entre parenthèses et qui constitue une liaison vraie.

Ca ne veut pas dire du tout qu’il ne puisse y avoir que ça ! Supposons la même protase fausse, et l’apodose vraie, eh bien les stoïciens vous diront que ceci est vrai, parce que très précisément ex falso sequitur quod Tibet : du faux peut être impliqué aussi bien le vrai que le faux et, par conséquent, si c’est le vrai, il n’y a pas là d’objection logique. L’implication ne veut pas dire la cause, l’implication veut dire cette liaison où s’unissent, d’une certaine façon concernant le tableau de la vérité, la protase et l’apodose. La seule chose qui ne peut pas aller, du moins est-ce la doctrine d’un nommé Philon qui jouait là un rôle éminent, c’est que la protase soit vraie et l’apodose fausse. Le vrai ne saurait impliquer le faux : c’est le fondement le plus radical de toute possibilité de manier, dans un certain rapport avec la vérité, la chaîne signifiante comme telle.

Nous avons donc ici la possibilité d’un tableau qui, je vous le répète, se construit de cette façon à savoir : quand la proposition p étant vraie, la proposition q est fausse, alors la liaison d’implication est connotée de fausseté.

Qu’est-ce que ça veut dire ? Bien-sûr: les conditions d’existence les plus radicales d’une logique, vous ai-je dit. Le problème est tout à fait évident, c’est ce que nous avons nous à faire, quand nous avons ensuite à parler de ce qui est là écrit. En d’autres termes : quand le sujet de l’énonciation entre en jeu. Pour le mettre en valeur, nous n’avons qu’à observer ce qui se passe quand nous disons, qu’..”il est vrai qu’il est faux”. Ca ne bouge pas, à savoir tout simplement le faux reprend peut-être je ne sais quoi de lustre, d’encadrement, qui le fait passer au faux rayonnant. Ca n’est pas rien, tout de même. Dire qu “il est faux qu’il est vrai”, a le même résultat, je veux dire que nous fondons le faux , mais, est-ce tout à fait la même chose ? Ne serait-ce pour n’indiquer que ceci que nous avons à marquer, que nous dirons plutôt : “il est faux qu’il soit vrai”. L’emploi du subjonctif nous indique là qu’il se passe quelque chose.

Dire qu “il est vrai qu’il est vrai”, va bien aussi et nous laisse une vérité assurée, encore que tautologique, mais dire qu “il est faux qu’il soit faux”, n’assure pas sans doute le même ordre de vérité.

Dire . “ce n’est pas faux”, ça n’est pas pour autant dire : “c’est vrai”.

Nous revoyons donc, avec la dimension de l’énonciation, remis en suspens quelque chose qui ne demandait qu’à fonctionner, d’une façon tout à fait automatique au niveau de l’écriture.

C’est pourquoi, il est tout à fait frappant de noter quel est le côté glissant de ce point où, le drame si je puis dire, surgit très exactement de cette duplicité du sujet, qui est celle que, je dois dire, je n’hésiterai pas à illustrer d’une petite histoire, à laquelle j’ai déjà plusieurs fois fait allusion parce qu’elle n’a pas été sans incidences (disons : la carrière de ma petite histoire) . cette espèce de réclamation, voire d’exigence qui un jour surgissait justement de la gorge de quelqu’un de très séduit par ce que j’apportais comme premières articulations de mon enseignement, touchante jaculation lancée vers le Ciel : “Pourquoi – disait ce personnage – pourquoi ne dit-il pas le vrai sur le vrai ?” Cette sorte d’urgence, voire d’inquiétude, trouverait déjà, je pense suffisamment sa réponse à cette seule condition, de repasser au signifiant écrit.

Le vrai sur le vrai ! le V sur le V, le signifiant ne saurait se signifier lui-même, sauf justement à ce que ça ne soit pas lui qu’il signifie, c’est-à-dire qu’il use de la métaphore. Et rien n’empêche la métaphore qui substitue un signifiant autre à ce V de la vérité, de faire à ce moment-là la vérité ressortir, avec l’effet ordinaire de la métaphore, à savoir : la création d’un signifié faux.

Ca se produit même tout le temps. Et à propos du discours, aussi rigoureux que je tente de le faire aujourd’hui, ça peut encore, dans beaucoup de coins de ce qu’on appelle plus ou moins proprement vos cervelles, engendrer ces sortes de confusions, liées justement à la production du signifié dans la métaphore. Certes, il n’est pas étonnant qu’il me revienne aux oreilles que de la même source donc d’où se produisait cette invocation nostalgique, un énoncé récent ait pris pour visée, concernant ce qu’enseigne Freud, ce que,*si élégamment, cette bouche a articulé comme “délayage conceptuel”. Il y a là, en effet, une certaine sorte d’aveu, où précisément se désigne ceci : le rapport étroit qu’a, avec la structure du sujet, l’objet partiel. L’idéal ou même simplement le fait d’admettre qu’il est possible en quoi que ce soit de commenter un texte de Freud en délayant ses concepts évoque invinciblement ce qui ne saurait d’aucune façon satisfaire à la fonction d’objet partiel; l’objet partiel doit pouvoir être tranché. D’aucune façon, le pot de moutarde, le pot de moutarde que j’ai défini en son temps comme étant nécessairement vide (vide de moutarde naturellement) ne saurait être rempli d’une façon satisfaisante avec ce que le délayage évoque suffisamment, à savoir : la merde molle.

Il est extrêmement essentiel de voir la cohérence, précisément, qu’ont ces objets primordiaux avec tout maniement correct d’une dialectique, comme on dit, subjective.

Pour reprendre, donc, ces premiers pas que nous venons de faire concernant l’implication, il est nécessaire de voir ici surgir – en ce joint entre la vérité et l’écrit, à savoir : ce qui peut être écrit et ce qui ne le peut pas. Que veut dire ce « ne peut pas » dont, à la limite,

la définition reste entièrement arbitraire. La seule limite posée dans la logique moderne au fonctionnement d’un alphabet,

dans un certain système, la seule limite étant celle de la parole donnée, axiomatique et initiale. Que veut dire le « ne peut pas » ?

 

Il a un sens dans la parole donnée, initiale, interdictive. Mais qu’est-ce qui peut s’en écrire ? Le problème de la négation est à poser au niveau de l’écriture en tant qu’elle la règle comme fonctionnement logique.

 

Ici tout de suite, bien sûr, nous apparaît-il la nécessité qui a fait surgir d’abord cet usage de la négation dans ces images intuitives, marquées par le premier dessin de ce qu’on ne savait point même encore être un bord : les images en quelque sorte d’une limite,

celle où la logique première, celle introduite par ARISTOTE : logique du « prédicat », qui marque « le champ » où une classe

se caractérise par un « prédicat donné » et « l’hors champ » comme désigné par « non joint au prédicat ».

 

Bien sûr il n’est pas aperçu, il n’est pas articulé au niveau d’ARISTOTE, que ceci comporte l’unité de l’univers du discours.

 

Que dire – comme je l’ai écrit quelque part à propos de l’inconscient, pour en faire sentir l’absurdité – « qu’il y a le noir et puis…

 tout ce qui ne l’est pas », que ceci a un sens, que c’est là le fondement de la logique des classes ou du prédicat.

C’est très précisément en raison de ce que ceci comporte déjà de suspect, sinon d’impasse, qu’on a tenté de fonder autre chose.

 

Ce n’est pas aujourd’hui, mais certainement dans les séances qui vont suivre, que je vais essayer pour vous de distinguer d’une façon complète, quels sont les niveaux logiques à proprement parler, ce qui s’impose, ce qui s’impose de l’écriture elle-même de distinguer concernant la négation.

 

C’est au moyen de petites lettres aussi claires, et aussi une fois fixées sur ce tableau noir, que je vous montrerai qu’il y a quatre échelles différentes de négation, dont la négation classique, celle qui invoque, et parait se fonder uniquement, sur le principe de non-contradiction,

dont la négation classique n’est qu’une d’entre elles.

 

Cette distinction technique, je veux dire, ce qui peut se formuler strictement en logique formelle, sera assurément tout à fait essentielle pour nous permettre de mettre en question ce que FREUD dit – et que bien entendu, depuis qu’il l’a dit on répète

sans qu’il y ait jamais eu le plus petit commencement d’examen !  – « que l’inconscient ne connaît pas la contradiction ».

 

Il est bien triste que certains propos soient lancés sous cette forme de flèche illuminante – car c’est vraiment nous mettre sur la piste des développements les plus radicaux – et  soient restés en cet état suspendu, à tel point que même une dame, qualifiée de ce titre qu’elle avait, en effet officiellement, de princesse, ait pu le répéter en croyant qu’elle disait quelque chose ! Ça, c’est le danger de la logique, précisément. Que la logique ne se supporte que là où on peut la manier dans l’usage de l’écriture, mais qu’à proprement parler, personne ne peut être assuré que quelqu’un qui en parle dise même quelque chose. C’est bien ça qui l’a fait prendre en suspicion ! C’est aussi pour ça qu’il nous est si nécessaire de recourir à l’appareil de l’écriture. Néanmoins, notre danger, notre risque à nous, c’est que nous devons nous apercevoir du mode sous lequel surgit, ailleurs que dans l’articulation écrite, cette négation. Où vient-elle, par exemple ? Où allons-nous pouvoir la saisir, où allons-nous devoir être forcés de l’écrire, avec les seuls appareils que j’ai déjà, ici, produits devant vous.

Prenons cette implication : la proposition P implique la proposition Q. Essayons; de voir ce qu’il en est en partant de Q, à savoir ce que nous pouvons articuler de la proposition P si nous la mettons après la proposition Q. Eh bien, nous devons écrire la négation avant, ou à côté, ou au-dessus, quelque part liée à Q.

P implique Q indique que si non Q, pas de P. Je répète : c’est un exemple, et l’un des plus sensibles, de la nécessité du surgissement dans l’écrit de quelque chose dont on aurait bien tort de croire que c’est le même qui fonction naît tout à l’heure, au titre du complémentaire, par exemple à savoir qui de lui-même posait l’Univers du discours comme Un. Les deux choses vont si peu ensemble qu’il suffit de le décréter pour les désarticuler l’un de l’autre, pour faire que l’un et l’autre fonctionnent distinctement.

Parmi les variétés donc de cette négation, qui pour nous se propose comme à interroger de l’avant, de ce qui peut être écrit, à savoir : du point où s’élimine la duplicité du sujet de l’énonciation au sujet de l’énoncé – si vous voulez, du point où cette duplicité se maintient. Nous aurons d’abord la fonction de la négation, pour autant qu’elle rejette de tout ordre du discours, en tant que le discours l’articule, ce dont elle parle. Soit, je vous le fera: remarquer très précisément, ce que Freud avance et ce qui est méconnu, quand il articule le premier pas de l’expérience, en tant qu’il est structuré par le principe du plaisir comme s’ordonnant, dit-il, d’un moi et d’un non-moi . On est si peu logicien qu’on ne s’aperçoit pas qu’à ce moment il ne saurait s’agir – ceci avec une façon d’autant plus fautive que dans le texte de Freud les deux étages sont distingués le moi et le non-moi en tant qu’ils se définissent dans l’oi position Lust-Unlust – et si peu à considérer comme de l’or-dre de cette complémentarité imposée par l’Univers du discours, que Freud l’a distinguée en mettant à la première ligne : Ichsaussenwelt, qui n’est point du même registre.

Si moi et non-moi voulaient dire, à ce moment : saisie du monde dans un Univers du discours – ce qui est à proprement parler ce qu’on évoque à considérer que le narcissisme primaire peut intervenir dans la séance analytique – ceci voudrait dire que le sujet infantile, au point où Freud le désigne, déjà, dans le premier fonctionnement du principe du plaisir, est capable de faire de la logique. Alors que ce dont il s’agit est proprement de l’identification du moi dans ce qui lui plait, dans le Lust. Ce qui veut dire que le moi du sujet ici s’aliène de façon imaginaire. Ce qui veut dire que c’est précisément dans le dehors que ce qui plait est isolé comme moi . Ce premier non qui est fondateur quant à la structure narcissique, pour autant que dans la suite de Freud elle ne se développera dans rien de moins que dans cette sorte de négation de l’amour, à propos de laquelle quand on la trouve comme il s’est fait dans mon discours — on ne dira pas que je dis le vrai sur le vrai, mais que je dis le vrai sur ce que dit Freud.

Que tout amour soit fondé dans ce narcissisme premier, voilà un des termes d’où Freud, partant, nous sollicite de savoir ce qu’il en est de cette fonction prétendue universelle, pour autant qu’elle vient donner la main à la fameuse “intuition” – tout à l’heure dénoncée – de l’Etre.

Voilà cette négation que nous appellerons le mé –  de méconnaissance, qui déjà nous pose sa question et qui se distingue du complément, en tant que dans l’Univers du discours il désigne – et peut-il désigner ? – la contrepartie, ce que nous appellerons si vous voulez, ici, le contre, pour ne pas dire plus et l’ai peler le contraire, qui en est parfaitement distinct, et dans Freud lui-même.

C’est ensuite ceci qui entrera plus loin et plus maniable que ça l’est dans l’écriture logique – ce à quoi j’ai fait allusion tout à l’heure dans l’implication – pour autant qu’à la régler dans l’apparition de ces négations tout à fait opaques dans leur retournement, on peut l’appeler dans l’implication elle-même : le PAS SANS – dans l’implication. telle qu’elle est définie par la tradition stoïcienne, telle qu’elle ne peut être évitée quels que soient ses paradoxes. Car, assurément, il y a quelque paradoxe à ce qu’elle soit constituée telle, que n’importe quelles propositions “p” et “q” constituent une implication si vous les conjoignez ensemble et qu’il est clair que de dire : “Si Madame Unetelle a les cheveux jaunes, alors les triangles équilatéraux (1) ont telle proportion pour leur hauteur”. Sans doute, il y a quelque

(1) Par souci d’exactitude, précisons qu’ici Jacques Lacan a commis un joli lapsus en prononçant « triangles          quadrilatères » et qu’il en a bien ri.

paradoxe à cet usage, mais ce qu’implique la position du retournement, à savoir que la condition devienne nécessaire de remonter de ce qui est la seconde proposition vers la première, c’est par ce côté de pas sans (ceci ne va pas sans). Madame Unetelle peut avoir les cheveux jaunes, ça n’a pas pour nous de liaison nécessaire avec ceci : que le triangle équilatéral doive avoir telle propriété. Néanmoins, il reste vrai que le fait qu’elle ait ou qu’elle n’ait pas les cheveux jaunes ne va pas sans la chose qui, de toute façon, est vraie.

Autour du suspens de ce pas saris se Profilent à la fois la place et le mode de surgissement de ce qu’on appelle : la cause. Si nous pouvons donner un sens, une substance, à cet être fantomatique qu’on n’a jamais réussi à exorciser de ce joint, malgré que manifestement tout ce que développe la science tende toujours à l’éliminer et ne s’achève en perfection qu’à ce qu’on n’ait même plus à en Parler, c’est la fonction de ce pas sans et la place qu’il occupe qui nous permettra de la débusquer.

Et pour terminer sur ce qui fera, en somme, tout l’objet et la question de notre prochaine rencontre, qu’est-ce que veut dire le terme non ? Pouvons-nous même le faire surgir en tant que forme du complémentaire, ni en tant que forme du mé – de la méconnaissance, ni en terme de ce pas sans, quand il viendra à s’appliquer aux termes les plus radicaux sur lesquels j’ai fait tourner pour vous la question du fait de l’inconscient. A savoir, peut-il même nous venir à l’idée que quand nous parlons du “non-être”, il s’agisse de ce quelque chose qui serait en quelque sorte au pourtour de la bulle de l’être ? Est-ce que le non-être c’est tout l’espace à l’extérieur ? Est-il même possible de suggérer que c’est ça ce que nous voulons dire quand nous parlons, à vrai dire fort confusément, de ce non-être que j’aimerais mieux, dans l’occasion, intituler de ce dont il s’agit et que l’inconscient met en question, à savoir : LE LIEU OU JE NE SUIS PAS.

Quant au ne pas penser, qui ira à dire que c’est là quelque chose qui puisse d’aucune façon se saisir dans ce autour de quoi tourne, de toute la logique du prédicat, à savoir cette fameuse distinction – qui n’en est pas une – de l’ extension et de la compréhension : Comme si la compréhension constituait la moindre antinomie au registre de l’extension, quand il est clair que tout ce qu’on a fait de pas dans la logique dans le sens de la compréhension, c’était toujours et uniquement quand on a pris les choses uniquement sous l’angle de d’extension.

Est-ce une raison pour que la négation, ici, puisse même continuer d’être sans un questionnement primordial, mis en usage, concernant ce dont il s’agit, si elle doit rester liée à l’extension ? Car il n’y a mas pour nous que ce ne pas être , puisque aussi bien la sorte d’ être qui nous importe concernant le sujet, est liée à la pensée. Alors, que veut dire ce ne pas penser ? J’entends : que veut-il dire au point que nous puissions l’écrire dans notre logique ?

C’est là la question autour de quoi, celle du je ne suis pas et du je ne pense pas , je ferai porter notre prochain entretien.

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